Section 1ère. Les acteurs étatiques
La catégorie des acteurs étatiques comprend les
juges des tribunaux de résidence, les autorités administratives
à la base et les officiers de la police judicaire.
§1. Les juges des tribunaux de
résidence
D'après la loi n°1/08 du 17 mars 2005 portant Code
de l'organisation et de la compétence judiciaires, les tribunaux de
résidence sont les institutions judiciaires les plus proches de la
population. A ce titre, ils figurent parmi les acteurs de la justice de
proximité les plus importants.
Les tribunaux de résidence possèdent une
compétence en matière civile et en matière pénale.
Toutefois, le Code d'organisation et de la compétence judiciaires du 17
mars 2005 a apporté une innovation. Il s'agit de la distinction entre
l'institution d'un juge unique et les juges siégeant en formation
collégiale. Cela étant, le siège en collège demeure
la règle et le siège à juge unique l'exception. Les cas
où un juge unique assisté d'un greffier peut siéger sont
limitativement énumérés par la loi.
32 Dans certaines provinces comme Cibitoke, Bubanza
et Bujumbura rural, les membres du mouvement FNL Palipehutu s'improvisent
parfois dans le règlement des différends. Nous n'allons pas
retenir cette catégorie d'acteurs qui travaillent dans
l'illégalité et la clandestinité. De même, les cas
des positons militaires et des chefs de poste qui interviennent dans le
règlement des différends ne seront pas retenus.
En matière civile, il s'agit des contestations ou
demandes dont le montant ne dépasse pas 300.000 francs burundais, des
matières gracieuses et des litiges découlant de
l'exécution des jugements qu'ils ont rendus.33 En
matière pénale, il s'agit des contraventions ou des infractions
au code de la route sauf si, compte tenu de la complexité des faits, le
président du tribunal, d'office ou à la demande de l'une des
parties au procès, décide de renvoyer l'affaire devant une
formation collégiale. Le président statue par ordonnance non
susceptible de recours.34
L'institution du juge unique n'est pas bien reçue par
le justiciable. L'on craint, en effet, qu'un jugement soit mal rendu par un
juge unique selon l'adage « un juge unique est un juge inique ». Il
pourrait avoir un parti pris et n'avoir personne pour le contredire.
A côté des innovations du Code de mars 2005, les
tribunaux de résidence sont compétents en matière civile
pour connaître :
a. des contestations entre personnes privées dont la
valeur du litige n'excède pas 1.000.000 de francs burundais ;
b. des actions relatives aux propriétés
foncières non enregistrées ;
c. des actions relatives à la liquidation des successions
sous réserve des dispositions du litera a ;
d. des questions relatives au droit des personnes et de la
famille dont la connaissance n'est pas attribuée à une autre
juridiction ;
e. des actions relatives à l'expulsion du locataire
défaillant et de tous ceux qui occupent les lieux sans titre ni
droit.
Toutefois, le tribunal n'est pas compétent si l'action en
déguerpissement est relative à un bail
commercial35.
En matière pénale, les tribunaux de
résidence connaissent des infractions punissables au maximum de 2 ans de
servitude pénale indépendamment du montant de l'amende. Ils
statuent par un seul et même jugement sur les intérêts
civils quel que soit le montant des dommages et intérêts à
allouer d'office ou après constitution de la partie
civile.36
33 Article 13 du Code de l'organisation et de la
compétence judiciaires in BOB no 3 quater/2005, p.21.
34 Article 9 du COCJ, précité, p.20.
35 Article 12 du COCJ, précité, p.20.
36 Article 4 du COCJ, précité, p.19.
§ 2. Les autorités administratives à
la base
1. Qui sont les autorités administratives à
la base?
Le terme d'autorité administrative peut prêter
à confusion et une autorité administrative doit être
différenciée d'une autorité politique. Dans la conduite
des affaires de l'Etat, il est très difficile d'établir les
frontières nettes entre la sphère politique et la sphère
administrative. Certains auteurs37 essayent de se
référer à la fonction de « gouverner » qui
serait dévolue aux autorités politiques par opposition à
celle d' « administrer » qui serait la tâche des
autorités administratives.
