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Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo

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par Edocin Ponea Tekpibele Masudi
Université de Kisangani - Diplôme d'Etudes Supérieures (DES) 2009
  

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C. Clarification du concept élites politiques

Les réflexions élitistes suivent généralement, et fréquemment d'ailleurs, deux conceptions : une défendant l'unicité de l'élite et l'autre la pluralité des élites politiques. La conception unitaire de la notion de l'élite est répandue et est surtout d'usage dans les travaux de Vilfredo Pareto46, Gaetano Mosca47, Suleiman Ezra48, Gilles

44Passim, R.A., Dahl, Who governs? Op.Cit.

45 G., Hermet, B., Badie & Ph., Braud, Dictionnaire de la politique et des institutions politiques, 5ième éd., Paris, Armand Colin, 2001, p. 102. Précisent les théories élitistes sont apparues au tournant du XXième Siècle pour affirmer l'inévitable venue d'élites détentrices du pouvoir.

46 V., Pareto, Op. Cit.

Massardier49, Charles Wright Mills50, etc. Et pour la pluralité nous pouvons citer les auteurs tels : Raymond Aron, Robert Dahl, Bob Jessop, Guy Rocher, Daniel Bourmaud, Guy Bourassa, etc.

Cela est évidemment surtout accentué chez Mosca, dont les Elementi di Scienza politica ont pu être traduits en anglais sous le titre The Ruling Class (Raison de notre démarcation avec lui sur ce point de définition de la notion d'élites).

L'analyse de Mills tend aussi à réduire l'élite à la classe dirigeante, diversifiée dans ses activités mais unifiée par les origines, la psychologie et la mentalité qui lui sont communes51.

C'est ainsi que Pareto accorde au «célèbre joueur d'échecs» une place dans l'élite sans - que «ses mérites de joueur d'échecs ne lui ouvrent la voie pour exercer une influence dans le gouvernement»52.

Pareto part cependant d'une définition de l'élite qui, à notre avis, n'est pas assez sociologique. Font partie de l'élite, selon lui, tous ceux qui manifestent des qualités, des aptitudes éminentes dans leur domaine ou dont l'activité est nettement d'une valeur supérieure à la moyenne des hommes.

Nous définissons, pour notre part, à la suite de Guy Rocher et Mulumbati Ngasha, les élites politiques, comme étant des personnes ou des groupes de personnes dont l'action est significative pour une collectivité ou un groupe et qui y exercent une influence, soit par le pouvoir ou l'autorité dont ils jouissent, soit par les idées, les sentiments ou les émotions qu'ils expriment ou qu'ils symbolisent53.

47 G., Mosca, Op. Cit.

48 S., Ezra, Les élites en France. Grands corps et grandes écoles, Paris Seuil, 1979

- Les Hauts fonctionnaires et la politique, Trad., Paris, Seuil, 1976

49 G., Massardier, L'Etat savant. Expertise et aménagement du territoire, Paris, L'Harmattan, 1996 ou Politiques et action publiques, Paris, Armand Colin, 2003.

50 C. R., Mills, Op. Cit., Passim

51 C'est pourquoi Mills insiste sur l'unité de l'élite au pouvoir et sur la coordination de ses intérêts et, à l'occasion, de son action et de son influence.

Une telle vision risque de cacher à la fois la variété croissante des élites, la diversité de leurs fonctions et de leurs actions dans la société contemporaine. Le pouvoir - sous ses différentes formes - est l'attribut de certaines élites, notamment de l'élite politique, et aussi de certaines élites économiques ; mais il n'est qu'un des attributs possibles, il n'est pas un critère nécessaire dans la définition des élites.

52 T.B., Bottomore, Elites et société, Paris, Stock, 1967 cité par G. Rocher, Op. Cit., p.7

53 Lire G., Rocher, Multiplication des élites, Op. Cit. et Mulumbati Ngasha, La Sociologie politique, Lubumbashi, Ed. Africa, 1988, p. 202.

