La dynamique des rapports de la femme ntumu à la forêt : cas des femmes d'Oyem et de Bolossoville (Gabon)( Télécharger le fichier original )par Sylvie Judith ELLA Université Omar Bongo - Maà®trise 2006 |
1.3. Les cultures de rente : la femme ntumu dans la plantation cacaoyèreComme les activités annexes constituées de la pêche, de l'élevage, de la cueillette et du ramassage des fruits et enfin de la préparation des produits destinés à la vente, la cacaoculture est un travail d'appoint que les femmes ntumu font exclusivement dans le but d'aider leur mari. Etant donné l'intensité des activités agricoles dans le vivrier, la femme ntumu n'a pas un calendrier chargé dans la cacaoculture. En effet, la première intervention de la femme dans les plantations cacaoyères se situe au moins de février et moins en mars et avril pour les travaux d'entretien. Sa part de travail à ce niveau est très insignifiante et les femmes qui le font réellement sont peu nombreuses. Ici, les femmes ntumu font le ramassage des cabosses qui sont coupées par les hommes. Ces cabosses sont mises ensuite dans des paniers ou des hottes. De là, elles procèdent à la mise en tas qui suit tout de suite le ramassage le jour même de la récolte. Cette mise en tas se fait à un endroit précis aménagé dans le champ même ou en marge de celui-ci. Après l'opération de mise en tas, les femmes ntumu associées aux enfants procèdent à l'écabossage qui consiste d'abord à casser la cabosse à l'aide d'un bâton ou d'un « dos » de machette, ceci pour ne pas blesser les fèves très délicates, ensuite à l'extraction à la main des graines qui sont mises progressivement dans les paniers et transportées par les femmes ntumu au lieu de fermentation. Pendant les journées de récolte, quelques jours à l'avance afin de faire des provisions de nourritures, elles confectionnent des mets qui se conservent quelques jours comme les bâtons de manioc. On observe fréquemment quelque cultures vivrières (plantain macobo bananes douces et fruitiers divers) aux abords des campements dans les cacaoyères, afin aux femmes de faire un détour par les champs pour y prélever le repas. Pendant la récolte du cacao, un deuxième village s'établit dans des bassines et certains y passent la nuit dans une cabane prévue à cet effet afin de veiller sur les cabosses. A cette période, no voit augmenter la quantité de produits secondaires (feuilles et écorces médicinales, fruits sauvages, escargots achatines, champignons...) prélever dans les cacaoyères, tout comme le nombre de visites des membres de la famille. Après la récolte et la fermentation qui se déroulent dans la plantation, les planteurs font sécher les fèves au village sur des claies de séchage qu'il faut entretenir et remettre en état chaque année. Introduites et développées pendant la période coloniale, les cultures de rente sont désormais quasi-générales : rares sont les villages qui n'ont aucune parcelle qui leur soit consacrée. Selon les régions et la pluviométrie, le café et le cacao sont les principales cultures. Toutefois ces activités subissent le contre-coût des variations mondiales des cours des matières premières, en plus des incertitudes politiques et économiques de ces pays. Ainsi certains pays tentent-ils de monopoliser l'achat des récoltes dans les villages, fréquemment mal rémunéré aux paysans; par ailleurs l'état de dégradation des routes empêche souvent l'évacuation des récoltes. Aussi n'est-il pas rare que les paysans ne puissent pas vendre chaque année leurs produits, perdant ainsi une de leur seule source d'apport monétaire. Tableau sur les outils de travail de la femme ntumu
Comme les autres formes d'agriculture traditionnelle, celle du Woleu-Ntem ne modifie pas la structure du sol. L'absence d'attelage et autre matériel à caractère moderne ne doit pas surprendre. La femme ntumu utilise une gamme d'outils très simples dans les travaux champêtres, qui servent principalement à désherber la plantation, à déterrer les tubercules ignames, à fouiller les arachides, à couper, à sarcler. Section 2 : La pêche [melok] Dans le Woleu-Ntem, la pêche féminine se pratique en forêt surtout en saison sèche dans les rivières les mares et les marigots .la pêche dans le fleuve est quelque peu réservée aux hommes. Bien que la pêche ne mobilise pas plus de temps que les autres activités de subsistances, les femmes ntumu se disent avant tout des pêcheurs expérimentés. C'est une activité traditionnellement valorisée dans le Woleu-Ntem comme peuvent en témoigner nombre de techniques, règles, interdits et symbole qui s'y rattachent. Grâce à la proximité du fleuve,après les travaux des champs, chacun peut vaquer à ses activités de pêche, les femmes ntumu comme les jeunes et les parties de pêche s'organisent individuellement ou collectivement. Les techniques de pêche sont extrêmement variées et adaptées à des lieux et à des périodes bien précises. Elles s'adresse à des individus particuliers, et se pratiquent sur l'ensemble du territoire forestier villageois. Les femmes ntumu tirent le meilleur parti de la ressource halieutique en développant une connaissance fine des matériaux issus du milieu et du comportement des différentes espèces de poisson, et en portant une attention particulière aux variations du débit des eaux. La pêche, destinée le plus souvent à la consommation familiale, se pratique quasiment toute l'année. 1.1. La pêche individuelle La pêche individuelle c'est celle ou la femme va pêcher seule pour quelques heures. Elle peut aller avec d'autres femmes pour ce type de pêche, mais la technique n'est pas de nature collective. Elle a comme outil un filet de pêche tane, une machette fa et un récipient servant à mettre le poisson capturé appelé nkun .ce récipient s'attache à la ceinture avec une liane. Grâce à ses petits trous il évacue l'eau et n'y laisse que des poissons capturés. La technique de ce genre de pêche consiste à faire avancer le filet dans l'eau et à soulever assez souvent pour récolter le poisson qui s'y est pris. Signalons que cette forme de pêche ne permet que la capture de très modeste qualité 1.2. La pêche collective La pêche occupe une place de choix dans les rapports de la femme ntumu à la forêt. Fréquemment, en saison sèche, les femmes pratiquent collectivement la pêche à l'écope dans les petits ruisseaux de forêt. La pêche collective au poison est par ailleurs très répandue. Souvent aussi, des nasses sont utilisées. Les femmes ntumu qui se procurent surtout du poisson auprès de pêcheurs de la région pratiquent aussi la pêche au filet avec pirogue. Cette technique est également utilisée par les Kwele du Sud Cameroun. Les femmes vont en groupe après avoir apprêté leur outils : petits