Ainsi, la fonction de gouverner consisterait à prendre
des décisions de principe et à orienter la politique
générale de l'Etat. Elle est exercée par les organes
supérieurs de l'Etat tel que le Président de la
République, les vice-présidents, le gouvernement, le parlement,
etc. La fonction d'administrer quant à elle, consisterait dans la mise
en oeuvre, dans l'exécution quotidienne des décisions de principe
prises par les autorités politiques et leur adaptation aux cas
particuliers.
Cela étant, nous allons parler des autorités
administratives au niveau communal comme acteurs de justice de
proximité. La loi n°1/010 du 18 mars portant promulgation de la
Constitution du Burundi nous définit la commune comme une entité
administrative décentralisée38. Elle est
administrée par le conseil communal et l'administrateur communal. La
commune est subdivisée en zones et en collines de recensement ou en
zones et en quartiers selon qu'elle est urbaine ou rurale. La zone est une
circonscription administrative déconcentrée de la commune,
intermédiaire entre celle-ci et la colline de recensement ou le
quartier39. Elle est administrée par un chef de zone. Quant
à la colline ou quartier, ils constituent les cellules de base de
l'administration territoriale. Ils sont administrés par un conseil de
colline et un chef de colline ou de quartier selon les cas.
A l'exception du chef de zone qui figure parmi le personnel de
la commune et qui est nommé par le conseil communal40, le
chef de colline ou de quartier et l'administrateur communal sont élus au
suffrage universel.
37 Z. NTAMBWIRIZA, Cours de Droit administratif, U.B.,
Fac. de Droit, 1ère licence, 1997- 1998, p.86.
38 Article 263 de la Constitution de la République du
Burundi, précité.
39 Article 4 de la Loi n° 1/016 du 20 avril 2005 portant
organisation de l'administration communale in BOB n°4 bis/2005,
pp.1-13.
40 Article 46 de la Loi communale, précitée.
2. Les compétences des autorités
administratives à la base
Nous allons passer en revue les compétences juridiques,
successivement de l'administrateur communal, du chef de zone et du chef de
colline.
A. L'administrateur communal
La commune est administrée par un conseil communal.
Celui-ci, au cours de sa première réunion, élit en son
sein le président du conseil communal et l'administrateur
communal41.
Représentant de l'Etat dans sa commune,
l'administrateur communal est chargé de l'application des lois et
règlements. Il exerce, dans les limites territoriales de son ressort, un
pouvoir général de police. A ce titre et en vue du maintien de
l'ordre et de la sécurité publics, il peut prendre toute mesure
de police qu'il juge nécessaire. C'est ainsi qu'il peut instaurer un
couvre-feu dans sa commune, contrôler l'exactitude des prix
institué par l'Etat et prendre des mesures de lutte contre la
délinquance42.
Toutefois, la loi n°1/06 du 20 avril 2005 portant
organisation de l'administration communale se démarque nettement du
décret-loi n°1/011 du 8 avril 1989 portant réorganisation de
l'administration communale quant au pouvoir de police de l'administrateur
communal. En effet, ce dernier en son article 20 stipulait que l'administrateur
communal pouvait emprisonner une personne pendant une période maximale
de 7 jours. Actuellement, la loi portant organisation de la loi communale
n'accorde pas de tels pouvoirs à l'administrateur communal. Il doit
dès lors se comporter en bon citoyen. Il pourra remettre les auteurs des
infractions dont il prend connaissance, de quelque manière que se soit
à un officier de police judiciaire ou à un officier du
ministère public chargé de l'enquête et de l'instruction
des dossiers pénaux.
Par contre, le Code de procédure civile semble
attribuer à l'administrateur communal un rôle d'huissier de
justice. En effet, l'article 40 de ce Code stipule que la notification des
actes judiciaires aux intéressés peut se faire par
l'administrateur ou le chef de zone. Par ailleurs, l'article 43 du même
Code enjoint l'administrateur à faire une notification à domicile
d'un exploit de justice au destinataire qui refuse de recevoir la copie.
L'administrateur est tenu de le faire le plus tôt. Sa négligence
lui vaudrait des dommages et intérêts au destinataire qui serait
lésé suite à sa négligence.
41 Article 11 de la Loi communale. L'article 28 de la même
loi prévoit que pour les prochaines élections, l'administrateur
sera élu au suffrage universel direct.
