I-2-3 L'efficacité des politiques monétaires
conjoncturelles chez les keynésiens.
Il apparaît que la politique monétaire à
la différence de la politique budgétaire est un instrument qui
n'agit pas directement sur l'activité. L'efficacité d'une
politique monétaire dépend de la réalisation de deux
conditions : L'accroissement de l'offre de monnaie doit conduire à une
baisse du taux d'intérêt ; or cette condition n'est pas toujours
vérifiée en particulier dans les situations de trappe à
liquidité11. En second lieu, la baisse des taux
d'intérêt doit se traduire par une reprise de l'investissement.
Comme l'efficacité de la politique monétaire est soumise à
condition, les keynésiens appréhendent la politique
monétaire comme un instrument d'accompagnement de la politique
budgétaire : on parle à ce propos de « policy mix ».
Dans l'optique keynésienne, la politique monétaire relève
d'interventions discrétionnaires. Il s'agit en fonction des situations
de pouvoir discrétionnairement augmenter ou diminuer les taux
d'intérêt de façon contra cyclique.
I-2-4 L'efficacité des politiques
monétaires est contestée par les monétaristes et les
nouveaux classiques.
En ce qui a trait à l'efficacité de la politique
monétaire trois critiques ont été soulevées. La
politique monétaire expansionniste se traduit par une
accélération de l'inflation. Cela se produit à long terme
selon Friedman dans Monetary vs. Fiscal Policy avec Walter
W. Heller, 1969, du fait de l'illusion monétaire12. La
politique monétaire conjoncturelle se heurte selon
Friedman au problème des délais : si les cycles
d'activité sont courts et que les délais d'efficacité de
la politique monétaire sont longs alors une politique monétaire
contra-cyclique risque de se retrouver pro-cyclique. Les monétaristes
critiquent le choix du taux d'intérêt nominal comme objectif
intermédiaire de la politique monétaire, dans la mesure où
le taux d'intérêt nominal se compose de deux
éléments : la rémunération d'un placement et
l'inflation anticipée. Or lorsque le taux d'intérêt nominal
varie, il est impossible de savoir si c'est la rémunération ou
l'inflation anticipée qui sera modifiée.
Pour les classiques la politique monétaire doit
s'appliquer sur un principe réglementaire et non discrétionnaire.
Une politique monétaire n'est crédible que si elle respecte la
condition de cohérence intemporelle
des choix. Cette crédibilité peut s'acquérir lorsque la
Banque centrale est indépendante, ce qui évite de voir
apparaître des cycles politico-économiques. L'inflation est
d'autant plus faible que la
11 Concept utilisé pour designer une situation
ou la demande de monnaie liquide est parfaitement élastique par rapport
au taux d'intérêt qui est alors à son niveau plancher.
12 Selon le lexique d'économie c'est une
appréciation erronée de l'évolution du revenu réel.
L'augmentation de la valeur nominal du revenu en période d'inflation est
souvent considérée comme une hausse du revenu réel par les
individus victimes de l'illusion monétaire, en ce sens qu'ils ne
déduisent pas la hausse des prix de l'augmentation du revenu nominal.
Banque centrale est indépendante. Ce modèle
d'indépendance des Banques centrales connait une grande audience.
Cependant cette indépendance est souvent critiquée : ainsi
Nordhaus13 montre que l'indépendance peut
conduire à un "jeu destructeur" entre la Banque centrale et les
autorités budgétaires, si celles-ci mènent des politiques
contradictoires. Une seconde solution consiste à fonder la
crédibilité de la Banque centrale non sur son
indépendance, mais sur des règles de comportement. Selon
Rogoff 14 dans "The Optimal Degree of Commitment to
an Intermediate Monetary Target," paru en 1985; il convient de nommer à
la tête d'une Banque centrale une personnalité conservatrice,
ayant une forte aversion pour l'inflation.
Du fait que la politique monétaire de la BRH n'a
d'autre objectif que la lutte contre l'inflation, on peut affirmer que la
théorie monétariste de la politique monétaire est celle
qui convient le mieux dans le cadre de notre étude. La politique
monétaire en Haïti n'a pas pour objectif l'arbitrage entre
l'inflation et le chômage. Tout comme disait les monétaristes, la
BRH tente de contrôler l'inflation en contrôlant la masse
monétaire à travers la base monétaire, mais elle ne le
fait pas uniquement grâce a l'opération d'open market, puisqu'elle
utilise d'autres instruments comme les bons BRH. Avant d'analyser en profondeur
les instruments utilisés par la BRH en Haïti, essayons de voir dans
le chapitre qui suit les différents travaux réalisés en
rapport avec notre étude en vue de mieux cerner la méthodologie a
adopté dans le cadre du travail.
13 Nordhaus économiste
américain , professeur a Yale université
14 Kenneth Rogoff est un
économiste américain né le 22 mars 1953. Il a
travaillé comme économiste en chef au Fonds monétaire
international (FMI), il est aujourd'hui professeur à Harvard. Il
écrit régulièrement des articles dans Les Échos.
Kenneth Rogoff est resté célèbre pour son conflit avec
Joseph Stiglitz, « prix Nobel » d'Économie un ancien chef
économiste à la Banque mondiale. La dispute a été
initiée par les violentes critiques effectuées par Stiglitz
contre le Fonds monétaire international (FMI), dans ses livres. Rogoff y
a répondu dans une (en) lettre ouverte.
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