filets (tane), paniers, (mikuegn) machettes (mefa) récipient pour vider l'eau ou ékana. Lorsqu'elles arrivent à la rivière préalablement choisie, elles font une grande digue qui entraîne l'assèchement partiel de la partie avale. Ensuite, elles descendent le long de cette rivière pour y choisir les parties réputées poissonneuses. Elles se diviseront ainsi en petits groupes en vue de vider l'eau qu'elles verseront toujours du côté de l'aval. Cette technique se fait grâce à l'ékana ou récipient en bois conçu pour cet usage. C'est au moment ou cette partie barrée en amont et en aval commence à se vider de son eau que les femmes capturent le poisson qu'elles se partageront avant leur retour au village, le plus souvent à la nuit tombante. Cette activité est très pénible car les femmes restent courbées pratiquement pendant toute la durée de la partie de pêche. Ici les femmes peuvent obtenir une grande quantité de poisson selon les cours d'eau. Cependant, lorsqu'elles veulent en avoir au point d'en faire des provisions, elles vont chercher des rivières très éloignées du village et très poissonneuses où elles s'installeront pendant deux ou trois semaines voire un mois en pratiquant cette pêche collective qui prend cette fois le nom de mvane melok. Le comportement est différent ici. En effet, au campement, les règles qui régulent le comportement au village ne sont plus guère respectées. Parties de pêche obéissent à la logique du campement : prendre le maximum de poisson en utilisant des techniques reprouvées au village. Ces pratiques sont tolérées parce qu'ici les visites sont plutôt rare. La ressource peut donc se reconstituer. Cette pratique se fait surtout pendant la saison sèche après que les travaux champêtres, activité principale de cette période, aient été sérieusement entamés. Cette technique collective peut interpeller soit toute la famille, soit la famille et les alliées. Le plus souvent la présence des hommes est nécessaire pour protéger les femmes contre les fauves. L'homme s'adonnera pour s'occuper aux activités liées à la chasse ou à la recherche des fruits ou d'autres produits de la forêt. La nuit venue, il ne dormira. Il veillera à la sécurité des femmes et des enfants parce qu'il faut signaler que ce déplacement en masse dans la forêt se fait le plus souvent avec les enfants des deux genres. Il y a derrière cette activité, un souci de pédagogie de la forêt. La pêche à la nivrée Les femmes ntumu comme les autres populations de l'Afrique centrale bantues utilisent les poisons de pêche. La pêche à la nivrée est une technique de pêche collective, ancienne, essentiellement féminine et pratiquée pendant la saison sèche. Elle consiste en l'aménagement d'une retenue d'eau plus ou moins grande, hermétiquement fermée en amont par un barrage puis vidée à l'écope dans laquelle des plantes aux propriétés ichtytoxiques sont déposées. Le poison ainsi empoisonné remonte à la surface où les femmes ntumu le capturent soit à l'aide de filets, soit à l'aide d'une machette ou encore à la main dans les trous d'eau et les recoins de la berge. Ce type de pêche, assez rare de nos jours, est considéré comme très efficace. Barrages et écopes Ces techniques donnent lieu à une pêche collective, diurne et féminine, à laquelle participent des adultes et des jeunes femmes ntumu entre deux activités agricoles. Elles consistent à créer à proximité ou dans le terroir agricole (pour limiter les déplacements) une retenue d'eau (50m² environ). Grâce à la mise en place d'un barrage principal en amont, l'eau s'écoule, faisant baisser le niveau. Les barrages secondaires sont construits en aval puis, grâce à l'écope (pièce de bois incurvée), l'eau est vidangée hors de la retenue. Le poisson pris au piège est ramassé à la machette pour les plus gros. Nasses Les femmes ntumu utilisent la pêche à la nasse. Le premier consiste à cumuler les effets des barrages placés en travers du cours d'eau et des nasses fermées (tane). Il se pratique en eau claire et vive mais de faible profondeur (saison sèche). C'est une technique nocturne essentiellement féminine, individuelle ou en binôme, voire en trinôme. Les nasses en rotin, placées sous l'eau, sont orientées ouverture vers l'aval (en forme de cône inversé). Le barrage (miock) a pour fonction ralentir le débit de l'eau mais également de concentrer les voies de passage possibles vers l'ouverture des nasses. Grâce à cette technique, les femmes ntumu capturent les poissons remontant le courant pour rejoindre les zones de frai. Tableau sur les outils de pêche des femmes ntumu
Source : Construction personnelle Les outils utilisés par les femmes ntumu à la pêche servent à vider l'eau, à mettre le poisson, capturer, à filtrer les eaux. Section 3. Le ramassage et la collecte Les femmes du département de la province du Woleu-Ntem, comme partout au Gabon, font entrer dans leur alimentation outre les produits de leur agriculture, ceux de la cueillette, du ramassage et de la collecte qui en constituent une part importante. Elles bénéficient du droit du premier occupant de manière définitive le défrichement du lieu de récolte lors de sa découverte et par la suite à chaque saison productive marque cette appropriation. 1.1 Le ramassage L'activité de ramassage est une activité féminine. Elle se fait soit en groupe soit individuellement et peut nécessiter le déplacement de plusieurs personnes et même la mise en place de campement. Contrairement au ramassage qui se passe également en saison sèche, cependant la première revient à l'adzap ou arbre à beurre (Baillone toxis perma) et au ndok (Iringia gabonensis). Du premier, les femmes ntumu savent extraient une matière grasse servant à la cuisine et qui s'appelle mbôn adzap ou huile de medzap. Du second, elles font une pâte sèche, qui durcie en prenant la forme du récipient dans lequel on l'a versée, c'est le chocolat indigène dont les sauces sont beaucoup appréciées localement et font également l'objet d'une activité dite extrativiste saisonnière à production très variable. Les fructifications étant massives et les zones à manguiers éloignées du village, les femmes se regroupent en unités résidentielles nda bot ou en familles élargies pour partir à la collecte souvent pendant plusieurs jours. La femme et à travers elle la famille propriétaire du manguier se chargera du partage àkaban et bénéficière de la part la plus important. 