Chapitre 5 : Résultats et discussions
5.1. Nomenclature locale des espèces
Les paysans classent traditionnellement, nomment et groupent
les espèces des plantes qu'ils utilisent par rapport à
l'introduction, l'écologie, la morphologie, et les traits technologiques
(Dansi et al., 2008b). Les noms vernaculaires des quatre LFT varient
d'une ethnie à une autre. Chaque ethnie dispose d'une série de
noms qui permet de désigner les quatre espèces de
légumes-feuilles traditionnels qui ont fait l'objet de notre
étude.
Pour les quatre LFT, un nombre total de cent cinq (105) noms
locaux a été recensé chez trente un (31) groupes ethniques
enquêtés. Sesamum radiatum vient en tête comme
espèce ayant une grande diversité de noms locaux avec trente sept
(37) noms locaux, suivi de Ceratotheca sesamoides avec trente cinq
noms (35) et Justicia tenella dix huit (18). Acmella
uliginosa est en dernière position avec quinze (15) noms
vernaculaires (voir Annexes 2, 3, 4 et 5).
5.1.1. Eléments de nomenclature
La nomenclature locale quelle que soit l'ethnie se base sur
des éléments. Parfois, des noms sont donnés à la
plante sans rapport avec les éléments usuels. Les
éléments de nomenclature sont pour la plupart : le goût, la
morphologie, la provenance, l`aspect de la sauce, l'habitat naturel, le statut
de l'espèce, la couleur des feuilles et autres.
5.1.1.1. Acmella uliginosa
Pour cette espèce, on note seulement deux
éléments de nomenclature qui sont : le goût et l'origine de
l'espèce. Le goût est l'élément le plus
utilisé, en l'occurrence le goût piquant de la feuille comme les
racines de l'espèce Fagara zanthoxyloides. Environ 73,33 % des
noms locaux de Acmella uliginosa recensés sont en rapport avec
l'élément goût (figure 1). Dans certaines ethnies, le nom
local de Fagara zanthoxyloides lui est attribué tout
simplement. C'est l'exemple de l'ethnie Foodo où le nom Kouloumawou
désigne les deux espèces. Chez d'autres, le nom de
l'espèce Fagara zanthoxyloides est accompagné d'un
qualificatif pour designer la ressemblance du goût, c'est l'exemple de
l'ethnie Berba où on a le nom Bourdiérikè. La
décomposition de ce nom local donne Bourbou qui est le nom local de
Fagara zanthoxyloides ; Diérikè qui veut dire piquant.
Le nom local complet signifie alors ??piquant comme Fagara
zanthoxyloides».
41
adjectif pour désigner le caractère «
piquant ou la
l'ethnie Wama ou
donne ?? Yori» qui
Environ 26,67 % des noms locaux
sont en rapport avec le second
caractère qui est la
provenance (figure 1). Cet él
ément est utilisé pour
désigner la provenance de la plante.
La provenance est souvent
accompagnée d'un
ressemblance à l'espèce
Fagara zanthoxyloides. C'est
l'exemple de Acmella uliginosa est appelé
Yoritampoobou. La
décomposition de ce nom
veut dire Yoruba et
??Tampoobou» qui est le nom
local de Fagara zanthoxyloides. Donc
le nom local veut dire Fagara zanthoxyloides des
Yaruba. C'est aussi
l'exemple de l'ethnie Bariba où il est
appelé Yowaboum'kpé. La
décomposition donne
Youwabou qui est l'ethnie Ditamari et
kpé qui veut dire «sauce».
Yowaboum'kpé signifie
donc la sauce des Ditamari. Voir
annexe 2 pour les noms
locaux d'Acmella uligin
osa
%
0
00
0
26,67
73,33
Goût
Proven ance Habitat Aspect Couleu r
Morphologie Statut
Autres
Noms- inexpliqués
Figure 1: Proportion liginosa
u
|
des éléments utilisés
|
dans la nomenclature
|
locale de
|
Acmella
|
5.1.1.2. Ceratotheca sesamoides
Une gamme variée
d'élément est utilisée dans la
nomenclature locale de cette
espèce (Figure 2). L'aspect de la
sauce aux feuilles de
Ceratotheca sesamoides est
l'élément le plus
utilisé en l'occurrence le
caractère gluant.