Ainsi, des personnes peuvent avoir un impact sur une société, non par le pouvoir qu'elles y exercent, mais par ce que W.I. Thomas a appelé « la définition de la situation » (c'est-à-dire, l'action historique des élites politiques) qu'elles en donnent. Ce point de vue est motivé par la réflexion de Ralf Dahrendorf et T.B. Bottomore.54

Ce concept ou mieux ce groupe de mots, élites politiques, polysémique et transversal, est ici considéré dans son acception la plus large qui voudrait signifier l'ensemble d'individus ou groupes d'individus qui, chargés de gérer la chose publique ou influençant, de manière décisive, la prise des décisions politiques et le cours de l'histoire dans une entité par leurs statuts et valeurs symboliques55, prennent des décisions dans les domaines divers de la vie sociale, donnent des ordres et les font exécuter.

Nous sommes en présence d'une pluralité des rapports de pouvoir ainsi que des techniques à travers lesquelles elles se manifestent. C'est ce que Busino56 nomme «une dialectique complexe entre une société civile divisée et les diverses instances de la vie sociale institutionnalisée.»

Les auteurs cités ci-haut se démarquent par leur conception de la composition des élites. Un débat binaire entre homogénéité et hétérogénéité ou entre unité et pluralité/pluralisme57.

La richesse du débat sur la problématique des élites politiques sollicite notre attention pour analyser les élites politiques en Province Orientale dans le contexte de la violence politique.

54 - R., Dahrendorf, Class and Class Conflict in Industrial Society, Stanford, Calif., Stanford University Press, 1959, pp. 193-201 et T.B., Bottomore, Élites et société, Paris, Stock, 1967 cités par G., Rocher, Op. Cit. pp. 6-7.

55 C'est nous qui précisons.

56 G., Busino, Elite(s) et élitisme, Paris, PUF., (coll. « que sais-je »), 1992, p.229.

57 C'est cette prise de position qui oriente le choix des auteurs à définir l'élite politique au singulier ou au pluriel. Nous avons opté de parler des élites politiques car notre contexte d'étude recouvre plutôt une pluralité d'élites du fait de la pluralité d'intérêts, de rôles, d'ambitions des acteurs engagés dans la lutte politique, des sphères de prise de décisions, etc.

0.3. Problématique

La guerre, le conflit armé sont considérés par ceux qui la subissent58 comme le ferment de la destruction, de la déliquescence, de la faillite bref, de tous les maux que connaît une entité politique particulière. Oeuvre des élites politiques, la guerre a comme principales conséquences : l'étiolement de l'équilibre social, la faillite de l'Etat, la déconstruction et la déstructuration des relations entre l'Etat et la société, la destruction de l'équilibre sociétal et des repères sociaux, etc.

Or, il nous semble que la violence politique alimente des mutations positives dans la société et revêt une importance scientifique notoire en science politique dans la compréhension des imaginaires et des tactiques des acteurs politiques, de leurs compétitivité et performabilité à capter le pouvoir d'Etat à tous les niveaux : national, provincial, local... Et elle fait émerger des élites guidées par l'histoire et la contingence.

Ainsi, à la suite de Guy Rocher, on peut noter : «Dans l'analyse sociologique des processus de changement social à l'intérieur d'une société donnée, l'étude des élites fournit au chercheur un point de vue, un angle de vision privilégié. Elle lui permet de s'installer au coeur même de la transformation en cours, de regarder la société et son environnement avec les yeux de ceux qui participent le plus activement à son évolution; les raisons du changement peuvent alors lui apparaître avec plus de clarté, de même que les hésitations, les déchirements et les conflits qui l'accompagnent [...].»59,

Notre étude s'engage à mener une lecture croisée entre guerres et mobilité/mobilisation des élites politiques en Province Orientale.

En vue d'y parvenir, nous proposons le questionnement ci-après :

58 Il est aussi vrai que même ceux qui font la guerre (les «bourreaux») n'ont pas toujours une bonne perception de leur entreprise ; ils la considère aussi, bien que de manière isolée, comme une mauvaise chose. Ceci se justifie par des séances de pardon qu'ils organisent pendant ou après chaque guerre ; comme pour dire que nous venons de commettre un acte odieux ainsi, veuillez nous pardonner. Aussi, la justice internationale, par sa poursuite des criminels de guerre et de certains autres conflits armés, affirme que la guerre est une mauvaise chose.

59 G., Rocher, Multiplication des élites et changement social au Canada français, 1968 in, http://www.bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm, consulté à Kisangani, le 13 juin 2008 à 17 heures 37'

* Notons que l'étude sur les élites politiques s'apparente souvent à une certaine hagiographie à la gloire de ceux qui gouvernent, ce que nous n'osons aucunement faire ici. Notre propos consiste à repérer, dans la contingence de la violence politique récurrente qu'a connue la RDC (la guerre donc), le dynamisme en action de ceux qui font l'histoire du politique en Province Orientale. Il n'y est ainsi pas question de projeter une certaine axiologie sur l'agir des élites politiques.

A. Question centrale

Comment la guerre, comme mode d'action politique violente, a-t-elle favorisé le renouvellement des élites politiques en Province Orientale ? Cette question principale s'explicitant à travers les questions secondaires suivantes :

B. Questions secondaires 1° Dans le cas précis de la Province Orientale, peu t-on déceler une recomposition des

élites politiques du fait de la guerre ?

2° Quelle serait la trajectoire socio-historique et politique de ces différentes élites en compétition.

3° Et quelles seraient les tactiques 60 et modalités de cette circulation des élites? En guise de proposition de réponses aux questions posées, nous posons que : 0.4. Hypothèses

A. Hypothèse centrale La circulation des élites politiques en Province Orientale résulterait notamment de la

violence politique.

B. Hypothèses secondaires 1° La violence politique aurait occasionné une forte mobilité ascendante et

descendante des élites politiques en Province Orientale.

2° Etant issues globalement des familles pauvres, c es élites politiques auraient suivi des trajectoires socio-historiques et politiques diverses et diversifiées avant de capter le pouvoir ; de l'acteur de la société civile au politique, allant du milicien au politique, du braconnier au chef de guerre, de l'affairiste à l'entrepreneur politique, du religieux ou du militaire au politique, etc.

60 Au fond, le recours à des notions comme celles d'adaptations secondaires et d'autogestion clandestine permet de retrouver une distinction que la sémantique a toujours opérée entre l'analyse stratégique et tactique. Nous préférons dans ce travail le concept tactique à celui de stratégie en nous basant sur les travaux de Michel de Certeau. Car la stratégie suppose une distance ou une extériorité dans l'action par rapport à l'objet ou à la situation sur laquelle l'acteur veut agir. En revanche, la tactique se manifeste tout autrement : «Elle fait du coup par coup. Elle profite des «occasions» et en dépend, sans base où stocker des bénéfices, augmenter un propre et prévoir des sorties. Ce qu'elle gagne ne se garde pas. Ce non-lieu lui permet sans doute la mobilité, mais dans une docilité aux aléas du temps, pour saisir au vol les possibilités qu'offre un instant. Il lui faut utiliser, vigilante, les failles que les conjonctures particulières ouvrent dans la surveillance du pouvoir propriétaire. Elle y braconne. Elle y crée des surprises. Il lui est possible d'être là où on ne l'attend pas. Elle est ruse. En somme, c'est un art du faible» Voir, Michel de Certeau, L'invention du quotidien, T1, Art de faire, Paris, Union Générale d'Edition, 2001, pp. 86-87.

3° La haine, la xénophobie, le tribalisme, l'exclus ion, le clientélisme, le militantisme, la ruse,... seraient des tactiques mises en oeuvre par des élites dans leur course au pouvoir. Parmi les modalités de circulation des élites en temps de guerre, on pourrait relever notamment les élections, les nominations, le «blanchiment politique61», la milicianisation / militarisation.