1.2. La collecte Malgré les apparences, les collectes quotidiennes et saisonnières de partie végétaux (écorces, fruits, feuilles, bois, etc.) et d'insectes ou champignon sont omniprésents et représentent une part qualitative non négligeable de la ration alimentaire. La collecte améliore sensiblement la qualité de la vie en fournissant des matériaux d'appoint pour la chasse (appeaux) et le piégeage ( liane et tendeurs) des matériaux de cuisine, de construction et de vannerie, des plantes médicinales et ichtyotoxiques, des gommes pyrogènes et des pions pour le jeu ( songo) La collecte quotidienne concerne essentiellement le bois de chauffage et les feuilles destinées à confectionner les bâtons de manioc une grande part de la collecte concerne les parties végétaux (feuilles, racines, écorces, fruits, ou graines.) utilisées dans la pharmacopée traditionnelle, les escargots, les champignons et les larves de coléoptères parasites de palmier sont également prélevés dans la forêt et consommés plus ou mois tout au long de l'année. Les fruits forestiers « sauvages » saisonniers sont souvent consommés par les enfants : raisin pahouin, tricoscypha abut (Anacardiaceae), safoutier sauvage, Dacryodes edulis (Anacardiaceae). Ils sont parfois cueillis puis vendus par les femmes ntumu comme la noisette d'Afrique, coula edulis (olacaceae). Plusieurs graines protéagineuses sont à la base de sauces très appréciés localement et font également l'objet d'une activité dite extractiviste (et donc de rente) saisonnière à production très variable : mangue sauvage, irvingia gabonensis (irvingiaceae), noix, panda oleosa (Pandaceae) et Ricinodendron heudelotii (Euphobiaceae). Elle comprend la cueillette des végétaux, le ramassage d'invertébré et la collecte du miel. Les végétaux les plus couramment collectés sont les noix d'oléagineux et de nombreux champignons, principalement les champignons de termitières. Cette cueillette se pratique par groupes de 2 à 6 femmes. Le ramassage d'invertébrés, essentiellement les chenilles, est effectué par groupes de 2 ou 3 couples, parfois même en famille, avec bivouac. Les femmes Ntumu distinguent le ramassage à terre, la cueillette à la main, la cueillette au couteau, l'extraction du sol. Les femmes ntumu connaissent des centaines de plantes et leur cycle de reproduction. Dans le domaine des fruits, par exemple, leur connaissance est impressionnante : ainsi des centaines de fruits sont distinguées, pour lesquelles, tout, depuis l'écosytème. Tableau - sur les produits de la collecte et
du ramassage
Section 4. La cueillette La technique de cueillette est également utilisée par les femmes ntumu. Celle-ci, comme les autres techniques d'accès à la ressource, se pratique soit individuellement, soit de manière collective. Les produits de cueillette ne peuvent être considérés comme secondaire, même s'ils complètent les produits issus de champs. La cueillette de certains fait l'objet des expéditions en forêt. La cueillette occupe une place importante dans les rapports de la femme ntumu à la forêt. Mais il nous faut signaler que les femmes ne grimpent guère aux arbres, cette activité leur est interdite. Il arrive de temps en temps que la femme s'adonne à cette activité éminemment masculine. La cueillette concerne une multitude d'activités qui va des fruits au miel. Celle qui intéresse la femme est celle relative aux fruits de tous genres. Il existe plusieurs espèces dont nous ne parlerons que des plus utilisés. C'est pendant l'esep, la petite saison sèche et l'oyon, la grande saison sèche que la plupart des fruits mûrissent. Ainsi, les femmes accompagnées souvent des enfants vont cueillir les fruits de tom (Dacryodes macrophylla), de l'ofos (érable d'Afrique Poga oléosa), d'asas (Dacryodes edulis) qui est la forme sauvage du safoutier, etc. La cueillette est soumise a des règles d'appropriation individuelle, ele djam (transmise matrilinéaire ment aux épouses des fils). Les arbres produits inclus dans le terroir villageois font l'objet d'une exploitation de type extractive (cueillette destinée à la vente) préférentiellement au bénéfice des femmes. Le caractère prioritaire qui peut exister sur cette maîtrise « exclusive » correspond à l'impossibilité pratique de contrôler l'accès aux arbres éloignés du village (Karsenty et Marie 1997). Ainsi la récolte et les revenus monétaires procurés par les fruits sauvages appartiennent aux femmes. Elles bénéficient du droit du premier occupant de manière définitive. Le défrichement du lieu de récolte lors de sa découverte et la suite à chaque saison productive marque cette appropriation. Les fructifications étant massives et les zones à manguiers éloignés du village, les femmes ntumu se groupent en unités résidentielles (nda bot) ou famille élargies pour partir à la cueillette souvent pendant plusieurs jours. La femme ntumu et à travers elle la famille propriétaire du manguier se chargera du partage (akaban) et bénéficiera de la part la plus importante. Cette situation recoupe partiellement des observations plus anciennes sur le droit foncier appliqué dans le terroir agricole chez les femmes ntumu du Woleu-Ntem. En effet, quelques études montrent que les terres de jachères étaient héritées de mère en fille (ou belle-fille) et donc de femmes à femmes (Nguema, 1970 ; 1985). Les autres fruits extraits de la forêt, comme la noisette d'Afrique (coula edulis) et la noix (panda oleosa), ne donnent pas lieu à un extractivisme comme la mangue sauvage mais font l'objet des mêmes modes de gestion que celle-ci. Tableau sur les produits de la cueillette chez les ntumu
Pour évaluer l'efficacité de l'agriculture, il faut donc au moins esquisser les autres composantes du système général de production. Il est parfois difficile de séparer culture et cueillette. Le cas de l'arboriculture est frappant. On plantait les noix d'élais mais ce palmier poussait aussi de façon subspontanée notamment près des villages et sur les anciennes jachères. Là où les conditions physiques étaient très favorables, de vastes palmeraies « naturelles » se créaient. Elles n'étaient pas vraiment naturelles puisque les gens débroussaillaient autour des jeunes palmiers et plantaient parfois. On plantait rarement le safoutier (Pachylobus edulis G.) pratiquement jamais L'Irvingia Gabonensis, qui fournissait pourtant des matières grasses fort appréciées (le chocolat odika du Gabon), ni le canarium schweinfurthü, dont les fruits étaient appréciés. Par contre on plantait le colatier (variétés acuminata et Ballayi surtout). On a mentionné le cas des plantes subspontanées de jachère dont les feuilles servaient de légumes et qui apportaient des compléments minéraux souvent cruciaux. Ajoutons à la cueillette encore celle des termites (deux fois l'an), des champignons (parfois pendant le long du mois et des chenilles (différentes espèces à différentes dates, et protection des arbres à chenilles). Enfin, les femmes ntumu mentionnent la pratique de ne prévoir une récolte agricole que pour dix mois par an. Pendant deux mois, on se nourrissait de fruits venant en maturité à la même époque. Un peu partout dans le Woleu ntem, on partait pendant un mois en saison des eaux basses pour pêcher et récolter à partir des camps temporaires. Tableau - Utilisation des principales essences
