2.5.2. L'option touristique
Vers la fin du XXe siècle, l'activité touristique
et les services y associés (lieux d'accueil, guides touristiques,
promenades en milieu naturel, etc.) s'est développée de
façon constante.
Dans le plan de gestion municipale officiel, le 11e
objectif est la << gestion et le développement du parc et le
développement d'activités récréatives et
touristiques ». (PLADECO, 2005) Dans le même temps, ce document
considère la faible activité touristique comme un aspect positif
dans le cadre de la gestion du parc.
Actuellement, l'offre touristique se concentre exclusivement
dans le village de San Juan Bautista sur l'île Robinson Crusoe.
Cependant, les autorités considèrent l'île Santa Clara et
l'île Alejandro Selkirk comme des lieux potentiels d'accueil touristique
à développer, dont la difficulté d'accès est le
frein principal (PLADECO, 2005).
Figure 28 : Nombre de visiteurs du parc Juan
Fernández entre 1990 et 2002
Source : CONAF, 2004.
La municipalité a mis en évidence le potentiel
touristique de l'île dans son <<plan de développement
communal », identifiant différents <<foyers d'attractions
touristiques » dont environ 70 % correspondent à des lieux
naturels. Elle propose, d'autre part, certains types d'activités
(habilement désignés comme << écotouristiques
») qui pourraient se développer à l'intérieur du
parc, soit : du trekking, de la recherche scientifique, de l'observation
floristique et faunistique, des promenades (à pied, à vélo
ou à cheval), la chasse sportive, le camping est également
proposé dans des zones préétablies. D'autres
activités sont proposées dans le milieu aquatique, soit : la
plongée sous-marine, le snorkeling, la chasse sous-marine, la
pêche, des promenades en bateau, la baignade aux abords des plages,...
Actuellement, le village de San Juan Bautista compte 18
unités d'accueil touristique de tout type qui totalisent 127 lits,
correspondants à 168 places. Il y a deux hôtels importants (qui
comptent respectivement 17 et 13 chambres pour une capacité d'accueil de
33 et 26 places), 4 résidences plus modestes (entre 4 et 6 chambres pour
une capacité d'accueil de 10 à 12 places) et 12 unités
périphériques (soit des cabañas, soit chez
l'habitant).
Dans un contexte d'intérêt croissant de la
demande mondiale pour un tourisme « écologique », cette option
est perçue comme une opportunité à saisir dans le cadre du
développement de l'archipel Juan Fernández.
Curieusement cette alternative est développée
sans considération des impacts qu'elle peut avoir et principalement
avant d'avoir défini les limites de la capacité d'accueil
écologiquement soutenable dans le contexte actuel. Rappelons que
l'énergie est générée à partir d'un moteur
diesel très polluant, qu'il n'existe pas de contrôle sanitaire ni
de cadre légal à propos des entrées de personnes,
d'animaux et de produits sur le territoire de l'archipel, mentionnons qu'il
n'existe pas de système de traitement des eaux usées
adéquat, que le traitement des déchets est très
rudimentaire et que la décharge se situe en amont du village (qu'elle
affecte directement60) et enfin que le contrôle du respect des
limites et des règles du Parc est négligeable.
Le recours au tourisme en tant qu'option de
développement est légitime. Simplement, dans le contexte
particulier de l'archipel, il convient de bien penser son mode de
fonctionnement (pour qu'il représente un réel
bénéfice pour les populations locales) et de considérer
ses impacts environnementaux, sans quoi les objectifs de conservation ne
pourront pas être rencontrés et l'activité touristique
risque de scier la branche sur laquelle elle est assise (voir figure 29).
Il serait intéressant de partir de la
détermination de la capacité de charge en tant que notion
tridimensionnelle pour bien identifier les limites tolérables du
tourisme. Cette notion de "capacité de charge" considère la
dimension physique du lieu (biotope et biocénose), la dimension
socioculturelle de la population locale (taille, bien-être, culture) et
la dimension psychologique des visiteurs (limites de confort, de
l'agrément). La détermination de la capacité de charge
permettrait donc de considérer ces différentes dimensions et
d'équilibrer au mieux l'activité touristique, l'environnement et
les besoins de la population.
Le schéma ci-dessous permet de visualiser les risques du
tourisme (directs et à long terme) en rapport avec la
biodiversité :
Figure 29 : Les risques du tourisme
Source : Vanhulst et Kunsch, 2009.
60 Voir Partie 2 - Chapitre VI - point 4. Gestion des
déchets
«Menaces et perspectives pour la préservation
de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»
CHAPITRE V - PERSPECTIVE POLITICO-JURIDIQUE
L'analyse politico-juridique ne sera pas aussi
détaillée que les chapitres précédents mais son
évocation est importante dans la compréhension du problème
de perte de biodiversité sur l'archipel. Elle a pour objectif d'amener
des éléments de réflexions à approfondir
(idéalement sur place par une analyse sociologique) surtout basés
sur la législation, le rapport de l'OCDE sur les performances
environnementales du Chili (2005) et un document du programme MaB de l'UNESCO
pour la partie concernant les priorités.
D'abord propriété des Espagnols qui en firent
une position militaire dès 1749, l'archipel, au cours des temps, servit
de pénitencier et de point de chute pour les baleiniers et les
phoquiers. En 1810 ; l'archipel devient chilien avec l'indépendance du
pays et une population irrégulière s'installe sur l'île
Robinson Crusoe dans le village de San Juan Bautista. Dans un premier temps,
l'archipel sera soumis à un régime de concession dont le
locataire était le gouverneur sans réelle implication du
gouvernement national. Par la suite, l'archipel sera rattaché à
la Région de Valparaiso (Ve Région du Chili) et, peu à
peu, intégré aux politiques nationales.
Comme le précise la Constitution, le Chili est un Etat
unitaire dont le territoire est divisé en 15 régions. Le
système politique du Chili est la démocratie républicaine.
La nation possède la souveraineté du pouvoir
conféré au Président et un parlement bicaméral est
élu démocratiquement par suffrage universel.
Le territoire chilien est divisé en régions et
provinces elles-mêmes subdivisées en communes. Politiquement,
l'archipel Juan Fernández est une commune de la Région de
Valparaiso depuis 1979, et depuis 199061 les autorités sont
élues démocratiquement et non plus désignées.
L'administration de l'archipel est divisée en 3 entités : la
municipalité, la CONAF et la Capitanía de Puerto,
contrôlant chacune une partie du territoire divisé respectivement
comme suit: Commune, Parc National et Territoire maritime.
Une réforme constitutionnelle effectuée en 2007
institue l'archipel comme un « territoire spécial ». Son
gouvernement et son administration seront régis par un statut
spécial dicté dans une nouvelle loi organique constitutionnelle
qui est en cours de réalisation. Cette question du statut
décentralisé de l'archipel qui pourtant répond à
une législation nationale devrait être mieux creusée. Le
rôle du CIDEZE et les dernières dispositions en
négociations pour la création d'un territoire spécial
devraient être mieux étudiés dans le cadre d'une analyse
globale mais ne seront pas traités ici par manque de temps et parce que
ce sont des questions qui seraient mieux traitées sur place.
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