Adhésion a l'utilisation des moustiquaires impregnées d'insecticides a Bukavu: handicaps et pistes de solution( Télécharger le fichier original )par Jean KALEBO WATANGA ISTM Bukavu - Licence en santé publique 2008 |
1.1.2. Présentation et explication du problèmeConnu depuis plusieurs millénaires mais toujours d'actualité, le paludisme ou malaria est une endémie redoutable dont agent et mode de propagation sont déjà connus à la fin du XIXè siècle. En ce début du XXIè siècle, le paludisme demeure le principal problème de santé publique dans le monde intertropical et plus particulièrement en Afrique subsaharienne. Dans cette région, en dépit des avancées dans le domaine de la recherche appliquée, il touche environ 300 millions de personnes et cause 1 à 2 millions de décès chaque année (10). Sur 3,3 milliards de personnes à risque en 2006, on estime à 247 millions le nombre de cas de paludisme, dont près d'un million de cas mortels, pour la plupart chez les enfants de moins de cinq ans. En 2008, le paludisme était endémique dans 109 pays, dont 45 sont situés dans la Région africaine de l'OMS (11). En 1992, l'OMS a convoqué une conférence ministérielle sur le paludisme à Amsterdam en vue de définir une stratégie mondiale de lutte antipaludique et d'intensifier les activités consacrées à l'éradication de cette maladie dans le monde. Les quatre composantes fondamentales de la Stratégie mondiale de lutte antipaludique sont les suivantes : -le diagnostic précoce et le traitement rapide; -la mise en oeuvre de mesures de prévention sélectives et durables, y compris la lutte antivectorielle; -la détection précoce, l'endiguement et la prévention des épidémies; -le renforcement des capacités locales en matière de recherche fondamentale et appliquée et la promotion d'évaluations régulières de la situation du paludisme dans les pays touchés, évaluations portant notamment sur les déterminants écologiques, sociaux et économiques de la maladie. La présente étude est consacrée à la deuxième stratégie mondiale. En effet, les moustiquaires imprégnées d'insecticide (MII) sont l'une des mesures préventives qui, au cours de la dernière décennie, se sont révélées particulièrement adaptées à la promotion d'une approche fondée sur les soins de santé primaires. Les moustiquaires imprégnées d'insecticide se sont avérées contribuer à réduire la mortalité due au paludisme d'en moyenne 18 % chez les enfants en Afrique subsaharienne, et accroître la proportion de meilleures issues de la grossesse. L'OMS encourage l'élargissement de la distribution de moustiquaires imprégnées d'insecticide et la Déclaration d'Abuja signée par les dirigeants africains lors du Sommet africain « Faire reculer le paludisme » en 2000 demandait que 60 % des enfants bénéficient de la protection d'une moustiquaire imprégnée à l'horizon 2005(12). Parmi les différentes méthodes encouragées dans la lutte contre le paludisme, la lutte antivectorielle occupe une place de choix. L'utilisation de la moustiquaire imprégnée, comme méthode complémentaire de prévention du paludisme, est préférée dans la plupart des stratégies déjà mises en oeuvre par les programmes nationaux de lutte contre le paludisme. Plusieurs recherches menées depuis 1988 à ce jour, ont mis en évidence l'efficacité des moustiquaires imprégnées dans la lutte contre le paludisme, notamment au Burkina Faso (13), (14)), au Cameroun (15)), en Gambie (16), en République Démocratique du Congo (17), au Kenya (18), au Ghana (19), au Bénin (20) et en Côte d'Ivoire (21). Toutefois, l'utilisation des moustiquaires imprégnées par les populations est une pratique encore très peu répandue en Afrique. Ceci se trouve confirmé dans le Rapport mondial sur le paludisme 2008. D'après ce rapport, la proportion des 647 millions de personnes à risque en Afrique bénéficiant d'une MII est passée de 3% en 2001 à 26% en 2006, et on estime qu'elle était de 39% en 2007. (Il faut une moustiquaire pour deux personnes). Les enquêtes auprès des ménages menées dans 19 pays africains ont abouti à des résultats similaires : 34% des ménages en moyenne possédaient une moustiquaire. (Même si l'on a constaté des écarts importants entre les pays : en Côte d'Ivoire, 6% des ménages possédaient une moustiquaire alors qu'ils étaient 65% au Niger). Les enquêtes ont cependant montré que tous ceux qui possédaient une moustiquaire ne l'utilisaient pas forcément : seuls 23% des jeunes enfants et 2 % des femmes enceintes dormaient sous une MII. Malgré les progrès constatés, la couverture par les moustiquaires et les autres interventions était nettement inférieure aux 80% à atteindre d'ici 2010, conformément à la ciblée fixée par l'Assemblée mondiale de la Santé (11). a. Le Paludisme dans les pays industrialisés Même si le paludisme endémique a été éliminé aux États-Unis, il reste l'une des premières maladies infectieuses dans le monde. Ainsi, chaque année aux États-Unis, 1 200 cas de paludisme sont rapportés en moyenne, presque tous importés, entraînant jusqu'à 13 décès par an. La mauvaise connaissance du paludisme et de ses profils de chimiorésistance par les cliniciens et les personnels de laboratoire américains contribue à des retards de diagnostic et de traitement, parfois associés à des issues fatales (22). Au Canada, comme le nombre des voyages internationaux est à la hausse, les cas importés de paludisme deviennent plus fréquents. En 1991, on a signalé au total 674 cas, dont 5 mortels (23). En Suisse, 214 cas de paludisme ont été signalés en 2008. Tous les cas diagnostiqués ont été importés de zones endémiques (tourisme, visite de parents et voyage d'affaires). Les cas mortels sont rares grâce à un diagnostic et à un traitement précoces (24). b. Le paludisme dans les pays en voie de développement b.1.En Amérique Parmi les pays d'Amérique latine, le Pérou est celui qui connaît le taux d'incidences du paludisme le plus élevé. En 1995, on a rapporté plus de190 000 cas au Pérou contre 165 000 pour toute l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud (25). En 2002, le Brésil a rapporté 40% du nombre total des cas en Amérique. Presque 99% des cas de paludisme sont enregistrés dans la région d'AMAZON où plus ou moins 12% de la population Brésilienne réside. En 1992, 572.000 cas ont été signalés et un pic de 610.878 en 2000. En 2003, il y a eu encore une recrudence (379.500) à cause des mouvements de la population (26). b. 2. En Asie Le paludisme est un problèmeme majeur de santé publique au Pakistant. L'agriculture intensive, les réseaux d'irrigation, la moisson sont des facteurs qui contribuent à l'augmentation de sa prévalence. Le nombre des cas d'épisodes palustres annuels a été estimé à 1,6 millions en 2005, le paludisme à Falciparum a constitué 33% des cas rapportés. Dans la même période, 46% des cas ont été notés en province de Baluchistant avec une proportion la plus élevée du paludisme à Falciparum(44%) (27). En Afghanistan, on estime que 12 millions des personnes sont exposées au risque d'attraper le paludisme en Afghanistan. La transmission y est saisonnière de juin à novembre, avec une faible transmission entre décembre et avril. En 2005, la proportion des cas rapportés de paludisme à falciparum était de 8%. En 2002, le nombre des cas signalé était de 626.839 contre 583.602 en 2003. Toutefois, en 2004 il y a eu une baisse des cas 281.883 (27). b.3.En Afrique L'Algérie se caractérise par des foyers autochtones de paludisme à Plasmodium vivax et du paludisme d'importation, en provenance du Niger et du Mali, dû essentiellement à Plasmodium falciparum. Actuellement, seul persiste le foyer d'IHERIR, près de Djanet, dans la willaya d'Illizi. Les dernières statistiques disponibles indiquent clairement qu'avec moins de 250 cas annuels, le paludisme n'est plus aujourd'hui un problème de santé publique, alors que de 1952 à 1961 on a compté plus de 50 000 cas annuels (27). Au Cameroun, le paludisme demeure l'endémie majeure et la première cause de morbidité et mortalité dans les groupes cibles les plus vulnérables (enfants de 0 à 5 ans et femmes enceintes). Selon le Ministère de la Santé Publique Camerounaise, il représente 45 à 50% des consultations médicales, 23% des hospitalisations, 26% des arrêts maladie, 40% des décès chez les enfants de moins de 5 ans, 30 à 35% de décès, 35% de la mortalité dans les formations hospitalières et, 40% du budget annuel de santé des ménages (28). Au Rwanda, approximativement 90% de la population sont exposés au risque d'attraper le paludisme. La malaria est la principale cause de morbidité et de mortalité dans ce pays et est responsable de 50% de motifs de consultations médicales. En 2005, On a rapporté 991.612 cas de paludisme. En 2006, la maladie était responsable de 37% des consultations externes des patients et 41% des décès en hospitalisation, parmi lesquels 42% des enfants de moins de 5ans (29). En République Démocratique du Congo, le paludisme est la première cause de morbidité chez les enfants de moins de 5ans et les femmes enceintes. A titre indicatif, l'évaluation de l'intervention du Fond Mondial menée en 2006 dans 15 zones de santé du pays par l'Ecole de Santé Publique de l'université de Kinshasa a montré que le paludisme était responsable de: - 67 % de motif de consultations externes chez les enfants de moins de 5 ans ; - 47 % des décès survenus chez les < 5 ans en hospitalisations ; -18 % de létalité hospitalière du paludisme chez les enfants de moins de 5 ans ; - 54% des hospitalisations chez les femmes enceintes. Le paludisme est la maladie la plus répandue en République Démocratique du Congo. Il est reconnu comme un problème de Santé Publique et est placé au centre des préoccupations de santé. En effet, cette affection sévit dans toutes les provinces du pays (30). Face à cette situation le Gouvernement de la RDC a mis sur pied l'organisation de la lutte antipaludique qui a évolué d'abord comme un projet du ministère de la santé (Projet de Lutte Anti Paludique - PLAP en sigle) de 1977 à 1982 .Ensuite, elle est devenue un volet dans le Programme Elargi de vaccination et de Lutte contre les Maladies Transmissibles de l'Enfance (PEV/LMTE). A partir de 1998, il a été crée un programme National de Lutte contre le Paludisme, PNLP en sigle. C'est l'institution qui jusqu'à ce jour a la responsabilité d'élaborer les normes et directives de lutte comme le paludisme. Ce Programme ayant comme objectif la réduction de la morbidité et de la mortalité dues au paludisme utilise deux approches notamment la prise en charge de cas et la prévention. La politique nationale de traitement du paludisme recommande en ce qui concerne la prise en charge de cas simple la combinaison artésunate+ amodiaquine. La quinine est réservée pour les échecs thérapeutiques au médicament de première ligne (artésunate + amodiaquine) et les cas graves. Quant à la dernière approche qui est la prévention, la politique nationale recommande la lutte antivectorielle et le traitement préventif intermittent de la femme enceinte. La lutte antivectorielle consiste à l'utilisation à large échelle de la moustiquaire et à L'assainissement intra et péri domiciliaire. La pulvérisation intra domiciliaire est prévue aussi dans le cadre de la lutte antivectorielle et elle n'est pas encore opérationnelle. Le problème d'accessibilité et de disponibilité se pose pour ces intrants de lutte antipaludique notamment la moustiquaire imprégnée et la combinaison artésunate+ Amodiaquine. Cette situation est à la base de faible couverture des interventions en général et celle de la moustiquaire imprégnée en particulier (31). Selon le rapport de l'enquête sur l'évaluation des indicateurs de base «FRP» de l'Ecole de Santé publique de l'Université de Kinshasa, (Avril 2006), 17,3% de ménages en RDC ont acquis au moins une moustiquaire imprégnée d'insecticide (MII), permettant aux personnes cibles d'en assurer l'utilisation à la hauteur de 11,5% pour les enfants de moins de cinq ans et 9,6% pour les femmes enceintes. Ces chiffres alarmants ne traduisent aucune avancée par rapport à la souscription de la RDC en février 2001, à la Déclaration d'Abuja qui recommandait que d'ici 2005, au moins 60% de personnes à risque, surtout les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans, puissent bénéficier de la combinaison la plus appropriée des mesures de protection personnelle et communautaire, telles que les MII pour prévenir l'infection et la souffrance. Et après, la situation s'empire davantage, selon le PNLP (32). Au Sud - Kivu, selon le PNLP au Sud-Kivu, la province a enregistrée 3,1 millions de cas de paludisme, dont une grande majorité d'enfants, pour une population estimée a 4,4 millions d'habitants en 2007. Les Centres de santé sensibilisent la population sur l'entretien de la parcelle et de la maison pour limiter les foyers de moustiques. Ils vulgarisent aussi l'utilisation de moustiquaires imprégnées d'insecticide dont la distribution par l'Unicef a commencé dans la province en 2005. « Ces moustiquaires sont distribuées aux femmes qui viennent aux consultations prénatales moyennant 0,5$ par ménage. En 2007, 835 800 MII ont été distribuées » lit-on dans le rapport annuel du Programme élargi de vaccination qui a couvert la campagne de distribution (33). Malgré toutes les dispositions prises pour une mobilisation sociale et un changement de comportement favorable à l'emploi de la moustiquaire imprégnée d'insecticide, le paludisme persiste toujours à BUKAVU. Ceci nous pousse à dire que la MII est peu utilisée à BUKAVU. C'est à dire que l'adoption de cet instrument comme moyen de prévention du paludisme n'est pas encore dans les habitudes des ménages. Elle se trouverait donc confrontée à des barrières de divers ordres. Ce mémoire se propose de répondre aux questions de savoir si l'insuffisance à l'utilisation de la moustiquaire imprégnée par les populations serait liée : - aux considérations culturelles ou psychologiques de la population vis-à-vis des MII ? - aux difficultés d'ordre socio-économique qu'éprouvent la population ? |
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