WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo

( Télécharger le fichier original )
par Edocin Ponea Tekpibele Masudi
Université de Kisangani - Diplôme d'Etudes Supérieures (DES) 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I.2.1.3. Identification des forces en présence

L'Ouganda et le gouvernement de Kinshasa ont joué un rôle primordial dans les tueries en Ituri, en armant et alimentant les différents groupes rivaux comme pour justifier la vision qu'ont Severin-Carlos Versele & Dominique Van De Velde-Graff pour la marginalité et la déviance quand ils disent que :

«...les marginaux se servent de moyen d'auto-valorisation. La Police se valorise en augmentant l'importance de la délinquance, mais d'une délinquance facilement détectable, par opposition à la criminalité non conventionnelle, aux «chiffres dorés» d'une délinquance sur laquelle elle se casserait les dents. Malade mental ou malade physique, criminel ou aliéné, le déviant valorise le clinicien qui s'en occupe et le métier de clinicien en général.

Chaque individu choisit une victime à sa mesure, pour se valoriser, recourant au processus de stigmatisation qui est un mécanisme idéal à cet effet.

Le marginal est un moyen d'identification négative et, de ce fait, un facteur important de solidarisation entre les autres membres de la société, ceux qui se conforment. Le marginal est l'exemple à ne pas suivre, le stéréotype négatif du «hors castes»... Tout est utilisé pour faire de la marginalité et de la déviance un facteur de standardisation de la société, une véritable fonction de la société. Le déviant devient nécessaire, puisqu'il permet à ceux qui se considèrent comme conforme de le demeurer et, grâce à ce conformisme, de recevoir l'approbation de leurs pairs.» 127

126 International Crisis Group, Op. cit. p.3.

127 S.C. Versele & D. Van De Velde-Graff, Op. Cit., p. 30.

Partant de cette réflexion, l'on peut déjà se faire une idée sur l'instrumentalisation et la manipulation des masses par les élites. Aussi, la violence est banalisée au profit des justifications diverses, notamment : l'exploitation des ressources naturelles, le contrôle hégémonique, le règlement des vieux ressentiments et antagonismes identitaires, l'art de la guerre, etc. La violence en Ituri a généré une multiplication des milices ethniques (qualifiées par Remo Lo Lozube Poru Anda de milices monoethniques128) alimentée à la fois par la stratégie d'exploitation et de positionnement géopolitique de l'allié ougandais ainsi que par les tactiques des élites et sociétés locales à profiter de la guerre pour le contrôle des espaces et des ressources qu'ils procurent. Dans cette sous-section, il est question d'identifier les différents groupes armés rivaux ainsi que leurs leaders respectifs.

1) Union des Patriotes Congolais/Lubanga (UPC/L)

L'UPC est une organisation à dominance Hema, qui fut créée par Thomas Lubanga, de son vrai prénom Chrysostome. Ce mouvement a commencé à opérer à Bunia, la principale ville du District de l'Ituri, en Juillet 2001, mais n'a eu de l'ampleur qu'une année plus tard. Lubanga en est l'initiateur.

Notons que Lubanga fut nommé Commissaire à la Défense du Rassemblement Congolais pour la Démocratie - Mouvement de libération (RCD-ML) par Mbusa Nyamwisi pour, bien entendu, déstabiliser John Tibasima. Lubanga ne tarda pas aussi à se désolidariser de Mbusa Nyamwisi129. En effet, Lubanga n'appréciait pas la manière de gérer l'Ituri de Mbusa Nyamwisi. Il concrétise en fait la volonté des hommes d'affaires Gegere de chasser leurs concurrents nande de l'Ituri. Aussi, le conflit de leadership entre les deux hommes, Lubanga et Mbusa Nyamwisi trouverait son origine sur le fait que le premier se considérait avoir été exploité par le second pour neutraliser Wamba et marginaliser Tibasima sans aucune récompense dans le cadre du Dialogue Inter Congolais (DIC) où il n'avait même pas été invité). L'influence

128 Remo Lo Lozube Poru Anda, Op. Cit., p. 104 et s.

129 Lire pour cette phase de l'histoire de l'Ituri et pour mieux comprendre les jeux des acteurs de ce territoire pendant la guerre, Remo Lo Lozube Poru Anda, Op. Cit. pp 95 et ss. et K., Vlassenroot et T., Raeymaekers, Passim

de l'allié ougandais n'est pas moindre dans ce cercle vicieux de destitution qui s'installa en Ituri pendant la période de guerre130. Car, l'Ouganda a armé et soutenu politiquement les parties en conflit. L'Ouganda a même, à travers ses commandants d'opération bien sûr (dont James Kazini), nommé et démis ou fait démettre de leurs fonctions certaines autorités de l'Ituri, à l'occurrence : Adèle Lotsove, .Jean Pierre Bemba Gombo, Mbusa Nyamwisi, Wamba dia Wamba, etc.

