La décision d'investissement en avenir incertain( Télécharger le fichier original )par Fadi YAZIGI USJ - DESS Gestion des actifs financiers 2005 |
· SECTION ILES éVÉNEMENTS PROBABILISABLES1. Le risque, la rentabilité et la diversification La rentabilité et le risque sont les deux notions essentielles qui permettent de caractériser un actif, la connaissance de l'un étant indispensable pour porter un jugement sur l'autre. Ainsi que le montre la théorie financière, les gains en termes de rentabilité ne sont souvent que la contrepartie d'un accroissement du risque. Si la définition de la rentabilité ne pose pas problème, il est montré que l'appréciation du risque peut se faire à partir de plusieurs indicateurs mesurant le risque total et le risque systématique d'un titre, chacun ayant une interprétation bien définie. Par suite, la construction d'un portefeuille en fait intervenir une troisième notion qui est la diversification du portefeuille permettant de réduire son risque. Afin de ne pas compliquer le calcul, les exemples numériques de cette partie ne feront intervenir que deux actifs dans la composition des portefeuilles. Bien évidemment, le raisonnement peut facilement être étendu à des portefeuilles de plus de deux titres comme c'est généralement le cas dans la réalité.
La valeur d'un actif financier est fonction de ses revenus futurs: Pour un immeuble, il s'agira des loyers et du prix de revente, pour une action, des dividendes et du prix de cession. De même la valeur d'un projet d'investissement est fonction de ses flux futurs. Si le principe est simple à comprendre, il est plus difficile d'établir les flux prévisionnels de revenus. Si ces derniers étaient connus à l'avance de manière précise et immuable, la décision d'achat se prendrait en avenir certain. Mais si cela n'est pas le cas, la décision se fera dans un contexte risqué et incertain. Il s'agit alors d'anticiper les différents événements pouvant survenir et leur attacher une probabilité de réalisation. Prenons un exemple: Soient deux projets d'investissement A et B qui rapportent respectivement les flux suivants selon la réalisation de l'événement 1 (E1) ou l'événement 2 (E2):
Comment choisir entre ces deux projets dont les flux de revenu sont différents selon que l'événement se réalise ou non? Supposons que l'événement 1 ait une chance sur deux d'arriver (probabilité=0,5=50%), il en est de même pour l'événement 2. Nous pouvons donc calculer l'espérance mathématique des flux futurs de chacun des projets (moyenne pondérée par les probabilités de réalisation): E(A)=(0,5×75)+(0,5×125)=100 E(B)=(0,5×50)+(0,5×150)=100 Les deux projets A et B ont une espérance mathématique de flux futur identique; en achetant A ou B, il est en moyenne possible de gagner la même chose. Mais ceci est totalement illusoire, car aucun des deux projets ne rapportera en réalité 100. Nous nous apercevons que si le projet B peut rapporter plus que le projet A, il peut aussi rapporter moins. Un individu qui aime le risque préférera B à A (dans le cas où B rapporte plus que A). Nous comprenons intuitivement que le risque se mesure par l'amplitude des résultats futurs attendus en d'autres termes la rentabilité est fonction croissante du risque. Techniquement, le risque se chiffre par une mesure statistique, l'écart type, noté ó. Ce dernier mesure les écarts des rentabilités par rapport leur moyenne. Moins il est élevé, plus les valeurs sont resserrées autour de la moyenne et plus grandes seront les chances de voir se réaliser une valeur proche de cette moyenne (et inversement). Ainsi, sur le graphique ci-après le projet X est moins risqué que le projet Y. Une comparaison de deux projets par rapport au risque Dans notre exemple précédent, ó(A)=25 et ó(B)=50. Le projet B est plus risqué que le projet A, et ce bien qu'en moyenne il dégage les mêmes flux.
Le risque recouvre donc une situation où les flux de revenus d'un actif, physique ou financier, peuvent être affectés par la réalisation d'événements, dont la probabilité de survenance sera calculée. En finance, trois catégories de risque sont distinguées. · La première est constituée par le risque de prix: Quelle est la possibilité pour une valeur mobilière de ne pas procurer les revenus envisagés? Il s'agit non seulement de la réalisation du revenu nominal, mais aussi du pouvoir d'achat de ce revenu. Ainsi, envisager des niveaux différents de chiffre d'affaires, de charges et de bénéfices constitue une illustration du risque de prix d'une action, au même titre qu'envisager de fortes variations de taux d'intérêt pour une obligation. Les différentes inconnues concernant le prix de revente d'un actif sont constitutives de son risque de prix. · La deuxième composante du risque est un risque de signature: Il recouvre l'incapacité de l'émetteur de l'actif financier de payer la rémunération ou d'assurer le remboursement (cas des dettes). La faillite d'une entreprise est la réalisation de ce risque de signature. · Enfin, le troisième niveau de risque est lié à la liquidité de l'actif: Plus le marché d'un actif est liquide et plus il sera aisé de le vendre, et inversement. Acquérir des actifs financiers dont le marché est faiblement liquide est un facteur d'accroissement du risque, car pour pouvoir le vendre il faudra peut-être accepter une forte baisse de son prix ou attendre longtemps.
Détenir un actif financier, c'est renoncer à une consommation immédiate. Cette renonciation et le report, plus tard dans le temps, d'une consommation sont compensés par la perception d'une rémunération, prix du temps. Cette dernière est composée des revenues distribués à chaque période et de la plus ou moins-value réalisée à la revente. Rapporter le revenu périodique d'un actif à son prix (dividende/cours de l'action ou intérêt /cours de l'obligation) revient à mesurer le rendement (yield en anglais) de l'actif. Par contre, calculer le taux qui égalise le prix d'achat d'un actif à la somme de ses revenus périodiques et à la plus ou moins-value dégagée revient à calculer sa rentabilité (return en anglais). Sur une période, la rentabilité est égale à: [(Prix de vente-Prix d'achat)+Revenu de la période]/Prix d'achat x Sur plusieurs périodes (x par exemple), le taux de rentabilité est le taux t qui égalise l'équation suivante: n=1 Prix d'achat=?(revenus périodiques)n/(1+t)n+Prix de vente/(1+t)x I Nous allons nous placer dans un avenir incertain, cela signifie que les revenus périodiques Fn dégagés ainsi que le prix de vente PV sont incertains. Dans ce contexte l'investisseur parle d'une rentabilité espérée définie en tant que la moyenne des rentabilités possibles pondérées par leurs probabilités d'occurrence. En d'autres termes c'est l'espérance mathématique des rentabilités possibles qui se représente comme suit: i=1 E(r)=?ri×pi avec E(r) c'est la rentabilité espérée des rentabilités possibles, ri c'est la rentabilité du titre pour l'état de la nature i, pi c'est la probabilité de de l'état de la nature i, i représente l'état de la nature allant de 1 à I.
Dans le cadre de la théorie financière traditionnelle, l'investisseur est rationnel. Cela signifie qu'il est capable de: · hiérarchiser des possibilités d'actions et leurs résultats, · choisir entre les différentes possibilités d'action, · maximiser son utilité. Il est donc admis que l'investisseur rationnel va chercher à maximiser sa rémunération, mais il ne le fera pas à n'importe quel niveau de risque. Les exigences de rémunération des investisseurs seront d'autant plus fortes que les possibilités d'encaisser des revenus annuels et de récupérer le capital investi sont plus faibles. Ainsi, toute augmentation du risque (accroissement de l'amplitude des rémunérations envisageables) devra se traduire par une augmentation de la rentabilité attendue. Par suite, il y aura amélioration de la performance financière dès qu'à rentabilité identique le niveau de risque diminue ou qu'à même niveau de risque la rentabilité augmente. Par contre, la performance financière diminue si l'augmentation du niveau de risque est plus forte que celle de la rentabilité et si la rentabilité diminue à risque identique. La relation entre rentabilité et risque Cela permet de décider entre deux projets d'investissement qui ne rapportent pas en moyenne les mêmes flux et qui ne sont pas de risque identique. Il est alors possible de calculer, pour chaque projet, un coefficient de variation (CV). CV=écart type/espérance mathématique Le projet ayant le coefficient de variation le plus faible est le moins risqué, comme le montre l'exemple suivant, les évènements 1 et 2 ayant chacun une chance sur deux de se réaliser (probabilité de réalisation du projet C est égale à la probabilité de réalisation du projet D):
Le projet D, bien qu'offrant une espérance de rémunération plus forte E(D)>E(C), est nettement plus risqué que C et sa performance est de ce fait inférieure. Il existe un actif qui a une espérance de rentabilité Rf pour un risque nul. Cela représente la rémunération attendue d'un actif sans risque (risk free rate en anglais), c'est celle d'un actif n'ayant ni risque de prix, ni risque de signature, ni risque de liquidité. Il est généralement admis que les bons du trésor ou les obligations d'État peuvent constituer cet actif sans risque. Il est donc clair que tout autre émetteur que l'État devra systématiquement offrir une rémunération supérieure à l'actif sans risque. Cela explique l'importance qu'ont, aux yeux des opérateurs financiers, les taux d'intérêt versés par l'État.
Le concept de risque est donc un facteur clé de la décision financière. Celle-ci sera fonction du degré d'acceptation ou d'aversion au risque propre à chaque individu. Pour les financiers, l'attitude face au risque d'un agent est liée à son attitude vis-à-vis de sa richesse et de son patrimoine. Dans quelle mesure, l'augmentation de la richesse procure-t-elle plus ou moins d'utilité? La relation entre richesse et utilité Quand l'utilité marginale est décroissante vis-à-vis de la richesse, cela révèle une aversion au risque puisque cela veut dire que perdre 1 Euro crée plus de désagrément que d'en gagner un. Il est communément admis que les investisseurs font preuve d'aversion au risque: Cela les conduit à demander une augmentation de la rémunération chaque fois qu'ils perçoivent une augmentation du risque. Mais leur aversion au risque peut être différente. Ainsi, sur le graphique ci-après, l'investisseur A est celui qui est le plus opposé au risque (forte aversion) puisque par rapport à B et C il existe une augmentation bien plus forte de la rémunération pour le même accroissement du risque. Plusieurs degrés d'aversion par rapport au risque L'investisseur C est par contre celui qui a le moins de répugnance vis-à-vis du risque. Cette conception de la performance financière est, en termes de rentabilité et de risque, une composante importante de l'évaluation des actifs financiers et de la constitution des portefeuilles boursiers.
Selon l'adage populaire, il convient de «ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier», la diversification procède de cette logique. C'est en effet un moyen bien connu de diminuer le risque tout en conservant l'espérance de rentabilité. Cependant tout le risque ne peut être éliminé par la diversification. La diversification est la répartition des placements entre de nombreux titres, secteurs, pays, etc. Une stratégie de diversification suppose la détention d'une gamme de placements répartie entre les trois grandes catégories d'actif (actifs matériels, actifs immatériels et actifs financiers) pour la constitution d'un portefeuille de placement très sûr, des placements à revenu fixe et des titres de croissance. De cette façon, si le rendement d'une catégorie de titres devait laisser à désirer, les placements dans les autres catégories pourraient compenser en partie. La diversification représente donc un excellent moyen de réduire les risques et de protéger l'investisseur contre la volatilité dans une catégorie d'actif ou un secteur en particulier. Dans la théorie moderne du portefeuille, la diversification du risque est considérée comme le facteur déterminant de sa réduction: La distribution des placements entre une multitude de titres permet de disperser le risque, de manière à ce que le risque global d'un portefeuille soit nettement inférieur au risque des différents titres. En effet, il apparaît moins risqué de répartir son investissement sur plusieurs valeurs que d'investir la totalité de ses avoirs sur un même titre. Certes, il est très tentant d'effectuer un placement unique pour bénéficier pleinement d'un placement réussi, mais si le placement se révèle infructueux, c'est l'intégralité du capital qui est menacée. Les fluctuations du prix des actions d'une société peuvent provenir soit de l'évolution du marché dans son ensemble, soit d'une information spécifique à l'entreprise et indépendante du marché. Cette dernière source de risque, appelée «risque spécifique», peut être substantielle, mais elle a l'avantage de pouvoir être éliminée dans un portefeuille bien construit (par une bonne diversification). La diversification repose sur le fait qu'un choc sur une société qui n'affecte pas les autres titres est dilué dans la masse du portefeuille. Un portefeuille dont la richesse est répartie également sur une vingtaine de titres fluctue en moyenne beaucoup moins que chaque titre pris séparément. La diversification du portefeuille est certes une bonne manière de diminuer un risque: Celui de miser tout sur une seule valeur et de se tromper. Pour autant, faut-il un très grand nombre de valeurs? D'un point de vue théorique: Il est démontré qu'une très bonne diversification de portefeuille est assurée à partir d'une vingtaine de valeurs, et qu'en fin de compte, il n'apporte quasiment rien d'en rajouter tellement au-delà. D'un point de vue pratique: Il faut ramener ce nombre théorique idéal à la dimension du portefeuille. Les frais de transaction (courtages, impôt de bourse, TVA, etc.) et les droits de garde imposeront l'investisseur de ce fait un montant minime par ligne en deçà duquel les coûts seront très importants. Cependant, la diminution du nombre de lignes augmente rapidement le risque de non diversification ce qui se traduira par une volatilité accrue du portefeuille. Les spécialistes financiers ont démontré mathématiquement l'intérêt de la diversification. Ils ont établi de manière irréfutable que la multiplication des supports permet de diminuer le risque sans perte de rendement sur le long terme. L'apport de Harry Markowitz dans le domaine est considérable. Considérons les deux actifs X et Y (dans le cas d'un portefeuille P formé de deux actif seulement) avec leur espérance de rentabilité et leur écart type présentés dans le tableau suivant:
Considérons que á est le poids de l'actif X dans le portefeuille P et (1-á) le poids de l'actif Y dans le portefeuille. Nous aurons par suite les formules suivantes: · RP=áRX+(1-á)RY · E(RP)=E[áRX+(1-á)RY]=áE(RX)+(1-á)E(RY) · V(RP)=á2V(RX)+(1-á)2V(RY)+2á(1-á)Cov(RX,RY) · óP=V(RP) · XY=Cov(RX,RY)/V(RX)×V(RY)1Cov(RX,RY)V(RX)×V(RY) óP[áóX+(1-á)óY]
Il faut différencier le risque total d'un actif de son risque systématique même s'il existe une relation entre ces deux notions. · Le risque total d'une action est mesuré par la variance ou l'écart type de ses rentabilités. On parle alors de volatilité du titre pour faire référence à l'ampleur des variations des rentabilités autour de sa moyenne. Plus cet indicateur est élevé, plus le titre est considéré comme risqué. · Le risque systématique est strictement lié au risque du marché financier. Celui-ci enregistre les conséquences des grands événements macro-économiques et politiques: croissance, inflation, tensions politiques. Le risque non diversifiable est égal au rapport de la covariance des rentabilités du titre avec celles du marché et de la variance des rentabilités du marché, soit: âi=Cov(ri,rm)/Var(rm) Cette notion exprime le risque inhérent à chaque titre, qui est donc expliqué par les mouvements du marché et qui ne peut être réduit par la diversification. Ainsi, lorsque le marché est orienté à la hausse, la plupart des titres sont aussi orientés à la hausse mais plus ou moins selon leur sensibilité, mesurée par le bêta, aux mouvements du marché. Dans un marché en hausse de 10 % par exemple, un titre avec un bêta de 1 a tendance à suivre la hausse du marché dans la même proportion, c'est-à-dire 10%. Un titre avec un bêta de 0,5 a, en revanche, tendance à avoir des fluctuations plus faibles de moitié et son espérance de rentabilité supplémentaire dans notre exemple n'est que de 5%. Suivant la même logique, un titre avec un bêta de 1,5 amplifie les fluctuations du marché et sa rentabilité espérée augmente alors de 15%. Le risque systématique est donc la première composante du risque total d'un titre mesuré par la variance de ses rentabilités. · La seconde composante du risque total d'un titre est le risque spécifique qui découle des caractéristiques propres du titre; dans le cas d'une action émise par une entreprise, il sera directement soumis aux caractéristiques propres de cette dernière. Le risque spécifique ou diversifiable «capte» l'influence d'événements propres au titre. Ce dernier n'est pas rémunéré par le marché du fait qu'il peut être éliminé dans un portefeuille diversifié. Le risque total d'une valeur i, mesuré par sa variance V(Ri), à travers le modèle de marché (Ri=æi+âiRM+ui) se réduit donc à deux composantes (la variable æi n'ayant pas de variance puisqu'il s'agit d'une constante): V(Ri)=â2i×V(RM)+V(ui) Risque total de i=Risque systématique+Risque spécifique Qu'est-ce que le modèle de marché? Ce modèle relativement simple a été proposé par Sharpe en 1963. Il consiste à affirmer que la rentabilité d'un titre est fonction linéaire de la rentabilité du marché. En termes mathématiques, la relation est la suivante: Ri=æi+âiRM+ui, avec Ri la rentabilité de l'actif risqué i, æi représente ce que rapporterait l'actif risqué i si le rendement du marché était nul. æi est une constante caractéristique de l'actif risqué i, âi est un coefficient de volatilité mesurant si l'actif risqué i amplifie (âi>0) ou amortit (âi<0) les variations du rendement du portefeuille de marché RM, en d'autres termes c'est le risque systématique ou non diversifiable, RM C'est la rentabilité du marché, ui est une variable aléatoire représentant le terme d'erreur de la droite de régression, c'est-à-dire la mesure des écarts entre la valeur donnée par le modèle et celle constatée dans la réalité, en d'autres termes c'est la rentabilité résiduelle. Si ce modèle a l'avantage d'être simple d'utilisation, il souffre en revanche du fait d'être purement empirique et de n'avoir aucune justification théorique, ce qui n'est pas le cas du Modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) présenté dans la deuxième partie de ce mémoire. La théorie financière du portefeuille montre que la logique de constitution d'un portefeuille doit être l'élimination des risques spécifiques. Ainsi, le portefeuille de marché, composé de l'ensemble des actifs existants, n'a pas de risque spécifique: Il est parfaitement et totalement diversifié. Dans la réalité, le choix de plusieurs valeurs pour constituer un portefeuille, appelé «diversification», doit conduire à réduire le risque spécifique et par suite à réduire le risque total. Risque spécifique et risque systématique Il est clair que la diversification ne joue que si les valeurs choisies ont des risques spécifiques opposés. Actuellement, la plupart des experts sont d'accord pour dire qu'un portefeuille composé d'une vingtaine de valeurs, correctement diversifiées, permet d'éliminer le risque spécifique, qui sera dit «risque diversifiable», et de rémunérer que le risque systématique, dit «non diversifiable». Attention, investir tout son portefeuille dans le même secteur économique peut accroître le nombre de valeurs mais ne permet pas de diminuer le risque spécifique. Ainsi, la théorie de portefeuille propose: · Un guide de comportement de constitution des portefeuilles boursiers; · Une règle simple d'évaluation des portefeuilles: Seul le risque de marché ou bien le risque systématique doit être rémunéré tandis que le risque spécifique doit être éliminé par une diversification judicieuse; · Une explication des comportement des SICAV (Sociétés d'investissement à capital variable) et autres FCP (Fonds communs de placement), qui, grâce à leur savoir-faire et à une diversification rationnelle, sont à même de réduire les risques spécifiques et offrir des rémunérations proches de celle du portefeuille de marché.