Cinquante et un virgule
quarante deux pour cent
(51,42 %) des noms sont en
rapport avec cet
élément. Chez certaines
ethnies, elle est
accompagnée d'un adjectif
décrivant la morphologie ou
l'habitat de la plante. C'est deux
éléments viennent en
troisième position avec un pourcentage
de 5,71 % chacun. L'élément
« morphologie » est en
relation avec le
caractère rempant de la
plante. Le nom donné à la
plante en kotokoli illustre
42
Thèse p our l'obtention du diplôm e
d'IngénieurAgronom e
bien cela. Le nom local,
Nouzoti-adénin par lequel la
population appelle l 'espèce signifie : le gluant
rempant (Nouzoti : rempant;
Adénin : gluant). Le critère
habitat e st en relation avec
l'écologie de la plante.
Comme exemple nous avon s le nom local :
Kpèn'dihanglan'gou qui veut dire
«le gluant des cuirasse«
donné par l'ethnie Gam-gam à l'espèce.
nomenc
L'élément «statut»
est aussi utilisé pour cette
espèce et ceci en
comparaison avec Sesamum
radiatum. L'un est cultivé et
l'autre sauvage dans la
majorité des groupes
Ethniques. Cet élément est
utilisé dans 20 % des noms locaux
recensés pour l'espèce. ??
Taalèhounnoum» est le nom
utilisé par le groupe ethnique Lopka
et qui veut dire : le gluant
de la brousse (Taalè : brousse ;
Hounnoum : gluant) est un exemple
illustratif. Un élément aussi
utilisé pour la lature locale de l'espè
ce est l'élément
??couleur de la feuille».
Comme exemple, nous avons le
nom local en Berba ?? Toohounpoua
qui veut dire : le gluant
blanc. Voir annexe 3 pour
les noms locaux de Cera totheca
sesamoides.
Goût Provenance
Habitat Aspect
Couleur Morphologie
Statut
Autres
Noms- inexpliqués
%
5,71
2,86
5,71
0 0
11,43
2,86
20
51,42
Figure 2: Proportion des
élément s utilisés dan s la nomenclature loc ale de
Cera totheca s esamoides
5.1.1.3. Justicia tenella
L`élé ment
??goût» se trouve ici
l'élément le plus utilisé
dans la nomenclature locale de
Justicia tenella chez les
ethnies enquêté es (Figure 3).
Il est utilisé pour vingt 22,22 % des
noms obtenus pour l'espèce. Le
caractère goût ici est en
rapport avec l'aspect
succulent de la sauce à base de la
feuille de Justicia tenella. Comme
exemple, nous avons le nom
Kourôkountonnou donné par
plusieurs ethnies (Bariba, Boh,
Peulh) à la plante et qui
signifie : «La femme n'est pas un homme ». Comme
pour dire que les femmes ne sont pas
43
Thèse p our l'obtention du diplôm e
d'IngénieurAgronom e
sérieuses. Ce nom lui aurait
été donné parce que,
les femmes après
avoir préparé la sauce,
d'habitude mangeraient toute
la sauce avant l'arrivée de
leur mari. Le nom
Dimounihountchoro utilisé par le
groupe ethnique Wama qui
veut dire « mange et ne donne
pas à mon mari » est toujours en
rapport avec le goût parce que
parait-il que quand une femme
prépare la sauce et donne
cette sauce à un homme, il la trouve
tellement douce que l'homme finit par la
prendre en mariage.
Le second
élément utilisé est la
provenance. Seize virgule
soixante sept pour cent
(16,67 %) des noms obtenus pour
l'espèce sont en rapport
avec cet élément.
Comme exemple nous avons le
nom ??saligaman» en sahouè
qui veut dire : le légume des
Ahoussa (Saliga : ahoussa; man :
légume). On a ensuite
les éléments habitat, couleur
et morphologie de la plante.
Voir annexe 4 pour les noms locaux de
Justicia tenella.