Des divergences des points de vue étaient fréquentes entre ces deux hommes malgré la nomination de Lubanga au poste de Commissaire à la défense par Mbusa Nyamwisi. Profitant de l'absence de ce dernier parti prendre part, à Sun City, aux travaux du Dialogue Inter congolais dont il était exclu, Lubanga prend des décisions importantes en matière militaire, sans se référer à son chef. Ainsi va éclater la guerre entre la milice de Lubanga et celle de Mbusa. Lubanga bénéficiant de l'appui ougandais, triomphe de Mbusa dans la lutte pour le contrôle de Bunia.

L'UPC bénéficie plus du soutien des politiciens et hommes d'affaires Hema, divisés en clans du Nord (Gegere) et celui du Sud (Banyoro). Le mouvement et sa branche armée Front pour la Réconciliation et la Paix ont pris le contrôle de presque tout Bunia avant d'y être expulsé à cause de son éloignement par rapport à l'Ouganda par l'armée ougandaise le 06 mars 2003 appuyée par les anti-Lubanga du Front pour l'Intégration et la Paix en Ituri composé de : PUSIC, FNI, FPDC. Le FIPI a réunit des groupes rebelles locaux des Lendu, des Alur et des Hema insatisfaits. Ces changements ont été ordonnés depuis Kampala et soutenus par les forces ougandaises en Ituri131.

A aucun moment de l'histoire de l'Ituri pour laquelle des documents sont disponibles, la violence n'a atteint les niveaux qui existent depuis 1999. La guerre plus large du Congo a sans aucun doute suscité la violence plus grande du conflit actuel.

130 Information recueillie auprès d'un Informateur habitant l'Ituri et travaillant à la MONUC à Bunia en février 2006.

131 www.hwr.org/ituri consulté le 06 septembre 2009. Le FIPI est une coalition créée en décembre 2002 avec le soutien de l'Ouganda, les trois partis politiques à base ethnique partageaient l'objectif de se débarrasser de l'UPC. Le FIPI n'a pas, par ailleurs, de programme apparent. Le groupe comprend des Hema insatisfaits de l'UPC, des Lendu et des Alur, chacun avec son propre parti politique (voir ci-dessous).

En effet, la tension entre l'UPC et l'Ouganda son parrain a éclaté en conflit ouvert à la fin de l'année 2002 quand l'UPC a demandé le retrait immédiat des troupes ougandaises de l'Ituri. La violence s'est généralisée le 06 Janvier 2003 lorsque l'UPC a fait alliance avec le RCD/Goma, allié du Rwanda.

En mars 2005, Thomas Lubanga fut arrêté et accusé dans le massacre de neuf soldats bangladeshi de la MONUC. Il est aujourd'hui jugé par la Cour Pénale Internationale notamment pour conscription d'enfants. Le Secrétaire Général de l'UPC, John Tinanzabo fut également arrêté le 14 Avril 2005, un jour après qu'il ait déclaré que le parti avait officiellement renoncé à la lutte armée.

Thomas Lubanga n'avait pas connu que le temps de gloire. Son UPC s'était désintégrée en des factions plus petites. Thomas Lubanga a fait face à plusieurs dissidences dont celles commandées par Kisembo (UPC-K) et Jérôme Kakwavu Bukande, un commandant munyamulenge qui constitua les Forces Armées pour le Congo (FAPC).

La lecture de l'acte créateur de l'UPC nous renseigne que ce mouvement est né en réaction contre la dictature, la paupérisation, la partition, le tribalisme institués par le RCD et le gouvernement de Kinshasa ainsi que par la nécessité d'une résistance132. Poursuivant les objectifs suivants de:

- Responsabiliser le peuple congolais devant son destin politique ;

- Poursuivre inlassablement l'oeuvre de libération totale et de la démocratisation réelle de la République du Congo ;

- Conférer au peuple congolais une direction politique crédible et démocratique ;

- Faire participer le peuple congolais, sans discrimination aucune à la réalisation

des programmes philosophiques et politiques concordant avec ses aspirations

telles qu'exprimés et arrêtés à la Conférence Nationale Souveraine (CNS) ; - Restaurer l'égalité, l'unité et le progrès du Congo.

132 Acte constitutif de l'Union des Patriotes Congolais du 15 septembre 2000.

Mais, la réalité a été tout autre. Ce mouvement s'enlisant plutôt dans la criminalité et l'ethnicisation de la lutte. Ces objectifs n'ont pas été traduits en actes. L'UPC est l'un des mouvements armés majeurs qui ont martyrisé et détruit l'Ituri.

2) Union des Patriotes Congolais/Kisembo (UPC-K)

Cette faction est dirigée par Floribert Kisembo Bahemuka, un autre hema du Territoire de Djugu, qui s'est détaché de l'UPC Lubanga en décembre 2003 en créant au cours de la même année son propre mouvement suite à des malentendus entre lui et l'un de ses deux collaborateurs banyamulenge, Bosco Tanganda, qui était mieux apprécié par Lubanga. Kisembo était chef d'état major de la milice de Lubanga qui était avec lui au RCD/KML. Kisembo avait cherché, en vain, à assiéger Lubanga à qui la plupart des miliciens étaient restés loyaux.

Malgré le poids limité et la taille réduite de son groupe armé, Kisembo a été promu au grade de Général dans l'armée nationale en 2004 par le Président de la République.

3) Les Forces Armées du Peuple Congolais (FAPC)

Ce mouvement est connu sous l'appellation de Union des Congolais pour la Démocratie, Forces Armées du Peuple Congolais, dirigé par Jérôme Kakwavu Bukande (dont photo en annexe bardé de galons), un ancien élément des Forces Armées Zaïroises, originaire du Nord-Kivu, membre de la communauté Tutsi de Masisi. Jérôme Kakwavu a fait défection à l'UPC en mars 2003, date à laquelle il a créé son propre mouvement.

Le Quartier Général de ce mouvement est implanté à Aru, ville située à 300 km au Nord de Bunia. C'est à partir de Aru que ce mouvement a pu contrôler le territoire d'Aru et les zones environnant le territoire de Mahagi. Les FAPC sont composées des groupes ethniques mélangés. Ce mouvement a conclu des alliances

avec d'autres groupes armés. Il se serait ainsi allié au FNI et plus tard au PUSIC. On estime que plus de 4.000 combattants au moins des FAPC ont commencé à déposer leurs armes le 6 mars 2005 à Aru, dans le but d'intégrer l'armée nationale.

Les FAPC poursuivaient les objectifs suivants dans leur lutte :

- La pacification de l'Ituri ;

- L'unification de la RDC ;

- L'intégration de toutes les forces armées dans l'armée nationale congolaise ;

- Le soutien à la formation d'un gouvernement de transition issu des négociations intercongolaises et ;

- Le maintien des relations de bon voisinage avec les pays limitrophes.

La création de ce mouvement répond vraisemblablement à la stratégie ougandaise de diviser, fragiliser pour mieux régner et soutenir des rébellions en jouant sur le potentiel d'instabilité présent dans les territoires de friche étatique133voire du gouvernement de Kinshasa dans le but de créer une situation des rébellions dans la rébellion ou de guerres dans la guerre dans le but de stopper l'avancée des armées rebelles et leurs alliés ougandais.

Par rapport à ces objectifs, ce groupe a réussit, comme nous l'a affirmé Dieudonné Gala134 Akulu, à « «stabiliser» et «sécuriser» le Territoire de Aru contre la violence milicienne caractéristique de l'Ituri de 1999 à 2003. Car ce territoire fut le seul de l'Ituri à ne pas vraiment connaître la violence explosive des cycles meurtriers des affrontements et tueries barbares qui riment avec les épurations ethniques comme celles des Territoires d'Irumu, Djugu, Mahagi,... » Cette milice a servi de force militaire et politique tempon aux ougandais pour sécuriser leurs affaires dans cette zone frontalière à forte densité démographique et riche en ressources naturelles.

133 C., Thibon, « Les conflits des Grands Lacs » in Ares, n° 50, février 2003, p. 7.

134 Dieudonné Gala Akulu originaire de Aru est, en mars 2006 quand nous nous entretenons à Kisangani, Secrétaire particulier de Monsieur Médard Autsai Asenga, Vice-Gouverneur en charge de l'Economie et Finances de la Province Orientale pendant la Transition 1+4.

La création de ce mouvement milicien répond à la logique de la fragmentation croissante du paysage politique, la prolifération continue d'ALPC. Elle matérialise encore les ambitions prédatrices et d'occupation d'espace des élites locales ainsi que des réseaux étrangers. Cette situation a décidé Koen Vlassenroot et Tim Raeymaekers à dire que « l'occupation ougandaise a été incitée principalement par les agendas économiques de commandants criminels des UPDF, elle a aussi contribué à la redéfinition de l'espace politique et économique par des élites locales. La collusion de ces « réseaux d'élites » avec les seigneurs de guerre et les milices rebelles est en passe d'avoir un impact significatif sur la politique locale. »135

4) Le Front des Nationalistes et Intégrationnistes (FNI)

Le FNI est dirigé par Floribert Ndjabu Ngabu, un sujet Lendu du territoire de Djugu en district de l'Ituri. F. Ndjabu rallie le RCD/K-ML qui l'envoie à une formation de trois mois des cadres politico-militaires à Kiakwanzi (Ouganda). Il crée son mouvement en 2002 basé à Kpandroma.

Ce mouvement est soutenu par le groupe ethnique Lendu et est basé dans la ville de Rethy à 100 Km au Nord Est de Bunia et Kpadroma et à 140 Km au Nord de Bunia. Les forces armées de ce mouvement sont commandées par Etienne Lona, qui fut arrêté par les services de sécurité à Kinshasa le 11 mars 2005, car son mouvement est suspecté d'avoir pris part dans le massacre de neuf casques blues du Bangladesh en Ituri.

5) Le Parti pour l'Unité et la Sauvegarde de l'Intégrité du Congo (PUSIC)

Un parti Hema, créé en février 2003 par l'ancien chef militaire de l'UPC et Chef coutumier de son état, dirigeant une collectivité des Bahema, en territoire de Djugu, Panga Kahwa Madro, après une dispute avec le leader de l'UPC, Thomas Lubanga, au sujet du leadership et du soutien militaire.

135 K., Vlassenroot & T., Raeymaekers, Op. Cit., p. 211.

Officiellement, Floribert Kisembo était le leader de PUSIC. Selon African Society Review, au contraire, « le chef Kahwa Panga Mandro était réellement celui qui contrôlait136». Un des leaders de ce mouvement, Ychali Gonza, fut aussi promu au grade de Général dans l'armée nationale.

Le PUSIC a contrôlé une partie des territoires de Irumu et de Djugu et les parties du Lac Albert de Tchomia et de Kasenyi.

Le 20 Décembre 2004, le PUSIC a annoncé que Kisembo avait été démis de ses fonctions à la tête du mouvement en faveur de Déo Pimbo qui en était alors Secrétaire Général. Cependant, une semaine plus tard, les hommes de troupe du mouvement ont apporté leur soutien à Kisembo.

6) Forces de Résistance Patriote en Ituri (FRPI)

Ce mouvement est dirigé par le docteur Adirodo. C'est un groupe des Ngiti, un des 18 groupes ethniques de l'Ituri. Ce peuple a une accointance culturelle avec les Lendu, rivaux aux Hema.

Ce parti a été créé en Novembre 2002 et s'est allié au Front des Nationalistes et Intégrationnistes (FNI), de Floribert Djabu Ngabu. Ces deux partis ont résolu de faire alliance afin d'amener leurs miliciens Ngiti et leaders traditionnels à faire face à l'UPC.

Ce mouvement a apporté son soutien aux troupes ougandaises en mars 2003 lors de leur offensive contre l'UPC.

7) Forces Populaires pour la Démocratie au Congo (FPDC)

Ce parti politique appartient aux Alur et aux Lugbara, son chef Thomas Unen Chen, ancien membre du parlement de la IIè République. Ce parti a été créé en 2002

par les groupes ethniques Alur et Lugbara de Aru et de Mahagi territoires du Nord de l'Ituri.

Ce parti serait supporté par l'Ouganda comme branche du Front pour l'Intégration et la Paix en Ituri (FIPI) mouvement dissident à l'UPC.

Comme nous venons de le voir, la guerre de l'Ituri s'est déclenchée dans une atmosphère de haine ethnique et de jeux d'alliances entre ethnies (selon qu'on appartient à tel ou tel groupe ethnique) exacerbés par l'implication des forces externes étrangères et internes. L'enracinement de cette haine dans le mental collectif se fait au travers des imaginaires populaires de domination et de supériorité des uns par rapport aux autres ainsi que du culte de puissance, de la mystification fétichiste de la bravoure, de la témérité et la gloire. Toutes ces stigmatisations ont facilité l'extension de cette guerre dramatique qui a touché toutes les couches de la population (des élites politiques jusqu'aux simples paysans en passant par le clergé et les fonctionnaires).

Ces différentes milices, dits partis politiques, n'avaient rien à voir avec les partis politiques tels qu'énoncés dans la littérature de science politique. Loin d'être des partis politiques, ces organisations politico-militaires ont été des véritables machines d'accomplissement des tactiques politiciennes de positionnement et de contrôle d'espace socio-politique et économique et de conquête du pouvoir politique local (disputé) par les élites politiques. Le substantif de parti n'a été utilisé que comme paravent pour camoufler les réelles actions miliciennes.

Cette première sous-section a décrit la situation de l'Ituri. Elle constitue un exemple de privatisation de la violence et des revendications identitaires en Province Orientale.

La violence en Ituri est tributaire de l'implication massive des forces étrangères et de la rude concurrence à contrôler un espace économique riche en ressources naturelles. L'essaimage des mouvements rebelles en Ituri et la violence paroxystique manifeste découlent aussi de l'instrumentalisation par les élites Ituriennes

des ressentiments identitaires dans leurs actions. Aussi, le concours des intérêts politiques et économiques locaux et étrangers explique cette violence observée en Ituri.

La conséquence de cette violence instrumentalisée est une «lutte entre ces différents réseaux de contrôle, qui unissent les seigneurs de guerre locaux à leurs parrains extérieurs et qui ont abouti au développement de nouvelles stratégies de régulation socio-économique et même politique. Le désordre, l'insécurité et l'état général de l'impunité ont encouragé ainsi la formation de réseaux nouveaux et militarisés pour l'extraction (et l'accumulation) des bénéfices économiques, en référence à la propriété ethnique comme étant partie intégrante et centrale des stratégies de contrôle et de la résistance.»137

I.2.2. Bafwasende

Comme en Ituri, Bafwasende a aussi connu l'implication des forces externes dans l'enlisement de la violence et la création des groupes marginaux d'autodéfense populaire. Le phénomène maï maï à Bafwasende est à ses origines une organisation des jeunes autochtones pour la protection de leur terroir contre «l'ennemi envahisseur». Il devient ensuite, un cadre d'expression et de positionnement pour la recherche de contrôle hégémonique par la résistance et la mystification138.

Nous tentons à travers ces lignes de retracer l'historique du conflit dans cette partie de la Province Orientale et éventuellement en identifier les principaux acteurs.

I.2.2.1.. Brève historique des conflits armés à Bafwasende

Ce territoire est caractérisé par l'émergence des groupes d'autodéfense populaires et par la domination du phénomène maï maï pour lequel le Professeur Elikia

137 K., Vlassenroot et T., Raeymaekers, Op. Cit. p. 210.

138 Maindo Monga Ngonga, Op. Cit., Amuri Misako, Les milices maï maï au Maniema (août 1998-2003): un mode d'affirmation politique des masses rurales, Mémoire de DES (inédit) en Science politique, FSSAP, UNIKIS, 2008; Heri Baraka, sont mieux indiqués pour des renseignements exhaustifs sur cette question de phénomène maï maï.

Mbokolo dit qu'en « RDC, le mouvement maï maï avait débuté avec les vengeurs de Patrice Lumumba en 1964. Ces guerriers qui constituaient le mouvement étaient appelés Simba. Le nom maï maï leur était attribué car ces guerriers criaient en tout instant [Dawa Mulele Maï]139 ».

L'extension du phénomène maï maï s'explique aussi par l'ambition de certains leaders (maï maï) locaux à sécuriser leurs terroirs contre cette domination étrangère (entendre ici les guerres récentes de la RDC à vocation purement extractive)140.

Dans une période récente, les maï maï se définissent eux-mêmes comme, « des forces vives résistantes dont le mouvement a débuté essentiellement à l'Est de la RDC vers les années 1990 à la suite du conflit de terre créé par les réfugiés rwandais dans le territoire de Masisi et Walikale, Province du Nord Kivu141».

Il existe actuellement plusieurs maquis des résistances maï maï, localisés tous à l'Est de la RDC : au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, au Maniema, en Province Orientale et au Katanga. En Province Orientale et, plus précisément, en Territoire de Bafwasende, les origines lointaines de ce phénomène remonteraient aux rites ancestraux d'initiation. Le phénomène observé ici est une réinvention, une réinterprétation des traditions et rites traditionnels par des élites maï maï de Bafwasende. Il s'agit aussi d'une importation du «maï maïsme142» par certains jeunes ayant appartenu dans des groupes maï maï du Maniema.

a) Origines lointaines

139 Elikia Mbokolo, L'éveil du Nationalisme : l'Est africain au XIX e et au XX e Siècle, Paris, ABC, 1977, p.10

140 Cf. Amuri Misako, qui s'est penché sur l'origine et l'expansion des milices Mai mai au Maniema dans son mémoire de DES en 2006-2007.

141 www.congo_maimai.net

142 Concept forgé par Heri Bara, «L'avènement des maï maï dans le territoire de Bafwasende 1997-2006 : de la prétention de libération à la réalité de l'asservissement » in Maindo Monga Ngonga, Des conflits locaux à la guerre régionale en Afrique centrale. Le Congo-Kinshasa oriental 1996-2007, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 78, comme l'ensemble des idées, de mécanismes ou des stratégies de défense, d'autodéfense ou de résistance face à des actes de domination, de sous-estimation, de mépris, de l'exploitation par l'autrui. Où Dieu est le Général suprême de toutes les armées, le phénomène maï maï apparaît comme une oeuvre divine dont le combattant maï maï est le représentant direct. En effet, la parole de Dieu a été instrumentalisée et utilisée pour tuer. Il s'agit ici du fétichisme de la parole de Dieu.

Selon diverses sources essentiellement orales143, ce phénomène tirerait ses origines lointaines dans le territoire de Bafwasende à partir des rites et cultes tels que le Membela, l'Anyota et le Nutu.

En effet, les ancêtres, à travers des cultes secrets, préparaient les peuples de Bafwasende à une autoprise en charge surtout dans le domaine de l'intégrité physique. Car, toutes les sectes traditionnelles telles que :

- Le Membela, qui est, chez les Bali, un rite traditionnel de tatouages faits au ventre symbolisant l'école de passage de la vie d'enfance à la vie d'adulte ;

- Le Anyota, secte des hommes léopards, qui se revêtaient des habits traditionnels en forme de léopard et qui se mettaient à agresser les gens, celui-ci constituait également un obstacle à la pénétration étrangère et une résistance à la colonisation belge;

- Et le Nutu, rite de l'initiation à la circoncision, symbolise chez les Lombi, l'école de préparation des hommes à une vie adulte responsable.

Toutes ces pratiques et croyances avaient comme objectifs d'initier les jeunes à défendre leur intégrité physique et leur famille mais aussi à protéger la terre ancestrale. Ce sont des rites de passage de l'enfance à l'âge adulte.

b) Origines proches

Du fait de l'occupation du Territoire de Bafwasende par le Rassemblement Congolais pour la Démocratie - National (RCD/N) et ses alliés ougandais, les jeunes ont dû revisiter les pratiques précitées et les ont de plus en plus extériorisés.

En effet, comme dit Botoro Bodias144, « l'occupation du Territoire de Bafwasende par le R.C.D/N marque un tournant décisif et un bouleversement profond dans tous les secteurs de la vie de la population de cette entité. L'administration locale,

143 Entretiens avec certains «notables» (Mentonzi ou gardiens des traditions et mystiques protecteurs et créateurs bali et rumbi) de Bafwasende et quelques intellectuels natifs de ce Territoire à Kisangani, aux mois de novembre 2006 et janvier 2007 et à Bafwasende le 24 mai 2005.

144 Botoro Bodias, Le phénomène maï maï dans le territoire de Bafwasende sous contrôle du R C D/N. SPAFSSAP, UNIKIS Mémoire (Inédit) 2001 p.35. Cet auteur, est lui-même Administrateur de Territoire élu à main levée lors de l'entrée de l'AFDL dans cette entité (Bafwasende) en 1997. Aujourd'hui, il est Ministre de la Fonction Publique du Gouvernement Adolphe Muzito.

les activités économiques, l'enseignement, les confessions religieuses voire l'environnement furent totalement harcelés ». Monsieur Roger Lumbala, Président du RCD/N, est arrivé à Bafwasende où il a créé son mouvement, après sa fuite de Kisangani, lors des affrontements qui opposèrent les troupes ougandaises à celles du Rwanda.

Compte tenu de nombreuses richesses dont dispose ce Territoire, les hommes en armes ont envahi les différentes carrières de diamant et y sont par ce fait devenus maîtres absolus au détriment des négociants habituels145 et surtout au mépris de la population locale et des administrateurs des foyers miniers qui ne vivent principalement que de l'exploitation artisanale du diamant. L'autorité locale et coutumière y trouvant aussi de quoi alimenter sa caisse, si non ses propres poches.

Face à toute cette cacophonie créée par des groupes armés incontrôlées, Roger Lumbala, Président de ce «Pays»146 (dont photo en annexe) tint un discours pour rassurer sa population comme le dit Botoro Bodias: « Pour assurer la crédibilité à son discours auprès de la population, M. Roger Lumbala fit évacuer, avec l'appui des militaires ougandais, tous les militaires congolais qui semaient la terreur dans les foyers miniers.» 147

Mais fort malheureusement, les troupes ougandaises, qui avaient quelque temps auparavant aidé à nettoyer les carrières de tous les militaires qui y semaient des troubles, vont elles aussi succomber à la tentation d'affairisme ainsi que le dit Botoro Bodias :

145 Les militaires et les autorités du RCD-N achetaient aussi le diamant et imposaient à tous de vendre en un seul comptoir (le principe du comptoir unique que nous avons aussi observé à Kisangani entre 1999 et 2000 avec le comptoir de Monsieur Khalil, un sujet libanais travaillant avec l'argent de Museveni et de Salim Saleh, demi-frère du Président ougandais). Dès l'entrée des autorités du RCD-N dans un foyer minier, ce dernier devenait, de facto et ex officio, propriété du foyer. Supposant que les propriétaires ainsi que les creuseurs doivent travailler pour le compte du mouvement. Ces propos ont été recueillis auprès de certaines notabilités du Territoire de Bafwasende notamment : Aluta Ibrahim, Heri Baraka, Zeze, Monzamboli, «Général» Michigan Motoya,...

146 Le RCD/N et ses alliés avaient en effet proclamé le président de ce mouvement, Roger Lumbala, comme Président de la République et Bafwasende était par ce fait considéré comme un pays à part entière.

147 Botoro Bodias, Op. Cit. p.39

« Au lieu que les gens soutiennent cette action jugée salutaire pendant une durée plus au moins longue, c'était plutôt sa substitution par un autre que l'on a pu juger souhaitable. N'était-ce pas là une façon d'effacer les Congolais de la scène pour permettre une exploitation sans inquiétude des ressources congolaises?

Sur le plan économique, au lieu de réduire les impôts, ce discours a plutôt contribué au renforcement de ceux-ci. C'est ainsi qu'on a vu tout le monde devenir contribuable148».

Avec cette spoliation du Territoire de Bafwasende, les autochtones et plus spécialement ceux de la collectivité de Bakumu d'Angumu vont s'organiser pour faire face à l'envahisseur à l'instar des maï maï des territoires de Lubutu, Walikale et Lubero avec qui ils partagent des limites naturelles et ont des liens de cousinage et qui s'étaient déjà organisés avant pour lutter contre les réfugiés rwandais.

I.3.2.3. Principaux acteurs impliqués

Ce mouvement né dans le territoire de Bafwasende est davantage une action menée par une volonté populaire qu'une action organisée par un groupe insurrectionnel. Il n'y a pas de leaders attitrés. Il est plutôt l'oeuvre de quelques jeunes qui avaient intégré les mouvements maï maï de Lubutu et de Walikale, alliés de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) de Laurent Désiré Kabila, afin de faire face aux soldats des Forces Armées Zaïroises (FAZ). De retour à Bafwasende, ils ont recruté, au sein de leurs tribus respectives, des combattants capables de faire face à l'envahisseur, ici entendu le RCD/N et son allié ougandais.

C'est ainsi que, Motoya Michel, dit Michigan, un des plus célèbres maï maï de Bafwasende de l'ethnie kumu, a créé son propre groupe d'autodéfense et, plus tard, s'est allié à Monzamboli Donatien dit Debis wa Debis, un Rumbi. De même, Kabambi wa Kabambi, un Nyanga va aussi avec le concours des gens de son ethnie, créer un groupe, le 06 août 2001. Mais suite aux disputes internes, les Rumbi vont décider de la

148 Botoro Bodias, Op. cit. p.39

création du Groupe d'Autodéfense d'Opienge, un groupe composé à majorité par les gens de la tribu Rumbi.

Comme on peut le constater, ces groupes sans le commandement d'un leader militaire attitré ont fait et défait des alliances entre eux et n'ont jamais cessé d'avoir des problèmes de leadership au sein de leurs groupes respectifs.

Cette situation faisant que chaque groupe ayant ses propres hommes de confiance procédait à des recrutements massifs au sein de la même population civile et en particulier les jeunes, voire des enfants149 en vue de s'assurer le leadership politique et militaire maï maï.

C'est ici le lieu de parler, à la lumière de K. Vlassenroot et T. Raeymaekers150, de « la corrosion du tissu social. Au niveau de la communauté, les décideurs traditionnels tels que les chefs coutumiers et les aînés soit ont perdu leur position soit n'ont d'autre option que celle de soutenir les opinions de leurs jeunes combattants qui, dans la poursuite de leurs intérêts, sont embarqués dans une logique de la violence. Au niveau de la famille, la crise de l'autorité combinée avec l'intensification de la lutte économique semble conduire vers une forte compétition entre les générations au sein d'une même famille ou d'un même ménage. »

Le Territoire de Bafwasende connaît une prolifération d`armes légères de petit calibre (ALPC). Les jeunes adhèrent en masse à ces différents mouvements car luttant pour «la sécurisation de leur terre ainsi que de ses richesses.»151 Ces faits reflètent le

149 Les maï maï, recrutent plus les jeunes gens et surtout les enfants : Heri Baraka, dans son témoignage, nous a indiqué que les maï maï sont regroupés par tranche d'age : d'abord les combattants ayant 50 ans et plus (ce sont les dépositaires des valeurs traditionnelles) ; ensuite, les combattants âgés de 25 à 50 ans (ce sont des chefs d'équipe) ; puis, les combattants âgés de 11 à 25 ans (c'est la tranche des combattants sans pitiés). C'est cette dernière tranche qui est la plus active sur le champ de bataille et la plus nombreuse, car elle constitue l'infanterie ; et enfin, les combattants âgés de 8 à 12 ans, ils sont les gardiens de fétiches des maï maï.

150 K. Vlassenroot et T. Raeymaekers, Op. Cit., p. 215.

151 Propos de Aluta Ibrahim recueilli à Kisangani, le 21 juillet 2008.

degré prononcé de la privatisation de la violence armée et de la défaillance de l'Etat152. L'Etat congolais est fragilisé et rempli les conditions d'un Etat failli.

Tableau 2 : Les profils de quelques élites maï maï de Bafwasende

Origine
ethnique

Leaders

Date de naissance

Principales activités
avant l'armée

Etude

Kumu
d'Opienge

Motoya Mapasa Michel
dit, Michigan, Général de
tous les maï maï en
Province Orientale

Né à Bafwasende, en
1973

Excellent Chasseur

Il n'a fait que l'école
primaire à
Angamapasa vers les
années 1982

Zonga Mukoba, un des
lieutenants de Michigan

Né en 1969

Egalement, Chasseur

S'est limité à l'école
primaire
d'Angamapasa vers
1979

Assani Luc, frère aîné à
Michigan et son remplaçant
direct. Réfracteur au
brassage.

Né en 1969

Chasseur

Il a fait son école
primaire à
Angamapasa

Commandant Linjalinja

Né en 1972

Chasseur

Il ne s'est limité qu'à
l'école primaire

Commandant Bavon, un
des tireurs d'élite de
Michigan.

Né en 1974

Excellent chasseur

Il ne s'est jamais rendu
à l'école

Lombi (ou
Rumbi)

Muzambali Kangweneto
Donatien, dit Debis

Né à Opienge en 1963

A l'instar de
Michigan, il est
également un
excellent chasseur.

Il n'a fait que les études
primaires à l'école
primaire Mangelia vers
les années 1972

Mashaka Shabani Neliko,
dit Shiko

-

Chasseur

Il a commencé l'école
primaire à Manduka
mais il n'a pu la
terminer.

Assani Mafutala dit
Rochereau

Né à Bafwasende en
1971

-

Il s'est limité au niveau
de 5eme des humanités
à l'Institut Technique
Agricole et Forestier
(ITAF) d'Angasende en
1996.

Ramazani Bora Uzima,
dit De Roy

Né à Kisangani en
1963

il est un chasseur

redoutable qui a
pendant longtemps

travaillé avec les
officiers des FAZ
dans le braconnage

des éléphants

Il a évolué jusqu'en
3ème des humanités

pédagogiques à Boyulu
vers les années 1980

Mambemani Movembo,
aujourd'hui démobilisé il

Né en 1973

 

Il a fait ses études
primaires à l'école

 

,

est rentré dans son village

primaire Manduka en

 
 

Balege

 
 

1986.

Sabuni Nekama, dit Sabin,
en charge de la police
militaire au sein de
autodéfense d'Opienge

Né à Opienge en 1970

 

Il a fait ses études
jusqu'en 3ème année
des humanités
pédagogiques à
l'Institut Tukazane à
Opienge en 1994

 
 
 
 
 

Bali

Alafu Jean-Marie, dit Mey

Né à Bafwasende en
1958

Un ancien militaire de
l'AFDL

Il a fait ses études
secondaires à Boyulu
jusqu'en 3ème année en
1976

Angabu Thomas

Né en 1972

Il est aussi un ancien
militaire de l'AFDL

Il a été les études
jusqu'en première
année secondaire à

Boyulu en 1983

Kasongo Sébastien

Né en 1970

Un ancien négociant
de diamant avant la
guerre de l'AFDL

Il a poursuivi ses
humanitaires jusqu'en
3ème année à l'Institut
Technique Agricole et

Forestier (I.T.A.F.)
d'Angasende en 1987

Source : Nos entretiens avec messieurs Heri Baraka, Député provincial de Bafwasende et Aluta Ibrahim ressortissant du même Territoire respectivement le 13 octobre 2007 et le 21 juillet 2008)

Il ressort de ce tableau que la majorité des leaders maï maï de Bafwasende n'ont pas fait de longues études153. Cet état de chose se fait remarquer à travers l'organisation de leurs mouvements respectifs qui demeurent calqués sur des bases ethno-tribalistes. Nous remarquons que les élites maï maï de Bafwasende sont issues des anciens braconniers (chasseurs) ayant déjà appris le maniement des armes à feu. Ces acteurs sont relativement jeunes et n'ont pas connu, comme acteurs bien sûr, la période tumultueuse de l'après indépendance. C'est une nouvelle génération des maï maï. Ce phénomène arrive à Bafwasende par effet de mimétisme et en réponse aux différentes brimades et violences dont les populations civiles de ce territoire ont été victimes de la part des troupes ougandaises et rwandaises ainsi que de leurs alliés rebelles congolais du RCD-Goma, du MLC et du RCD-N.

Les Rumbi sont les plus nombreux et les plus visibles des acteurs maï maï

de Bafwasende suivi par les Kumu avec lesquels ils se partagent le leadership

153 Amuri Misako a fait le même constat pour les maï maï du Maniema.

dominant maï maï dans le territoire de Bafwasende. Ceci pourrait se justifier par la proximité de ces ethnies à la Province du Maniema où l'activité milicienne maï maï est très récurrente.

Il est à noter la présence prépondérante de quelques politiciens n'appartenant nécessairement pas aux groupes ethniques dominants en termes de leadership maï maï à savoir : Bovic Bolanga (Lokele), Emmanuel Kimputu (Ngando), Didier Mandey (Budu) et Thomas Jonathan Ngomeanji (Kumu), qui ont su se saisir de l'inorganisation et de l'inexpérience de certains leaders maï maï afin de rassembler les différents groupes rivaux maï maï, en créant un mouvement politico-militaire unique des maï maï de Bafwasende du nom de Conseil de Résistance pour la Démocratie, C.R.D en sigle, suite à un pacte de sang scellé en date du 1 février 2002 à Opienge154.

La Province Orientale a connu une histoire parsemée par la violence politique. Un champ politique pré et post-indépendance marquée dès ses origines par les émeutes (1959), les rébellions lumumbistes (1961-1964), les pillages (1991 et 1993), les guerres de l'AFDL, du RCD et du MLC (1997-2003), les différents affrontements rwando-ougandais (1999, 2000, 2001,...), les conflits armés interethniques caractéristiques en Ituri (1999-2003) et l'émergence milicienne maï maï à Bafwasende. Cette phase permet de comprendre la mobilité des élites politiques et de découvrir comment les acteurs locaux se sont familiarisés avec la violence et en ont profité pour capter le pouvoir de l'Etat. Ainsi il est judicieux de découvrir le mouvement de déploiement des élites politiques, les trajectoires socio-historique et politique des élites politiques du fait de la guerre ainsi que les modalités et tactiques de la circulation des élites politiques en Province Orientale.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo