Section 1. L'harmonisation de la législation
nationale en matière de justice
§ 1. La Constitution de la
République
Selon l'article 205 de la Constitution du 18 mars 2005,
« la justice est rendue par les cours et les tribunaux sur tout le
territoire de la République au nom du peuple burundais »
Une stricte interprétation de cet article laisserait
supposer qu'il n'y aurait pas de jugement rendu en dehors des cours et
tribunaux. Mais nous avons déjà vu qu'un grand nombre d'autres
acteurs publics et privés interviennent dans l'administration de la
justice et le règlement des litiges : autorités administratives,
bashingantahe, membres de la société civile. En
réalité, ils rendent justice (gutunganiriza) mais on
doit reconnaître qu'ils ne jugent pas (guca urubanza).
Ainsi, nous pensons qu'une une place devait
être réservée, dans la Loi suprême, à cette
justice de paix qui reste informelle73 .
§ 2. Le Code d'organisation et de
compétences judiciaires
La loi no 1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation
et de la compétence judiciaires a modifié la loi n°1/004 du
14 janvier 1987 sur l'Organisation et la Compétence Judiciaires qui
prévoyait des dispositions importantes sur le conseil des notables.
73 Ailleurs, par exemple en Belgique, en France et en Suisse,la
justice de paix est bien réglementée et constitue un
véritable instrument de paix sociale.
En vertu de ces dispositions, toutes les affaires civiles de
la compétence des Tribunaux de Résidence commencent sur la
colline avant d'être déférées devant les
juridictions.
Dans l'optique de formaliser la justice de
proximité sur la coiine, le Code d'organisation et de compétences
judiciaires devait être revu dans le sens de reconnaître et de
délimiter les compétences de la justice coiinaire qui serait
désormais rendue conjointement par les bashingantahe et les élus
coiinaires.
§ 3. La Loi communale
L'article 37 de la loi no 1/16 du 20 avril 2005 portant
réglementation de l'administration communale dispose que
« Sous la supervision du chef de colline ou de quartier,
le conseil de colline ou de quartier a pour mission : ...
2° D'assurer, sur la colline ou au sein du quartier,
avec les Bashingantahe de l'entité, l'arbitrage, la médiation, la
conciliation ainsi que le règlement des conflits de voisinage
».
Cette disposition prête à
confusion.74 Ains , une loi interprétative ou
mesure d'application est plus que nécessaire pour clarifier la limite de
compétence des uns et des autres.
§ 4 La loi portant transfert des ressources des T.R.
aux commun es
Cette loi consacre la dépendance financière des
juridictions de base aux communes.
Cette dépendance a été consacrée
pour la première fois par le décret-loi n°1/17 du 17 juin
1988 composé seulement de quatre articles dont le premier était
libellé comme suit : « Les recettes perçues par les
dispensaires et centres de santé publics ainsi que les recettes
perçues par les tribunaux inférieurs sont
transférés en totalité au profit des communes.
»
Cette disposition a été reprise par la loi no 1/009
du 4 juillet 2003 qui a abrogé cette première.
Cette disposition consacre une dépendance
financière du Tribunal de résidence à l'administration
communale. Il s'ensuit une ingérence des autorités communales
dans le fonctionnement de la justice.
Ainsi, il faudrait réviser la loi
n°1/009 du 4 juillet 2003 consacrant le transfert des recettes des
Tribunaux de résidence à la commune, pour prévoir une
certaine marge d'autonomie financière et renforcer leur
indépendance vis-à-vis des autorités
communales.
Section 2. Le respect de la délimitation
légale des compétences des différents acteurs
Les acteurs intervenant dans la justice de proximité ne
respectent pas, pour une raison ou pour une autre75, leurs
compétences légales, réglementaires ou statutaires.
A cet égard il ne serait inutile de rappeler quelques
dispositions constitutionnelles ou légales qui délimitent les
compétences des différents acteurs de la justice de
proximité.
L'article 205 de la Constitution de la République du
Burundi dispose que « La justice est rendue par les cours et tribunaux
sur tout le territoire de la République au nom du peuple burundais
». Cette disposition constitutionnelle réserve le pouvoir de
juger exclusivement à la justice formelle c'est-à-dire les
tribunaux de résidence aux niveaux des communes.
Cependant, elle n'exclut pas de facto les autres acteurs qui
interviennent dans le règlement des litiges de proximité, mais
qui ne doivent prétendre rendre des jugements à l'instar des
tribunaux de résidence.
Ainsi, en marge des Tribunaux de résidence,
l'administrateur communal a un rôle à jouer dans la protection de
l'ordre et de la sécurité publics. Dans ce cadre précis,
il a un pouvoir général de police et exerce un pouvoir
hiérarchique direct sur le détachement de la police
affectéedans sa commune.
A l'échelon de la colline et du quartier, ce sont les
membres du conseil de colline ou de quartier qui ont pour mission, en
collaboration avec les Bashingantahe de l'entité, d'assurer l'arbitrage,
la médiation, la conciliation ainsi que le règlement des conflits
de voisinage. Cependant, ces autorités ne sont pas habilitées
à statuer sur les infractions commises dans leur localité. Outre
qu'elles sont dépourvues d'une quelconque compétence
légale en la matière, elles ne disposent pas d'une force de
coercition pour appliquer des sanctions pénales comme l'amende,
l'emprisonnement,etc.
75 Voir supra les causes de conflits de
compétence, p.30.
En matière pénale, c'est la police qui joue un
grand rôle. La Police de Sécurité Intérieure est
mieux indiquée pour la prévention de la criminalité. Elle
agit aussi sur demande de l'autorité judiciaire pour prêter main
forte à l'exécution des jugements civils et pénaux. En
revanche, la Police Judiciaire intervient en matière de
répression des infractions pour faire des constats, des enquêtes,
la garde à vue. L'OPJ est autorisé dans certaines conditions
à représenter le Ministère public devant le Tribunal de
résidence.
Quant aux associations de la société civile,
elles tirent leurs compétences de leurs propres statuts qui
définissent l'objet social et la capacité juridique de chacune en
particulier. Si une association peut se proposer d'éclairer les
justiciables sur les règles de compétences et de
procédure, aucune association ne peut se fixer comme objectif de se
substituer aux juridictions.
Cependant, rien n'interdit aux associations de se constituer
statutairement arbitres et d'agir comme tels, dans le respect des dispositions
pertinentes du Code de procédure civile.
|