%
11,11 0 11,11
5,56
11,11
0
22,22
22,22
16,
67
Goût
Provenance
Habitat Aspect Couleur Morphologie
Statut Autres Noms-inexpliqués
Figure 3: Proportion des
éléments utilisés dans la nomenclature locale de
Justicia tenella
5.1.1.4. Sesamum radiatum
Essentiellement trois
éléments sont utilisés dans la
nomenclature locale du faux sésame (Figure 4). Le
caractère ??aspect
gluant de la sauce» vient
en première position avec un
pourcentage de 35,14 %.
Ensuite, 21,64 % des noms
locaux donnés à Sesamum
radiatum sont à la base de
l'élément ??provenance de
la plante». Des fois, les deux
éléments sont combinés.
Tankantoohoun veut dire en
Berba le gluant des Wama
(Tankanba :Wama; Toohoun :gluant). Le
statut (cultivé ou sauvage) de l'espèce
dans le groupe ethnique est aussi
utilisé :
??Nôbôtaman»donné
par le groupe ethnique Wama
qui veut dire : le gluant qu'on cultive
44
Thèse p our l'obtention du diplôm e
d'IngénieurAgronom e
(B ôta : cultivé ; Nôma :
gluant), donc dans cette
aire ethnique Sesamum
radiatum est cultivé. Voir annexe 5
pour les noms locaux de
Sesamum radiatum.
Goût
Provenance
Habitat
Aspect
Couleur
Morpholog ie
Statut
Autres Noms-inexpliqués
%
13,52
00
0
24,32
21,62
5,4
35,14
0
Figure 4: Proportion des
éléments utilisés dans la nomenclature locale de S
esamum r adia tum
5.1.2. L es noms inexpliqués
est difficile de savoir la
signification des noms à moins qu'ils
plante ou un aspect explicite
comme les aspects cités
plus haut 5). Les noms locaux des
espèces sont simplement
adoptés et
liquée pour
aux plant es est inexples
quatre espèces
La signification de certains noms
donnés de LFT. Selon les paysans, il indiquent la
provenance de la (voir le s Annexes 2, 3, 4
et maintenus de génération en
génération et aussi de
communauté s en commu nautés au cours de la
dissémination de l'espèce.
Dansi et al. (2008b) sont parvenus à de telle
conclusion dans l'étude de la
biodiversité des LFT au
Bénin.
Aucun des noms locaux
donnés à Acmella
uliginosa n'est inexplicable.
Cela s'explique par le fait
que l'aspect piquant des
feuilles de l'espèce est très
remarquable et cet aspect
est facilement utilisé pour
nommer l'espèce. Il y a aussi la
provenance de l'espèce qui
est utilisée dans la formation des
noms donnés à l'espèce.
De même, certains des
noms locaux des autres espèces sont
inexplicables. Environ
22,22% pour Justicia
tenella, 11,43% pour
Ceratotheca sesamoides 24,32
% pour Sesamum
radiatum (voir figures 2, 3 et 4). Cela
s'explique par le fait que les espèce
s ont été introduites dans le
milieu sans changement
d'appellation ou que les
noms donnés à ces
légumes sont exogènes
au milieu. Des situations
analogues sont
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Thèse p our l'obtention du diplôm e
d'IngénieurAgronom e
constatées par Dansi et al. (2008b) pour les LFT
au Bénin, le riz (Appa Rao et al., 2002) et pour le sorgho
(Mekbib, 2007).
5.1.3. La synonymie : Les noms synonymes
Toutes les quatre espèces étudiées ont
plusieurs noms (Annexes 2, 3, 4 et 5). Les noms varient d'une ethnie à
une autre. Ainsi, Justicia tenella est appelé Gnonwonko en
Bariba et Kpissebaha en Yaum, Sesamum radiatum Agbôhoun en
Ayizô et Gooloo en Tchabè. Il en est de même pour les deux
autres espèces de LFT.
On note aussi une variation de noms au sein du groupe ethnique
pour la même espèce. C'est le cas des Bariba qui appellent
Ceratotheca sesamoides Wari, Wôri ou Warigbégui.
Justicia tenella est appelé Tipêwadoanti, Tinoukounti et
Tikounsôôti en Ditamari. Des changements d'appellation des
mêmes espèces sont enregistrés par Dansi et al.
