B. LES MINISTRES ET LES SECRÉTAIRES D'ETAT :
EFFECTIF ET RESPONSABILITÉ
Les Ministres et les Secrétaires d'Etat forment avec le
Premier Ministre les trois (3) composantes du Gouvernement.
Un Gouvernement dispose d'un nombre variable de Ministres, la
Constitution se contentant de fixer le plancher à dix.110
L'effectif des Ministres sans portefeuille dépend du Premier Ministre et
dans une mesure moindre du Président de la République. Mais
l'effectif des Ministres à portefeuille dépend du
Législateur qui fixe le nombre des ministères.111
109 Sans oublier les séquelles du présidentialisme
traditionnel qui continuent à jouer en sa faveur, ne serait-ce qu'au
niveau de l'imaginaire collectif.
110 Art. 166, Constitution de 1987.
111 Art. 167, Constitution de 1987.
En ce qui a trait au nombre des Secrétaires d'Etat du
Gouvernement, le Premier Ministre dispose d'un véritable pouvoir
discrétionnaire.112
Le Secrétaire d'Etat, membre du Gouvernement, vient
après le Ministre dans la hiérarchie ministérielle. Il
assiste le Ministre auquel il est adjoint et participe certaines fois aux
réunions du Conseil des Ministres. Par contre, le Ministre participe de
plein droit aux réunions du Conseil des Ministres.
La responsabilité politique du Ministre est à la
fois individuelle et collective :
> Primo, le Ministre doit d'abord
bénéficier de la confiance du Premier Ministre. Autrement, il
peut perdre son poste suite à un remaniement ministériel.
Ensuite, individuellement, la responsabilité politique d'un Ministre
peut être mise en cause par un vote de censure à l'occasion d'une
séance d'interpellation provoquée par l'une ou l'autre des deux
Assemblées.113
> Secundo, chaque Ministre est responsable de la
politique générale du Gouvernement en tant que membre de ce
dernier : c'est la solidarité gouvernementale. Par voie de
conséquence, si la censure est infligée au Premier Ministre, tous
les Ministres, entre autres, sont obligés de quitter le pouvoir.
En outre, chacune des deux Assemblées peut aussi, dans
les mêmes conditions, infliger la censure au Secrétaire d'Etat,
membre du Gouvernement.
Enfin, mise à part l'existence des membres du
Gouvernement, ce dernier est doté d'une existence propre, distincte de
celle des ses membres et qui se traduit dans l'institution du Conseil des
Ministres : c'est le principe de la collégialité. Il s'ensuit le
principe de la solidarité ministérielle : « Les
décisions importantes étant délibérées en
commun par les Ministres, chacun d'eux supporte la responsabilité des
décisions arrêtées par le Gouvernement...
».114
112 Art. 166, al. 2 de la Constitution de 1987.
113 Art. 172, Constitution de 1987.
114 GUILLIEN, VINCENT 2002, op. cit., p. 519.
CHAPITRE 2 Le régime politique
institué par la Constitution de 1987 : mauvaise articulation du cadre
constitutionnel et de la pratique politique
Ce chapitre traite de l'agencement institutionnel des rapports
entre les Pouvoirs publics (section I). De plus, des considérations
d'ordre théorique sont faites sur la nature du régime sans
toutefois négliger la « pratique » dudit régime,
quoique marquée par une discontinuité institutionnelle,
résultante de l'instabilité politique et de la faiblesse des
institutions (section II).
SECTION I.- DES RAPPORTS
DÉSÉQUILIBRÉS ENTRE LES POUVOIRS PUBLICS
CONSTITUTIONNELS
Sous le régime constitutionnel de 1987, les rapports
entre les Pouvoirs publics115 sont pour le moins
aménagés de manière à empêcher le retour au
présidentialisme traditionnel en affaiblissant le Pouvoir
Exécutif, particulièrement le Président de la
République, et en renforçant de manière
quasi-exagérée le Parlement. Le Président de la
République est élu au suffrage universel direct à la
majorité absolue des votants. Pourtant, ce mode d'accession au pouvoir
ne fait pas chorus avec les prérogatives constitutionnelles qui lui sont
reconnues.
Au sein de l'Exécutif, le Premier Ministre, Chef du
Gouvernement qui conduit la politique de la Nation, vient concurrencer
son autorité, alors que le Gouvernement est en principe une
émanation du Parlement. Or, le Président de la République
n'a aucun moyen d'action décisif sur l'action du Parlement qui le
contrôle dans ses moindres pouvoirs. D'ailleurs la primauté de
l'institution parlementaire est assurée du fait de l'absence de
contrepoids constitutionnels propres à l'empêcher.
115 Parlant ici de Pouvoirs publics, nous faisons
référence aux organes et autorités les plus importants de
l'Etat, c'est-à-dire ceux qui participent à l'exercice du Pouvoir
Législatif et du Pouvoir Exécutif. Voir CORNU 2007, op.
cit., page 700.
Par voie de conséquence, dans l'agencement
institutionnel des rapports entre les Pouvoirs publics constitutionnels, on
décèle un net déséquilibre au profit du Parlement
(§1). D'où, un Parlement puissant et un Exécutif «
désarmé » (§ 2).
§ 1.- DÉSÉQUILIBRE AU PROFIT DU
PARLEMENT
A bien cerner les tenants et les aboutissants des
mécanismes institutionnels du nouveau régime de 1987, l'on peut
avancer que le système politique institué, pour le moins, est
déséquilibré. Les deux (2) institutions politiques ne sont
pas également armées pour se faire contrepoids et ainsi assurer
un certain équilibre du régime.
Le Parlement, pour sa part, est très fort et
paraît sans limites, alors que le Pouvoir Exécutif est
complètement encadré. Donc, le régime est
déséquilibré au profit du Parlement. C'est presqu'une
évidence et c'est en quelque sorte le propre des logiques
institutionnelles du régime.
Pour mieux faire ressortir ce déséquilibre, nous
allons d'abord analyser l'organisation de la responsabilité politique du
Gouvernement (A). Ensuite, nous analyserons quelques méfaits de
l'absence de l'arme de riposte qu'est le droit de dissolution des
Assemblées (B). Finalement, nous essayerons de faire ressortir certaines
faiblesses du système institutionnel de règlement de conflits,
entre les deux (2) Pouvoirs politiques, mis en place par le régime
(C).
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