Une raison très souvent évoquée par les femmes ntumu pour expliquer la présence d'une espèce arborée dans un champ est son utilité extra-agricole dans le système de production (Carriere 2002). Ces arbres procurent une multitude de produits forestiers ligeux et non ligneux. En effet, ils fournissent des fruits, sons ornementaux ou encore certaines de leurs organes sont employées dans la préparation des médicaments traditionnels. Les graines de ces arbres peuvent parfois servir de base à la préparation de sauces très appréciées dans la cuisine locale de la femme ntumu comme cela est le cas pour la mangue sauvage. D'autres espèces fourniront au moment opportun des matériaux de construction, mortiers, pilons, des systèmes de piégeage, les articles de pêche. Le latex et la résine de quelques essences sont utilisés comme combustibles pour l'éclairage, comme savon ou détergent ou encore comme substance ichtyotoxiques pour les parties de pêche collective. Certaines espèces sont appréciées pour l'attraction qu'elles exercent sur les animaux comestibles tels que les chenilles, les singes ou les oiseaux (Carriere 2002). Les « arbres orphelins » représentent également une réserve de bois de chauffe. Tous les arbres ne sont pas nécessairement utilisés pendant le cycle de culture en cours, mais ils représentent un potentiel de ressources utilisables dans le futur pour faire face à des besoins inattendus. La gestion de l'agrosystème passe donc par une attention très grande de ce capital vivant. La foret contribue en cela aux stratégies de subsistance elles-mêmes encrées au sein des cosmogonies locales « qui préconisent » une utilisation rationnelle et modérée des ressources sauvages (Bahuchet 1997). Le calendrier des activités de la femme ntumu
En forêt tropicale humide, l'environnement naturel est riche en ressources. Les possibilités d'exploitation du milieu sont multiples et variables au gré des contraintes inhérentes au milieu naturel et des objectifs de chaque agricultrice. Traditionnellement, les modes d'exploitation des ressources animales et végétales se limitent souvent à des méthodes extensives. En plus de l'agriculture itinérante sur brûlis, les femmes ntumu recourent à toute une gamme d'activités de subsistance. L'agriculture de subsistance (banane, manioc, patate douce, ignames, macabo...) produit la part principale de l'apport glucidique (hydrates de carbones) du régime alimentaire des agricultrices forestières. En revanche, la part qualitative (protéines, lipides, glucides, vitamines et sels minéraux) de l'alimentation provient d'activités saisonnières de prédation. Des activités de pêche, de cueillette, de collecte... se superposent dans l'espace et dans le temps pour compléter les activités agricoles. La cueillette, la pêche, la collecte, la médecine, sont omniprésentes dans le calendrier de la femme ntumu, mais chaque ressource est prélevée selon le calendrier saisonnier spécifique. En effet, les essences forestières fructifient à différentes périodes. Par exemple le manguier sauvage, andok (irvingia gabonensis, irvingiaceae) produit des fruits pendant la petite saison sèche. Les techniques et les espèces prélevées varient au fil des saisons et des sites.Ainsi, la pêche au barrage ou au poison ne se pratique que pendant une période d'étiage la plus prononcée au cours des saisons sèches. Dans chaque cas, les activités s'interpénètrent au sein des différents espaces du terroir villageois et, de ce fait optimisent bon nombre de déplacements. La pêche, le piégeage, et la cueillette sont des activités quotidiennes auxquelles chacune s'ordonne tout au long de l'année en fonction des opportunités saisonnières. De nombreuses techniques entrent à la fois dans les sphères de la prédation et de l'agriculture. Ainsi, les piéges barrières servent à la capture du petit gibier. Section 4 : La vannerie La femme ntumu a le monopole de la fabrication des produits de la vannerie qui étaient utilisés pour les travaux champêtres, récoltes, voyage... Ces objets sont aussi utilisés lors des grandes cérémonies d'initiation. La forêt du Woleu-Ntem est riche en biodiversité végétale compte tenu de la diversité d'habitats existant dans cette province. Les femmes ntumu extraient à partir de nombreuses plantes, une gamme de produits nécessaires pour leurs survie : médicaments, aliments bois divers. Mais la forêt ntumu qui renferment un grand nombre d'espèces fruitières constitue de véritables vergers naturels composés d'arbres à usages multiples. Chaque espèce a son utilité spécifique. Les plantes contribuent bien aux soins de santé primaires dans un pays où les problèmes réels de santé se posent avec acuité. Les femmes ntumu en plus de l'activité agricole, qui est l'activité dominante, pratiquent la médecine traditionnelle en utilisant les éléments de la faune et de la flore, et même le minéral. En effet pour la femme ntumu , soigner, prendre soin de, apparaît alors comme le premier art celui qui précède tous les autres arts et qui a permis à chaque société à la lumière d'une lecture symbolique de l'univers et de la nature d'instaurer au fil du temps, en vue d'assurer la survie du groupe et de l'espèce, des savoirs, des savoirs être, des savoirs faire,des façons de dire et des façons de voir qui sont à l'origine des habitudes de vie de chaque groupement humain c'est dans ce sens que Marie Françoise Collière souligne que « les soins se situent au carrefour de ce qui fait vivre ce qui permet de vivre et de ce qui fait obstacle à la vie... de ce qui l'entrave et la menace ; à la charnière de la vie et de la mort, affermissant l'une, faisant reculer l'autre, cheminant avec l'une jusqu'à s'éteindre avec l'autre ».