(2008a, 2008b, 2008c, 1999, 1997) sur les légumes LFT et les ignames au
Bénin. Les mêmes constats sont aussi faits sur le fonio
(Adoukonou-Sagbadja et al., 2006). C'est un phénomène
qui ne permet pas d'apprécier efficacement la diversité
génétique des LFT.
5.1.4. L'homonymie : Différentes espèces
appelées par le même nom
Parfois, on constate que plusieurs espèces sont
appelées par le même nom. Cela s'observe chez Sesamum
radiatum et Ceratotheca sesamoides qui sont deux espèces
apparentées. Les deux espèces sont appelées par exemple
Agbô en Mahi. Cela est dû à plusieurs raisons : l'usage des
deux espèces est presque le même, les deux espèces se
ressemblent morphologiquement1. Ces mêmes faits sont
constatés par Dansi et al. (2008b).
5.1.5. Même nom utilisé pour la même
espèce à travers différentes ethnies
Pour les cinquante huit (58) localités visitées,
trente sept (37) noms ont été recensés pour Sesamum
radiatum, or il est présent dans plus de cinquante (50)
localités. Cela implique une utilisation du même nom local par
plusieurs groupes ethniques (Annexes 2, 3, 4 et 5). Comme exemple nous avons le
nom local «Agbô« utilisé par les ethnies : Fon, Mahi,
Wémè, sahouè, Kotafon et Goun pour désigner
Sesamum radiatum. Nous avons aussi le nom local «Dossi«
utilisé par les Bariba et les Mokolé pour la même
espèce (Sesamum radiatum). Cela s'observe aussi au niveau des
autres espèces. Ainsi Justicia tenella est appelé
Djagou-djagou par les
1 Les deux espèces sont apparentées :
elles sont toutes deux de la même famille, la famille des
Pedaliaceae.
46
ethnies : Idatcha, Ifê et Tchabè ; Acmella
uliginosa est appelé kalwôou par les Lokpa et les Lamba.
Ceratotheca sesamoides est appelé Koummankoun en Ifê et
Nagot. Le nom local «Agbô« est le nom le plus utilisé.
Six ethnies font référence à ce nom pour designer
l'espèce (Sesamum radiatum), c'est toute la partie sud du pays
qui connaît l'espèce sous ce nom.
5.1.7. Les noms déformés.
Certains noms obtenus lors de notre enquête ont des
prononciations qui se ressemblent, cela est dû à une
déformation du nom original. Ainsi, nous avons les noms locaux :
Agbô, Agbon, Agbôè, Agbôhoun et
Agbôtè-té utilisés par différentes ethnies
pour se référer au Sesamum radiatum (Annexe 5). Dans ce
champ sémantique, la racine se trouve au niveau de Agbô car ce nom
est utilisé par un nombre plus élevé d'ethnies. Nous avons
aussi les noms : Dossi, Dossé, Dohi, Dossila, Dossi guia et
Dossiihô utilisés pour désigner la même espèce
(Sesamum radiatum). La racine ici est Dossi car ce nom est
également plus utilisé (plus connu). De même,
Woriihô, Warigué, Warigbégui, Wôri et Wari sont
utilisés pour faire référence à Ceratotheca
sesamoides. Certains noms déformés se trouvent en annexe
3
5.1.8. Utilisation de l'aspect ??Nombre»dans la
nomenclature locale : Singulier et
pluriel
Parfois, le nom du légume-feuille traditionnel est
fonction de sa quantité. Ce phénomène s'observe chez
l'ethnie Gnidé. Acmella uliginosa en Gnidé a
différents noms selon la quantité, il est appelé
«Oubouhonou« quand il s'agit d'une petite quantité et Ibouhou
dans le cas contraire. En Gnidé toujours, Koussolamsôgou
désigne une petite quantité de Sesamum radiatum et
Tissalômsôté le contraire. Le même
phénomène a été observé par Dansi et
al. (2008a), chez l'ethnie M'bermin où un tas d'Acmella
uliginosa est appelé ibouoni et quelques feuilles de la plante
oubouonou.
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