42 RCN-Justice &Démocratie, Guteza imbere
ubutungane ku nzego zegereye abanyagihugu, Bujumbura, p.4.
En définitive, l'administrateur communal n'a aucune
compétence judiciaire, ni sur le plan pénal ni sur le plan civil.
Il ne peut donc s'établir en juge mais doit plutôt orienter les
justiciables vers les tribunaux et les officiers de police judiciaire. Par
ailleurs, comme tout bon citoyen, il peut aider des personnes en conflits
à régler leurs différends par la conciliation.
B. Le chef de zone
Parmi les autorités administratives de base, les chefs
de zones ont cette particularité qu'ils sont nommés et non
élus. Le chef de zone figure parmi le personnel communal et il est le
représentant de l'administrateur communal dans sa circonscription. Ce
dernier lui délègue une partie de ses compétences dans
l'intérêt d'une bonne administration. C'est une autorité
administrative déconcentrée.
Comme l'administrateur communal ou le chef de colline ou de
quartier, le chef de zone ne dispose d'aucune compétence pour
connaître des dossiers pénaux ou civils. Il a la latitude de jouer
la médiation, l'arbitrage ou la médiation lorsqu'il est
sollicité par les parties au conflit. En outre, le code de
procédure civil lui confie, au même titre que l'administrateur
communal, le rôle de faire parvenir à certains justiciables de sa
circonscription, les citations judiciaires.
C. Le chef de colline ou de quartier
Selon l'article 35 de la Loi communale, la colline ou le
quartier sont administrés par un conseil de colline ou de quartier
composé de 5 membres élus au suffrage universel direct pour un
mandat de 5 ans. Le conseiller qui a obtenu le plus grand nombre de voix
devient chef de colline ou de quartier.
En tant qu'animateur de la paix sociale dans sa
circonscription, le chef de colline supervise la médiation, la
conciliation et l'arbitrage des personnes en litiges qui recourent librement
aux Bashingantahe ou à lui. Il ne peut ni instruire une affaire
pénale ou la juger, ni juger des litiges civils. Il n'a aucune
compétence judiciaire. Toutefois, comme tout autre citoyen
honnête, le chef de colline ou de quartier peut arrêter tout
délinquant attrapé en flagrant délit et le conduire
à l'O.P.J. ou à l'officier du ministère public le plus
proche.
§3. Les officiers de la police
judiciaire
ministère public43. Les officiers de police
judiciaire constatent les infractions qu'ils ont mission de rechercher. Ils
reçoivent les dénonciations, les plaintes et les rapports
relatifs à ces infractions et dressent un procès-verbal y
relatif.
Les officiers de police judiciaire peuvent procéder
à des saisies des objets sur lesquels pourrait porter la confiscation
prévue par la loi et de tous autres objets qui pourraient servir
à conviction ou à décharge44. Ils peuvent
également, lorsque l'infraction est punissable d'un an de servitude
pénale au moins au moins ou lorsqu'il existe des raisons
sérieuses de craindre la fuite de l'auteur présumé de
l'infraction, se saisir de sa personne après avoir interpellé
l'intéressé et de le conduire immédiatement devant
l'autorité judiciaire compétente.
Globalement, les officiers de police judiciaire ont une
compétence générale pour toutes les infractions
pénales. Leur compétence territoriale se confond avec celle de
parquet du même ressort. Ils peuvent accomplir tous les actes de la
police judiciaire tel que la convocation, la rétention, la saisie, la
conservation des preuves, la perquisition, la garde à vue, la
transaction des amendes, etc. Par ailleurs, ils peuvent, sur
délégation du ministère public, effectuer des
enquêtes ou représenter le ministère public devant les
tribunaux de résidence45.
Malgré cette nette distinction des compétences
de la police de sécurité intérieure d'une part et de la
police judiciaire d'autre part, le citoyen ne sait pas toujours exactement
à quel corps s'adresser lorsqu'il est victime d'une infraction. Par
ailleurs, il se remarque des conflits de compétence entre ces deux corps
de police. Il n'est pas rare d'entendre que la police de sécurité
intérieure, après avoir procédé à une
arrestation, déclare être entrain de mener une enquête,
tâche qui est dévolue normalement à la police
judiciaire.
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