La diversification consiste à réduire le risque par la constitution d'un portefeuille dont le risque est inférieur à la somme des risques de chacun des composantes de ce portefeuille: Soient deux projets d'investissement; le premier consiste à acheter une action A et le deuxième consiste à acheter une action B de prix identique. On dispose d'une estimation de la VAN pour les deux projets dans les quatre états du monde futurs, ainsi que celle de leurs probabilités:
L'espérance de gain est de 50 K€ pour les deux actions: mA=(0,1×150)+(0,2×100)+(0,3×50)+(0,4×0)=50K€ mB=(0,1×-50)+(0,2×0)+(0,3×50)+(0,4×100)=50K€ L'écart type est également le même pour les deux actions, soit 50 K€. óA=[0,1(150-50)2+0,2(100-50)2+0,3(50-50)2+0,4(0-50)2]1/2=50K€ óB=[0,1(-50-50)2+0,2(0-50)2+0,3(50-50)2+0,4(100-50)2]1/2=50K€ Pour l'investisseur, l'action A est équivalente à l'action B. Bien que le risque et la rentabilité estimés soient identiques, la diversification, dans cet exemple très particulier, peut réduire la dispersion à zéro, sans changer l'espérance de gain (50 K€): En effet, à partir des actions A et B, il est possible de constituer un portefeuille C tel que C=0,5×A+0,5×B. La VAN de C est calculée à partir des VAN de A et B, en utilisant la propriété d'additivité des VAN (VAN(A+B)=VAN(A)+VAN(B)).
mC=(0,1×50)+(0,2×50)+(0,3×50)+(0,4×50)=50K€ óC=[0,1(50-50)2+0,2(50-50)2+0,3(50-50)2+0,4(50-50)2]1/2=0K€ L'écart type du portefeuille C est égal à zéro. Il n'y a plus d'aléas sur la VAN, égale à 50 K€ quels que soient les états du monde futurs. De manière générale, la diversification permet seulement de réduire le risque. La mesure de la réduction fait appel aux concepts de covariance et de coefficient de corrélation. · La covariance est un indicateur de la variance simultanée de deux variables autour de leur moyenne. Elle se définit de la manière suivante lorsque les deux variables se réfèrent aux mêmes états du monde: T t=1 Cov(A,B)=?pt[rAt-E(rA)]×[rBt-E(rB)] avec pt probabilité d'occurrence des rentabilités, rAt la rentabilité du titre A en t, rBt la rentabilité du titre B en t, E(rA) la moyenne arithmétique des rentabilités du titre A, E(rB) la moyenne arithmétique des rentabilités du titre B. Dans le cas où une variable augmente systématiquement (dans chaque état) quand l'autre diminue, la covariance est négative. Par ailleurs, plus la covariance est élevée en valeur absolue, plus l'intensité du lien est forte. Le regroupement de deux projets dont la covariance est négative et forte en valeur absolue permet une réduction maximale du risque. · Le coefficient de corrélation mesure la dépendance relative entre les deux variables: ñ(A,B)=Cov(A,B)/óAóB Il est donc sans dimension et toujours compris entre -1 et +1. Une corrélation positive parfaite (ñ=1) n'apporte qu'une réduction limitée du risque par diversification. En revanche, plus le coefficient de corrélation se rapproche de -1, plus la diminution du risque est importante car les deux projets varient en sens opposé. Lorsque les deux variables sont indépendantes, le coefficient de corrélation est nul (ñ=0). En reprenant les données de l'exemple précédent, la réduction du risque obtenue grâce au projet C est totale car le coefficient de corrélation est égal à -1: ñ(A,B)=-2500/(50×50)=-1
La rentabilité d'un portefeuille est simplement la moyenne pondérée des rentabilités de chacun des titres qui le composent. Au cas où deux actions composent le portefeuille, la rentabilité de ce dernier devient: rP=arA+(1-a)rB avec a la pondération de l'action A, rA la rentabilité de l'action A, rB la rentabilité de l'action B, rP la rentabilité du portefeuille P. Dans le cas où plusieurs actions composent le portefeuille, cette formule se généralise facilement et la rentabilité du portefeuille devient: I i=1 rP=?ai×ri avec i le nombre de titres en portefeuille, ai la pondération du titre i, ri la rentabilité du titre i. La somme des pondérations doit être égale à 1 et les pondérations dans le cas le plus général peuvent être positives ou négatives. Une pondération négative signifie que le titre est vendu à découvert, c'est-à-dire que le gérant vend le titre sans le posséder, ce qui lui permet de spéculer à la baisse. Bien sûr, il devra plus tard acheter le titre pour dénouer sa position. L'intérêt de cette opération est aussi de procurer des liquidités afin de pouvoir investir plus de 100% du portefeuille dans d'autres titres. La variance du portefeuille dépend à la fois de la variance de chacun des titres qui le composent mais aussi de leurs covariances. La démonstration est relativement simple lorsque l'on suppose un portefeuille P composé de deux actions A et B. Dans ce cas la variance s'écrit: Var(rP)=E(rP-E(rP))2 En remplaçant la rentabilité du portefeuille et son espérance par leur expression, la variance devient: Var(rP)=E[(arA+(1-a)rB)-E(arA+(1-a)rB)]2 En réarrangeant les termes : Var(rP)=E[a(rA-E(rA))+(1-a)(rB-E(rB))]2 Soit encore, après développement: Var(rP)=a2E(rA-E(rA))2+(1-a)2E(rB-E(rB))2+2a(1-a)E(rA-E(rA))E(rB-E(rB)) Cette expression comporte à la fois des variances et covariances et peut s'écrire plus simplement: Var(rP)=a2Var(rA)+(1-a)2Var(rB)+2a(1-a)Cov(rA,rB) Ainsi, la variance du portefeuille n'est pas simplement une moyenne pondérée de la variance de chacun des titres, mais une expression plus complexe qui prend en compte la fluctuation relative des titres les uns par rapport au autres à travers les termes de covariance. Dans le cas de deux actions, il n'existe que deux termes de covariance identiques, mais il est aisé de généraliser cette expression pour un portefeuille de plusieurs titres. Pour n titres, il existe n termes de variance et (n2-n) termes de covariance. Il devient plus simple dans ce cas d'utiliser le calcul matriciel (ce calcul sera présenté par suite au paragraphe 1.3.6.) La contribution d'un titre à la rentabilité d'un portefeuille est immédiate à mesurer. Puisque la rentabilité du portefeuille est une moyenne pondérée de celles des titres qui le composent, la contribution d'un titre A est a × rA avec a, sa pondération dans le portefeuille. La contribution d'un titre au risque d'un portefeuille est plus compliquée à évaluer du faite de sa covariance avec les autres actifs. Pour la calculer, il faut repartir de la définition de la variance du portefeuille que l'on peut réécrire de la façon suivante: Var(rP)=a[aVar(rA)+(1-a)Cov(rA,rB)]+(1-a)[(1-a)Var(rB)+aCov(rA,rB)] Par suite, rappelons quelques propriétés de la covariance: · Cov(Ri,Ri)=Var(Ri) · Cov(áRi+âRj,Rk)=áCov(Ri,Rk)+âCov(Rj,Rk) Ainsi et en utilisant ces propriétés de la covariance, l'équation de la variance du portefeuille P devient: Var(rP)=aCov[rA,arA+(1-a)rB]+(1-a)Cov[rB,arA+(1-a)rB] Cette équation peut s'écrire plus simplement en faisant apparaître la rentabilité du portefeuille: Var(rP)=aCov(rA,rP)+(1-a)Cov(rB,rP) Si le risque du portefeuille est mesuré par lécart-type des rentabilités, alors: ó(rP)=aCov(rA,rP)/ó(rP)+(1-a)Cov(rB,rP)/ó(rP) Les deux termes du membre de droite font ainsi apparaître distinctement la contribution de chacun des titres au risque du portefeuille, qui est bien sûr fonction des pondérations. Enfin, l'écart type du portefeuille P est simple à calculer et ce n'est autre que la racine carrée de la variance de celui-ci: óP=Var(RP)
Tous les conseillers financiers s'entendent pour suggérer une triple diversification de base qui sont: la diversification des placements, la diversification des échéances et la diversification géographique.
La diversification des placements consiste à inclure dans le portefeuille des liquidités, des titres à revenu fixe (comme l'épargne à terme ou les obligations) et des titres de croissance (actions ou parts de fonds d'actions); ainsi, l'investisseur bénéficiera de la complémentarité dynamique de placements qui se distinguent les uns des autres par leurs caractéristiques de rendement et par leur comportement. Ainsi, la composition générale d'un portefeuille est définie par un pourcentage d'actions, d'obligations, d'obligations monétaires et de produits dérivés plus spéculatifs (Or, Warrants). Il y a d'autant moins de formule magique pour composer un portefeuille que l'environnement économique influe sensiblement sur l'intérêt relatif des différents placements. Plus on souhaite un degré de risque faible, plus le portefeuille doit faire la part belle aux obligations et aux produits monétaires. Au contraire plus on souhaite avoir un profil agressif plus on doit investir dans les actions.
Pour investir à court, à moyen et à long terme; par exemple, si on a 10 000 € à investir en épargne à terme, on peut répartir cette somme en parts égales sur cinq ans: 2 000 € dans un titre portant échéance de un an, 2 000 € dans un titre sur deux ans et ainsi de suite; de cette façon, on bénéficiera chaque année de liquidités provenant d'un titre parvenu à échéance, qu'on pourra réinvestir pour cinq ans pour profiter, le cas échéant, d'une augmentation des taux. En renouvelant pour des termes de cinq ans à chacune des échéances, on bénéficiera du meilleur taux.
Le développement et l'internationalisation des marchés financiers permettent la constitution de portefeuilles géographiquement diversifiés. Et ce, d'autant plus que la réorganisation des nouvelles technologies et le développement de l'information financière rendent la diversification internationale de plus en plus facile à réaliser. Ainsi, l'investisseur profitera de la croissance de l'économie, quel que soit le continent ou le pays où elle se manifeste avec le plus de vigueur. On pourrait, par exemple, choisir d'investir 40% aux États-Unis, 30% en Europe et 20% au Japon.
Et pour que l'investisseur mette toutes les chances de son côté, il est possible d'aller encore plus loin. À la triple diversification de base, peuvent se greffer:
La diversification sectorielle a pour objectif de réduire le risque conjoncturel du portefeuille, partant du principe selon lequel les divers secteurs d'activités réagissent différemment aux phases des cycles économiques. Un portefeuille correctement diversifié est donc moins sensible aux variations de chaque secteur d'activité.
Lorsqu' on investit sur le marché boursier, que ce soit directement ou au moyen de fonds de placement, il peut se révéler avantageux de choisir aussi bien des titres de sociétés en pleine croissance (petite et moyenne capitalisation) que des titres d'entreprises de renom (grande capitalisation); car, dans un contexte économique donné, ces titres n'ont pas toujours les mêmes comportements.
En dehors d'une corrélation négative parfaite (ñ=-1), la diversification ne peut prétendre supprimer tous les aléas de la conjoncture, qui influent sur la rentabilité. Dans le cas d'un portefeuille constitué de deux titres dont les rendements et les parts dans le portefeuille sont respectivement Ri et ái (i=1,2). La rentabilité du portefeuille peut être calculée de la façon suivante: RP=R1á1+R2á2. La variance totale du rendement du portefeuille est: Var(RP)=á12Var(R1)+á22Var(R2)+2á1á2Cov(R1,R2) Généralisée à un portefeuille de I titres, la variance totale devient: I I J i=1 i=1 j=1 (j?i) Var(RP)=?ái2Var(Ri)+??áiájCov(Ri,Rj) Les composantes de la variance du portefeuille sont des éléments de la matrice des variances covariances. Du fait de la symétrie de la matrice des variances covariances, c'est-à-dire: Cov(Ri,Rj)=Cov(Rj,Ri), il n'existe que I(I-1)/2=(I2-I)/2 éléments différents de covariance et I éléments de variance. I Pour ces I titres, on peut définir respectivement: · i=1 I J La variance moyenne: Varm=1/I?Var(Ri) · i=1 j=1 ( j?i) La covariance moyenne: Covm=1/I(I-1)??Cov(Ri,Rj) I J I Lorsque la part de chaque titre dans le portefeuille est identique (ái=1/I, quel que soit i),on a : i=1 j=1 ( j?i) i=1 Var(RP)=1/I2?Var(Ri)+1/I2??Cov(Ri,Rj) D'où: Var(RP)=1/I2[IVarm]+1/I2[I(I-1)Covm]=[1/I]Varm+[(I-1)/I]Covm Lorsque I tend vers l'infini (portefeuille infiniment diversifié), la variance du portefeuille converge vers la covariance moyenne des titres qui le composent (Markowitz, 1959). Exemple: Décroissance du risque d'un portefeuille selon le nombre d'actifs Soit un portefeuille dont les caractéristiques sont les suivantes: · Variance moyenne des actifs: Varm=100 · Covariance moyenne des actifs: Covm=50 avec ü n=5 on a: Var(RP)=100/5+(5-1)/5×50=60, ü n=10 on a: Var(RP)=100/10+(10-1)/10×50=55, ü n=30 on a: Var(RP)=100/30+(30-1)/30×50=51,67. Dans un contexte international où les économies ont tendance à être relativement synchrones, la covariance moyenne ne peut atteindre une valeur nulle, y compris avec un portefeuille international. Il existe donc un risque irréductible que la diversification ne peut éliminer. Il est communément appelé risque systématique, ou non diversifiable, par opposition au risque diversifiable ou spécifique. Il convient donc de distinguer ces deux types de risques pour tout actif. Seul le risque diversifiable peut être supprimé par diversification car il ne concerne que le risque attaché à un titre. D'après les études empiriques qui ont été réalisées sur le marché français, un portefeuille d'une vingtaine de titres permettrait de réduire le risque spécifique de plus de 95%.
Les marchés boursiers peuvent fluctuer très rapidement, provoquant des mouvements de panique lors d'une chute brutale. Vous vous demandez alors peut-être s'il y a lieu de convertir votre actif en espèces ou quasi-espèces. Si vous pensez mieux dormir, peut-être devriez-vous le faire. Cependant, plutôt que de quitter précipitamment le marché boursier, il serait plus avisé de tenir le cap. Même les spécialistes ne savent pas toujours prédire la direction des marchés. Si vous recherchez des gains à long terme: Préservez la diversification de votre portefeuille. La diversification n'est bien sûr d'aucun secours si tous les titres s'effondrent ensemble. L'histoire nous prouve que les krachs sont possibles, mais leur apparition est trop rare pour correspondre à une régularité statistique quantifiable. Les études les plus récentes des cours boursiers exhibent néanmoins une fâcheuse régularité: Les prix des actions ont tendance à chuter ensemble dans les marchés baissiers. La diversification ne fonctionne donc bien qu'en période calme. Elle ne peut pas gérer les critiques majeurs. 2. Le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) Le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) a été développé par Sharpe dans un article de 1964 pour lequel, en partie, il a reçu le prix Nobel d'économie en 1990. Il s'agit d'une spécification de la relation existante sur le marché et à l'équilibre entre le risque d'un titre et sa rentabilité. Le MEDAF montre que seul le risque non diversifiable (risque systématique) doit être rémunéré. Ce modèle reposait à l'origine sur un certain nombre d'hypothèses, dont certaines étaient peu vraisemblables, comme l'absence de coût de transaction et de fiscalité, la possibilité d'emprunter et de prêter des montants illimités, l'absence d'asymétries d'information, etc. Des développements récents ont permis de les relaxer assez largement, donnant ainsi une grande robustesse au modèle.
Les hypothèses essentielles du MEDAF sont les suivantes: · Les investisseurs composent leurs portefeuilles en ne se préoccupant que de l'espérance et de la variance des rentabilités de ceux-ci; · Les investisseurs ne sont jamais «rassasiés», c'est-à-dire que toutes choses égales par ailleurs, ils préfèrent toujours le portefeuille qui procure la rentabilité la plus élevée; · Les investisseurs sont averses au risque Quatre hypothèses sont relatives à la perfection des marchés de capitaux: · Il existe une infinité d'acheteurs et de vendeurs et aucun n'a d'influence sur les prix; · Il n'y a pas de coûts de transaction et les actifs sont parfaitement divisibles; · Il n'existe pas de fiscalité des gains en capital et des dividendes; · Il existe un taux sans risque unique pour les prêteurs et emprunteurs. De plus, la démonstration de la version standard du MEDAF nécessite deux hypothèses complémentaires: · La période d'investissement est supposée être la même pour tous les investisseurs et les décisions sont prises au même moment; · Tous les investisseurs ont les mêmes anticipations quant à la performance future des titres risqués.
Comme la diversification réduit le risque, les investisseurs ont intérêt à constituer des portefeuilles à partir des actifs disponibles sur le marché financier. Face à lui un investisseur a le choix entre de multiples portefeuilles combinant non seulement les actifs risqués entre eux, mais leur proportion même. Les possibilités sont extrêmement nombreuses. Pour choisir le portefeuille qui est le plus adapté à son aversion au risque, l'investisseur doit théoriquement étudier toutes les combinaisons possibles. Cet ensemble des possibles peut se représenter sur un graphique: La construction de la frontière efficiente * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * Le portefeuille A présenté sur le graphique ci-dessus est l'un de ces portefeuilles, obtenu par diversification. Certains portefeuilles sont préférables à d'autres, les investisseurs étant rationnels préféreront ceux qui, pour une même variance, présentent une espérance de gain supérieure. Ainsi, le choix du portefeuille A n'est pas pertinent pour un investisseur. Le portefeuille B présente en effet une espérance de rentabilité supérieure pour un risque équivalent. Markowitz a montré qu'on peut construire une «frontière efficiente», regroupant l'ensemble de ces portefeuilles dits «efficients». Tous les portefeuilles situés sur la frontière efficiente sont préférables à des portefeuilles de même risque, situés par construction au dessous de cette frontière. Cependant, les investisseurs n'ont pas la même aversion au risque et peuvent donc choisir des portefeuilles différents. De même sur le graphique ci-dessus, le portefeuille C sera préféré à B, pour un investisseur présentant une aversion au risque élevée. Les portefeuilles C et B ne peuvent voir leur performance améliorée: Ils sont dits efficaces. Tous les portefeuilles efficaces; c'est-à-dire à risque donné, il n'y a pas de rendement plus élevé et à rendement donné, il n'y a pas de risque plus faible; constituent la frontière d'efficience (en gras sur le graphique). Un investisseur rationnel ne peut faire autrement que de choisir un portefeuille sur la frontière d'efficience. Quant au choix entre C et B, il dépendra de l'aversion au risque de l'investisseur et de sa fonction d'utilité.
Le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) repose sur l'introduction d'un actif sans risque, c'est-à-dire un actif dont la variance est théoriquement nulle, de rentabilité certaine Rf et qui est généralement assimilé, dans les pays développés, à un titre émis par l'tat. La construction de la droite de marché En construisant un ensemble de nouveaux portefeuilles combinant cet actif sans risque avec un autre actif risqué Q, on obtient une droite de pente [E(RQ)-Rf ]/óQ. Les portefeuilles se situant sur cette droite RfQ sont sous-optimaux parce qu'ils présentent pour un risque identique, une espérance de rentabilité moindre que ceux appartenant à la frontière efficiente. En revanche, si on trace la droite RfM, appelée droite de marché, on se rend compte que tous les portefeuilles qui s'y trouvent sont plus intéressants que ceux de la frontière efficiente parce que plus rentables, pour un même risque. Le portefeuille M est le point de tangence entre la droite de marché RfM et la frontière efficiente. Via le portefeuille de marché M, il est possible d'améliorer l'utilité de l'investissement (rendement/risque) en constituent un portefeuille hybride à partir de l'actif sans risque de rentabilité Rf et le portefeuille de marché M. Dès lors, tous les investisseurs ont intérêt à se placer sur cette droite RfM et à détenir une fraction plus ou moins grande de l'actif sans risque en fonction de leur propre aversion au risque (maximisation de leur utilité sous contrainte de la droite de marché). Les portefeuilles situés à droite du point M appartiennent à des individus investissant plus que leur épargne en s'endettant au taux sans risque et en utilisant cet emprunt pour acheter le portefeuille M qui est l'ensemble de tous les actifs risqués du marché. Leur objectif est de bénéficier de l'écart existant entre le taux de leur emprunt et le rendement de leurs placements, espéré supérieur. Une telle attitude est matérialisée par le portefeuille S. Tandis que les portefeuilles situés à gauche de M intègrent à la fois l'actif sans risque et le portefeuille M, d'où un risque inférieur à celui de M. La droite RfMS devient ainsi une nouvelle frontière efficiente. Elle représente toutes les possibilités de portefeuilles efficients. Un investisseur rationnel se situera automatiquement sur elle, et ce en fonction de son aversion au risque. Selon le MEDAF, le taux de rentabilité requis par un investisseur pour détenir un actif A [E(RA)] doit être égal au taux sans risque Rf plus une prime rémunérant seulement le risque non diversifiable (risque systématique). En effet, il n'y a aucune raison que le risque spécifique qui peut être éliminé par diversification soit rémunéré. La prime de risque dépend alors du coefficient âA qui mesure le risque propre à l'actif A. Le taux de rentabilité requis pour détenir l'actif A se définit alors de la manière suivante: E(RA)=Rf+âA[E(RM)-Rf] avec RA la rentabilité de l'actif A, RM la rentabilité du marché, Rf le taux sans risque, âA il est égale à Cov(RA,RM)/Var(RM) qui est une mesure du risque non diversifiable (risque systématique) de l'actif A, E(RM) est l'espérance de rentabilité du portefeuille de marché, [E(RM)-Rf] est la prime de risque du marché, âA[E(RM)-Rf] est la prime de risque globale de l'actif A. Le calcul du â permet aux investisseurs de quantifier l'effet d'une variation de 1% du marché sur le rendement d'un actif. Un actif dont le â est supérieur à 1 est plus sensible que la moyenne du marché. Ainsi, un actif dont le â est égal à 2 est deux fois plus risqué qu'un portefeuille diversifié de â égal à 1. Selon le MEDAF, la décision d'investissement consiste à déterminer la proportion des fonds qui doit être investie dans des actifs risqués. Si un investisseur décide d'investir 10 000 € dans des titres sans risque, le â du portefeuille ainsi constitué se situe entre celui du portefeuille de marché âM=1 et celui des actifs sans risque âf=0. â de l'investissement = (0,5×âM)+(0,5×âf)=(0,5×1)+(0,5×0)=0,5.