* D'innombrables plantes médicinales, bien connues de nos ancêtres pour leur leurs vertus qui font courir les occidentaux dans les tropicales, sont utilisées pour soigner des maladies variées. Le savoir médicinal de la femme ntumu se transmettait à des personnes prédisposées. La transmission se faisait par filiation, par voie initiatique, par habitude ou par délégation. Au départ, les plantes médicinales étaient utilisées pour aider uniquement les membres de la famille, du clan, ou du village, à faire à certaines affections. Les différents organes étaient prélevés sur les arbres de façon rationnelle. La connaissance des plantes nécessite un certain nombre de données. L'écologie de la plante, la ou les maladies soignées,les parties utilisées (racines,tiges,feuilles,fruits,graines,sève,ou latex etc.) ; les procédés d'extraction : décoction, macération, infusion, broyage, pilage, bain de vapeur, centre, etc. les voies d'assimilation : voie orale, lavement, inhalation, massage, friction au corps, scarification,etc. Dans les pratiques traditionnelles de la femme ntumu la détentrice du savoir ne prélevait que ce qui était nécessaire pour constituer son breuvage ; une écorce pouvait suffire comme ingrédient. Toutes les précautions étaient prises pour que l'arbre ne subisse aucun dommage : on prenait soin, par exemple, de mettre un peu de terre pour aider l'écorce à se régénérer. La transmission du savoir en matière de médecine se faisait toujours en étroite harmonie avec l'environnement, aucun organe du végétal ne pouvait être prélevé sans rituel préalable. Cette façon de faire contribuait à la gestion de l'écosystème, car dans un village, il n'y avait pas mille et une tradipraticienne ; on comptait sur les doigts de la main. La femme ntumu peut aussi, après avoir jugé des aptitudes de ses enfants, choisir celui qui est apte à recevoir les recettes pour soigner certaines affections ; les recettes se transmettent aussi de bouche à oreille : si une personne a des problèmes une tierce peut lui apprendre une vraie recette de grand-mère qui souvent arrive à remédier au mal, surtout pour les maladies courantes comme le rhume, la toux, le mal de tête etc. Tableau - Connaissances écologiques de la femme ntumu
Source : Construction personnelle La culture de la femme ntumu est diversifiée. En forêt, l'environnement naturel est riche en ressources. Les possibilités d'exploitation du milieu sont multiples et variables au gré des contraintes inhérentes au milieu naturel et des objectifs de chaque femme. En effet, l'histoire des civilisations nous enseigne qu'un des premiers besoins ressentis par nos ancêtres était la nécessité d'assurer leur survie, le but de la vie étant , de se prolonger, de se reproduire, et de reculer l'échéance de la mort c'est-à-dire qu'il existait déjà des soins avant toute maladie. Ceux-ci étaient mélés à l'expression même de la vie avec laquelle les femmes ntumu se confondaient, car il fallait prendre soin de la vie, de l'enfantement à la mort, en participant au mystère de la vie qui se cherche. Ces objectifs sont à l'origine des besoins de survie à satisfaire, ces besoins de survie à satisfaire, ces besoins donnant eux-mêmes naissance à des formes d'organisation en réponse aux besoins de santé qui se sont progressivement développés avec la lutte contre les maladies. Mais pour satisfaire ses besoins vitaux, la femme ntumu a commencé par s'interroger et interroger la nature en lien avec l'univers dans lequel il était inséré et, par tâtonnement, essais et erreurs, cette intérrogation lui a permis de déccouvrir ce qui est bon pour entretenir la vie et ce qui peut lui être nuisible. C'est la prise de conscience du bien et du mal, à partir de laquelle se sont élaborés les habitudes de vie et les croyances qui sont devenues plus tard les coutumes, les traditions, les lois etc. Tout s'est donc organisé à partir d'une lecture symbolique de l'univers en cherchant à comprendre les forces poteuses de mort donc de maladie. Cette necessaire relation « femme-nature » a amené chaque femme ntumu à doter chaque facette de l'univers d'attributs qui sont porteurs de significations symboliques, participant à la désignation du sacré, c'est-à-dire ce qui donne un sens au monde et impose à la nature et aux relations humaines une transformation par rapport à son sens originel dans les représentations sociales et les mythes qui restent intimement liés à l'écosystème de chaque groupe ntumu. Chapitre4. La forêt source de connaissance Section 1. Le contexte culturel des activités 1.1. De nombreux aspects assurent de multiples fonctions qui concourent au maintient de l'équilibre social. Ils perpétuent les valeurs culturels du groupe et transmettent des enseignements portants non seulement sur la langue, la morale sociale en vigueur, les pratiques sociales, les coutumes, les croyances mais aussi sur le milieu naturel dans lequel évoluent les individus. Les connaissances très fines des femmes ntumu ne se limitent pas aux relations entre processus écologiques et production agricole. Nées et accumulées par la tradition et l'expérience quotidienne, ces connaissances empiriques sont spécifiques à la forêt, elles sont souvent relatives aux caractéristiques des espèces et aux relations qu'elles entretiennent avec le milieu biotique et physique. La société ntumu dépendant pour sa survie de la chasse de la pêche de la cueillette et la médecine était régie par le respect d'un ensemble de règles coutumières. L'écrit n'étant pas un support de communication pour les femmes ntumu, un ensemble d'us et coutumes acquis par les anciennes était admis, pratiqué et transmis aux jeunes filles. Depuis des millénaires la femme ntumu puise dans les ressources de sa forêt pour satisfaire le premier de ses besoins : se nourrir. Les habitudes alimentaires sont les mêmes dans tout le Woleu-Ntem, les femmes ntumu exploitent quotidiennement la diversité des espèces. Elle ne cherche pas transformer profondément et définitivement la forêt, elle préfère la modifier en douceur, par touches successives, tout en lui conservant ses caractéristiques essentielles de biomasse, de diversité génétique, de structure verticale et horizontale. Même quand on abat et brûle des arbres, elle ne fait qu'un accroc dont elle sait qu'il se cicatrisera. Il ne substitue pas son ordre à celui des choses naturelles, sa fille fera de même, et sa petite fille après elle. Ainsi de génération en génération, s'édifie un système de production qui imite autant que possible la forêt. C'est fort de ces considérations que les femmes ntumu ont agi en exploitant rationnellement leur forêt. La recherche du bois de chauffage par exemple se limitait essentiellement au bois mort ; la collecte de fruits se limitait au ramassage ; l'exploitation des plantes médicinales se limitait à la récolte des écorces, des racines, de feuilles. Les arbres étaient recouverts de terre sur les parties blessées après extraction des écorces ; pour les cultures sur brûlis, pendant les opérations de défrichement, de nombreux arbres fruitiers ne sont pas abattus, ils sont plutôt préservés. 