B. Quelques études sur la période de guerre en
RDC
Maindo Monga Ngonga21, a rigoureusement
analysé la récurrence de la violence politique en RDC. Laquelle
récurrence devenue une ressource politique banale de captation et
d'appropriation de l'Etat et du pouvoir au point de modifier les imaginaires et
les pratiques, la trajectoire de l'Etat congolais, les rapports de pouvoir
entre gouvernants et gouvernés et les modes d'actions politiques.
Partant de l'hypothèse que la crise/échec de l'Etat congolais
post-colonial conduirait les acteurs politiques à développer des
stratégies individuelles et/ou collectives visant la capture de cette
institution, il précise que, récurrente, la violence (la guerre)
serait à la fois une forme paroxystique de ces stratégies
d'appropriation et de reconstruction de l'Etat.
K. Vlassenroot et T. Raeymaekers22 frayent de
nouvelles pistes dans la manière d'expliquer la problématique de
la violence politique en Ituri. Sortant des sentiers bâtis de la
criminalisation du conflit et la délégitimation des leaderships
des rébellions, par la thèse centrale selon laquelle «
l'irruption de la violence en Ituri doit être comprise comme le
résultat de l'exploitation par des acteurs locaux et régionaux
d'un conflit politique local profondément enraciné autour de
l'accès à la terre, aux ressources économiques disponibles
et au pouvoir politique. »
Remo Lo-Lozube Poru Anda23 analyse avec froideur la
question de la violence politique dans le leadership politique en Ituri en
partant par le problème général qui est l'obstacle
à la compréhension de la manifestation de l'ethnicité dans
le District de l'Ituri. Il suppose que la constitution des milices
armées «mono-ethniques» permanentes a favorisé la
militarisation des ethnies et l'émergence des leaders politiques
occasionnels qui se sont accaparé du pouvoir dans ce District.
Après avoir analysé la question de la violence en Ituri partant
de l'histoire immédiate en scrutant
21 Passim Maindo Monga Ngpnga, L'Etat à
l'épreuve de la guerre ..., Op. Cit.
22 K. Vlassenroot et T. Raeymaekers, « Conflit en Ituri
» in L'Afrique des Grands lacs. Annuaire
2002-2003. Aujourd'hui, la guerre est utilisée par ces acteurs comme un
moyen de réorganiser l'espace socio-économique local et de
contrôler la mobilité à l'intérieur et entre ces
espaces. La conséquence de cette violence instrumentalisée est
une lutte entre ces différents réseaux de contrôle, qui
unissent les seigneurs de guerre locaux à leurs parrains
extérieurs et qui ont abouti au développement de nouvelles
stratégies de régulation socio-économique et même
politique. Le désordre, l'insécurité et l'état
général de l'impunité ont encouragé ainsi la
formation de réseaux nouveaux et militarisés pour l'extraction
(et l'accumulation) des bénéfices économiques, en
référence à la propriété ethnique comme
étant partie intégrante et centrale des stratégies de
contrôle et de la résistance.
23 Remo Lo-Lozube Poru Anda, Leadership ethnique et violence
dans la compétition politique en Ituri (1999-2003), Mémoire
de DES (inédit), SPA, FSSAP/UNIKIS, 2007-2008.
tour à tour la question du leadership ethnique et la
violence dans la compétition politique avec l'intervention multiforme
des puissances étrangères ainsi que la faible capacité
régulatrice du système politique congolais, l'auteur a
présenté les diversités ethniques et économiques de
l'Ituri, le repositionnement des politiciens ituriens sur base des
réflexes ethniques au niveau local, national et international.
Il conclut que les politiciens tant nationaux
qu'étrangers, originaires ou non de l'Ituri ont réellement
exploité l'idéologie ethnocentrique et l'incapacité
régulatrice incurable de l'Etat congolais pour renforcer les
ressentiments ethniques.
Nous découvrions avec Tabin Lissendja
Bahama24 que les sentiments nationaliste et patriotique
forts se sont manifestés au sein de la population durant toute la
période de conflit en RDC.
Analysant les types d'attitudes et de comportements politiques
adoptés par la population congolaise à la suite des
événements depuis le déclenchement, en octobre 1996, de la
lutte armée dirigée par l'Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) et ce, jusqu'en
fin 2004 en passant par la lutte armée du Rassemblement Congolais pour
la Démocratie (RCD) et du Mouvement de Libération du Congo (MLC),
nous avons décelé les effets de la guerre sur les attitudes et
les comportements politiques des Congolais dont l'éveil de la conscience
nationale collective et son émergence vers la sauvegarde des
intérêts de la Nation n'étaient que grandissants.
Dans une autre étude consacrée aux élites
politiques de la Province Orientale25, nous avions, dans le
balbutiement de l'écriture scientifique, à travers une vision
fonctionnaliste, découvert que ces élites politiques
revêtaient un caractère «oligarchique» ou mieux, avaient
des «tendances oligarchiques». Le caractère oligarchique que
nous avions lié aux élites politiques de la Province Orientale
dans cette étude relève plutôt d'une certaine
fébrilité d'analyse. Car, nous devrions par contre dire avec R.,
Rezsohazy26 que celles-ci étaient des élites
constellaires. C'est-àdire des élites formant un système
d'interaction ; une image venue de l'astronomie : les
24 Lissendja Bahama et Ponea Tekpibele Masudi, « conflit
armé et émergence de la conscience nationale collective en
République Démocratique du Congo » in Revue de
l'IRSA, N° 11, juin 2005, pp. 13-24.
25 Ponea Tekpibele Masudi, Les tendances à
l'oligarchisme des élites politiques de la Province Orientale, essai
d'analyse politologique, TFE en SPA, FSSAP, UNIKIS,
1999-2000
26 R., Rezsohazy, Op. Cit., p. 107.
corps célestes qui la composent se détachent du
reste des étoiles et dessinent une figure, (pour ce qui nous concerne
ici, un regroupement d'hommes Ayant à ce moment précis les
mêmes aspirations et intérêts politiques), une figure
reconnaissable. De même, les élites politiques observées,
que nous appelons constellation, se reconstituaient, après s'être
désolidarisées des autres, en groupuscules distincts des autres
groupes.
Ces travaux ont certes le mérite d'être en phase
thématique et en apport pour le nôtre par leurs diverses approches
théoriques et leurs questionnements ; seulement, ils lui sont
différents, par le fait que celui-ci se propose de cerner les rapports
de causes à effets et d'évidente implication entre la circulation
des élites politiques en Province Orientale et les guerres et les
conflits armés (la violence politique).
Nous nous penchons à déceler le rôle
structurant de cette violence politique à l'espace politique Province
Orientale.
Nous tentons de cerner les contours socio-historiques et
politiques de la mobilité/circulation des élites politiques en
Province Orientale avec comme révélateur principal, la violence
politique.
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