La droite RfMS est donc la frontière d'efficience, représentant les portefeuilles efficaces qui acceptent toute possibilité de prêt ou d'emprunt. Quant au portefeuille M, il présente des caractéristiques particulières. Il est le point de tangence entre la droite RfS, frontière d'efficience des portefeuilles mixtes, et la frontière d'efficience des portefeuilles composés uniquement d'actifs risqués. Tous les investisseurs étant rationnels, ils investiront obligatoirement dans ce portefeuille M d'actifs risqués, dont ils pourront réduire le risque en investissant une part de leur épargne dans l'actif sans risque (droite RfM), ou au contraire accroître le rendement (et le risque) en empruntant pour investir plus dans M (droite MS). Si tous les investisseurs achètent M et qu'ils possèdent tous les actifs risqués, le portefeuille M regroupe tous les actifs risqués du marché dans la proportion de leur capitalisation (nombre de titres multipliés par le cours) sur la capitalisation totale du marché (somme des capitalisations des titres). C'est pour cela que le portefeuille M est appelé le portefeuille du marché. Le portefeuille de marché est ainsi à l'origine d'un des plus grands théorèmes de la finance et de la décision d'investissement: Le théorème de séparation énoncé par J. Tobin en 1958. Ce théorème montre que les investisseurs n'ont qu'à s'intéresser, en fonction de leur utilité, à la quantité d'argent qu'ils vont emprunter ou prêter (investissement dans l'actif sans risque), ils n'ont pas à s'intéresser à la nature des actifs risqués qu'ils vont acheter puisqu'ils ne peuvent pas faire autrement, vu leur rationalité, qu'investir dans le portefeuille de marché M, caractérisé par son espérance de rendement E(RM) et son risque óM. La droite RfMS est appelée la droite de marché (capital market line). Son équation permet de mesurer le rendement attendu d'un portefeuille efficace selon son risque (óP): E(RP)=Rf+[(E(RM)-Rf)/óM]×óP Ainsi, l'espérance de rendement d'un investissement dans un portefeuille efficace se décompose entre trois éléments. · La rémunération de l'actif sans risque Rf est le véritable prix du temps et de la renonciation à la consommation. Ainsi, aucun placement risqué ne peut rémunérer moins que l'actif sans risque, d'où la très forte attention portée par les marchés aux taux pratiqués par l'tat. · (E(RM)-Rf) représente l'accroissement de rentabilité quand un investisseur accepte de prendre des risques et d'investir dans le portefeuille de marché M. C'est la prime absolue de risque du marché. Plus elle est élevée, et plus le risque est rémunéré. Plus elle se rapproche de zéro, et moins le risque est rémunéré. Nulle ou négative, elle est le signe d'une prochaine correction forte du marché financier. En effet, les investisseurs, voyant que le risque n'est plus rémunéré, vont vendre massivement leurs actifs risqués, entraînant une chute des cours qui ne sera stoppée que quand elle sera suffisante pour que les investisseurs puissent espérer que E(RM)>Rf. Cela s'est passé lors du krach d'octobre 1987. · La pente de la droite de marché ((E(RM)-Rf)/óM) mesure le prix d'une unité de risque et óP le niveau de risque du portefeuille P: Plus il sera élevé et plus l'espérance de rendement exigée sera forte. Le modèle de droite de marché qui repose sur le MEDAF a plusieurs utilisations en gestion de portefeuille. C'est tout d'abord un modèle d'allocation d'actifs. · En premier lieu, l'écart entre la rentabilité moyenne du marché E(RM) qui est attendue et le taux de rémunération d'un actif sans risque Rf permet à l'investisseur de prendre une première décision, celle d'investir sur le marché des actions ou d'investir dans l'actif sans risque. · Ensuite, selon la rémunération pour le risque du marché des actions, mesurée par la pente de la droite de marché ((E(RM)-Rf)/óM), un investisseur sera plus ou moins enclin à investir dans les titres les plus risqués. · Le troisième intérêt du modèle est de faire apparaître la surévaluation ou la sous-évaluation des titres cotés. Pour un titre dont on connaît le risque, il est possible de définir sa rentabilité «à l'équilibre», c'est-à-dire lorsqu'il est correctement évalué. La confrontation de la rentabilité anticipée avec la rentabilité à l'équilibre permet de dire si le titre est surévalué ou sous-évalué. Ainsi le modèle permet de répondre à trois des quatre questions fondamentales que se pose tout gérant d'actions. · La quatrième question à laquelle le modèle n'apporte pas de réponse est la date optimale d'achat ou de vente des titres. Cette question est celle du «timing» qui est une préoccupation importante des gérants de portefeuilles.
Le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) détermine le taux requis pour détenir un actif dont le risque est mesuré par son coefficient de sensibilité â. Le principe du MEDAF peut être appliqué au choix des investissements. Si l'investissement est intégralement financé par fonds propres, l'investisseur doit rémunérer son capital en fonction du risque du projet, obtenu en calculant un â spécifique à partir de la relation du MEDAF. Le taux de rentabilité requis pour le projet dépend du prix du risque non diversifiable. Ce taux correspond au taux d'actualisation du projet servant à calculer la VAN en actualisant l'espérance des cash-flows. Soit A un projet d'investissement et M le portefeuille de marché. Le tableau ci-dessous présente selon les états du monde considérés, les cash-flows espérés en t=1 pour un investissement de 100 k€ en t=0:
On peut alors déterminer: o E(RA)=125k€. o E(RM)=115k€. o Var(RA)=1 542 625. o Var(RM)=534 025. o Cov(RA,RM)=833 875. o âA=Cov(RA,RM)/Var(RM)=1,56. Pour un investissement de 100 k€, le projet présente une espérance de cash-flows égale à 125 k€ et le marché une espérance égale à 115 k€ (soit une rentabilité espérée de 15%). Pour un taux sans risque sur la période Rf de 10% et un projet entièrement financé par fonds propres. Le taux d'actualisation à retenir pour le projet A est, d'après la relation du MEDAF: E(RA)=Rf+âA[E(RM)-Rf]=0,10+1,56[0,15-0,10]=0,178=17,8% La VAN du projet est alors égale à l'espérance de cash-flows actualisée au taux risqué: VAN=[125/(1+0,178)]-100=6,11k€ Il est extrêmement difficile d'appréhender ainsi le taux d'actualisation spécifique à un projet donné. Cela supposerait une connaissance des différents cash-flows associés au projet A et au portefeuille de marché M pour chaque état de la nature. D'autre part, le risque d'un projet peut changer au cours du temps. Certains projets sont en effet moins risqués au début qu'à la fin, ou inversement. Ainsi pour le creusement d'un tunnel, la première étape est très risquée, les aléas liés au percement étant très importants. En revanche, une fois l'ouvrage terminé, le niveau de risque diminue, même si l'exploitation commerciale n'en est pas exempte. Dès lors, il devient extrêmement difficile de déterminer un â spécifique au projet du fait de sa variabilité au cours du temps. Un projet est rarement financé exclusivement par fonds propres. Quand un projet est financé en partie par emprunt, le taux d'actualisation à retenir pour le projet ne dépend pas que du coût des fonds propres et il convient alors de calculer un coût moyen du capital, représentatif du coût d'opportunité des fonds.
Dans un repère, avec la Rentabilité en ordonnée et le Bêta en abscisse, l'ensemble de tous les portefeuilles possibles doivent être alignés sur une droite, appelée la droite du marché, et d'être en situation d'équilibre. En effet, si un portefeuille est situé au-dessus de la droite, cela signifie qu'il offre une rentabilité supérieure à celle du portefeuille qui se situe sur la droite pour le même niveau du risque. Dès lors, un arbitrage permettra de ramener la rentabilité de ce portefeuille sur la droite et de reprendre la situation d'équilibre. À l'inverse, si un portefeuille se situe en dessous de la droite, sa rentabilité n'est pas suffisante et l'arbitrage inverse permettra de corriger cette anomalie. Pour clarifier l'idée; soient les trois portefeuille X, Y et M dont les caractéristiques sont données par le tableau suivant et représentées par le graphique qui suit: La situation présentée n'est pas une situation d'équilibre car le portefeuille X offre la rentabilité la plus élevée pour un risque compris entre celui de M et celui de Y. Il est donc possible de faire un arbitrage qui consiste à acheter le portefeuille X en vendant les portefeuilles M et Y. Pour que cette opération soit un arbitrage, il faut que la position soit sans risque, c'est-à-dire que le Bêta du portefeuille acheté soit le même que le Bêta du portefeuille vendu. Par exemple il est possible d'investir 100 € dans X en vendant 100 € d'un portefeuille P composé pour 50 % du portefeuille M et 50 % du portefeuille Y. Dans ce cas, il s'agit bien d'un arbitrage car la position ainsi prise est autofinancée et le risque est nul puisque le bêta du portefeuille X est de 1,1, qui est aussi le bêta de la combinaison du portefeuille P [(1,2×0,5)+(1,0×0,5)]=1,1. Le profit de cette opération est la différence de rentabilité entre le portefeuille X et le portefeuille P, soit 2% [16%-(13%×0,5+15%×0,5)]. À l'inverse, si un portefeuille se situe en dessous de la droite, sa rentabilité n'est pas suffisante et l'arbitrage inverse permettra de corriger cette anomalie. Il s'ensuit donc logiquement qu'à l'équilibre, tous les portefeuilles sont alignés sur une même droite (droite de marché) dans l'espace rentabilité-bêta. Nous connaissons un des points de cette droite qui est le portefeuille de marché M. Il a la particularité d'avoir un bêta de 1 par définition. En prenant comme deuxième point son intersection avec l'axe des ordonnées, on peut écrire son équation qui permet de définir la rentabilité de n'importe quel titre: E(Ri)=a+b×âi [1] Nous connaissons deux actifs qui se situent sur la droite: L'actif sans risque et le portefeuille de marché. L'actif sans risque a la particularité d'avoir un bêta nul et, par conséquent, on peut écrire: Rf=a+b×0=a. En ce qui concerne le portefeuille de marché, il a la particularité d'avoir un bêta de 1 et, par conséquent, on peut écrire: E(Rm)=a+b×1, d'où l'expression de b=E(Rm)+a. En remplaçant a et b par leur valeur dans l'équation de la droite [1], on obtient la relation du MEDAF: E(Ri)=Rf+âi(E(Rm)-Rf) L'équation du MEDAF est proche de celle du modèle de marché mais les rentabilités des titres sont différentes selon les deux modèles. Pour qu'il y ait identité, il que ces relations soient vérifiées simultanément, c'est-à-dire que: Rf+âi(E(Rm)-Rf)=ái+âiE(Rm) Or cette égalité est vraie pour le cas particulier où: ái=rf(1-âi) L'alpha du titre est donc une fonction inverse du bêta. Il semble que cette relation soit en partie vérifiée empiriquement. Il faut aussi noter que si les rentabilités attendues selon les deux modèles différent, la variation des rentabilités attendue pour une variation du marché donnée est en revanche identique puisque la définition du bêta est la même dans les deux équations. La rentabilité de tout actif risqué ou portefeuille s'écrit nécessairement sous la forme E(Ri)=a+bâi. S'il n'existe pas d'actif sans risque, il est toujours possible de prolonger la droite d'un côté ou de l'autre du portefeuille de marché et elle coupe nécessairement l'axe des ordonnées en un point qui a la particularité d'avoir un bêta nul. La rentabilité de ce portefeuille notée E(Rz) est donc: E(Rz)=a+b×0=a. Par ailleurs le portefeuille de marché représentatif de tous les actifs disponibles a la particularité d'avoir un bêta égal à 1. Donc: E(Rm)=a+b×1 et par conséquent: b=[E(Rm)-a]. En remplaçant b d'abord et a ensuite par leurs expressions dans l'équation de la droite représentative de la rentabilité de tous les actifs risqués, celle-ci devient: E(Ri)=E(Rz)+âi(E(Rm)-E(Rz)) Ainsi, même lorsqu'il n'existe pas d'actif sans risque disponible sur le marché, la relation du MEDAF reste vérifiée puisqu'il est possible de lui substituer un portefeuille de bêta nul. Il s'agit de la version zéro bêta du MEDAF (Le modèle zero-bêta est un modèle d'équilibre ne faisant pas intervenir l'actif sans risque).
Lorsque le MEDAF est estimé, la rentabilité d'un titre ou portefeuille n'est jamais totalement expliquée par le modèle et, dans ce cas, la rentabilité non expliquée ou résiduelle est matérialisée par un terme ái. Le terme ái est interprété comme anormal car il capte la rentabilité qui n'est pas prédite par le modèle. Or l'estimation du modèle, qui repose sur des hypothèses strictes, reste difficile et rend l'interprétation des résultats elle-même difficile. Roll, dans un des articles, de 1977, les plus célèbres de la littérature financière, a remis en cause beaucoup d'utilisations du modèle et ses conclusions sont les suivantes: · Le seul test réel du MEDAF est de savoir si oui ou non le portefeuille de marché est efficient en termes de moyenne-variance. En effet, si le portefeuille est efficient alors la relation est forcément respectée; · La rentabilité du «vrai» indice de marché n'est pas utilisée dans les tests empiriques du MEDAF et est impossible à mesurer. Un indice de marché, selon le MEDAF, devrait en effet contenir tous les actifs disponibles dans l'économie, c'est-à-dire l'immobilier, les matières premières, le capital humain, etc., et non pas seulement quelques actifs boursiers. La théorie n'est testable que si un tel indice est disponible, ce qui n'est pas le cas actuellement et ce qui est difficilement imaginable. Or, Roll a montré que la valeur du bêta d'un titre ou d'un portefeuille peut être différente selon le choix fait concernant l'indice et ce, même si les indices sont étroitement corrélés; · En conséquence, tous les tests du modèle ne sont que des tests joints de deux hypothèses: la validité du modèle et la qualité de l'estimation du portefeuille de marché. La version standard du MEDAF est due à Sharpe, Treynor et Linter. Cependant les développements ultérieurs ont été nombreux et ont permis de modérer certaines hypothèses du modèle. Parmi les extensions les plus célèbres, figure celle de Black (1972). Il a montré qu'en l'absence d'actif sans risque, il est possible de trouver un portefeuille Z de bêta nul et qui présente la variance la plus faible pour remplacer l'actif sans risque et obtenir ainsi une droite similaire à celle du MEDAF standard. Une deuxième extension du MEDAF a aussi connu un certain succès. Il s'agit du MEDAF-Consommation (CCAPM en anglais) de Breeden (1979) qui est une version multi périodique. L'intérêt de ce modèle est de faire intervenir le taux de croissance de la consommation au lieu de la rentabilité du marché comme explicatif des rentabilités des titres. 3. Le coût du capital et décision d'investissement Pour se financer, l'entreprise se procure des ressources auprès des actionnaires et des créanciers. Les actionnaires possèdent les titres de propriété qui leur confèrent le droit de vote à l'assemblée générale. Ils sont rémunérés par le versement d'un dividende et par les plus-values éventuelles. Ils s'attendent à obtenir une rémunération pour le risque qu'ils ont accepté d'assumer en achetant les actions de l'entreprise. Plus le risque est grand, plus la prime exigée est forte. L'entreprise s'endette également auprès des créanciers bancaires (financement indirect) ou obligataires (financement direct). Dans le premier cas, l'entreprise contracte un emprunt auprès d'une banque qui accepte de lui prêter après avoir évalué le risque du projet, pris un certain nombre de garanties et vérifier le respect de divers ratios d'analyse financière. Dans le deuxième cas, l'entreprise s'adresse directement au marché financier. Les investisseurs décident d'acheter les obligations émises après avoir pris connaissance de la notation de l'entreprise (rating) et des caractéristiques de l'émission (rémunération proposée, durée de vie, etc.) Cette diversité des financements mobilisables pose la question du choix d'une structure financière et du lien entre les choix de financement et les choix d'investissement. Dans une optique Modigliani-Miller, le problème est évacué en considérant la neutralité de la structure financière sur les choix d'investissement. Un projet d'investissement crée de la richesse si sa valeur actuelle nette (VAN) est positive, c'est-à-dire s'il rémunère les ressources utilisées au taux d'actualisation choisi et dégage un surplus. Ce taux correspond au coût d'opportunité du capital de l'entreprise, c'est-à-dire au coût moyen de ses ressources. Nous montrerons comment une entreprise doit calculer ce coût à partir d'une moyenne pondérée du coût de la dette et des fonds propres, ce qui suppose différentes hypothèses relatives à la structure optimale du capital.
T Les modalités d'endettement d'une entreprise sont très variées. Son coût dépend de nombreux paramètres comme la qualité de l'entreprise, le risque du projet, la situation conjoncturelle sur le marché des capitaux, la structure à terme des taux d'intérêt, etc. En l'absence d'impôt et de frais liés à l'obtention des fonds, le coût d'une source de financement est le taux actuariel, résultant de l'égalité entre le montant emprunté et la somme des valeurs actualisées des décaissements nets qui seront effectués dans le temps. Ce taux actuariel (r) correspond au Taux Interne de Rentabilité brut du prêteur: t =1 M=?[Vt/(1+r)t] avec M est le montant emprunté, Vt sont les versements réalisés par l'entreprise au temps t (Intérêts It et Remboursements Ct), T est l'échéance du dernier remboursement effectué. Le coût de la dette de l'entreprise doit également intégrer les dépenses spécifiques liées à l'obtention des fonds et à la déductibilité fiscale des frais financiers. Pour un emprunt donné, le coût de la dette (c) pour l'entreprise est inférieur au rendement des fonds investis par le prêteur et correspond au taux actuariel dans l'équation: T M-F=?[It(1-)+Ct]/(1+c)t t =1 avec M est le montant emprunté, F est le montant des frais liés à l'obtention des fonds (rémunération du montage financier), est le taux d'imposition sur les sociétés, anticipé sur la période, Ct est le flux de remboursement au temps t du capital emprunté (M), It est le paiement des intérêts en t. Cette approche est néanmoins approximative dans la mesure où certains paramètres comme le taux d'imposition des sociétés ou l'assurance de faire des bénéfices sur lesquels imputer des déductions fiscales ne peuvent être connus véritablement qu'ex post. Exemple: Calcul du coût de la dette d'une entreprise quelconque. L'entreprise «Tricorp» a emprunté 5 millions d'euros au taux de 10%. L'emprunt d'une durée de 5 ans est remboursé par annuités constantes. Les frais d'émission représentent 2% du montant total emprunté. Le taux d'imposition prévu pour la période est de 34%. L'annuité constante que l'entreprise doit verser à la banque est: A=5 000 000×[0,1/(1-(1,1)-5)]=1 318 987,40€. On en déduit le tableau d'amortissement et les décaissements nets d'impôts:
L'entreprise ayant payé initialement en frais 2% du montant emprunté, n'a encaissé que: 5 000 000×(1-0,02)=4 900 000 € Le coût de rendement pour l'entreprise résulte de l'équation suivante: 1 148 987,40/(1+c)1+1 176 832,98/(1+c)2+1 207 463,10/(1+c)3+1 241 156,25/(1+c)4+1 278 218,70/(1+c)5 = 4 900 000 € D'où une valeur de c égale à 7,34%
Le coût des fonds propres pour une entreprise est le taux de rentabilité attendu par les actionnaires. Ces derniers anticipent en effet une certaine rémunération fonction des dividendes futurs et de la plus-value réalisée. Nous présentons deux méthodes permettant de déterminer le coût des fonds propres.