1.2. L'influence des méthodes modernes sur les pratiques traditionnelles Le passage d'une société traditionnelle à une société moderne qui se traduit par l'acceptation de nouvelles règles qui obéissent aux lois de l'économie de marché et non plus à celles de l'économie de subsistance. Pour répondre à l'appât du gain, les activités traditionnelles deviennent des activités commerciales. Pour ces raisons, les femmes ntumu considèrent que les activités de subsistance sont en voie de disparition dans le Woleu-Ntem. D'après notre étude, la chute du cours de cacao aurait poussé la majorité des femmes ntumu à se reporter à l'exploitation de la forêt comme première source de revenu. Les connaissances et les compétences développées par les populations traditionnelles au cours des milliers d'années d'adaptation et de manipulation de leur terre, de leur flore et de leur faune, constituent une ressource inestimable. C'est un fait. Mais aujourd'hui, il y a un problème. Les campagnes se meurent, et avec elles, les savants illettrés pendant qu'on dilapide le trésor naturel. Les faits sont là : le fossé entre la ville et la campagne se creuse davantage ; mais le monde ne se trompe pas. Pour sauter haut, il faut d'abord mieux s'enraciner. C'est pourquoi, nous reconnaissons tous aujourd'hui que la connaissance des stratégies et des pratiques locales d'utilisation des ressources naturelles peut contribuer à l'élaboration des politiques de conservation ainsi qu'au développement de nos pays. Section 2. La symbolique 2.1. Relation de la femme à son milieu Si la relation avec la forêt nous apprend à connaître l'environnement et définit les rapports de la femme avec son milieu naturel, elle apparaît aussi comme un outil de gestion de l'environnement. Nombreux récits parlent du respect de la femme à la forêt .C'est le cas du mythe fang de l'evus (maux, sorcellerie). On serait tenté de comprendre ici que cette abondance est une conséquence du respect de l'interdit qui vise la préservation de la forêt de toutes actions socioculturelles de la femme ntumu. Certains contes conduisent les femmes qui pratiquent par exemple à certaines périodes de l'année (saison sèche) et qui assurent à travers leurs différentes activités des fonctions nourricières, à préserver les ressources du milieu naturel pour le bien être de leurs progénitures et de toutes la société. Le respect des règles de gestion des écosystèmes apparaît également dans l'histoire de la forestière qui extermine la forêt à préserver la faune. 2.2. Le respect des interdits Dans le domaine des interdits qui touche la femme ntumu, les clans que les groupes ethniques. La littérature orale qui est le mode transmission de la connaissance chez les femmes ntumu explique et justifie l'origine de l'interdit au moyen d'un récit. Cette méthode consiste à faire comprendre l'interdit afin d'amener les femmes à y adhérer et à y conformer aux respects des interdits. Cela fonde des rapports de solidarité qui entraîne un lien affectif qui garantit de fait le respect des interdits de la forêt. Il existe également toute une symbolique à travers les outils que la femme utilise en forêt. La hache, symbole de la force et du pouvoir judiciaire. La symbolique rituelle de la hache est associée à la force d'action et du savoir pour trancher un conflit. Lors du mariage, le mari doit offrir au lignage de sa femme une hache, par laquelle il s'assure de la fécondité de son foyer. Pour punir son mari, une femme qui se sent négligée, se dénude devant sa hache pour la maudire. D'après la conviction populaire, le mari se blessera au travail avec cette hache envoûtée. Avant de couper l'arbre à sorciers, la hache doit passer par une préparation spéciale chez le chef du village. La houe, outil principal du travail agricole, symbolise la femme. La houe est considérée comme un neuve représente une femme en pleine force, une houe très usée est appelée « grand-mère ». Dans le rituel de transmission de l'outil de labourage, c'est avant tout la grand-mère qui donne la houe à sa petite-fille, lui donnant en même temps le courage et l'efficacité du travail. La mère également peut assurer ce rituel de transmission de l'outil à sa fille, lui donnant la chance et la force dans le travail agricole. Lors du mariage, le lignage maternel offre une houe à la mariée avec tous les voeux pour un bon rendement dans les travaux de champs. Une série de rites sert à bénir la houe : laver la houe, y frotter les ingrédients d'une statue, y appliquer de la terre du cimetière, de la cendre du foyer ou y cracher. Certaines cultivatrices déposent la houe pour une nuit chez le chef du village, chez un chargé de culte, sur le fumier ou sous le lit. Elles y versent du vin de palme, font toucher la joue par les jumeaux ou par le benjamin de la famille considéré comme quelqu'un qui possède la chance. Tous ces gestes servent à rendre la houe efficace pour le labourage. Augmenter le rendement du champ à d'une houe usée. Enterrer une houe usée (qui a déjà servi à des récoltes abondantes) dans son champ permettrait d'augmenter le rendement du champ. Il est interdit de toucher la houe d'une cultivatrice ou de la jeter par terre. Une femme qui désire accoucher d'une fille, met sous le lit conjugal une houe, symbole de la femme. Une houe envoûtée par une rivale jalouse doit être purifiée avant l'usage, sinon son travail ne donnerait aucun résultat valable. On connaît une épreuve de vérité, au cours de laquelle la femme accusée doit enjamber une houe pour prouver son innocence. A la mort d'une femme, la cadette pleure son aînée en portant une houe et en montrant comment elle labourait de son vivant. Pour empêcher la décomposition du corps d'une femme morte, on place parfois sur son ventre une houe, l'outil qui déracine les mauvaises herbes. Avant l'enterrement d'une grand-mère, sa petite-fille peut s'asseoir sur son cercueil en demandant la houe et la chance de cette cultivatrice célèbre. La corbeille, symbole de la femme. La symbolique de la corbeille s'associe à l'idée d'une femme féconde. Lors du mariage, la belle-mère offre à son beau-fils une corbeille de pâte de manioc en disant « Ma fille ressemble à cette corbeille ». Les corbeilles utilisées pour pêcher sont parfois fustigées avec un fouet d'herbes vertes, afin d'en expulser la malchance. On les fait toucher par des jumeaux ou par le de la famille, pour leur donner la chance d'une pêche heureuse. Il en est de même pour les corbeilles de cueillette. Section 3. La fabrication de la femme chez les Ntumu 3.1. La transmission du pouvoir La femme ntumu est détentrice d'un savoir qu'elle transmet de génération en génération. La transmission du savoir en matière des activités se faisait toujours en étroite harmonie avec la forêt. Les jeunes filles sont initiées à la forêt dès le bas âge (6 à 10 ans). Les femmes ntumu sont pilliers de la société ntumu, elles sont responsables des activités agricoles, de la collecte des fruits sauvages et de certaines techniques de pêche sans