B. LA FONCTION DE CONTRÔLE
Sous le régime constitutionnel de 1987, le Gouvernement
est une émanation du Parlement. Le premier tient son investiture du
second. Puisque le Gouvernement procède du Parlement, il est
politiquement responsable devant ce dernier. Donc, le Gouvernement doit
à tout instant, pour subsister, bénéficier de la confiance
de la majorité parlementaire. Sa légitimité réside
dans cette confiance et le principe de responsabilité du Gouvernement
est une technique permettant de vérifier la confiance des
Assemblées dans le Gouvernement.
D'une part, le Président de la République
symbolise et représente l'Etat en tant qu'entité juridique
abstraite. D'autre part, le Parlement en tant qu'organe collégial assure
la représentation du Peuple. Quid du Gouvernement ?
Puisque le Gouvernement ne bénéficie pas de
consécration populaire et puisqu'il tient son existence et son pouvoir
du Parlement, ce dernier dont les membres sont les représentants du
Peuple doit être en mesure de contrôler son action.
Pour contrôler efficacement le Gouvernement, le
Parlement doit être en mesure de disposer des informations sur son
action59 : c'est la condition sine qua non du
contrôle. Les informations permettent d'engager éventuellement la
responsabilité politique du Gouvernement.
C'est dans cette perspective que la Constitution va
jusqu'à accorder à tout parlementaire le droit de questionner et
le droit d'interpeller l'ensemble du Gouvernement ou un ou plusieurs de ses
membres60. Donc, les Secrétaires d'Etat, membres du
Gouvernement, peuvent aussi être interpellés.
Ce droit de questionner et d'interpeller peut s'étendre
« sur tous les faits et actes de l'Administration ». Le
Gouvernement, de son côté, est tenu d'y répondre ; il a un
devoir de reddition de comptes aux Assemblées
parlementaires61.
59 Les parlementaires recherchent et recueillent les
informations par le biais des questions et des Commissions d'enquête.
60 Article 129-2 de la Constitution de 1987.
61 Le droit de décharge du Parlement selon les
prescriptions de l'article 233 de la Constitution de 1987 est un corollaire de
ce devoir de reddition de comptes.
Si une demande d'interpellation doit être appuyée
par cinq (5) membres au moins du corps intéressé, la Constitution
laisse supposer qu'un parlementaire peut prendre seul l'initiative de
questionner un Gouvernement en entier.62
Comme étant donné que le Gouvernement est
politiquement responsable devant les Assemblées parlementaires, sa
responsabilité peut être mise en cause par un vote. Si en France
la responsabilité politique du Gouvernement peut être mise en
oeuvre par deux (2) voies63 ; en Haïti, la mise en oeuvre de
cette responsabilité se fait seulement par l'interpellation. Donc, cette
dernière est le seul procédé de mise en jeu de la
responsabilité gouvernementale sous le régime constitutionnel de
1987.
L'interpellation donne lieu à un débat
« sur une question se rapportant au programme ou à une
déclaration de politique générale du Gouvernement »
au niveau de l'Assemblée l'ayant provoquée. A l'issue de ce
débat, intervient un vote : c'est la sanction du débat. Si le
débat aboutit à un vote de confiance, on dit que
l'Assemblée renouvelle sa confiance au Gouvernement. Si, au contraire,
il aboutit à un vote de censure, on dit que l'Assemblée
désavoue le Gouvernement64.
Par suite, la mise en cause de la responsabilité
politique du Gouvernement par le vote de la motion de censure entraîne
ipso facto la démission en bloc de ce dernier. C'est que cette
décision souveraine de l'Assemblée met le Premier Ministre en
demeure de remettre la démission du Gouvernement au Président de
la République qui ne peut que l'accepter, sous peine de se rebeller
contre la Constitution et donc provoquer une crise politique
grave65.
62 Or, le droit de questionner implique des
questions écrites et orales. Donc, il suffit qu'un seul parlementaire
veuille se renseigner sur un fait ou un acte quelconque de l'Administration
pour faire descendre l'ensemble du Gouvernement au Parlement en vue de le
mettre en face de l'Assemblée pour le questionner.
63 L'une laisse l'initiative à
l'Assemblée Nationale, l'autre laisse l'initiative au Gouvernement. Dans
cette deuxième voie, il existe deux (2) procédés. D'abord,
le Premier Ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement
devant l'Assemblée Nationale sur un programme ou sur une
déclaration de politique générale : C'est la question de
confiance. Ensuite, le Premier Ministre peut aussi, après
délibération du Conseil des Ministres, engager la
responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée Nationale sur
le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la
sécurité sociale. On parle alors de motion de censure
provoquée. Donc, deux voies et trois procédés de mise en
jeu de la responsabilité gouvernementale en France. Voir l'art. 24 de la
LOI constitutionnelle no 2008-724 du 23 Juillet 2008 de
modernisation des institutions de la Ve République et l'art.
49 de la Constitution française de 1958 (disposition entrée en
vigueur le 1er mars 2009).
64 Article 129-3 de la Constitution de 1987.
65 Article 129-4 de la Constitution de 1987.
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