Dans le modèle de Gordon Shapiro, l'actionnaire détient l'action pour une durée de temps infini et le dividende (Dt) distribué à chaque période, croît à un taux constant (g) à partir du dividende initial D0 (Dt=D0(1+g)t). Avec un taux i de rentabilité exigé par les actionnaires, la valeur V0 de l'action est égale à la valeur actuelle de la somme des dividendes distribués à chaque période: V0=D0/(1+i)+D0(1+g)/(1+i)2+D0(1+g)2/(1+i)3+ +D0(1+g)T/(1+i)T+1 1-(1+g)T(1+i)-T D0 (1+i) 1-(1+g)(1+i)-1 V0= × 1-(1+g)T(1+i)-T i-g V0=D0× Si ce taux de rendement attendu des fonds propres est supérieur au taux de croissance g attendu des dividendes, on trouve si T tend vers l'infini et si i est supérieur à g. V0=D0/i-g et i=D0/V0+g L'hypothèse (i>g) est vraisemblable car si g était très élevé, le dividende devrait augmenter chaque année d'un pourcentage important, pour une durée de temps infinie, ce qui est difficile à concevoir. Exemple: Calcul du taux de rentabilité attendu par les actionnaires. Soit la société «Tricorp» qui distribue un dividende de 15 € chaque année. On pense que le dividende va croître dans les prochaines années d'un taux g égal à 1%. Si l'action est cotée actuellement 100 €. Le taux de rentabilité attendu des actionnaires est: i=D0/V0+g=15/100+0,01=16%
Le MEDAF permet de calculer le taux de rentabilité attendu d'un actif. Ce taux (E(RA)) doit être égal au taux sans risque augmenté d'une prime de risque: E(RA)=Rf+âA[E(RM)-Rf] avec E(RA) espérance de rentabilité du titre A, Rf rentabilité de l'actif sans risque, âA =Cov(RA,RM)/Var(RM), c'est le risque systématique de l'actif E(RM) espérance de rentabilité du marché, E(RM)-Rf prime de risque du marché, âA[E(RM)-Rf] prime de risque global du titre A Le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) nous permet donc de calculer le coût des fonds propres pour une entreprise qui est donc le taux de rentabilité exigé par les actionnaires. Par suite le coût des fonds propres devient: KFP=Rf+â[E(RM)-Rf] Exemple: Calcul du coût des fonds propres à l'aide du MEDAF On suppose la rentabilité de l'actif sans risque Rf de 10%, l'espérance de rentabilité du marché RM de 15% et le â de la société «Tricorp» de 1,3. La rentabilité attendue des actionnaires de la société «Tricorp» est alors: 0,10+1,3[0,15-0,10]=16,5%
Le coût moyen pondéré du capital (CMPC), en anglais «Weighted Average Cost of Capital (WACC)», correspond pour une entreprise donnée au coût moyen de ses ressources. Cette méthode, couramment utilisée par les entreprises, est également l'une des plus simples à mettre en oeuvre. Il suffit de faire la moyenne du coût de la dette (net de la fiscalité) et du coût des fonds propres en pondérant chacune de ces ressources, mesurées à partir des valeurs du marché, en fonction de leur importance respective (pour simplifier le modèle on considère que la firme se finance seulement par la dette et par l'augmentation de son capital propre): CMPC=KFPFP/V+KD[1-]D/V avec KFP coût des fonds propres (FP), KD coût de la dette (D), FP valeur du marché des fonds propres, D valeur du marché de la dette, V valeur de l'entreprise=FP+D (valeur de marché des ressources utilisées) le taux d'imposition sur les sociétés. Exemple: Calcul du CMPC La société «Tricorp» a un coût des fonds propres (KFP) et un coût de la dette (KD) après impôt respectivement de 16% et 7,34%. En valeur de marché, les actions «Tricorp» représentent une somme équivalente à celle des dettes. Le CMPC de «Tricorp» est donc: (50%×0,16)+(50%×0,0734)=0,1167=11,67% Le CMPC est le taux d'actualisation que l'entreprise doit utiliser. C'est en effet le coût d'opportunité des fonds de l'entreprise puisque c'est au taux du CMPC qu'elle rémunère en moyenne chaque euro emprunté. Le CMPC est-il toujours le bon taux d'actualisation? En effet, pourquoi retenir le CMPC si le projet d'investissement est financé par emprunt dont le coût est généralement moins élevé que celui des fonds propres, compte tenu de la déductibilité des frais financiers? Un tel raisonnement néglige le fait que l'augmentation de la dette augmente le risque financier. Le recours à la dette comme moyen de financement a une influence directe sur le coût moyen pondéré du capital, en augmentant le coût des fonds propres. En effet, il existe une relation entre le â d'une firme endettée (Levered Bêta) et le â d'une firme non endettée (Unlevered Bêta): âL=âU×(1+(1-)D/FP) avec FP valeur de marché des fonds propres, D valeur de marché de la dette, le taux d'imposition sur les sociétés, âL C'est le risque systématique de la firme endettée (Levered Bêta), âU C'est le risque systématique de la firme non endettée (Unlevered Bêta). Par suite, à chaque fois que le niveau de la dette D augmente cela implique: Une augmentation du â de la firme endettée qui représente le risque systématique de celle-ci et par suite une augmentation du coût des fonds propres KFP qui est fonction croissante du â de la firme endettée. Les actionnaires exigent en effet un rendement croissant avec le niveau d'endettement de la firme. C'est également vrai pour les créanciers de l'entreprise car plus l'entreprise est endettée, plus le risque de faillite augmente. C'est pourquoi, si le projet est financé par dette sans que cela ne modifie la structure financière de l'entreprise, le taux d'actualisation à retenir est le CMPC. Par ailleurs, si le projet est financé par un emprunt à taux bonifié, nous suggérons de considérer qu'il s'agit d'une subvention déguisée se traduisant par des annuités de remboursement inférieures et de réintégrer la somme correspondant aux économies réalisées dans le calcul des cash-flows du projet. On continue alors à utiliser le CMPC comme taux d'actualisation des flux du projet. Coût du capital et niveau d'endettement En utilisant le CMPC comme taux d'actualisation, on suppose implicitement qu'il y a indépendance entre les choix d'investissement et les choix de financement. Le choix des investissements s'effectue donc sans prendre en compte les modalités de financement du projet (dettes ou fonds propres). Cependant, le CMPC ne peut être utilisé comme taux d'actualisation que si les trois conditions suivantes sont réunies: · Le projet présente un niveau de risque comparable à celui de la firme. Dans le cas contraire, il faut considérer le risque propre au projet et déterminer un taux d'actualisation spécifique. Ce taux n'est pas facile à définir, car il est nécessaire d'anticiper les probabilités relatives aux différents états du monde et les cash-flows associés correspondants. L'utilisation du MEDAF pour déterminer le coefficient â spécifique au projet est alors un préalable au calcul du taux de rentabilité requis par les actionnaires. Dans le cas où ce calcul du â spécifique au projet s'avère difficile à déterminer, en raison des difficultés présentées plus haut, l'entreprise peut définir des taux d'actualisation relatifs aux diverses catégories de projets en intégrant sa propre perception du risque, d'autant plus grand que l'entreprise s'éloigne de son métier d'origine. Ainsi, elle pourrait fixer les taux suivants selon les projets envisagés:
Une société diversifiée devra donc utiliser plusieurs taux d'actualisation pour ses différentes activités. Cette approche pratique est très souvent employée par les entreprises. · La taille du projet ne modifie pas fondamentalement la structure financière de la firme. Le poids relatif de chacune des sources de financement dans le passif de l'entreprise ne doit pas être modifié. Dans le cas contraire, le CMPC est déterminé à partir de la nouvelle structure financière de la firme, cette dernière intégrant le financement du projet d'investissement. · Il n'y a pas de rationnement du capital. Au voisinage de la contrainte de rationnement, tout projet retenu limite les possibilités ultérieures d'endettement (perte d'option d'emprunt) et change le CMPC Dans la pratique, il est souvent difficile de déterminer avec précision le CMPC. L'existence notamment, dans l'ensemble de ressources, de titres hybrides comme les obligations convertibles dont la nature (dettes ou fonds propres) n'est pas facile à cerner empêche une détermination précise du coût des ressources de l'entreprise. Par ailleurs, les sociétés non cotées ne pouvant calculer directement le CMPC, devront raisonner par analogie avec des sociétés opérant dans le même secteur. Dans la pratique, les PME se contentent d'une valeur approximative pour leur coût moyen pondéré du capital (CMPC).
La courbe de coût du capital du graphique précédent laissait présager l'existence d'une structure optimale du capital, définie à partir du ratio d'endettement pour lequel le coût moyen pondéré du capital est minimal (CMPC*). Tant que le ratio d'endettement n'atteint pas CMPC*, l'ensemble réduit son coût du capital en accroissant son endettement relatif. Mais cet effet positif atteint une limite lorsqu'il est compensé par l'effet négatif de l'augmentation du coût des fonds propres, liée précisément à l'accroissement du risque financier perçu par les actionnaires (risque de faillite croissant avec le niveau d'endettement). Cela se traduit par une zone relativement plate pour la courbe de coût du capital. Celle-ci peut être plus restreinte lorsque l'entreprise subit des contraintes de financements, ce qui est plus souvent le cas des petites et moyennes entreprises (PME). La question de l'existence d'une structure optimale du capital n'est pas nouvelle. En 1958, les travaux de Modigliani et Miller montrent qu'en l'absence d'imposition, la structure du capital est neutre et n'influe pas sur la valeur de la firme. En revanche, lorsque la fiscalité est prise en compte, les entreprises ont intérêt à s'endetter le plus possible, réalisant ainsi des économies fiscales maximales sur la dette. En introduisant les coûts de faillite attachés à un montant de dette élevé, l'endettement augmente la probabilité de faillite, ce qui est coûteux pour l'entreprise. Chaque entreprise se doit de déterminer la structure optimale de son capital en fonction de ses coûts de faillite. Cela étant, on considère qu'il y a séparabilité des décisions de financement et d'investissement lorsque tous les projets sont financés de manière à conserver approximativement la structure financière optimale. Des travaux plus récents intégrant les derniers développements de la théorie financière, ont reposé le problème de la structure optimale du capital. Pour Jensen et Meckling (1976), les actionnaires, les créanciers et les dirigeants ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Les actionnaires cherchent à maximiser la valeur de leurs actions et les créanciers à se garantir contre une défaillance de l'entreprise qui entraînerait une perte de leurs créances. Les dirigeants désirent profiter de leur position pour bénéficier de salaires élevés ou d'avantages en nature. Comment résoudre les problèmes de coordination entre ces agents? La théorie de l'agence définit des mécanismes incitatifs rationnels pour assurer une coordination cohérente. Les coûts d'agence qui en résultent modifient le coût des différents financements disponibles et la structure optimale du capital. Pour Leyland et Pyle (1977), seuls les entreprises en bonne santé sont en mesure de rembourser des montants de dettes élevés. Les managers qui détiennent une information privilégiée et qui croient au développement de leur firme acceptent un endettement élevé. Ils signalent ainsi aux marchés financiers un bon potentiel de développement. Myers (1977) montre sous certaines hypothèses, qu'un niveau d'endettement élevé peut conduire au sous-investissement. Pour Myers et Majluf (1984), dans le cadre d'asymétrie d'informations entre les marchés financiers et les managers, une entreprise peut avoir intérêt à sous-investir si elle doit pour cela recourir à une augmentation de capital, signal d'une survalorisation de la firme. 4. Options réelles et décision d'investissement en avenir incertain
À la différence d'une option financière, dont l'actif sous-jacent est un actif financier, l'option réelle est générée par les caractéristiques d'un projet d'investissement. L'option réelle permet à son détenteur de décider d'une action ou de ne pas la faire, pendant une période déterminée, et à un prix d'exercice fixé. La décision interviendra en fonction de la valeur prise à l'échéance de l'option par une variable aléatoire caractérisant l'investissement (par exemple la somme des flux futurs actualisés). L'option réelle peut être de type européen (la décision doit être prise à une date future) ou de type américain (la décision doit être prise au plus tard à cette date). Un projet d'investissement présente souvent un ensemble d'options réelles. L'absence de prise en compte de ces options peut amener à des décisions d'investissement erronées. L'objectif principal de l'analyse par les options réelles est de prendre en considération la flexibilité dont peuvent disposer les dirigeants lorsqu'ils prennent des décisions d'investissement en situation d'incertitude. La flexibilité revêt bien des formes: Elle peut correspondre à la possibilité de retarder un investissement, de l'abandonner, de réduire sa taille ou de l'augmenter, de passer d'un système de production à l'autre, etc. L'idée centrale des options réelles est d'intégrer le caractère dynamique de la décision d'investissement et de répondre ainsi à l'une des principales limites de l'analyse traditionnelle des projets d'investissement qui, parce qu'elle n'intègre pas ces éléments, présente le risque de sous-estimer la valeur des projets. La notion d'option réelle est apparue à la fin des années 1970, suite en particulier aux travaux de Black et Scholes (1973) d'une part et de Merton (1973) d'autre part, qui apportèrent le premier modèle permettant de valoriser une option financière. Myers (1977) utilisa ces travaux pour établir une analogie entre une opportunité de croissance et une option sur action, et pour proposer une méthode de valorisation de cette option réelle. Depuis, la notion d'option réelle connaît un succès croissant. Elle est aujourd'hui appliquée à des domaines aussi variés que l'évaluation de projets d'exploitation miniers, de projets de recherche et développement, d'entreprises de biotechnologies, etc. Investissements qui présentent a priori bien peu de points communs. Ce succès est vraisemblablement lié à la conjonction de deux éléments: · En premier lieu, les entreprises sont confrontées à un environnement plus incertain dans lequel la possibilité de réagir promptement et efficacement à une modification de l'environnement acquiert une dimension nouvelle. · En second lieu, l'augmentation de la capacité de calcul des ordinateurs permet de valoriser des options plus complexes que ne l'étaient celles du modèle de Black et Scholes, plus proches de celles rencontrées dans le cas des options réelles. Le caractère universel de la notion d'option réelle, fort bien illustré par le foisonnement actuel de travaux consacrés à ce sujet, soulève un certain nombre de questions relatives à la portée pratique de cette notion. Les options réelles peuvent-elles être appliquées dans tous les domaines ou certaines conditions doivent-elles être réunies pour que cette application ait un sens? Que faut-il attendre de la notion d'option réelle: Une méthode fiable de valorisation, comme le mot option pourrait le laisser espérer ou, plus simplement, un outil de réflexion visant à compléter la conception traditionnelle de l'investissement? C'est à ces questions que cette partie tente de répondre.
Les options réelles sont issues de la transposition de la méthode de valorisation des options financières à la sphère réelle. Bien que de nombreux manuels se contentent de ce constat pour définir les options réelles, cette définition n'est pas suffisante pour comprendre les fondements du concept d'options réelles. La comparaison approfondie entre la technique des options financières et celle des options réelles permet de faire émerger progressivement une définition plus complète.
Les options réelles ont une définition proche de celle généralement retenue pour les options financières. Tout comme ces dernières, elles peuvent être distinguées en fonction de leur nature: Il existe des options d'achat (call) et des options de vente (put). De plus, elles peuvent également être définies par leur caractère asymétrique. Les options réelles d'achat donnent à leur détenteur le droit d'entreprendre un investissement, à un coût fixé à l'avance (le prix d'exercice), à ou avant une date déterminée (l'échéance). Par exemple, posséder un gisement non exploité peut être assimilé à la détention d'une option réelle d'achat. L'actif réel sur lequel l'option consiste est le gisement. Le droit associé à l'option est celui d'exploiter ce gisement. C'est une option d'achat, car l'exploitation permet de s'approprier des revenus de l'actif réel. Son prix d'exercice est le coût à consentir pour initier la production. Le détenteur de l'option peut enfin décider la mise en exploitation à tout moment tant qu'il en a l'autorisation (soit parce qu'il est le propriétaire, soit parce qu'il a acheté une concession sur le gisement). Les options réelles de vente offrent quant à elles la possibilité d'abandonner un investissement ou de le revendre à un prix déterminé à l'avance, à ou avant une date déterminée. Une entreprise détenant un parc informatique possède par exemple une option de vente portant sur un ensemble d'ordinateurs. L'option se traduit par la possibilité qu'a l'entreprise, à tout moment, de revendre ce parc sur le marché secondaire, en admettant bien sûr que les ordinateurs ne soient pas obsolètes. Dans ce cas, le prix d'exercice s'identifie à la valeur que représente le parc informatique pour l'entreprise, et cette valeur doit être comparée au prix de revente sur le marché. Tout comme les options financières, les options réelles sont des actifs dérivés et asymétriques: · Une option est un produit dérivé parce que sa valeur dépend de celle d'un autre actif, généralement qualifié d'actif support. Dans le domaine des options réelles, l'actif support est un projet d'investissement. Dans l'exemple du gisement évoqué plus haut, la valeur de l'opportunité d'exploiter dépend fortement de la valeur des réserves souterraines. · Une option est de plus un actif asymétrique car elle confère à son acheteur le droit, mais non l'obligation, de l'exercer. Ainsi, un détenteur d'option réelle a le droit d'entreprendre l'investissement ou d'y renoncer. Le caractère asymétrique de l'option provient de ce qu'elle donne la possibilité de bénéficier des évolutions favorables sans avoir à supporter les situations défavorables. Le détenteur de gisement peut ainsi choisir d'exploiter si la demande pour ce minerai est forte, ou au contraire renoncer à la commercialisation si d'autres gisements de meilleure qualité, à coût d'exploitation réduit, ont été découverts entre-temps.
Rappelons en un mot que l'option financière est un contrat entre deux parties par lequel l'une (le vendeur) accorde à l'autre (l'acheteur) le droit mais non l'obligation de lui acheter (option d'achat) ou de lui vendre (option de vente) un actif financier, l'actif sous-jacent, moyennant le versement d'une prime correspondante au prix de l'option. L'achat ou la vente de l'actif sous-jacent se fait à un prix déterminé (le prix d'exercice) durant une période correspondante à la période d'exercice pour les options dites américaines ou à une date précise correspondante à la date d'exercice d'échéance pour les options européennes. Il existe de nombreux types d'actifs sous-jacents. La présentation des déterminants se limite ici au cas des options d'achat pour lesquelles l'actif sous-jacent est une action. Donc, les déterminants d'une option financière d'achat dont l'actif sous-jacent est une action sont: · La prime, c'est-à-dire le prix de l'option d'achat; · La valeur de l'actif sous-jacent, c'est-à-dire le cours de l'action; · Le prix d'exercice; · La volatilité de l'action; · La durée de vie de l'option qui correspond à la date ou la période d'exercice; · Le taux d'intérêt sans risque; · Les dividendes versées le cas échéant. Les deux méthodes les plus répandues de valorisation d'options financières sont la méthode binomiale élaborée par Cox, Ross et Rubinstein (1979) et la méthode de Black et Scholes (1973). La première utilise l'hypothèse de neutralité par rapport au risque et est construite en temps discret, la seconde est fondée sur la construction d'un portefeuille répliqué et est construite en temps continu. Le tableau suivant établit une comparaison entre la philosophie sous-jacente aux options financière et celle sous-jacente aux options réelles. La première différence essentielle, qui est rarement mentionnée telle quelle dans la littérature, est relative au fait que, dans l'approche réelle, contrairement à ce que le qualificatif suggère, et de façon paradoxale, l'option est fictive alors que dans celle financière, elle est réelle. Dans la sphère financière, la technique des options permet de couvrir le risque d'un sous-jacent que l'on détient réellement. Dans la sphère réelle, la technique des options constitue un outil d'aide à la décision: Il s'agit pour le décideur de savoir s'il effectue des investissements productifs ou non. L'alternative qui se présente à lui est la suivante: Il doit décider d'effectuer un investissement qui comporte une dimension optionnelle ou ne pas investir et donc perdre l'opportunité de réaliser cet investissement et les options qui lui sont rattachées. L'analyse comparative entre les options réelles et financières nous amène à définir plus précisément les options réelles comme un moyen de se couvrir contre une perte d'opportunité. Les options réelles désignent la valorisation explicite d'opportunités liées à la modification d'une décision due à l'évolution des circonstances. Comme la valorisation des options financières, celle des options réelles impose d'intégrer dans le processus l'opportunité dont l'entreprise dispose demain pour prendre des décisions suite à des circonstances ou des informations nouvelles. Pour évaluer un projet d'investissement productif de façon complète, il faut tenir compte du portefeuille d'options réelles attaché à ce projet. Autrement dit un projet d'investissement productif est vu comme un projet engendrant des flux financiers et donc décrit par ces flux. Mais il est défini également par un ensemble d'options qui pourront être exercées dans le futur. Celles-ci sont les leviers de commande du décideur et doivent être valorisées car elles sont source de valeur.
De plus, alors que l'identification des options financières ne pose pas des problèmes de méthodes particulières, ce n'est pas le cas pour les options réelles qui doivent, quant à elles, être identifiées à travers la réflexion et l'analyse. Les autres différences entre les deux approches sont relatives à la nature de la transaction: Alors que les options financières sont définies dans un contrat, ce dernier matérialisant l'option, ce n'est pas le cas des options réelles pour lesquelles la dimension contractuelle est absente de la transaction. Dès lors, ni le prix d'exercice, ni le coût d'exercice ne sont déterminés contractuellement. Enfin, dans la sphère réelles comme financière, le risque encouru est limité pour l'acheteur et illimité pour le vendeur, mais ce risque est de nature différente. L'acheteur d'une option réelle est incarné par la figure du financier, qui peut être interne à l'entreprise ou externe à celle-ci. Le risque lié à la détention de l'option réelle d'investissement correspond à la perte financière dont le montant est équivalent aux capitaux investis pour avoir accès aux opportunités d'investissement. Le vendeur de l'option réelle d'investissement est le gestionnaire ou le dirigeant de l'entreprise qui a besoin d'être financée. Le risque qu'il encourt correspond au préjudice lié au fait de renoncer au projet devant être financé. Le tableau suivant présente le parallèle entre les déterminants d'une option financière et ceux d'une option réelle.
Tout d'abord l'actif sous-jacent est d'une autre nature différente. En effet, dans le cas des options financières, il s'agit d'une action cotée sur le marché financier tandis que, dans le cas des options réelles, il s'agit d'un projet d'une entreprise. L'exercice d'une option financière correspond à un investissement financier tandis que celui d'une option réelle correspond à un investissement productif. Dans la sphère financière, la valeur de l'actif sous-jacent est donné par le marché financier tandis que, dans la sphère réelle, elle est estimée en pratique par celle d'une entreprise cotée (ou d'un groupe d'entreprises) jugée similaire dont le cours reflète la valeur de ce que rapporte le projet. Le prix d'exercice correspond au coût d'acquisition des actifs du projet et est une fonction décroissante de la valeur de l'option réelle: Plus le projet est coûteux, moins l'option réelle a de la valeur. La volatilité de l'actif sous-jacent mesure l'incertitude sur les flux de liquidité générés par l'investissement productif et est une fonction croissante de la valeur de l'option réelle. Dans le cas d'une option réelle américaine, la date d'exercice correspond à la période pendant laquelle la décision peut être retardée, autrement dit la durée pendant laquelle l'opportunité d'investissement existe. Pour une option réelle de type européen, la date d'exercice correspond à la date fixée d'exercice de l'option, c'est-à-dire à la date précise de l'investissement productif. L'échéance d'exercice, c'est-à-dire la durée qui sépare l'achat de l'option de son exercice, est une fonction croissante de la valeur de l'option. En effet, plus l'échéance est éloignée dans le temps, plus la probabilité d'exercer l'option dans le temps est élevée. Il en est de même pour sa valeur.
Si l'analogie entre les options réelles et les options financières est séduisante, elle n'en est pas moins limitée: L'asymétrie ne joue pas le même rôle dans les deux cas, et les actifs support des options sont fondamentalement différents. Du point de vue de l'asymétrie, les options réelles présentent une particularité, liée à la nature des transactions qui leur sont associées. En effet, contrairement à ce qui se produit dans le cas des options financières, un acheteur d'option réelle ne fait généralement pas face à un vendeur. L'exemple du parc informatique (paragraphe 4.2.1.) illustre ce phénomène. L'entreprise détenant ces ordinateurs possède une option réelle de vente. Cette opportunité de revendre le parc sur le marché secondaire n'a pas été acquise en tant que telle: Les ordinateurs ont vraisemblablement été achetés à l'état neuf, comme outils de travail, la perspective de les revendre ensuite n'intervenant que de façon marginale dans la décision. Et, à moins que le fournisseur ne se soit engagé à reprendre ultérieurement le parc à un prix fixé d'avance, les ordinateurs seront revendus sur le marché secondaire sans que quiconque se trouve dans l'obligation de prendre réception de ces produits. Ainsi, dans le domaine des options réelles, les acteurs considérés sont en grande majorité les détenteurs (acheteurs) d'options. La stratégie de tels opérateurs est peu risquée: Dans le pire des cas, la valeur de l'option est nulle à sa date d'expiration, et son détenteur perd ce qu'il a dépensé pour l'obtenir. Si en revanche la situation se révèle être favorable, le profit de l'opérateur peut être illimité. Le caractère asymétrique des options réelles ne doit donc rien à l'existence de situations différentes pour l'acheteur et le vendeur d'option. Un tel constat soulève deux questions: La première de ces questions est relative à la valeur d'une option pour laquelle il n'existe pas de marché (lieu théorique où se rencontrent l'offre et la demande), la deuxième est liée au processus de création des options réelles. Si le détenteur d'une telle option ne l'a pas acquise, il a fallu qu'il la crée, grâce par exemple à un investissement antérieur réalisé dans un tout autre but. Ce dernier peut avoir pour conséquence la détention d'une ressource naturelle non exploitée, la possibilité d'utiliser une licence, un brevet, une marque, des compétences organisationnelles, un savoir-faire technologique, une position de domination par les coûts, etc. L'analogie entre une option réelle et une option financière présente une seconde limite, tenant à la nature de l'actif support considéré. Dans le cas des options réelles, cet actif n'est pas un titre financier mais un projet d'investissement, considéré de façon plus ou moins extensive: Ce projet peut s'identifier au développement ou à l'abandon d'une activité spécifique (pour un constructeur automobile par exemple, la conception d'un nouveau modèle de voiture), il peut au contraire représenter les activités de la firme dans leur ensemble (la commercialisation de véhicules destinés aux particuliers et aux entreprises) ou bien se situer à un niveau intermédiaire entre ces deux extrêmes (la conception d'une gamme de véhicules spécialement adaptés à un terrain spécifique, tels que la neige ou le sable). Or, les actifs financiers sont caractérisés par leur fongibilité. À condition que les mêmes droits soient associés aux deux titres, l'action d'une société ne se distingue en rien d'une autre action de la même société. En revanche, deux actifs réels ne sont jamais totalement comparables, et ceci n'est pas sans implication: · En premier lieu, il existe le plus souvent un marché secondaire permettant d'échanger facilement les titres financiers sans subir des coûts de transaction prohibitifs. Tel est rarement le cas pour les actifs réels. · En deuxième lieu, si les caractéristiques d'un actif financier peuvent être connues simplement, ces informations sont beaucoup plus difficiles à obtenir pour un actif réel. Par conséquent, les modalités de la transaction sont susceptibles d'être affectées par la présence d'asymétries d'information. · En troisième lieu, la valeur d'un actif réel peut partiellement au moins provenir de son apport aux activités existantes de la firme, de l'exploitation de synergies industrielles, de la présence de complémentarités entre différents projets. La valeur d'un produit de beauté (sels de bains, lait pour le corps, etc.) peut par exemple provenir, en grande partie, de ce qu'il complète la gamme associée à un parfum renommé. La prise en considération de tels éléments revêt une bien moindre importance dans le domaine financier. L'analogie entre les options réelles et les options financières, qui augure a priori une quantification, n'est donc pas exempte de limites, dues principalement à la nature de l'actif support considéré. Ces limites ne retirent pas pour autant toute pertinence au concept.
Les partisans de l'approche en terme d'options réelles considèrent que ces dernières fournissent un cadre analytique «révolutionnaire», en mesure de surmonter les échecs de l'analyse traditionnelle dans la prise en compte de l'incertitude et de la flexibilité associées aux investissements. Leur démarche est inductive: Ils identifient les limites des méthodes traditionnelles de valorisation et justifient leur démarche en soulignant que celles fondées sur le principe d'actualisation ne reflètent pas un certain nombre de caractéristiques fondamentales, qui sont pourtant à prendre en compte au moment d'une décision d'investissement productif; à partir de ce constat, ils construisent les options réelles afin de résoudre ces problèmes.
Les méthodes de valorisation financière traditionnelles ont un apport limité. En effet elles ne prennent pas en compte le fait que les dépenses d'investissement productif sont irréversibles. Or l'irréversibilité fait de l'investissement un processus explicitement dynamique où le choix de la date opportune pour le réaliser est aussi important que celui du niveau correct d'investissement. En effet investir est contraignant pour l'avenir, puisqu'en cas d'erreur sur les perspectives, il faudra supporter le coût des surcapacités. En revanche, attendre peut apporter des informations utiles. L'originalité des options réelles est de considérer cet «attentisme» comme un comportement susceptible d'être optimal face à l'irréversibilité et l'incertitude. Ainsi l'argument soutenu par les défenseurs de cette approche est qu'un investissement productif n'est pas dans tous les cas à effectuer «maintenant ou jamais». Selon eux, les méthodes de valorisation traditionnelles ne prennent pas en compte l'étalement dans le temps de l'opportunité d'une décision d'investissement productif: En effet, la règle de décision par la valeur actuelle nette (VAN) compare deux situations investir aujourd'hui ou ne jamais investir et considère que la décision d'investissement repose sur une suite continue de flux. En proposant des montants de flux de profits générés, le gestionnaire fait l'hypothèse que le projet débute à une date fixe, au moment du calcul. Aucune contingence n'est prise en compte: La firme ne peut pas faire de choix différents de ceux de l'investissement initial. Or de nombreuses recherches montrent que la capacité de retarder un investissement irréversible influence de façon importante la décision d'investir et invalide par conséquent la règle de décision de la VAN. Son point de vue statique ne prend pas en compte d'éventuelles interventions des dirigeants à des dates ultérieures. Quant à l'approche en terme d'options réelles, elle prend en compte la flexibilité des projets grâce à l'intégration, par les acteurs économiques, des contingences liées aux investissements productifs. Ainsi, les options réelles sont un outil ayant une flexibilité que la VAN n'a pas. Celle-ci est d'autant plus importante pour les investissements innovants que la prise de décision d'investir engendre des coûts irrécouvrables (les dépenses d'investissement productif en actifs immatériels peuvent être en partie des fonds perdus quand elles sont spécifiques à un type d'industrie ou à une firme. Dès lors, un mauvais investissement productif est une perte sèche car il n'est pas recouvrable (sunk costs)). En pratique, la VAN n'est pas utilisée comme elle le devrait. En effet, la loi d'investissement associée à ce critère n'est pas souvent respectée: Soit les entreprises exigent une VAN très largement positive pour investir, soit elles calculent la VAN en retenant un taux d'actualisation supérieur au taux théorique. Ou encore, toutes celles appartenant à un même secteur utilisent un taux identique, bien que le coût de leurs ressources ne soit pas le même, et bien que l'investissement ne les expose pas au risque de façon identique. Ces pratiques peuvent se révéler dommageables car lorsque le critère de la VAN est utilisé, la mesure de la richesse créée par un investissement est extrêmement sensible au taux d'actualisation retenu. La majorité de ces pratiques révèlent une forte aversion au risque de la part des opérateurs, et/ou une difficulté à estimer le coût moyen pondéré du capital (WACC) associé à un projet. De ce point de vue, la notion d'option réelle est utile, car elle incite à une perception plus positive du risque (un détenteur d'option a des possibilités de pertes limitées, tandis que ses gains éventuels sont illimités), et elle propose l'utilisation d'un taux d'actualisation simple à déterminer: Le taux d'intérêt sans risque. Malheureusement, cela ne signifie pas pour autant que l'analyse optionnelle résolve toutes les difficultés. À la limite, elle pourrait même être accusée d'en introduire de nouvelles, tant le concept d'option réelle est multiforme. De plus, les partisans de l'approche en terme d'options réelles considèrent que les méthodes de valorisation traditionnelles ont l'inconvénient de traiter l'incertitude comme une source de nuisance. En effet, dans la mesure où les investissements risqués sont supposés engendrer un rendement important, le taux d'actualisation dans le calcul de la VAN actualisée est lui aussi conséquent. Comme ce dernier est fonction décroissante de la valeur de l'investissement, le risque est pénalisant. Autrement dit l'incertitude concernant les flux de cash-flows générés par l'investissement productif est jugée négativement. Les partisans de l'approche en terme d'options réelles considèrent au contraire que le potentiel de croissance incertain peut générer de la valeur.
Enfin, cette méthode entend s'affranchir de toute conception subjective du risque présente dans les méthodes de valorisation financière traditionnelles. Elle prétend être capable d'une parfaite objectivité dans la mesure où, pour chaque noeud de décision, un nouveau comparatif de risque par l'intermédiaire d'un titre comparable sert d'appui pour déterminer le taux d'actualisation, ce dernier variant avec la valeur de l'actif sous-jacent.
Les défenseurs de l'approche en terme d'options réelles identifient deux types d'erreurs liées à l'utilisation de la méthode de la valeur actualisée nette (VAN) comme critère de décision pour investir: · D'une part, ils considèrent qu'elle peut conduire à ne pas investir dans un investissement rentable à cause d'une sous-évaluation du projet due à l'occultation de sa flexibilité et de sa valeur stratégique. Autrement dit les options attachées dans le cadre de la VAN à cet investissement productif ne sont pas prises en compte. Ainsi l'application de la VAN à Apple Computer en 1995-1996 aurait amené l'entreprise à abandonner les investissements productifs liés aux ordinateurs personnels. L'analyse en terme d'options réelles l'aurait, quant à elle, conduite à poursuivre l'activité, dans la mesure où elle considère cette période de perte comme «le prix à payer pour maintenir en activité une entreprise qui est susceptible de faire d'importants profits dans le futur». Les faits révèlent la pertinence de la méthode des options réelles. · D'autre part. L'application de la VAN peut conduire, selon eux, à investir de façon irréversible dans un projet peu rentable: Les modèles classiques peuvent surévaluer un projet, ce qui entraîne une perte de flexibilité pour l'entreprise et grève les possibilités de développements parallèles. En définitive, selon ses défenseurs, la technique des options réelles ambitionne de proposer des outils analytiques formalisés, permettant d'établir une règle de décision flexible s'affranchissant de toute conception subjective et où l'incertitude concernant les flux de trésorerie engendrés par l'investissement est source de richesse
La littérature distingue généralement sept catégories d'options réelles. Ce paragraphe a pour objectif de les présenter et de montrer ce qui les distingue les unes des autres, qu'il s'agisse de la nature de ces options, de leur impact sur la décision d'investissement, ou de l'influence prépondérante d'un déterminant spécifique sur leur valeur. Ces options sont classées par degré de complexité croissante.
L'option réelle de reporter l'investissement «option to delay» est sans doute celle la plus fréquemment invoquée. Dans ce cas, la flexibilité est uniquement due à la possibilité, pour l'investisseur, d'attendre avant de s'engager. L'investissement est reporté dans l'espoir d'obtenir ultérieurement des informations pertinentes quant à la mise en oeuvre du projet, et concernant par exemple les coûts, les prix, ou les conditions du marché. Contrairement à la théorie traditionnelle de l'investissement, l'option de reporter prend en considération la capacité d'apprentissage des investisseurs. L'option de reporter est une option d'achat. Lorsqu'il exerce son droit, le détenteur de cette option s'approprie la valeur actuelle nette du projet d'investissement servant de support à l'actif dérivé. Inversement, l'opérateur qui reporte son investissement suppose implicitement que le bénéfice retiré de l'attente (la possibilité d'obtenir des informations nouvelles) est supérieur à son coût. Ce dernier a diverses origines. Premièrement, l'investisseur renonce aux revenus retirés d'un investissement immédiat. Deuxièmement, il subit le coût d'opportunité associé à la détention de l'option. Troisièmement, attendre expose au risque de laisser une opportunité s'échapper: De nouvelles sociétés peuvent s'introduire sur le marché, de nouvelles technologies peuvent être développées, etc. Ce dernier élément permet de souligner que la valeur de cette option varie selon la structure de l'industrie. Elle est une fonction de l'éventuelle présence de barrières à l'entrée et à la sortie. La définition même de cette option permet de comprendre que celle-ci sera particulièrement importante dans les industries caractérisées par une réelle possibilité d'attendre, comme celle des ressources naturelles, de l'immobilier, de l'agriculture, et de la production de bois. Mais cette définition suscite également deux questions: Combien de temps faut-il attendre? Et que faut-il attendre? La théorie financière apporte une réponse à ces questions. Elle enseigne en effet qu'une option d'achat américaine (une telle option peut être exercée à tout moment précédent son échéance) ayant pour support un actif ne versant pas de dividendes ne doit pas être exercée avant son expiration. Dès lors, si l'on considère qu'une option de reporter s'apparente à un call américain (à condition, bien sûr, que l'opérateur ait le choix d'investir quand il le souhaite), et qu'un gisement non exploité, un champ ou une forêt en friche ne procurent aucun revenu, de nouvelles questions surgissent: Que faire lorsque la date d'expiration de l'option n'existe pas, parce que la durée de vie de cette dernière est infinie? Faut-il renoncer à exploiter un champ, un gisement, une forêt, existant pour certains depuis la nuit des temps et susceptibles d'exister longtemps encore? Pour répondre à ces questions, il est possible de considérer que la possibilité d'exploiter l'actif support est limitée dans le temps, comme c'est le cas lorsque l'investisseur éventuel n'est pas le propriétaire du terrain ou du champ. Il faut alors détenir une autorisation d'exploitation, et celle-ci n'est pas permanente. Cependant, une telle réponse n'est pas vraiment satisfaisante. Elle manque en effet de généralité (quelle décision le propriétaire de l'actif doit-il prendre?). De plus, le renouvellement d'une concession peut tout à fait être considéré comme un coût d'investissement supplémentaire. Enfin, cette réponse incite de façon mécanique à attendre l'expiration des droits d'exploitation pour investir. Une réponse plus satisfaisante est apportée si l'on considère que l'actif support, de la même façon qu'une action, verse un revenu s'apparentant à un dividende, mais ne se concrétisant pas par un versement monétaire ( Dans le domaine des matières premières, le revenu associé à la détention de stocks est par exemple appelé convenience yield, ou rendement d'opportunité, et le concept d'option réelle est un moyen, parmi d'autres, de souligner l'importance d'une telle variable pour la valorisation de cette catégorie d'actifs réels). Dans ce cas, la théorie financière explique que l'attente n'est pas l'attitude optimale. Le critère de décision de l'investissement n'est pas représenté par une durée spécifique. Ce qui importe, c'est la valeur critique du support à partir de laquelle il devient optimal d'investir. L'investisseur doit observer l'évolution de la valeur de l'actif support, jusqu'à ce que cette valeur parvienne au seuil voulu. Tant que ce dernier n'est pas atteint, mieux vaut rester passif. En raisonnant ainsi, une réponse est également apportée à la deuxième question formulée précédemment: Ce qu'il faut attendre, c'est une information décisive quant à la valeur de l'actif support. Cette information est simple à définir dans le domaine financier: Elle est synthétisée dans les prix des titres. De plus, elle est abondante et de bonne qualité. Tel n'est cependant pas toujours le cas dans le domaine des actifs réels. L'information peut être de qualité discutable, en particulier si elle est sujette à diverses interprétations et si elle émane simultanément de sources diverses (les informations relatives à un secteur industriel dépendent par exemple de nombreuses variables, telles que l'évolution de la demande, les performances des concurrents, la conjoncture économique d'ensemble, etc.). Lorsque l'information relative à la valeur d'un actif réel ne peut être obtenue simplement, la valeur de l'option de reporter est donc difficile à établir. De plus, l'étude de cette option ne permet pas d'aboutir à des recommandations limpides en termes de décisions d'investissement. Elle peut en effet conduire soit à reporter, soit au contraire à accélérer la réalisation d'un projet. L'investissement réalisé par un concurrent peut par exemple augmenter la valeur de l'option d'attendre, du fait des externalités informationnelles susceptibles d'être retirées d'une telle action. Au contraire, une firme redoutant l'entrée d'un nouveau concurrent sur son marché peut être conduite à accélérer son investissement pour renforcer sa position stratégique. Autre exemple, une forte probabilité de hausse future des prix incite à l'investissement immédiat, puisque la probabilité d'un mauvais résultat est réduite. Malgré ces limites, l'option de reporter présente un avantage: Elle conduit à souligner qu'une valeur temps est bien souvent associée aux projets d'investissement. De plus, elle met en évidence le fait qu'il est peu réaliste de négliger certaines opportunités, même si leur valeur n'est pas très clairement quantifiée. Enfin, d'un point de vue plus strictement financier, elle confirme l'idée selon laquelle la détention d'un actif réel, même s'il n'est pas exploité, permet de bénéficier d'un revenu. Faute d'intégrer cet élément dans l'analyse, la démarche optionnelle peut fort bien aboutir à une impasse.
Cette option est associée à la possibilité de renoncer définitivement à un investissement et, éventuellement, de le revendre sur le marché secondaire. C'est une option de vente. Exercer le droit conféré par l'option d'abandonner permet, soit de recueillir les revenus issus d'une revente du projet, soit d'annuler les coûts associés à son maintien. Il est donc particulièrement intéressant de prendre en considération cette option dans deux cas. · Premièrement, lorsque la spécificité de l'actif considéré est faible, sa revente dans des conditions avantageuses est envisageable, et l'option d'abandonner peut difficilement être ignorée. · Deuxièmement, lorsque le projet exige de continuelles mises de fonds pour être maintenu en état de fonctionnement (c'est le cas par exemple des industries soumises à de stricts impératifs de sécurité, telles que les transports), les économies résultant de l'abandon peuvent être substantielles. Inversement, conserver un projet, c'est révéler l'attrait qu'il possède aux yeux de son détenteur. Cet attrait peut être matérialisé par des recettes ou correspondre à des éléments plus difficiles à quantifier mais néanmoins susceptibles d'atteindre une grande valeur, tels que le savoir faire technologique ou les compétences organisationnelles. La démarche optionnelle, en soulignant l'existence de l'option d'abandonner, permet de souligner que ce choix s'offre en permanence et suscite une réflexion sur les conséquences possibles d'un tel acte. Dans le cadre de l'analyse traditionnelle, l'abandon d'un projet est plutôt considéré comme une fatalité, se manifestant une fois que le terme de la durée de vie d'un projet est atteint.
L'option de renoncer à l'investissement en cours de réalisation «time to build option» relève d'un raisonnement similaire à celui développé pour l'option d'abandonner, mais elle insiste sur le fait que bien souvent, un investissement est effectué en procédant par étapes successives. Dans ce contexte, la flexibilité résulte de l'alternative qui se présente à chaque étape: Renoncer à poursuivre le développement du projet si de nouvelles informations défavorables se révèlent ou consentir aux dépenses permettant de passer à l'étape suivante dans le cas inverse. Le champ d'application de cette option est particulièrement vaste. Il couvre en effet tous les domaines où les investissements sont séquentiels, tels ceux réalisés dans les industries intensives en recherche et développement, et celles caractérisées par une forte intensité capitalistique, comme la pharmacie et l'aéronautique. Cette option concerne également les projets à grande échelle. L'option de renoncer à un investissement en cours est une option de vente. La décision de l'exercer ou non dépend de facteurs similaires à ceux évoqués au paragraphe précédent. L'option de renoncer à l'investissement en cours est exercée lorsque l'investissement requis pour parvenir à l'étape suivante est supérieur à la valeur accordée à la poursuite du projet. Dans ce cas, mieux vaut considérer une autre allocation pour les fonds initialement affectés au développement du projet. En revanche, ne pas exercer cette option revient à manifester un intérêt soutenu et des anticipations positives quant à l'évolution future de l'investissement entrepris antérieurement. L'option de renoncer à l'investissement en cours est beaucoup plus complexe que la précédente. En effet, si chaque étape du projet peut être considérée comme une option sur l'étape suivante, cela signifie que l'étape suivante est elle-même une option sur l'étape à venir. Une forme imparfaite de construction en abîme peut être ainsi aisément mise en évidence. Faut-il souligner que si son champ d'application est très large, les possibilités de valorisation d'une telle option apparaissent en revanche comme assez restreintes?
Les options de modifier l'intensité de l'exploitation «options to alter operating scale» recouvrent la possibilité d'augmenter, de réduire ou de fermer temporairement une exploitation. Elles consistent donc à passer d'un état de production à l'autre, ce changement étant soit continu (dans le cas d'une montée en puissance de l'intensité d'utilisation des capacités) soit discret (dans le cas d'une fermeture temporaire de certaines unités de production). La valeur de ces options est élevée dans toutes les industries caractérisées par une demande ou une offre cyclique, telles que les ressources naturelles, la mode, certains biens de consommation. La flexibilité peut être liée à un outil de production offrant une possibilité d'adaptation face aux évolutions de l'environnement. Dans ce cas, le coût à consentir pour bénéficier de la flexibilité est celui de l'investissement dans des capacités de production sophistiquées. L'arbitrage entre le coût et les bénéfices de la flexibilité doit souvent être réalisé dès la construction de l'outil de production. Le coût peut être lié aux dépenses initiales entreprises pour profiter de technologies plus performantes, aux coûts d'ajustement supportés lors du passage d'un état de production à l'autre ou au fait de renoncer à bénéficier d'économies d'échelle. La flexibilité peut également être créée à partir de relations établies avec des partenaires commerciaux, permettant par exemple de recourir à la sous-traitance pour ajuster la production aux fluctuations de la demande.
Les options d'échange «option to switch use» résident dans la possibilité de modifier les produits finis ou les facteurs de production. La flexibilité est dans ce cas apportée par le processus de production. La valeur de l'option d'échange associée aux facteurs de production est élevée pour toutes les industries qui recourent à des inputs ayant un substitut proche. C'est le cas, en particulier, dans le domaine des matières premières. Une centrale électrique ayant la possibilité de fonctionner soit avec du gaz naturel soit avec du charbon offre une série d'options d'échange. Le choix de recourir à l'un ou l'autre dépend des fluctuations relatives de leur prix. Compte tenu de leur caractère substituable, ces fluctuations sont relativement corrélées. Des écarts de prix peuvent cependant se manifester momentanément et être exploités par les détenteurs d'options d'échange, qui utilisent dans ce cas la matière première la moins coûteuse. Les options d'échange de produits finis sont quant à elles importantes dans les industries caractérisées soit par une demande saisonnière (agriculture), soit par une demande fortement segmentée (jouets, composants de machines, automobiles): · La possibilité d'utiliser la terre pour cultiver différents fruits et légumes selon la période de l'année est une option d'échange de produits finis offerte au jardinier. · La conception et l'instauration d'une chaîne de montage permettant de produire plusieurs types de voitures différentes est une série d'options d'échange créée par un constructeur automobile. Comme dans le contexte de la modification de l'intensité de production, le coût de passage d'un facteur de production à l'autre ou d'un produit fini à l'autre est un élément déterminant de la valeur d'un projet. Chaque possibilité de changement d'état représentant une option, un projet s'identifie alors à une somme d'options ayant chacune une échéance différente, et une difficulté peut surgir si les coûts d'ajustement de la production diffèrent en fonction de l'état dans lequel on se trouve (il peut être par exemple plus coûteux de passer du gaz au charbon que du charbon au gaz). La valeur d'une option d'échange donnée dépend dans ce cas des options précédemment exercées ou abandonnées. La valorisation est d'autant plus délicate que le nombre d'options est important, et la complexité croît naturellement avec les alternatives.
Le champ d'application des options de croissance «growth options» est extrêmement vaste. Elles s'intéressent en effet à la stratégie de développement de la firme et regroupent de ce fait plusieurs options réelles. · En premier lieu, elles proviennent de ce qu'une entreprise a très souvent la possibilité de renoncer à une activité ou au contraire d'en développer une nouvelle. De ce point de vue, la notion d'option de croissance s'apparente à celle de l'abandon en cours de réalisation, car le processus d'investissement comporte plusieurs stades successifs. Chaque étape correspond cependant à un projet et non à une partie de celui-ci, et chaque projet constitue le maillon d'une chaîne permettant à la firme de se situer sur un sentier de croissance ou d'améliorer sa position stratégique dans l'industrie. · En deuxième lieu, les options de croissance reflètent la possibilité pour une entreprise de choisir entre plusieurs projets concurrents, mutuellement exclusifs. Sur ce point, elles se rapprochent des options d'échange. · En troisième lieu, si elles prennent en considération la capacité de fermer temporairement une ou plusieurs unités de production, les options de croissance peuvent être enfin apparentées aux options de modifier l'intensité de l'exploitation. Dans la mesure où la décision d'investissement est considérée à long terme, et dans tous ses aspects, la théorie des options réelles offre ici plutôt un cadre conceptuel qu'un instrument de valorisation et de décision. Dans ce contexte, la réflexion peut par exemple porter sur la taille optimale de la firme ou de certaines de ses entités. Faut-il entreprendre immédiatement un investissement de grande capacité, permettant de bénéficier d'économies d'échelle mais pouvant se révéler coûteux si la demande a été mal évaluée ou initier une séquence d'investissements plus réduits permettant d'exercer ou d'abandonner des options de croissance? La réflexion peut également porter sur la nature des relations contractuelles à entretenir avec les partenaires commerciaux. Faut-il établir une relation contractuelle forte et durable ou privilégier la sous-traitance, qui donne la possibilité d'adapter le niveau de la production aux fluctuations de la demande? Elle peut aussi s'intéresser à la possibilité de créer ou de s'approprier des rentes, momentanément au moins, le temps que dure un brevet par exemple. Elle peut enfin conduire à s'engager dans des projets dont la valeur nette présente est négative, mais qui ont une valeur optionnelle positive car ils peuvent servir de tremplin pour développer des productions futures à moindre coût, de meilleure qualité, ou même de nouveaux produits. En effet les entreprises mettent souvent en avant «la stratégie» pour engager des projets à VAN négative. La mobilisation de l'outil analytique qu'est l'option réelle permet de faire émerger la dimension rationnel de ce comportement: Les investissements comportent des options de croissance (des options d'achat sur d'autres projets se situant dans la continuité du projet initial) dont la valeur financière doit s'ajouter à la VAN du projet initial. Dans l'évaluation d'un projet d'investissement, leur valorisation revient à prendre en compte le fait que ce dernier peut conditionner des investissements ultérieurs. La décision de ne pas investir signifie alors que certaines opportunités futures seront perdues. Autrement dit les investisseurs productifs d'aujourd'hui peuvent être à l'origine des opportunités de demain. Ainsi quand une société investit dans un brevet, elle se crée des opportunités de croissance liées au développement d'une technologie. D'une façon générale, les options de croissance constituent une part significative de la valeur des entreprises car elles résultent d'avantages compétitifs tels que la connaissance technologique, les brevets, le savoir-faire. L'option de croissance peut se définir comme une option d'achat dont le prix d'exercice correspond au coût de l'investissement optionnel.
La prise en considération d'options interactives «multiple interacting options» suppose d'effectuer un pas supplémentaire vers le caractère universel de l'application des options réelles, en reconnaissant explicitement que la décision d'investissement recouvre la possibilité d'exercer, simultanément ou non, plusieurs options de différentes catégories. Soit ces options sont insérées au sein d'un même projet (l'exploitation d'une mine de cuivre comporte par exemple à la fois une option de reporter, une option de fermer temporairement, une option de renoncer à l'investissement en cours, une option d'abandon, etc.), soit elles appartiennent à plusieurs projets (la recherche en vue de tester la résistance des matériaux est une option d'abandonner l'investissement en cours dont la valeur affecte celle de tous les projets associés aux différentes marques commercialisées par un constructeur automobile). De même, ces options réelles peuvent être la propriété d'une seule firme (le propriétaire de la mine de cuivre) ou au contraire se répartir entre plusieurs concurrents (c'est le cas pour les produits non protégés par une licence ou un brevet - les vêtements de mode et les innovations financières par exemple - ou qui sont facilement substituables). Ces options sont qualifiées d'interactives car elles peuvent exercer une influence les unes sur les autres. Dans ce contexte émergent deux questions. La première est relative à l'additivité de la valeur. La réunion de plusieurs options réelles constitue-t-elle un actif de valeur égale à la somme des valeurs individuelles? Childs, Ott et Triantis (1998) apportent des réponses à ce problème en proposant un modèle qui intègre l'effet de l'interdépendance entre différents projets sur les décisions d'investissement. Les relations entre les projets se manifestent sous diverses formes: Ils peuvent être mutuellement exclusifs ou au contraire complémentaires. Les auteurs montrent que les valeurs des options s'additionnent en général lorsque les options sont de nature différente (une option d'achat est plutôt exercée dans un contexte de hausse des prix, tandis qu'une option de vente est exercée plus souvent en cas de baisse), lorsque leurs dates d'exercice sont rapprochées, et lorsqu'elles sont profondément en dehors de la monnaie (out of the money). La seconde question porte sur la valeur additionnelle de chaque option. Trigeorgis (1993) montre que celle-ci est une fonction inverse du nombre d'options. La présentation des options réelles les plus fréquemment invoquées dans la littérature illustre aisément le caractère multiforme de ce concept. Son principal attrait est de montrer que, à la limite, chaque projet peut être considéré comme un «gisement d'options». Cependant, la complexité de certaines options réelles est parfois telle que leur valorisation semble relever du défi. Et leur caractère polymorphe peut laisser rêveur: La théorie des options réelles, parce qu'elle semble a priori susceptible d'être appliquée dans bien des circonstances, ne risque-t-elle pas de perdre toute utilité?
Le caractère multiforme des options réelles et l'étendue apparente de leur domaine d'application soulèvent essentiellement deux questions: Y a-t-il ou non des conditions à respecter pour que les options réelles puissent être employées? Ces actifs peuvent-ils être quantifiés, ou doivent-ils plutôt être considérés comme des outils de réflexion? C'est à ces questions qu'est consacrée cette partie.
Les options réelles, concept utile mais polymorphe, peuvent-elles être appliquées dans tous les domaines? Une réponse peut être apportée en s'interrogeant sur les conditions à réunir pour qu'une option réelle existe. Ces conditions sont l'incertitude, la flexibilité et l'irréversibilité.
Les options réelles partagent avec les options financières la condition première de leur existence: L'incertitude. Celle-ci n'est cependant pas de même nature dans les deux cas. L'incertitude associée à une option financière présente deux caractéristiques: · En premier lieu, elle peut être intégrée dans l'analyse assez simplement car elle est représentée par la probabilité d'occurrence d'événements dont la nature est supposée être connue à l'avance. En général, ces événements sont des prix, évoluant dans un intervalle de variation relativement réduit. · En second lieu, l'incertitude est exogène: L'investisseur, considéré individuellement, n'a pas d'influence sur la formation des prix des actifs financiers. Et l'environnement (le marché financier) n'est pas altéré par l'exercice d'une option. En revanche, l'incertitude associée aux options réelles, peut se manifester sous des formes variées. De plus, elle n'est pas toujours exogène: · L'incertitude peut tout d'abord être liée à l'environnement dans lequel les entreprises évoluent. Des fluctuations imprévisibles de la demande, des modifications de la production des concurrents appartenant au même secteur ou des variations inattendues des taux d'intérêt sont autant d'événements susceptibles d'augmenter ou de réduire la valeur anticipée de l'investissement. Dans ce contexte, l'incertitude est entièrement subie par l'investisseur. · Cependant, tel n'est pas toujours le cas. Il est en effet possible que l'investisseur puisse agir afin de résoudre, partiellement ou totalement, l'incertitude à laquelle il est exposé. Ceci correspond souvent aux situations dans lesquelles cette dernière est majoritairement associée au projet d'investissement lui-même, lorsque par exemple les résultats d'exploitation et le prix du produit fini ne peuvent être prévus de façon précise, ou encore lorsqu'il est impossible de déterminer à l'avance le montant des dépenses initiales d'investissement. L'incertitude n'est alors plus nécessairement exogène: La réalisation d'une première étape de l'investissement peut en effet apporter des informations précieuses pour la poursuite du projet; quant à l'aléa associé aux dépenses initiales d'investissement, il disparaît dès que le projet débute. Si les options réelles et les options financières partagent l'une des conditions de leur existence, l'incertitude, celle-ci ne se caractérise donc pas de la même façon dans les deux cas: Dans le premier, elle est conçue de façon extensive, et les actes de l'investisseur peuvent la modifier. Dans le second, elle est en grande partie résumée dans l'évolution des prix des titres financiers, et l'investisseur n'a aucun moyen d'action.
La deuxième condition d'existence des options réelles est la flexibilité. Celle-ci représente la possibilité offerte à l'investisseur d'exercer son option réelle (investir dans un projet, ou consentir aux dépenses correspondant à la première étape du projet, etc.) ou de l'abandonner. C'est la flexibilité qui confère à l'option réelle son caractère asymétrique: La flexibilité a soit une valeur positive, qui vient augmenter la valeur actuelle nette du projet, soit une valeur nulle. Dans le cas des options financières, la flexibilité s'identifie à la possibilité de transférer, en contrepartie d'un versement monétaire, un droit de propriété sur l'actif support. Dans le cas des options réelles, elle est plus difficile à analyser, pour deux raisons: · Premièrement, elle peut prendre des formes extrêmement disparates. Dans son expression la plus simple, elle se résume à la possibilité d'attendre avant d'investir, comme dans le cas de l'option de reporter. Mais elle peut également apparaître sous un aspect plus complexe, et être liée, par exemple, à la possibilité de choisir entre plusieurs équipements pour produire ou entre plusieurs matières premières. · Deuxièmement, ces différents aspects de la flexibilité peuvent se manifester simultanément. Le cas de l'exploitant minier illustre bien ce type de situation. Cet opérateur peut en effet être confronté à la fois à la possibilité de fermer temporairement, à celle de diminuer l'intensité d'exploitation, ou d'abandonner, ou encore de revendre la mine, etc. La particularité des options réelles tient à ce que la flexibilité puisse tout aussi bien résulter d'un état de fait, d'actions passées, qu'être consciemment créée par l'investisseur. Cette flexibilité a un coût, en contrepartie duquel un opérateur acquiert le droit de bénéficier d'une évolution favorable dans les résultats futurs d'un projet, sans subir une éventuelle évolution défavorable. Le coût de la flexibilité présente deux caractéristiques: En premier lieu, son niveau peut être extrêmement variable. En second lieu, il peut se manifester de façon plus ou moins concrète selon le contexte. En effet, il peut aussi bien être matérialisé par un versement monétaire (c'est le cas, par exemple, lorsqu'un producteur consent des coûts d'équipement supplémentaires pour se donner la possibilité d'utiliser plus tard, non pas un seul facteur de production mais plusieurs) que se présenter sous la forme d'un coût d'opportunité (c'est le cas, par exemple, lorsqu'un opérateur conserve une terre en friche pour éventuellement l'exploiter ultérieurement). La prime d'une option réelle, c'est donc la flexibilité dont dispose son détenteur pour entreprendre ou non un investissement. Elle tire toute sa valeur de l'incertitude dans laquelle se situe l'investisseur.
La dernière condition pour qu'une option réelle ait une valeur réside dans le caractère irréversible de l'investissement. L'irréversibilité est définie par Henry (1974) de la façon suivante: «Une décision est considérée irréversible si elle réduit significativement et pour une longue durée la variété des choix possibles dans le futur». Cette phrase permet de préciser, dès ce stade, que l'irréversibilité (tout comme la flexibilité), doit son importance à l'existence d'une situation d'incertitude. Dans le cas des options financières, l'irréversibilité se concrétise par le versement d'une prime. Cette dernière est en effet définitivement acquise au vendeur, quoi qu'il advienne par la suite. Par contre, les marchés financiers étant généralement caractérisés par une liquidité satisfaisante, il est le plus souvent relativement simple d'échanger l'actif financier servant de support à l'option. De ce fait, le caractère irréversible de l'exercice d'une option financière est relativement peu prononcé. Par analogie, il semblerait naturel que dans le contexte des options réelles, l'irréversibilité provienne du fait que l'acheteur de l'option accepte de payer pour l'acquérir. Ce serait cependant oublier d'une part, qu'il n'existe pas de vendeur d'option réelle et d'autre part, que la prime (la valeur de la flexibilité) ne donne pas forcément lieu à un versement monétaire, parce que les options réelles ne sont pas toujours créées consciemment ou volontairement. L'accent est donc plutôt porté sur le caractère irréversible de l'exercice de l'option, et donc sur l'irréversibilité de l'investissement lui même. Appliquée à l'investissement, l'irréversibilité se réfère aux conséquences de l'absence de marché secondaire pour les actifs réels. Une fois prise la décision d'investir, il est en effet difficile de revenir en arrière sans perdre au moins une partie des dépenses consenties. L'irréversibilité d'un projet industriel est essentiellement liée à la structure de l'industrie. L'investissement peut constituer une dépense irréversible sous forme de coût d'entrée et/ou de coût de sortie. Les premiers se manifestent par exemple dans les secteurs caractérisés par la présence d'économie d'échelle. Pour entrer dans ce secteur, un nouveau concurrent devra mettre en oeuvre, dès le départ, des capacités de production comparables à celles des firmes en place. L'initiation de l'activité de production sera plus coûteuse du fait de l'existence de concurrents. Quant aux coûts de sortie, ils proviennent de ce qu'un projet peut être difficile à revendre ou à utiliser dans un contexte différent de celui pour lequel il avait été initialement conçu. La décision d'investissement est d'autant plus affectée par l'irréversibilité que la somme des dépenses initiales à consentir est élevée, et que les coûts fixes représentent une part importante des coûts totaux. Dans ce dernier cas en effet, l'arrêt de la production ne permet pas d'éliminer tous les coûts associés à l'investissement. L'étude des conditions d'existence des options réelles conduit à formuler un certain nombre de remarques. · En premier lieu, malgré l'intense développement qu'elle a connu et malgré la grande diversité des situations auxquelles elle peut sembler se prêter, l'analyse par les options réelles ne peut être appliquée à toutes les situations. Elle ne couvre que les décisions prises en situation d'incertitude, dans lesquelles l'opérateur dispose de flexibilité. Or, même réduite à sa plus simple expression, à savoir la possibilité d'attendre avant de s'engager, la flexibilité n'est pas toujours présente. · En deuxième lieu, l'incertitude joue un rôle bien particulier dans le domaine des options réelles, et ouvre une voie de recherche absente de la théorie des options financières, à savoir l'étude de l'impact, sur la valeur des options, de la possibilité qu'ont les firmes d'agir sur l'incertitude à laquelle elles sont confrontées. · En troisième lieu, la flexibilité n'est pas toujours explicitement valorisée, et l'un des avantages de l'analyse par les options réelles est de mettre l'accent sur son existence, et sur les opportunités d'actions qu'elle offre. · En quatrième lieu, l'irréversibilité augmente la valeur optionnelle des investissements. Elle affecte le prix à payer pour bénéficier de la flexibilité.
La valeur d'une option financière reflète son caractère asymétrique: À la date d'exercice, cette valeur est soit nulle, soit positive. Plus précisément, elle dépend de cinq facteurs: La valeur de l'actif support, le prix d'exercice, la volatilité de l'actif support, l'échéance de l'option, et le niveau des taux d'intérêt. À condition de les adapter, ces cinq déterminants sont également susceptibles d'être utilisés pour montrer de quels éléments dépend la valeur d'une option réelle. · Dans le contexte des options réelles, le prix de l'actif support est celui d'un actif réel. Ce prix est déterminé sur le marché secondaire, ou il est calculé en faisant la somme des flux nets futurs actualisés associés au projet. · Le prix d'exercice d'une option réelle d'achat correspond aux dépenses à consentir pour bénéficier ou bien pour s'approprier des flux futurs associés au projet. Pour une option de vente, il correspond au profit retiré de l'abandon ou de la revente de l'actif réel. Ce profit peut s'identifier au prix de revente du projet sur le marché secondaire ou à l'économie des frais associés à sa détention et à sa maintenance. Ainsi, contrairement à ce qui se produit dans le domaine financier, l'exercice de l'option de vente ne se matérialise pas nécessairement par un versement monétaire. Par ailleurs, pour le call comme pour le put, l'éventuel versement monétaire n'est pas nécessairement unique: Les dépenses d'investissement ou le profit du désinvestissement peuvent s'étaler dans le temps. Enfin, le prix d'exercice n'est pas forcément connu de façon précise. Il est par exemple susceptible d'évoluer sous l'effet du progrès technologique. · Le troisième facteur explicatif est la volatilité de l'actif support (la valeur de l'option réelle d'échange dépendait non seulement de la volatilité de l'actif support, mais également de la volatilité du prix d'exercice). Celle-ci représente l'incertitude concernant les flux futurs que l'investissement va générer. La valeur d'une option réelle est une fonction croissante de cette incertitude: Une forte incertitude quant à l'évolution du support implique en effet une probabilité élevée pour que la valeur de l'actif réel soit très éloignée du prix d'exercice à la date d'échéance. Or, le détenteur d'option ne peut que bénéficier d'une telle situation. En effet, si cette évolution lui est favorable, il exercera l'option et recevra un gain, d'autant plus important que l'actif aura fortement varié. Dans le cas contraire, il abandonnera l'option et ses pertes resteront limitées. Dans le domaine des options réelles, l'incertitude est donc perçue comme un phénomène positif. Sur ce point, l'analyse optionnelle se démarque totalement de l'analyse traditionnelle des choix d'investissement. Dans le cadre de cette dernière, une plus forte incertitude sur le niveau des flux futurs associés à un projet a bien souvent pour conséquence pratique d'augmenter le taux d'actualisation et donc de diminuer la valeur du projet. Elle peut conduire à renoncer à l'investissement. Dans le cadre des options réelles, le projet est plutôt reporté qu'abandonné. · Le quatrième déterminant est l'échéance, c'est-à-dire la date à laquelle l'opportunité d'investissement disparaît. Cette date peut correspondre à l'expiration de droits d'exploitation sur une concession minière, à la modification des préférences des consommateurs, à l'apparition d'un progrès technique rendant le projet d'investissement obsolète, à l'émergence de nouveaux concurrents menaçant la situation d'une firme sur un marché, etc. Par rapport à l'échéance d'une option financière, celle d'une option réelle présente deux caractéristiques: Elle n'est pas toujours connue, et peut atteindre des durées très élevées. Or, plus l'échéance est éloignée, plus grande est l'incertitude quant à l'évolution future du support. · Le cinquième et dernier déterminant est le niveau et la volatilité du taux d'intérêt. En repoussant l'investissement, le détenteur d'une option réelle d'achat conserve la disponibilité des fonds qu'il désire consacrer à cet investissement jusqu'à la date d'exercice. Plus le taux d'intérêt est élevé, plus la valeur de l'option d'achat est forte. Inversement, en repoussant la date de désinvestissement, l'acheteur de l'option réelle de vente renonce à un encaissement ou à une économie immédiats. Plus le taux d'intérêt est élevé, plus la valeur de l'option de vente est faible. L'analogie entre les options réelles et les options financières peut être menée relativement loin. En effet, au-delà de la seule définition des options, les déterminants de la valeur d'une option financière semblent pouvoir être utiles, au prix d'une adaptation assez modeste, à la compréhension des facteurs explicatifs de la valeur des options réelles. Si elle prenait fin à ce niveau, une telle analogie serait cependant insuffisante, car ces facteurs agissent rarement isolément. Pour prendre en considération ce phénomène, il faut franchir une étape supplémentaire, celle de la valorisation. À ce stade, de réelles difficultés surgissent, et même si le terme «options réelles» peut a priori laisser espérer que les méthodes quantitatives récemment apparues dans le domaine financier peuvent être appliquées à celui des actifs réels, la valorisation des options réelles reste un champ relativement peu exploré.
Les principes sous-tendant la valorisation des options réelles peuvent s'inspirer de ceux utilisés dans le cas des options financières, à conditions toutefois de le faire avec beaucoup de précautions. En effet, les hypothèses sur lesquelles repose la valorisation des options financières ne sont pas vraiment respectées dans le domaine des options réelles et la démarche permettant d'aboutir à leur valorisation est délicate à mettre en oeuvre. Pour valoriser une option financière, un certain nombre d'hypothèses sont posées. Celles-ci se réfèrent en particulier au type de marché sur lequel cet actif est échangé et à la nature des transactions réalisées: Le marché est supposé parfait, c'est-à-dire exempt de toutes frictions, que celles-ci se présentent sous forme de coûts de transactions, de taxes ou d'impôts; aucune contrainte institutionnelle ne vient par ailleurs restreindre les ventes à découvert; les taux de prêt et d'emprunt sont égaux; tous les actifs sont parfaitement divisibles et chaque individu accède sans coût à toute l'information relative aux prix et aux caractéristiques des titres; les actifs sont échangés en continu, de telle sorte que les opérateurs peuvent en permanence rééquilibrer leur portefeuille et enfin il n'y a pas d'opportunité d'arbitrage. La transposition d'un tel cadre théorique dans le domaine des options réelles n'est pas immédiate. Il est difficile en effet d'affirmer que l'hypothèse des marchés parfaits reste parfaitement adéquate. · En premier lieu, la conception de la structure du marché qui en découle ne peut être considérée comme réaliste lorsque l'analyse est centrée sur les actifs réels. Plus encore, l'imperfection du marché peut être vue comme une condition nécessaire à l'apparition et à l'exploitation d'opportunités d'investissement. Ainsi que le souligne Myers (1977), certaines options réelles se manifestant sous forme d'opportunités de croissance doivent leur existence à celle de pouvoirs de marché, de rentes ou de quasi rentes dans le domaine des actifs réels. A la limite, il n'y a pas d'opportunités d'investissement offrant une valeur nette présente (VAN) positive si les marchés des produits et des facteurs sont parfaitement compétitifs et en situation d'équilibre continu. Triantis et Hodder (1990) prennent d'ailleurs explicitement en considération cet élément, et étudient les options réelles dans un contexte de marché imparfait, voire de nature oligopolistique. · En second lieu, au-delà de la structure du marché lui-même, l'hypothèse des marchés parfaits n'est pas respectée, dans le domaine des options réelles, parce qu'elle suppose une parfaite divisibilité des actifs. Or, une partie au moins de la valeur d'un actif réel est bien souvent due à sa complémentarité avec d'autres activités. Au-delà des hypothèses sur lesquelles elle repose, la méthode adoptée pour valoriser une option financière doit être utilisée avec précaution dans le cas des options réelles. En effet, les actifs réels ne font pas l'objet de transactions aussi fournies que les titres financiers. Des difficultés surgissent dès la première étape de la valorisation, consistant à déterminer la principale source d'incertitude affectant le prix de l'option réelle. Rien ne permet en effet de penser, a priori, que cette source d'incertitude s'identifie aux seules fluctuations de la valeur de l'actif support. Elle peut par exemple être de nature purement technique ou dépendre des stratégies des concurrents. Et quand bien même la valeur de l'actif support constituerait l'incertitude majeure, de nouveaux obstacles apparaissent. Comment modéliser le comportement dynamique de ce prix? La valorisation externe de l'actif support par le marché, implicite dans le cas des options financières, peut se révéler tout simplement impossible avec des actifs réels ou lorsque l'actif considéré est spécifique et n'a de valeur que pour la firme qui le détient. Dans le meilleur des cas, s'il existe effectivement un marché pour cet actif réel, il est fort probable que celui-ci est étroit et imparfait et que la transaction sera effectuée dans des conditions d'incomplétude et d'asymétrie d'information. Pour cette raison, le raisonnement d'arbitrage qui constitue la seconde étape de la valorisation et qui repose sur l'existence d'actifs échangés en l'absence d'opportunité d'arbitrage doit être mené avec précaution. En particulier, il est fort probable que la valorisation ne peut être réalisée dans un univers neutre au risque ou que plusieurs probabilités risque-neutre coexistent. Quand bien même un modèle de valorisation satisfaisant serait élaboré, le problème de l'estimation des paramètres de ce modèle resterait entier. L'étude des principes de valorisation des options montre ainsi que cette dernière ne peut raisonnablement être envisagée que dans des conditions relativement restrictives: Une structure de marché compétitive dans laquelle l'incertitude joue de façon exogène, un marché suffisamment liquide pour l'actif support, et la prise en considération d'une option réelle simple. Fort heureusement pour les options réelles, les hypothèses élaborées pour valoriser des options financières sont elles aussi des hypothèses. L'écart entre le cadre théorique et la réalité observée est sans doute moins important dans le domaine financier, mais il existe néanmoins. Par conséquent, nombreux sont les travaux ayant pour objet de se dégager des contraintes théoriques et de se rapprocher de la réalité empirique. Ces travaux constituent autant de champs d'exploration pour les options réelles.
La formalisation mathématique génère un paradoxe dans la mise en oeuvre des options réelles. Celle-ci confère une certaine légitimité à la méthode, mais simultanément constitue un frein à sa diffusion car elle est un obstacle à sa mise en oeuvre pratique. Premièrement, la complexité mathématique rebute ses utilisateurs éventuels de la méthode. Dans les faits, il s'avère que cette méthode de valorisation n'est pas un outil très répandu. Aucun des investisseurs français interviewés n'utilise la méthode des options réelles lors de la sélection des investissements. Une étude sur les critères d'investissement utilisés par les entreprises américaines montre que la mobilisation des techniques des options réelles est très rare. Les raisons pour lesquelles elles sont peu utilisées sont nombreuses: · Tout d'abord, la méthode reste difficile à mobiliser à cause de son degré de complexité technique qui ne la rend pas pour l'heure généralisable. · Pour certains, l'écart entre l'enthousiasme de la sphère académique et le relatif échec dans le monde des entreprises s'expliquerait par le fait que l'accent ait davantage été mis sur les aspects techniques plutôt que sur la philosophie même de la méthode qui est une façon de penser. · Pour d'autres, il y a un manque de lien clair et satisfaisant entre les formulations théoriques et les applications pratiques. Précisément, l'application de la méthode des options réelles aux entreprises de la nouvelle économie n'en est qu'à ces premiers pas. Deuxièmement, les exemples d'utilisation sont loin d'être probants. La critique la plus radicale consiste à considérer que l'approche en terme d'options réelles est un pur artifice. Son application peut ainsi relever de la simple justification mathématique.
Dans les options financières, la détermination des valeurs des paramètres n'est pas problématique. En effet soit elles sont fixées contractuellement, soit elles sont données ou estimées aisément. En revanche, dans le cadre des options réelles, l'investisseur rencontre des difficultés pour déterminer la valeur des paramètres.
L'actif sous-jacent qu'est le projet de l'entreprise a des caractéristiques particulières. Tout d'abord, sa valeur n'est pas publique, contrairement à l'action d'une option financière. De plus, la détermination de la valeur d'un projet est loin d'être simple dans la mesure où il s'agit d'estimer des actifs immatériels. Dans la pratique, la valeur de l'actif sous-jacent est estimée par la construction d'un portefeuille répliqué à partir d'entreprises cotées jugées similaires. Ceci est à l'origine de biais. Ce biais correspond au risque de base qui résulte de la différence des caractéristiques réelles entre l'actif sous-jacent et les actifs servant à la réplique. De plus, dès lors que l'hypothèse d'efficience du marché financier est abandonnée, la pratique de réplique de portefeuille dans le cas des options réelles peut créer un biais supplémentaire dans la mesure où les entreprises cotées servant de référence peuvent faire l'objet de surévaluation ou de sous-évaluation. En effet, les entreprises servant de référence sont cotées sur les marchés spécialisés dans les valeurs de croissance. De plus, la plupart des entreprises qui s'y trouvent contiennent également des options réelles et peuvent donc difficilement servir de référence. Le biais engendré par la transposition du modèle de Black et Scholes conduit un certain nombre d'économistes à proposer de nouvelles spécifications aux différents modèles dans le souci de mieux «coller à la réalité ». Dans la littérature, l'idée est répandue selon laquelle le prix du projet de l'entreprise peut difficilement être considéré comme continu. En effet, l'incertitude relative à ce dernier évolue avec le temps. Par exemple, la survenue de découvertes technologiques ou la disparition de concurrents directs peut provoquer une hausse brutale de l'actif sous-jacent tandis que des blocages technologiques ou la survenue d'un concurrent peuvent, au contraire, faire chuter brusquement sa valeur. Willner (1995) propose un modèle où l'actif sous-jacent est discontinu et marqué par des sauts ascendants lors de découvertes et descendants lors de l'entrée de nouveaux concurrents. Même si de tels modèles ont le mérite de s'inscrire dans une démarche plus réaliste, il n'en reste pas moins que leur sophistication exige, de la part de ceux qui les utilisent, l'émission d'hypothèses supplémentaires pour déterminer les nouveaux paramètres. Dans le modèle de Willner, par exemple, les agents doivent déterminer le nombre moyen de sauts et la valeur moyenne de ces derniers afin d'établir la valeur finale de l'actif sous-jacent. Toute avancée mue par le souci de réalisme conduit à de nouvelles sophistications et soulève de nouveaux problèmes, en renforçant par exemple celui de la détermination des paramètres. Ainsi les derniers modèles de valorisation des options réelles ne favorisent pas le calcul mais en revanche constituent une avancée conceptuelle. De plus, la littérature récente qui se penche sur le problème de l'application des options réelles considère qu'il est nécessaire de prendre en compte l'environnement spécifique dans lequel réside l'entreprise. La nature et l'intensité de la concurrence sont des éléments essentiels à la détermination de la valeur de l'actif sous-jacent. En effet, contrairement aux options financières, la valeur des options sur les actifs réels dépend du comportement des autres firmes. Pour une entreprise donnée, la valeur des options de croissance inhérentes à un projet de R&D donné dépend directement du comportement des autres entreprises ayant ce même projet, de l'intensité de la concurrence du secteur. Alors que dans le cas des options financières le détenteur d'option a l'exclusivité de l'exercice de cette dernière, ce n'est pas le cas dans le cadre des options réelles. Lorsque la concurrence s'intensifie, la valeur de l'option diminue, car elle dépend du degré d'exclusivité de l'actif sous-jacent. Dans les cas extrêmes, l'entrée de concurrents peut faire tendre la valeur des options jusqu'à une valeur nulle. Certains qualifient cette entrée de concurrents d'événement catastrophique (catastrophic event).
Les caractéristiques de l'actif sous-jacent font également obstacles à la détermination de sa volatilité. Alors que dans le cas des options financières, la volatilité, mesurée par l'écart type des rendements des investissements financiers quand il s'agit d'actions, est observable immédiatement, elle doit être déterminée dans le cas des options réelles et cette détermination est problématique. La littérature des options réelles suggère au décideur différentes façons de la calculer: · s'appuyer sur la volatilité d'un indice de marché financier pour évaluer la volatilité propre de l'investissement productif (Luehrman, 1998) ; · estimer la volatilité grâce à un historique de données de projets proches de firmes cotées (Nichols 1994) ; · simuler la volatilité avec la méthode de type Monte-Carlo ; · se baser sur son propre jugement (Lint et Pennings, 1998). Dans la pratique, c'est la seconde méthode qui est la plus utilisée. Les limites d'une telle méthode sont les mêmes que celles relatives à la méthode analogique de valorisation. De plus, sa pertinence exige que le marché financier qui sert de référent soit efficient. Le biais engendré par la méthode de calcul de la volatilité de l'actif sous-jacent est renforcé pour les entreprises de la nouvelle économie, dans la mesure où les marchés financiers sont les marchés spécialisés dans les valeurs de croissance. Ces derniers se caractérisent par une volatilité élevée et qui a toute chance de varier pendant la durée d'exercice, ceci invalidant l'hypothèse de constance de la volatilité des modèles de valorisation. De plus, l'historique des entreprises cotées est relativement court.
Le prix d'exercice des options réelles n'est pas spécifié en pratique, puisqu'il n'y a pas de contrat.
La fixation de la date d'exercice et de la période de maturité pose des problèmes dans le cas des options réelles. Le plus souvent, elle est incertaine et est influencée par des facteurs exogènes comme la concurrence, l'existence de barrières à l'entrée. Ankum et Smit (1993) étudient les différentes stratégies d'échéancier (timing) concernant les investissements dans une perspective de théorie des jeux et en considérant des structures de marché différentes - monopole, duopole et concurrence pure et parfaite - ce qui souligne l'importance de l'environnement compétitif. Selon Lint et Pennings (1998), la date d'exercice est donnée dans seulement deux cas: Lorsque la date de lancement d'un produit a des implications importantes sur le niveau de la part de marché futur et lorsque l'hésitation conduit à d'importantes pertes, notamment lorsque l'avantage est donné au first mover. Dans les autres cas, l'option est déclenchée dès lors que la valeur actuelle nette augmentée VANA du projet dépasse un certain seuil fixé a priori. Tout ceci révèle l'ampleur des problèmes posés par la transposition de la technique des options financières à la sphère non financière. Alors que les paramètres de l'option financière se fixent aisément, ceux de l'option réelle sont difficiles à déterminer. En définitive, l'efficacité de la méthode des options réelles est mise en cause par la relative difficulté à fixer les paramètres. Les conséquences de cet obstacle ne sont pas négligeables, au contraire, elles constituent une limite importante à la portée de cette méthode. On peut aussi montrer que les estimations des paramètres sont très sensibles à une variation modeste. Schwartz et Moon (2000) montrent que les paramètres nécessaires à l'application de la méthode de valorisation peuvent avoir un impact important sur le résultat, dans le cas des entreprises à fort potentiel de croissance. Par exemple, faire varier de 3% à 3,3% la volatilité du taux de croissance des revenus de la société Amazon entraîne une augmentation de la valeur de la société de 5,5 à 6,6 milliards de $. Boucher (2003) simule le prix d'une option par la méthode de Black et Scholes et montre l'extrême sensibilité du prix de l'option à la valeur des paramètres: Une hausse de 10 % des cash-flows anticipés augmente la valeur de l'option de plus de 33% et une hausse de 10% de la volatilité espérée des cash-flows accroît la valeur de l'option de 22,51%.
Dans le monde de l'incertitude radicale, il n'existe pas d'outils standard et usuels de traitement de l'incertitude à l'instar des probabilités dans le monde du risque. En effet l'incertitude radicale a pour origine un défaut de connaissance. Ainsi, les outils classiques font défaut. La méthode des options réelles intègre bien cette idée mais, dans la mesure où elle affiche la volonté de constituer une aide à la décision et donc de proposer une règle de décision simple, qui suppose un résultat chiffré, elle a recours à des méthodes standards de traitement du risque qui sont donc plus ou moins adaptées au contexte d'incertitude radicale. Ainsi, le recours aux méthodes de valorisation suppose que le décideur détermine des probabilités d'occurrence pour les différents événements. Cette contrainte apparaît clairement avec l'arbre de décision de la méthode de valorisation binomiale. En définitive, l'ambiguïté de la méthode réside dans le fait qu'elle part du principe selon lequel on ne sait que peu de chose mais affiche, simultanément, la volonté de décider de façon optimale.
Les partisans de l'approche en terme d'options réelles présentent cette méthode comme révolutionnaire par rapport aux analyses de valorisation traditionnelles. En réalité, le caractère novateur de l'approche est à relativiser: D'une part, parce que la critique des méthodes traditionnelles n'est pas complètement justifiée et, d'autre part, parce que la rupture n'est pas totale. La critique formulée par les partisans de l'approche en terme d'options réelles à l'égard des méthodes traditionnelles n'est pas toujours justifiée. En particulier, ils prétendent que les méthodes traditionnelles ne prennent pas en compte l'irréversibilité des investissements. Ce reproche est peu fondé dans la mesure où les méthodes d'actualisation peuvent le faire. En effet, le calcul de la valeur actuelle nette VAN peut être réalisé à différents moments. Un analyste financier peut anticiper des investissements futurs liés à l'investissement initial en augmentant les flux de trésorerie futurs et ensuite en les actualisant. Ainsi la VAN peut acquérir une dimension dynamique. Le caractère révolutionnaire des options réelles fondé sur les critiques des méthodes traditionnelles est par certains côtés surévalué. Comme nous l'avons souligné, les partisans de la méthode prétendent effectuer une véritable coupure avec l'actualisation et l'optimisation. Or la méthode de l'actualisation est elle-même utilisée au sein du processus de valorisation de l'option, lors du calcul de la valeur actuelle de l'actif sous-jacent et de la valeur actuelle du prix d'exercice. De plus, l'approche par les options réelles ne rompt pas, comme elle le prétend, avec l'optimisation pour la remplacer par l'«adaptation», la technique élabore un critère de décision qui intègre celui de la VAN et procède bel et bien à un exercice d'optimisation. Dès lors, on préférera à la notion d'«adaptation», celle plus adéquate d'«optimisation élargie».
Les options réelles reposent sur une remise en cause du taux d'actualisation, essentiellement parce que celui-ci serait subjectif et dépendrait du goût du risque de chacun. Les partisans de cette approche considèrent la subjectivité comme une nuisance et affichent la volonté d'être objectifs. Pourtant, la méthode, en se présentant simultanément comme mathématisée et intuitive, reconnaît de façon implicite sa dimension subjective. Ainsi, selon ses défenseurs, la méthode des options réelles offre au-delà d'une palette d'outils une «façon de penser»: «Although real options are analytically robust, we believe they are best understood as a way of thinking» (Mauboussin, 1999). L'application de la technique des options réelles serait un art. Dans le contexte d'incertitude radicale dans lequel les acteurs évoluent, il est illusoire de vouloir s'affranchir totalement de la subjectivité. En définitive, cette méthode tente de maintenir - de façon plus ou moins convaincante - une tension entre deux pôles. D'un côté, la démarche affiche son ambition de calculer et de formaliser; d'un autre côté, elle entend maintenir l'intuition et la spécificité de l'entreprise, ce qui exclut l'application de méthodes standard. Ses défenseurs veulent proposer «une carte des mondes possibles», non chiffrée et aidant à la décision, parallèlement, ils sont tentés par la théorie de la décision optimale, qui mobilise le calcul. Ce chapitre a montré l'existence d'une tension entre deux dimensions: L'une réaliste où la subjectivité est admise et l'autre normative, où les agents agissent exclusivement en toute objectivité.
En termes de décisions d'investissement, la théorie des options réelles présente au moins deux avantages. · Premièrement, cette démarche incite les opérateurs à modifier leur comportement par rapport à l'incertitude en prenant en considération ses avantages éventuels: La possibilité de résultats fortement positifs associés à des projets risqués. · Deuxièmement, la théorie des options réelles conduit à valoriser la flexibilité et à identifier des opportunités qui ne l'étaient pas auparavant. L'étude des différentes options réelles mentionnées dans la littérature permet de montrer que sous réserve de se situer en situation d'incertitude, et dans la mesure où la flexibilité peut provenir à la fois de la structure du marché, de l'outil de production, et des compétences techniques et organisationnelles, l'analyse par les options réelles semble bien pouvoir prétendre à une application dans tous les domaines, dans toutes les situations. Mais le caractère universel des options réelles risque d'être remis en question si l'analyse se donne pour objectif de quantifier la valeur de ces options. Les principales difficultés liées à la transposition de la théorie des options au domaine des actifs réels résident en effet dans la quantification et même dans l'identification des options. L'identification peut s'avérer délicate car de nombreux projets comportent plusieurs options, et l'éventuelle sélection de celle(s) qui sont les plus importantes n'est pas nécessairement simple. Par ailleurs, la valeur additionnelle apportée par une nouvelle option n'est pas connue. Quant à la quantification, elle se heurte à plusieurs obstacles: · En premier lieu, les options réelles peuvent être partagées entre plusieurs opérateurs. La question de savoir comment cette valeur se distribue entre les différents détenteurs n'est pas élucidée. · En second lieu, la valorisation peut être difficile parce que le raisonnement d'arbitrage sur lequel elle repose ne peut être mené à bien. Ceci peut être lié au fait que l'actif réel sous-jacent n'est pas négociable, provenir de l'absence (ou de l'ambiguïté) des données nécessaires à l'élaboration des paramètres du modèle de valorisation. · Enfin, ces options peuvent en elles-mêmes être suffisamment complexes pour que leur valorisation constitue un véritable défi sur le plan mathématique. Pour ces différentes raisons, dans bien des cas, il est certainement préférable de considérer les options réelles comme un outil de réflexion plutôt qu'une méthode fiable de valorisation. Enfin, je vais clôturer cette partie en reproduisant quelques citations de la presse d'affaires qui illustrent la portée de la théorie d'options réelle dans le cadre pratique et qui montrent à quel point cette théorie est utilisée par les dirigeants des grandes entreprises: · (Business Finance, mars 2002): Les secteurs énergétiques et pharmaceutiques utilisent depuis longtemps les options pour évaluer les projets de R&D ou les concessions pétrolières. D'après Brice Hill, contrôleur à la division des serveurs d'Intel: «Les options réelles déterminent le prix d'une opportunité», et les entreprises peuvent se servir de ces évaluations pour décider combien dépenser pour créer une option sur ce genre d'opportunité. Toujours d'après Hill, «Auparavant tout montant pouvait convenir pour la création d'une option stratégique. Maintenant, si une option a une certaine valeur, 50 millions de dollars par exemple, c'est le montant maximum qu'une entreprise peut accepter de dépenser pour créer cette option». · (Business Week, 7 juin 1999): L'analyse des options réelles récompense la flexibilité et c'est ce qui la rend plus intéressante que l'outil de prise de décision standard que nous avons aujourd'hui, la «valeur actuelle nette». La VAN calcule la valeur d'un projet en prédisant ses retombées, en les ajustant au risque et en soustrayant les dépenses d'investissement. Cependant, en résumant toutes les possibilités du futur dans un seul scénario, la VAN ne tient pas compte de la capacité des dirigeants de réagir à des circonstances, par exemple, dépenser un peu au départ, voir comment les choses se déroulent et ensuite, soit annuler, soit s'engager à fond. · (Financial times, 5 mai 2000): L'approche des option réelles souligne le fait que les investissements créent souvent des opportunités qu'une entreprise peut ou non exploiter par la suite, par conséquent, l'approche des options réelles met en évidence la valeur éventuelle d'investissements faits préalablement. Par exemple, alors qu'un investissement donné de R&D peut avoir une valeur présente nette très faible ou même négative, il peut aussi servir de plate-forme à des investissements futurs. Il existe d'autres similarités entre les options réelles et les options financières. Par exemple, la valeur des deux sortes d'options augmente avec l'incertitude. De plus, en offrant la discrétion aux gestionnaires (les droits, mais non les obligations) les options financières et réelles peuvent aider les entreprises à limiter leur risque baissier tout en donnant accès aux opportunités à la hausse futures. Toutefois, à la différence des options financiers, les options réelles existent grâce aux opportunités créées par les investissements stratégiques de l'entreprise. Puisque leurs actifs sous-jacents ne sont pas échangés sur les marchés liquides, les options réelles présentent aussi des défis d'évaluation uniques. · (Business Finance, mars 2002): Les options réelles assoient la réflexion et la prise de décisions stratégiques sur une analyse financière concrète. «Quand les entreprises font des investissements stratégiques, elles le font souvent sur un simple signe d'acquiescement du PDG, sans aucune analyse financière», dit John McCormack, premier vice-président et chef de la section Énergie chez Stern Stewart & Co., une firme de conseil en gestion à New York. «Mais vos investissements exigent des choix dans le future» les options réelles peuvent servir de guide. Le modèle permet aussi de recalculer la valeur d'un investissement au fur et à mesure que progresse sa réalisation, et de comprendre ce qui doit arriver avant que l'on puisse passer à la prochaine étape du développement. · (Forbes magazine, 29 mai 2000): C'est en exploitant les actifs cachés que vous réussirez. Négligez-les et vous aurez une collection de vieux irritants. À quel genre d'actifs est-ce que je fais référence? Par exemple, les opportunités non exploitées d'ajouter une nouvelle ligne de production, la possibilité de se développer outre-mer ou de s'engager dans le commerce électronique, des actifs cachés qui n'apparaissent pas sur les rapports financiers d'une entreprise et qui n'ont pas encore contribué à faire des profits. Lorsque vous achetez une entreprise, vous obtiendrez sûrement ces options gratuitement. Je les nomme «options réelles», une analogie aux options financières transigées à Chicago. Il y a cependant une grande différence. Les options financières gardent leur valeur lorsqu'elles sont détenues par des investisseurs passifs. Mais, posséder une entreprise n'est pas un exercice passif. Le propriétaire a un travail concret à accomplir, il doit fournir la gouvernance, gérer du capital et aider l'entreprise à atteindre son potentiel. · (CFO Europe, juillet 1999): L'analyse des options réelles est fondée sur l'observation, faite il y a plus de 20 ans, qu'une entreprise qui évalue un actif existant ou un investissement potentiel est à peu près dans la même situation que le détenteur d'une option financière sur le prix d'une action ou sur le prix d'une marchandise. Le détenteur d'une option d'achat sur le prix du pétrole, par exemple, peut exercer cette option si le prix monte au-dessus d'un niveau arrêté à l'avance, mais il n'est pas obligé de le faire si le prix baisse. De même, le propriétaire d'un champ de pétrole marginalement profitable a le droit de l'exploiter si le prix du pétrole augmente, mais il n'est pas obligé de le faire sinon. Cette observation mène à croire que la valeur future d'un tel investissement peut être évaluée par analogie aux options financières, plutôt qu'en actualisant simplement les flux monétaires espérés dans le futur. Plus particulièrement, l'évaluation des options tient compte des risques et des bénéfices de l'incertitude future, ce que les modèles traditionnels de valeur actualisée ne font pas. · (The Economist, 12 août 1999): Pour évaluer des projets potentiels, il faut presque invariablement avoir recours à une théorie de la finance corporative appelée «Modèle d'évaluation des actifs financiers» (MEDAF ou CAPM). En général, les gens de terrain n'aiment pas ce modèle pour la simple raison qu'il ignore la valeur des vrais gestionnaires. Ils accepteront donc peut-être certains travaux universitaires récents. Dans la tour d'ivoire, on veut délaisser le CAPM pour une théorie rivale, dénommé «théorie des options réelles», dans laquelle les gestionnaires sont plus importants. Le défaut fondamental du CAPM est qu'il sous-entend implicitement que lorsqu'une entreprise achète des nouveaux actifs, elle les détient passivement pour la durée du projet. Mais les entreprises n'agissent pas ainsi. Les gestionnaires sont plutôt embauchés dans le but de réagir aux événements qui se déroulent. De toute évidence, cette flexibilité doit valoir quelque chose. Les options sur les actifs «réels» (les paris de poker également) se conduisent plutôt comme des options sir des actifs financiers (options de vente ou d'achat sur des actions ou des devises). Les similarités sont telles qu'elles peuvent, au moins en théorie, être évaluées selon la même méthodologie. Il y a bien sûr un problème: Simple complexité. L'évaluation des options financières est d'une complexité inouïe, mais l'évaluation des options réelles est encore plus difficile. Leur durée, à la différence des options financières, est généralement illimitée et mal définie. La volonté des actifs sous-jacents peut-être difficile à mesurer ou à estimer, surtout si on ne sait pas bien d'où elle provient; si par exemple l'actif reste à découvrir ou à inventer. Comment peut-on définir la classe de risque à utiliser comme référence dans le cas d'un nouveau médicament pour une maladie rare? Il peut également y avoir des variables supplémentaires à envisager, tel que le bénéfice stratégique d'éliminer un rival. Comme l'illustre bien ces citations, la méthodologie des options réelles apparaît comme un outil potentiel puissant pour les dirigeants. Cependant, ce potentiel ne sera atteint que par les preneurs de décisions qui combinent «l'état d'esprit options réelles» avec des compétences techniques poussées et un bon système d'information. La mise en place d'une approche options réelles constitue une entreprise à la fois prometteuse et difficile. Il est tout à fait dans l'esprit options réelles que de terminer par une citation qui fait réfléchir et qui date d'avant la débâcle d'Enron: · (Business Week, 7 juin 1999): Le PDG d'Enron Jeffrey K. Skilling attribue à l'esprit options réelles la transformation d'Enron d'une entreprise américaine d'exploitation de pipelines en une société mondiale de négoce faisant le commerce des denrées telles le gaz, l'électricité, l'eau et depuis peu, les bandes hertziennes des télécoms. Les options réelles ne prétendent pas, et ne peuvent pas, être un substitut aux valeurs et à la morale d'entreprise. Une meilleure appréciation des risque et opportunités ne protégera jamais une entreprise contre tous les dangers et risques d'affaires, ni contre la tentation des comportements frauduleux. 5. L'arbre de décision et choix d'investissement
Jusqu'à présent, les investissements étaient réalisés à la date initiale, même si des cash-flows d'investissement pouvaient apparaître ultérieurement. Dans la réalité, il est souvent préférable de fractionner volontairement un projet dont les investissements seront réalisés en plusieurs étapes. Les choix des projets nécessitent alors l'évaluation de la meilleure variante parmi les diverses décisions possibles qui affectent chaque projet aux différentes étapes. Cette vision dynamique d'un projet est représentée à l'aide d'un arbre de décision et le critère de choix devient la maximisation de l'espérance mathématique de la VAN sur l'ensemble de l'arbre. L'arbre de décision permet de traiter des investissements pour lesquels la décision immédiate dépend d'un ou de plusieurs investissements futurs, ou de façon plus générale des investissements séquentiels. Le cas le plus fréquemment présenté de recours aux arbres de décision est celui de l'option d'expansion: Vaut-il mieux construire une usine, qui pourra, si le marché est bien orienté dans les périodes suivantes, être complétée par une usine supplémentaire ou investir immédiatement dans une usine de grande capacité?
Soit, par exemple, l'entreprise «Champin», qui envisage une nouvelle implantation suite à un succès remporté par l'un de ses produit. La poursuite de la croissance de ses ventes dépend cependant des conditions économiques. La première année, il y a 65% de chances que la demande soit élevée; dans ce cas, il y a 75% de chances qu'elle le reste les années suivantes. Par contre, si la demande initiale est faible (35% de chances), elle reste faible par la suite dans 60% des cas. La firme étudie deux possibilités: · La première solution consiste en la construction d'une usine de grande capacité qui demande un investissement initial de 750 K€. La capacité de production serait largement suffisante pour faire face à la demande des 10 années à venir. · La seconde solution réside dans le choix d'une usine de petite capacité ne coûtant que 250 K€. Celle-ci ne permettrait toutefois pas de répondre à la demande si les conditions économiques sont très bonnes. Les dirigeants estiment toutefois que, si la demande est forte, ils ont la possibilité de construire une extension à la fin de la première année pour 180 K€. On considère l'investissement sur deux périodes; à la seconde période sont associés les flux générés par l'investissement de la deuxième à la dixième année, en valeurs actuelles. Le taux d'actualisation est de 7%.
Les flux sont les suivants (en K€):
Pour la construction de l'arbre correspondant à la décision à prendre par l'entreprise et la détermination du choix optimal pour elle, il convient de comparer les VAN des deux décisions d'investissement: · Adopter immédiatement l'usine de grande capacité, · Choisir la petite usine avec la possibilité de l'étendre si les conditions d'exploitation sont bonnes. C'est la VAN la plus grande des deux solutions (extension/non extension) qui est retenue dans ce cas. L'arbre de décision est représentée comme suit: Construction d'un arbre de décision sur deux périodes 1400 20 P=0,35 Sans extension P=0,65 P=0,40 251659776 800 P=0,65 P=0,35 -150 30 680 400 740 210 -1000 1100 1700 Date 2 Date 1 Date 0 P=0,75 150 P=0,25 Investissement grande usine -750 P=0,40
P=0,60 Extension:-180 P=0,75 Investissement petite usine -250 P=0,25 230 0 P=0,75
P=0,25
P=0,60 Calculons, à présent, la VAN de l'usine de grande capacité (le taux d'actualisation correspondent est de 7%): · L'investissement initial est de 750 · L'espérance de flux de la deuxième période est: 0,75×1700+0,25×150=1312,5 si la demande initiale est forte 0,40×1100-0,60×1000=-160 si la demande initiale est faible · Ainsi, si la demande initiale est forte, les flux de trésorerie espérés sont: en première période: 800 en deuxième période: 1312,5 · Si la demande initiale est faible, les flux de trésorerie espérés sont: en première période: -150 en deuxième période: -160 D'où: E(VAN)grande usine=-750+0,65[800(1,07)-1+1312,5(1,07)-2]+0,35[-150(1,07)-1-160(1,07)-2]=383,16 Cette VAN doit être comparée à celle de la petite usine. Plaçons- nous à la date 1. Si la demande en première période est forte, l'entreprise a-t-elle intérêt à procéder à l'extension? Si oui, la VAN est, à cette date: E (VAN)extension à la date 1=-180+(0,75×1400+0,25×210)×(1,07)-1=850,37 Si l'extension n'est pas entreprise, il n'y a pas de sortie de fonds à la date 1, et on obtient: E(VAN)non-extension à la date 1=(0,75×740+0,25×400)×(1,07)-1=612,15 Ainsi, l'entreprise a intérêt à entreprendre l'extension à la date 1 si la demande est forte. Il reste à calculer la VAN à la date 0 de la petite usine, assortie d'une extension si la demande est forte en première période. · L'investissement initial est de 250 · L'espérance de flux à la date 2 si la demande est forte est ainsi de : 230+850,37=1080,37 · L'espérance de flux à la date 2 si la demande est faible est: 0,4×680+0,6×30=290 D'où : E(VAN)petite usine=-250+0,65×1080,37(1,07)-1+[20(1,07)-1+290(1,07)-2]=501,5 Ainsi, l'espérance de VAN de la petite usine avec extension est supérieure à celle de la grande usine. C'est donc la petite usine qu'il faut retenir. Le choix de la petite usine comporte une option d'extension. En l'absence de cette option, la VAN de la petite usine n'aurait été que de 356,79. C'est la grande usine qui créait dans ce cas le plus de valeur.
L'entreprise «Ecotine» est amenée à choisir entre deux projets d'investissement. Le premier X implique un seul investissement de 80 K€ à la date 0 tandis que le projet Y est un projet flexible: Il comporte un investissement de 40 K€ à la date 0, suivi, si l'état de la nature est favorable durant la période immédiatement précédente, d'un investissement complémentaire de 40 K€ qui peut intervenir soit à la date 1 soit à la date 2 (une seule fois). On considère l'investissement sur cinq périodes; les flux de la troisième période correspondent aux flux générés de la troisième à la cinquième année, en valeurs actuelles. Ces flux comportent, le cas échéant, la valeur résiduelle des immobilisations acquises. Pour chaque période, deux états de la nature sont considérés: Le premier favorable, le second défavorable. Le tableau suivant reprend les probabilités associées aux états de la nature pour les trois périodes.
Les flux nets de trésoreries sont données dans le tableau suivant (F=état de la nature favorable; f=état de la nature défavorable, le chiffre indiquant l'année correspondante).
La présentation de l'arbre de décision correspondant à la décision à prendre par l'entreprise est comme suit: Construction d'un arbre de décision sur trois périodes 180 p=0.8 120 p=0.2 80 p=0.5 70 p=0.5 60 p=0.6 50 p=0.4 45 p=0.3 20 p=0.7 190 p=0.8 130 p=0.2 70 p=0.5 60 p=0.5 160 p=0.8 130 p=0.2 80 p=0.8 60 p=0.2 45 p=0.5 30 p=0.5 70 p=0.6 50 p=0.4 15 p=0.3 -30 p=0.7 p=0.70 40 p=0.30 25 p=0.45 22 p=0.55 15 P=0.7 50 P=0.30 25 Investissement date 2 p=0.70 -40 30 non p=0.30 15 P=0.45 20 P=0.55 10 30 p=0.6
p=0.40 20 Projet X: -80 Projet Y: -40 Investissement Date 1 -40
p=0.60 19 11 p=0.40 Date 0 Date 1 Date 2 Date 3 251705856 Il s'agit à ce moment de calculer les espérances de VAN de chacune des solutions en retenant un taux d'actualisation de 8%. · Calcul de la VAN du projet X: o L'investissement initial est de 80, o L'espérance de flux de la troisième période est: 0,80×180+0,20×120=168 si l'état de la nature est favorable aux dates 1 et 2. 0,50×80+0,50×70=75 si l'état de la nature est favorable à la date 1, mais non à la date 2. 0,60×60+0,40×50=56 si l'état de la nature est favorable à la date 2, mais non à la date 1 0,30×60+0,70×50=27,5 si l'état de la nature est défavorable aux dates 1 et 2. o L'espérance de flux de la deuxième période est: 0,7[40+168(1,08)-1]+0,3[25+75(1,08)-1]=165,22 si l'état de la nature est favorable à la date 1. o 0,45[22+56(1,08)-1]+0,55[15+27,5(1,08)-1]=55,49 si l'état de la nature est défavorable à la date 1. o L'espérance de flux de la première période est: 0,60[30+165,22(1,08)-1]+0,4[20+55,49(1,08)-1]=138,34 D'où: E(VAN)projet X=-80+138,34(1,08)-1=48,09 Il convient ensuite de comparer ce résultat à l'espérance de VAN du projet Y. Il faut tout d'abord envisager l'extension du projet à la date 2 si elle n'a pas été réalisée à la date 1. Si l'extension est réalisée à la date 2, sa VAN est: E(VAN)extension date 2=-40+(0,8×160+0,2×130)(1,08)-1=102,59 Si l'entreprise décide de ne pas réaliser l'extension à la date 2, on obtient à cette date: E(VAN)non-extension date 2=-0+(0,8×80+0,2×60)(1,08)-1=70,37 Ainsi si l'extension n'a pas été réalisée à la date 1, l'entreprise a intérêt à la faire à la date 2: La VAN dégagée est de 102,59 au lieu de 70,37 en l'absence d'extension. L'entreprise a-t-elle intérêt à procéder à l'extension à la date 1 plutôt qu'à la date 2? Si oui, elle dégage une VAN de : E(VAN)extension date1=-40+0,7[50(50(1,08)-1+(0,8×190+0,2×130)(1,08)-2] +0,3[25(1,08)-1+(0,5×70+0,5×60)(1,08)-2]=122,89 Si non, l'extension sera réalisée à la date 2 et la VAN s'établit à: E(VAN)non extension date 1=-0+0,7(30+102,59)(1,08)-1+0,3[15(1,08)-1 +(0,5×45+0,5×30)(1,08)-1]=99,75 Ainsi l'entreprise a intérêt à procéder à l'extension à la date 1 plutôt qu'à la date 2. Il reste à calculer la VAN à la date 0 du projet Y avec extension à la date 1, et à la date comparer à celle du projet X. En présence d'un état de la nature favorable lors de la première période, l'extension est réalisée, et les résultats précédents sont requis. Lorsque par contre l'état de la nature défavorable intervient en première période les espérances de flux sont les suivants: o troisième période 0,6×70+0,40×50= 62 si l'état de la nature est favorable à la date 2 0,30×15-0,70×30=-16,5 si l'état de la nature est défavorable à la date 2. o deuxième période 0,45[20+62(1,08)-1]+0,55[10-16,5(1,08)-1]=31,93 D'où: E(VAN)projet Y=-40+0,6(19+85,13)(1,08)-1+0,4[11(1,08)-1+31,93(1,08)-2]=53,85. Ainsi, l'espérance de VAN dégagée par le projet Y avec extension à la date 1 s'élève à 53,85. Elle est supérieure à celle du projet X (48,09). C'est donc le projet Y qui, toutes choses égales par ailleurs, doit être adopté. Par ailleurs, c'est un projet flexible, dans la mesure où il prévoit la possibilité d'une option d'extension lorsque la situation est favorable uniquement. |
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