5.2. Diversité intraspécifique et Taxonomie
locale
5.2.1. Diversité intraspécifique
Les résultats de l'enquête ont montré
qu'il n'existe pas une grande diversité intraspécifique chez les
espèces de légumes-feuilles traditionnels concernés par
cette étude. Dans toutes les zones où Acmella Uliginosa
a été retrouvé il n'existe qu'une seule
variété de l'espèce. Par contre, chez les trois autres
espèces (Ceratotheca sesamoides, Sesamum radiatum et
Justicia tenella) on a noté dans certaines zones l'existence de
deux variétés. Le tableau 4 présente par
47
espèce de LFT, les localités où existe une
diversité intraspécifique, le nombre de variétés,
les noms locaux et les traits distinctifs des variétés.
D'après les résultats consignés dans le
tableau n°4, il ressort qu'il existe deux variétés de
Justicia tenella. Les échantillons récoltés et
installés sur le site de l'IITA1 ont permis de distinguer
morphologiquement deux variétés:
- Une variété ayant des feuilles plus petites et
lancéolées (voir photo 5)
- Une deuxième variété ayant des feuilles
plus grandes et un peu plus arrondies (voir photo 6).
Photo 5: Un pied de Justicia tenella : Photo 6: Un pied
de Justicia tenella:
Variété à feuilles lancéolées
Variété à feuilles plus arrondies
Il nous a été confirmé à
Korontière dans la commune de Boukoumbé, l'existence d'une
variété à tige rouge de Ceratotheca sesamoides.
Cette variété n'est pas consommée par les populations car
disent-elles, cette variété est une variété
??malade». Les photos 7 et 8 montrent bien la différence de couleur
des tiges entre la variété dite ??malade» et la
seconde variété.
1 IITA : International Institute of Tropical
Agriculture
48
Photo 7: Un pied de Ceratotheca sesamoides
: Photo 8: Un pied de Ceratotheca
Variété à tige rouge sesamoides :
Variété tige blanche
Une caractérisation moléculaire des
différentes accessions des espèces est donc nécessaire
pour confirmer ou infirmer les propos des paysans et la différence
morphologique constatée après culture des échantillons
ramenés du terrain.
5.2.2. La taxonomie locale
La taxonomie locale s'occupe de la nomenclature
intraspécifique. Elle est donc pratiquée quand on note une
diversité intraspécifique.
Dans le cas de cette étude une taxonomie locale est
observée au niveau des espèces Justicia tenella,
Sesamum radiatum et Ceratotheca sesamoides. Les paysans pour
les différentes variétés, ajoutent au nom local de
l'espèce un adjectif qui indique la différence entre les
variétés. Cette différence peut être du point de vue
morphologique, forme, épaisseur ou couleur des feuilles, statut ou tout
autre mot pouvant différencier les variétés. Dans la
région de Galata où nous avons rencontré deux
variétés de Justicia tenella, les paysans distinguent
les deux variétés en ajoutant au nom de l'espèce
«Djagou-djagou« l'adjectif «Akô« qui veut dire
mâle. Le mâle ici est le sauvage et a les feuilles plus
épaisses et plus foncées que la variété
cultivée. Il en n'est de même chez les Bariba de N'Dali qui
distinguent kourôkountonnou et kourôkountonnou gbéga et
gbéga qui veut dire sauvage.
Les variétés de Ceratotheca sesamoides
sont différenciées notamment par un adjectif qui indique la
différence de forme ou de couleur. Ainsi chez les Foodo de
Sèmèrè nous avons
49
kassankpokpo et kassankpokpo onlè (onlè veut dire
érigé), donc ici il y a la variété rampante et la
variété en érigée.
Tableau 4 : Diversité
intraspécifique des espèces et les noms locaux des
variétés.
Localités (Ethnie)
|
Nombre de
variétés
|
Noms locaux
|
Traits distinctifs
|
Justicia tenella
|
Galata (Ifê)
|
2
|
- Djagou-djagou
- Djagou-djagou Akô
|
Le mâle (Akô= mâle) a les feuilles plus petites
et plus foncées
|
Badékparou (Bariba) Kassakpéré
(Bariba)
|
2
|
-kourôkountonnou -
kourôkountonnou Douabou
|
Le mâle (Douabou= mâle) est poilu et les tiges sont
plus fines
|
Toumè (Bariba) Sonoumon
(Bariba)
|
2
|
kourôkountonnou et
kourôkountonnou gbéga=
sauvage
|
Le sauvage (Gbéga=sauvage) a les
feuilles plus foncées et plus petites
|
Péporiyakou (Wama)
|
2
|
-Mountoun Coumborisari -
Mountoun
|
Le mâle (Coumborisari= mâle) a les feuilles plus
foncées, lancéolées
|
Pam-pam (Ditamari)
|
2
|
-Tikounsôôti -
Dikpasôôti=sauce de la brousse
|
Les feuilles de Dikpasôôti sont plus
foncées
|
Ceratotheca sesamoides
|
Korontière (Lamba)
|
2
|
Même nom pour les deux : Asso wourou
|
Une variété a un port rempant et l'autre un port
érigé
|
Sèmèrè (Foodo)
|
2
|
-kassankpokpo -
kassankpokpo onlè:
|
Une variété érigée (onlè=
touffe) et
l'autre rempant
|
Wassa (Yaum)
|
2
|
Même nom pour les deux : Nôgô
|
Une variété a un port rempant et l'autre un port
érigé
|
Sonoumon (Bariba)
|
2
|
Même nom pour les deux :
Warigué ou Gnankassoun'wari
|
Une variété a un port rempant et l'autre un port
érigé
|
Bodi (Ani)
|
2
|
Même nom pour les deux :
Goufounin
|
Une variété a un port rempant et l'autre un port
érigé
|
Koutakourkou (Mokolé)
|
2
|
Même nom pour les deux : Issé
|
Une variété a un port rempant et l'autre un port
érigé
|
Monkassa (Dendi)
|
2
|
Même nom pour les deux :
Yoodo ou Féiyoutô
|
Une variété a un port rempant et l'autre un port
érigé
|
Nouagou (Gam-
gam)
|
2
|
-Kouhampiégou -
Hakoulahoungou
|
Kouhampiégou : érigé
Hakoulahoungou : rempant
|
50
Souomou (Berba)
|
2
|
-Toopouôguè -
Toossibouhoun
|
Toopouôguè : érigé Toossibouhoun :
rempant
|
Péporiyakou (Wama)
|
2
|
-Nonpodé -Taanonman
|
Taanonman : tige blanche et feuilles plus larges
Nonpodé : tige foncée et feuille plus petites
|
Sesamum radiatum
|
Sèmèrè (Foodo)
|
2
|
-Koumalo éguélissè -
Djidja-koumolo
|
Koumalo éguélissè : érigé
Djidja-
koumolo : rempant:
|
Akaradé (Kotokoli)
|
2
|
Les deux ont même nom : Djom- djom ou
N'zoticoudouté
|
Une variété érigée et l'autre
rempant
|
Gouroubéri (Dendi)
|
2
|
Les deux ont même nom :
Anansara-foïto
|
Une variété érigée et l'autre
rempant
|
Djagbahoué (Adja)
|
2
|
-Agbon assitô (femelle) -Agbon assoutô
(mâle)
|
La femelle a les feuilles plus larges
|
Djougou barrage
(Dendi)
|
2
|
Les deux ont même nom :
Féiyôtô
|
Une à les feuilles plus large et plus foncées
|
Source : Données de l'enquête
Août à Septembre 2008
5.3. Origine des espèces
Toutes les espèces sont d'origine africaine sauf
Acmella uliginosa qui est originaire du Brésil et du
Pérou (Bedigan et Adetula 2004). L'espèce a été
probablement introduite dans les îles de l'océan Indien par les
Portugais, elle aurait été ensuite diffusée en Afrique par
des ouvriers indiens, lorsque ceux-ci sont venus participer à la
construction des chemins de fer vers 1900 (Bosch, 2004). Au Bénin, elle
aurait été introduite à partir du Nord-Togo et du
Nord-Nigeria. L'ethnie Ditamari est l'une des ethnies ayant contribué
à son introduction, d'après le dit des paysans. Certains noms
locaux de l'espèce indiquent sa provenance : les Bariba l'appellent :
Yowaboum'kpé qui veut dire le piment des Ditamari et les Wama,
Yoritampoobou ce qui signifie Fagara zanthoxyloides des Yoruba,
etc.
Sesamum radiatum est d'origine africaine. L'origine
de l'espèce est inconnue dans les groupes ethniques
enquêtés. Il en est de même pour Ceratotheca
sesamoides qui est d'ailleurs à l'état sauvage dans tous les
endroits où il est retrouvé. Justicia tenella est
originaire de l'Afrique. On le retrouve à l'état sauvage et aussi
cultivé en Afrique de l'Ouest (Denton, 2004). Elle aurait
été introduite au Bénin à partir du Togo
précisément dans la partie nord de ce pays. L'ethnie Ahoussa est
l'une des premières ethnies ayant pris connaissance de la plante. C'est
à partir du nord que l'espèce a commencé par se
répandre dans le pays ; certains
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noms locaux de l'espèce confirment cela. Il s'agit par
exemple du nom sahouè «Saligaman« qui signifie : le
légume des Ahoussa.
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