0.3. Cadre méthodologique
A. De la méthode
Cherchant à découvrir les «
corrélations qui permettent davantage de comprendre les comportements
des acteurs chargés de valeurs et de culture »66, notre
étude a l'ambition, comme le soulignent Guy Hermet et alii.67
de tenter d'expliquer les faits en les plongeant dans le long terme de
l'histoire. Une histoire sociale du politique et, partant, de
dégager les dynamiques qui ont donné sens et cohérence
à la vie politique, mais, aussi, une histoire politique du social
apte à identifier l'empreinte profonde du politique (guerres) sur
le social (circulation des élites).
Reprenant l'avertissement de Marc Bloch, il convient en effet
d'éviter de faire du mot "politique" " fatalement le synonyme de
superficiel ". Il s'agit ici de le considérer comme cadre d'action des
identités particulières et des intérêts
différents à la fois divergents et antagonistes.
Nous engageons ainsi notre débat élitiste dans une
vision de la sociologie historique. L'histoire est
ici considérée comme un savoir et un avoir situés dans le
temps.68
Yves Deloye69 dit de la sociologie historique,
qu'elle est certainement l'un des domaines des sciences sociales qui, depuis
les années soixante-dix, s'est montré le plus productif, aussi
l'un de ceux qui suscitent les espoirs les plus importants quant à la
restructuration des sciences humaines. Discipline encore jeune, la science
politique
64 G., Rocher, Op. Cit. p. 5
65 H., Capitant, La thèse de doctorat en droit,
Paris, Dalloz, 1951 (Préface) in, S., Dreyfus et L., Nicolas-Vullierme,
Thèse de doctorat et le mémoire, étude
méthodologique, 3ème éd.,
Paris, Cujas, 2000 (Préface)
66 G., Hermet, B., Badie & Ph., Braud, Op. Cit.
67 Idem
68 Lire pour comprendre le rôle de l'histoire comme mise en
scène des identités politiques dans le temps B., Lamizet,
Communication politique, Lyon, IEPL, 2002-2003.
69 Y., Deloye, Sociologie historique du politique,
Nouvelle édition, Paris, La découverte, 2003.
tient une place importante dans cette organisation nouvelle du
savoir. Parce que son objet est une construction historique
saturée de sens, le politiste (politologue), plus qu'un autre chercheur
peut-être, verra dans la sociologie historique une méthode propice
et féconde.
Et l'auteur de l'Apologie pour l'histoire de formuler
ce voeu : "Une histoire centrée, comme il est parfaitement
légitime, sur l'évolution des modes de gouvernement et le destin
des groupes de gouvernés ne devrait-elle pas, au contraire, pour
répondre pleinement à sa mission, s'attacher à comprendre,
par le dedans, les faits qu'elle a choisis comme les objets propres de ses
observations ?" C'est à cette histoire de l'intimité et des
profondeurs politiques de la circulation des élites politiques en
Province Orientale que cette étude veut être une contribution.
Dès lors, nous disons avec Jean-François
Bayart70 que, nous ne prétendons aucunement faire oeuvre
d'historiens, nos préoccupations ont trait à
l'intelligibilité des champs politiques contemporains. Ainsi, nous
proposons de ceux-ci une «analytique interprétative» en nous
interrogeant sur les relations d'intertextualité, multiples,
ambivalentes qu'ils entretiennent avec le passé. Nous y cherchons
à déceler le «temps social»71 dans les
phénomènes étudiés.
Car, comme écrit Mandani72, «la
violence ne peut pas être autorisée à parler pour
elle-même, parce que la violence n'est pas son propre sens. Pour
être rendue pensable, elle a besoin d'être
historicisée». Nous tentons d'expliquer et de comprendre la
violence politique caractéristique observée en Province Orientale
et les luttes concrètes des élites politiques en Province
Orientale pour leur positionnement.
Les guerres qu'a connues la Province Orientale ainsi que les
différents conflits armés récurrents qui ont
caractérisé certains de ses territoires sont
considérés dans le temps. Car, le temps est une médiation
symbolique constitutive des identités
70 J.F., Bayart, L'Etat en Afrique ; la politique du
ventre, Paris, Fayard, 1989, p.65
* Les auteurs ci-après ont servi pour asseoir notre cadre
méthodologique :
- S., Dreyfus et L., Nicolas-Vullierme, La thèse de
doctorat et le mémoire, étude méthodologique (Sciences
juridiques et politiques), 3ème
éd., Paris, Ed. CUJAS, 2000.
- M., Beaud, L'art de la thèse, comment
préparer et rédiger une thèse de doctorat, un
mémoire de DEA ou de maîtrise ou tout autre travail
universitaire, Guide Repères, Paris, La Découverte,
2003.
- S., Beaud et Fl., Weber, Guide de l'enquête de
terrain, Guide Repères, Paris, La
Découverte, 1998.
71 M., Grawitz, Méthodes des Sciences sociales,
Paris, Dalloz, 11ème Ed., 2001, p. 422
72 M., Mandani, When Victims Become Killers: Colonialism,
Nativism and the Genocide in Rwanda, Princeton, Princeton University
Press, 2001, p.364, cité par K. Vlassenroot et T. Raeymaekers, Op.
Cit., p. 211
politiques, dans les deux sens de la médiation.
Médiation entre la singularité des événements dont
nous avons la mémoire et le collectif de l'ensemble des
événements constitutifs de notre histoire dans sa
totalité73.
Nous y découvrons, comme le disent si bien K.
Vlassenroot et T. Raeymaekers les élites et les sociétés
locales en train de se familiariser avec des changements globaux et un contexte
de guerre74.
Cette méthode est soutenue par diverses techniques. Ici
technique prise comme moyen précis pour atteindre un résultat
partiel, à un niveau et à un moment précis de la
recherche75.
|