pour autant négliger leur rôle de mère. La forêt obéissant à une répartition, des regroupements claniques subdivisés en lignage possèdent à l'intérieur de chaque village un territoire agricole sur lequel ils étendent leurs droits.Les limites lignagées ou entre deux villages se reconnaissant par des repères souvent naturels que chaque paysan accepte. Les jeunes filles ont le droit de maîtriser ces espaces. Ces enseignements donnés aux jeunes filles assurent de multiples fonctions qui concourent au maintien de l'équilibre social. Les femmes ntumu perpétuent les valeurs culturelles du groupe et transmettent des enseignements portant non seulement sur la langue,la morale sociale en vigueur, les pratiques sociales, les coutumes,les croyances mais aussi le milieu naturel dans lequel évoluent ces jeunes filles. Elles sont assujetties aux exercices (chants, contes, proverbes). Par la littérature orale l'enfant apprend à connaître l'environnement et définit les rapports de la femme ntumu avec son milieu naturel, elle apparaît également comme un outil de gestion de l'environnement. La forêt est présentée pour la jeune fille comme lieu d'abondance. Cette abondance entraîne le respect des interdits qui vise la préservation de toutes actions socioculturelles de la femme ntumu. Cette méthode consiste à faire comprendre l'origine des interdits afin d'amener les individus à y adhérer et à s'y conformer. 3.2. Le pouvoir de la parole La littérature orale sert ainsi d'arguments en fondant le respect des interdits. Il y a un lien affectif qui garantit de fait le respect de l'interdit portant sur la forêt. Toutes les voies de transmission de savoir sur les activités de la femme ntumu exigent une certaine forme de filiation. En effet, comme pour tous autres savoirs, il faut être « l'enfant » ou pour prétendre recevoir un quelconque savoir ; tout simplement parce que les anciennes ne peuvent pas léguer leur savoir au commun des mortels qui ne fait pas partie de la famille. Les jeunes filles, à force de vivre autour des femmes ntumu, et de voir utiliser telle plante pour telle affection, finissent par s'y référer dès qu'elles se trouvent dans une situation similaire, et le geste, facile à accomplir, suit ; Troisième partie: L'évolution du rapport féminin à la forêt Chapitre 5. Les activités transformées et les activités abandonnées Les sociétés, les cultures et les langues se sont influencées au cours d'une histoire longue et compliquée dont on connaît relativement peu de choses. Les cultures en rapport étroit avec les valeurs sociales, ont évolué tout comme les sociétés, sous l'influence d'un dynamisme interne qui modèle sans cesse les rapports du passé, en les transformant, en les adaptant et en les complétant. Les valeurs quant à elles sont les résultantes complexes et évoluées de l'histoire et du milieu écologique, économique, social et psychologique. Section 1. Les causes du changement Il n'est plus à rappeler que chaque jour toute société humaine connaît des évolutions tant sur le plan social, économique, technologie, etc. Que ce soit d'une manière lente, brusque ou imperceptible. Avec la colonisation, cet instrument important pour le processus vers la modernité, beaucoup de choses vont changer. Le capitalisme apporte la scolarisation et le travail salarié qui va permettre une certaine autonomie à la femme. Aujourd'hui, on parle d'émancipation de la femme, chose toujours mal perçue par les hommes. En effet, une femme peut se retrouver Ministre, chef de service, etc. En fait, les femmes occupent maintenant des postes de responsabilité. La mise en valeur du système colonial, au delà de l'introduction de la monnaie scripturale et fiduciaire a énormément influencé l'organisation des activités forestières. Avec la modernité de nos sociétés, la société traditionnelle est intégrée dans une forme d'échange. Les produits consacrés à la consommation directe sont désormais l'objet d'un échange monétaire qui vise le profit et sont vendus sur le marché de l'offre et de la demande. L'introduction de la monnaie a permis d'étendre le marché et d'amplifier la consommation. On part donc de la consommation domestique à la consommation de masse. Une telle mutation nécessite de nouveaux modes de consommation et de production. Les modifications qui s'exercent dans la société ntumu à un rythme croissant depuis plus d'un siècle (notamment avec l'introduction du cacao et du café), ont bouleversé les rapports entre les populations et leur milieu, ralentissant sur les sociétés et leurs cultures. Sous l'influence des circonstances, des groupes vivants de la cueillette, ont pu devenir cultivateurs ou pasteurs. D'autres éleveurs de gros bétail, ont pu adopter des activités agricoles ou se livrer à la cueillette. Il n'y a pas d'immobilisme, mais bien une suite ininterrompue de changements en fonction des circonstances historiques notamment et de l'évolution du milieu biologique. Mais dans le passé, ces changements étaient lents, on assiste à l'heure actuelle à des bouleversements brutaux, nous amenant à considérer dans l'analyse des rapports écosystèmes/cultures, non seulement le facteur temps mais encore la vitesse et l'intensité de ces changements. Face à l'occidentalisation, leur système social subit actuellement des changements importants, qui se répercutent sur leurs rapports à la nature. Ainsi, pêche et chasse sont parfois pratiquées pour la vente à Maripasoula, où les Aluku, ne chassant plus guère eux-mêmes, sont très demandeurs de tels produits. De même la pêche à la nivrée -- une technique traditionnelle et collective utilisant des poisons végétaux qui asphyxient les poissons et facilitent leur prise à l'épuisette ou à la flèche-harpon -- est souvent pratiquée à des fins commerciales, provoquant un grand gâchis : elle n'engage souvent que deux ou trois adultes, seules les grosses prises étant ramassées. Couplés à la sédentarisation des villages, ces changements provoquent une surexploitation du milieu naturel, dont les effets commencent à se faire sentir. Ainsi Amérindiens et Aluku estiment qu'il faut aller plus loin pour chasser, que la pêche est moins fructueuse, et que les terres fertiles pour pratiquer l'agriculture sont moins accessibles [ 6]. Il faut donc de plus en plus d'essence pour alimenter les pirogues à moteur afin de pratiquer ces activités, qui sont à la base de l'économie domestique des Amérindiens. Ceux-ci dépendent alors de manière croissante de ressources monétaires. Cependant, malgré ces problèmes d'accès aux ressources, les habitants du futur Parc ne ressentent absolument pas la nécessité d'une protection environnementale : « La forêt est immense, et il suffit d'aller un peu plus loin pour la retrouver intacte. » La plupart des habitants ont donc beaucoup de mal à comprendre les enjeux écologiques du Parc national. Si certains en espèrent des retombées positives, particulièrement en termes de créations d'emplois -- une soixantaine de postes sont attendus --, beaucoup craignent que les réglementations n'entravent leur libre circulation et leur accès aux ressources : chasse, pêche, abattis -- ces parcelles de forêt abattues, brûlées, cultivées puis mises en jachère -- mais aussi orpaillage, selon les locuteurs. La perception par les habitants de la création d'un Parc est donc ambivalente et empreinte de scepticisme. Quant aux collectivités locales, elles la perçoivent comme une réappropriation du territoire par l'État, une sorte de retour au statut du territoire de l'Inini, en vigueur de 1930 à 1969, qui plaçait l'intérieur, donc la majorité du territoire de la Guyane, sous l'autorité directe du gouverneur, au nom du développement économique. Elles ont exigé la rétrocession des terres de l'État vers les collectivités comme préalable à la mise en place du Parc ; de plus, elles souhaitent un parc multipolaire qui serait réparti sur l'ensemble du territoire. L'actuel projet est donc loin de faire l'unanimité en Guyane, et a été refusé en octobre 2005 par le Congrès des élus régionaux et départementaux. Section 2. L'observation 2.1. La nouvelle division du travail Les bouleversements sociaux que la colonisation va entraîner auront un impact important sur la division du travail. Ici, la spécialisation du travail se retrouve un tout petit peu altérée. Les femmes peuvent désormais faire des centaines d'activités qui, autrefois étaient réservées uniquement aux hommes. Certaines femmes sont d'ailleurs en mesure d'employer d'autres femmes et /ou hommes dans des tâches rémunérées. Désormais, les hommes peuvent planter. Sur le plan agricole, l'on peut passé d'une agriculture de traite à celle de plantation en passant par l'agriculture paysanne. Dans l'agriculture de trait, on vend (le cultivateur) ses produits contre ceux des industries. Ici on retrouve des cultivateurs et cultivatrices. Dans l'agriculture paysanne on vend une partie des produits agricoles sur le marché. A cet effet, nous avons le cas du café, du cacao, etc. Dans ce cas, on parle de complémentarité des tâches entre les hommes et les femmes et non de spécialisation des tâches selon une division sexuée. Sur le plan artisanal, nous remarquons la disparition de la vannerie, la poterie et du travail des produits occidentaux. L'exemple du raphia est très parlant à cet effet. Il est remplacé en effet par les vêtements venus d'occident. De même les vases en argile ont disparu pour faire place aux marmites en aluminium ou aux cocottes. Ici, la dynamique est synonyme de mouvement, de changement ou d'évolution, mais conçue comme un processus naturel. Il s'agit alors d'une évolution suivant un sens déterminé : c'est un progrès dont toutes les sociétés parcourent successivement les étapes. Le changement social est pensé comme un processus d'adaptation continu aux diverses contraintes technologiques ou comme un processus d'innovation contenue. Le changement est aussi un mécanisme sa cohésion morale et son unité profonde Il est utile de dire en définitive que les sociétés traditionnelles ont connu beaucoup de mutation au cours de ces dernières années avec l'intervention de la monnaie. Ces sociétés qui avaient une économie de subsistance, connaissent aujourd'hui les échanges monétaires. La division du travail par genre n'existe pratiquement plus car on est dans la complémentarité des tâches. On assiste non pas à une spécialisation des tâches mais plutôt à une contribution mutuelle des deux sexes dans toutes les activités. Chapitre 6. Contexte économique Section1. Les constats Dans la province du Woleu-Ntem, la femme ntumu contrôle presque exclusivement l'economie agricole. Cette situation apparaît nettement par l'éminence de son rôle dans les activités de la forêt. La femme ntumu est toujours attachée à la forêt, toute leur vie tourne autour de ce milieu. Section2. Les raisons 2.1. Endogène Pour des raisons d'ordre économiques, les femmes ntumu, dans leurs activités se préoccuppent de trois moments lors de la récolte de leurs produits (arachide, concombre, chocolat) à savoir la consommation, les échanges, la reserve. D'abord, les femmes ntumu font leurs activités pour les besoins de consommation, elles doivent nourrire leur progéniture. La première préoccupation de la femme ntumu c'est d'avoir un grenier qui permet de subvenir au besoin de la famille des enfants et des parents éloignés. Ensuite, ses activités ayant un calendrier cyclique font l'objet d'une resrve aux prochaines semailles pour l'année suivante. Ce qui permettra de reproduire à nouveau et de respecter l'adage qui dit « on ne sait jamais ». Il faut envisager tous les contours sachant que l'année suivante peut ne pas être fructueuse, dans ce cas, la reserve pourra compenser ce déficit. Enfin la femme ntumu n'exclue pas le grenier pour l'entraide, l'échange, qui permettrait de troquer entre alliées. Le produit échangé permettait aux femmes de varier les produits de leurs repas. 2.2 Exogènes Le passage d'une société traditionnelle à une société moderne se traduit par l'acceptation des nouvelles règles qu'obéissent les lois de l'économie de marché et non plus à celles de l'économie de subsistance. Pour répondre à l'appât du gain, des activités de la femme ntumu deviennent des activités commerciales. Pour ces raisons, on remarque que les activités de subsistance sont en voie de disparition. D'après notre étude, la chute du cours de cacao aurait poussé la femme ntumu à se reporter sur l'agriculture comme première source de revenus. Parmi les femmes interrogées, l'agriculture demeure l'activité principale. Elles ajoutent que la majorité des femmes vendent des produits provenant de leurs activités. Ce phénomène est probalement plus grand dans les zones rurales qui ravitaillent la ville. D'autres considèrent que c'est la demande croissante émanant d'une urbanisation galopante qui a entrainé le développement des activités commerciales. Avec la disparition progessive de l'apprentissage et de l'initiation des enfants, les activités ne sont le privilège des femmes ntumu. Elles sont ouvertes à quiconque pouvant les exercer peu importe ses qualifications dans le domaine et son rapport aux valeurs de gestion durable. Ces nouveaux adhérants (hommes) participent à l'introduction de nouvelles techniques (outils, méthodes etc) qui sont une complémentarité aux techniques utilisées par les activités de subsistance. |
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