En vue de nous permettre de mieux cerner la question en étude, nous nous obligeons d'établir un pont entre la réflexion théorique de la formulation du problème et le travail empirique de vérification (...) l'hypothèse constituant l'amorce de l'opérationnalisation dans la mesure où elle transforme les concepts théoriques de la question spécifique en concepts opérationnels62.

Nous schématisons de la manière suivante ce cadre opératoire.

Tableau 1 : Cadre opératoire

Variables

Dépendante

Indépendantes

circulation des élites politiques (mobilités

ascendante et descendante)

violence politique (guerres, conflit armé

interethnique)

privatisation de la violence armée

héritage historique*

implication des forces externes*

indicateurs

Dépendants

Indépendants

· multiplication des élites politiques
ethniques

· alternance politique

· mobilité ascendante et descendante

· absence d'un leadership politique
provincial effectif et efficace

· instabilité politique

· profitabilité et opportunisme politiques

· rébellions

· «milicianisation» et militarisation des
groupes ethniques

· commerce et business illégaux et illicites (affairisme d'Etat)

· violence et ethnicisation de la lutte
politique

Ce cadre opératoire s'explique par le schéma suivant qui clarifie les relations entre variables dépendante et indépendantes, indicateurs dépendants et indépendants et marque le rôle quasi central de la variable dépendante.

61 Par analogie au phénomène de blanchiment d'argent, qui est un délit sévèrement puni par la loi, nous qualifions de « blanchiment politique » tout acte, toute manoeuvre ou le fait des élites politiques à vouloir se « sanctifier » ou se purifier politiquement ; l'homme politique devenant plus blanc que blanc. Ainsi, le passé chargé ne doit plus compter, l'homme ancien a disparu et tout est devenu neuf et propre. Facilement, du fait de cette pratique, un seigneur ou chef de la guerre devient haut officier de l'armée nationale et est approuvé par « tous ».

62 G., Mace, Guide d'élaboration d'un projet de recherche, Bruxelles, De Boeck, 1991, p. 43.

GUERRES (violence politique, conflit armé interethnique)

Privatisation de la violence armée

· Multiplication des élites politiques ethniques

· Alternance politique

· Mobilité ascendante et descendante

· Absence d'un leadership politique provincial effectif et efficace

· Instabilité politique

· Profitabilité et opportunisme politiques

Héritage historique, Implication des Forces armées extérieures

Circulation des élites
politiques (mobilités
ascendante et
descendante)

· Rébellions

· «Milicianisation» et militarisation des groupes ethniques

· Commerce et business illégaux et illicites

· Violence et ethnicisation de la lutte politique

Ce schémas marque les liens d'interdépendance et d'influence réciproque qu'ont les variables et indicateurs autour de la variable dépendante et l'influence mutuelle que les indicateurs et les variables indépendantes ont sur la variable dépendante.

Cette quête s'insère dans un courant méthodologique qui s'oblige de combiner, pour l'explication des faits et des données, la sociologie et l'histoire. Car, G. Boulanger le soulignait, «lorsqu'on s'engage dans une recherche, le choix du sujet impose déjà le choix de la méthode, bien que celle-ci dépende aussi des préférences et de l'avancement de la science en ce domaine».63 Aussi, comme le précise Guy Rocher, «... cette plongée en profondeur dans l'univers des représentations, des valeurs, des idéologies d'une élite n'est révélatrice qu'en autant qu'on peut aussi situer cette élite dans la structure de la société dont elle fait partie, déterminer sa place par rapport à d'autres élites, préciser les groupes ou les milieux sur lesquels elle s'appuie

63 G., Boulanger, La recherche en sciences sociales, Paris, Ed. Universitaires, 1970, p. 23

ou qu'elle cherche à exprimer ou à définir. L'analyse d'une élite prenant sa pleine valeur dans le cadre d'une analyse structurelle globale.»64

Nous nous retrouvons ici en face d'un choix réfléchi de l'usage de la sociologie historique. Car, «avoir de la méthode, tout est là. Faute de ce fil conducteur, on perd un temps précieux, on disperse ses efforts, on n'arrive pas à dominer son sujet.»65

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore