C. LA FONCTION D'ENQUÊTE
En plus de la fonction législative et de la fonction de
contrôle comme fonctions générales et communes aux deux (2)
Assemblées, la Constitution de 1987 accorde un très large pouvoir
d'enquête aux Assemblées parlementaires. Ainsi, la Constitution
dispose t- elle en son article 118 : « Chaque Chambre a le droit
d'enquêter sur les questions dont elle est saisie. »
D'une part, il est à faire remarquer que la formulation
dudit article ne permet nullement de présumer une limitation de la
nature ni de l'étendue des questions dont elle peut être saisie.
D'autre part, les conditions ou modalités de la saisine ne sont
guère précisées. Par conséquent, il suffit que le
Sénat ou la Chambre soit touché (e) d'un fait quelconque pour
pouvoir déclencher une enquête. Du reste, puisqu'il s'agit d'une
compétence constitutionnelle, aucune institution ou personnalité
ne pourra prétendre faire obstruction à l'enquête sans
s'exposer juridiquement. D'où, un pouvoir sans bornes des
Assemblées.
§ 3.- LES IMMUNITÉS PARLEMENTAIRES ET LES
INCOMPATIBILITÉS
Le Parlement doit être efficace dans l'exercice de ses
missions souveraines. Une première condition de cette efficacité
est la protection de ses membres contre des poursuites judiciaires qui
pourraient être en réalité la traduction de pressions
politiques.66
C'est dans cette perspective que des immunités sont
accordées au parlementaire. Leur objet est permettre au parlementaire le
libre exercice de son mandat en lui assurant une protection contre les actions
judiciaires intentées contre lui67 (A).
Une autre condition non moins importante de cette
efficacité est la protection des parlementaires contre l'exercice de
certaines fonctions qui pourraient compromettre leur indépendance en
tant que parlementaires. D'où, le régime des
incompatibilités (B).
66 La situation du parlementaire est
caractérisée par un statut. Il vise à garantir la
liberté de l'exercice du mandat et l'indépendance du
parlementaire.
67 Voir GUILLIEN, VINCENT 2001, op. cit. page
468.
A. LES IMMUNITÉS PARLEMENTAIRES
La Constitution de 1987 accorde aux parlementaires des
prérogatives qui les mettent à l'abri des poursuites judiciaires,
en vue d'assurer le libre exercice de leur mandat : ce sont les
immunités parlementaires68. Elles incluent
l'irresponsabilité parlementaire (1) et l'inviolabilité (2).
1.- L'IRRESPONSABILITÉ PARLEMENTAIRE
Le privilège de l'irresponsabilité parlementaire
est accordé par la Constitution de 1987 en son article 114-1 : «
Ils ne peuvent être en aucun temps poursuivis et attaqués pour
les opinions et votes émis par eux dans l'exercice de leur fonction.
»
Le fondement de cette immunité est de garantir la
liberté d'expression des parlementaires. Donc, le parlementaire est
appelé à parlementer et à voter sans avoir à
craindre des poursuites judiciaires.
Le texte constitutionnel précise expresis verbis
qu' « ils ne peuvent être en aucun temps
poursuivis et attaqués ». Cela montre bien le caractère
absolu de cette immunité. Elle est perpétuelle et doit suivre
à l'expiration du mandat. De plus, elle couvre tous les actes de la
fonction parlementaire (les rapports, les discours, les votes).69
2.- L'INVIOLABILITÉ PARLEMENTAIRE
« L'inviolabilité parlementaire est un
privilège qu'ont les parlementaires d'échapper aux poursuites
intentées pour des actes étrangers à l'exercice de leur
mandat : poursuites pénales pour crimes et délits.
»70
Ce privilège est accordé par la Constitution de
1987 en ses articles 114 et 115. L'inviolabilité constitue moins un
privilège personnel dont bénéficient les parlementaires
qu'une protection assurée au Parlement pour assurer son bon
fonctionnement. Le
68 Il faut aussi faire remarquer que les
immunités parlementaires assurent aux membres du Parlement un
régime juridique dérogatoire au droit commun dans leurs rapports
avec la Justice. Or, la Justice devrait être le garant de
l'égalité de tous devant la loi.
69 Mais eux seuls à l'exclusion des actes et
paroles qui ne sont pas liés à l'exercice direct de cette
fonction.
70 Idem, page 317.
fonctionnement normal du Parlement risquerait d'être
entravé par des poursuites abusivement engagées contre ses
membres par le Pouvoir Exécutif ou par des particuliers.
Le régime de l'inviolabilité est plus restrictif
que celui de l'irresponsabilité. Les parlementaires sont en principe
inviolables jusqu'à l'expiration de leur mandat71.
Néanmoins, une dérogation majeure vient tempérer la
rigueur de ce principe. L'engagement des poursuites est toujours possible pour
délits de droit commun même lorsque le Parlement est en session.
Toutefois, l'autorisation de l'Assemblée à laquelle appartient
l'intéressé constitue un préalable nécessaire
à toute mesure d'arrestation. En revanche, il n'y a pas lieu à
soumettre la mesure d'arrestation à l'autorisation de l'Assemblée
à laquelle appartient l'intéressé seulement en
matière de flagrance pour faits emportant une peine afflictive et
infamante72.
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