3°- Impacts socio économiques des projets
d'extraction
Dames & Moore (1995) déclarent que la construction
du pipeline doit toucher 5000 hectares de terrain et que sur cette surface, il
faut s'attendre à la destruction des cultures et de la
végétation ; à la perturbation du sol et
l'expropriation des paysans et des communautés. L'expropriation et la
perturbation du sol suite aux travaux par les engins lourds, l'érosion
en amont et le dépôt des sédiments en aval ont pour
conséquence la réduction des surfaces agricoles; ce qui peut
porter atteinte à la production agricole. GCA (2000) rapporte que 50%
des agriculteurs seront sans terre ; ceci risque d'emmener ces derniers
à recourir au métayage ou à devenir des ouvriers agricoles
pour survivre. L'agriculture au Cameroun est caractérisée en plus
des grandes plantations industrielles par une majorité des plantations
villageoises de moyenne importance et des petites parcelles paysannes.
Toutefois malgré la petite taille des parcelles paysannes, celles-ci
sont capitales d'une part pour les paysans à qui elles fournissent les
denrées alimentaires et le revenu et d'autre part au marché local
dont elles sont les principaux fournisseurs. En plus elles emploient la plupart
d'actifs du secteur agricole. Toute action sur ces parcelles pourrait donc
avoir des répercussions sur les propriétaires et le marché
local.
GCA (2003) note la naissance des conflits au Cameroun
(Disputes de terre, vol...) suite aux indemnisations. Horta (2003)
déclare que l'argent reçu par les riverains n'a maintenu que de
manière temporaire leur niveau de vie égal à celui avant
l'exécution du projet pipeline et que la mauvaise gestion de cet argent
pourrait faire sombrer ces populations dans la pauvreté. La
Société Financière Internationale (SFI, 2007) constate
également qu'au Cameroun et au Tchad les compensations payées
pour les cultures détruites n'ont permis aux familles que de conserver
à court et à moyen terme leurs moyens de subsistance.
Dans certains pays où les projets similaires au projet
pipeline ont déjà été exécutés, les
populations riveraines en souffrent. Simery (2007) constate que l'exploitation
et la production du pétrole au bassin du Niger au Nigeria a
provoqué la pollution environnementale, l'insécurité
sociale et la dégradation des sols ; comme conséquences les
populations migrent vers les villes à la recherche de l'emploi (40%
d'ogonais, parce que sans emploi vivent à l'extérieur de leur
région natale) et la production agricole dans la région a
baissé de 55%. Au Nigeria l'agriculture qui occupait 70% de la
population en 1970 ne représente plus que 46,9% de l'emploi aujourd'hui
(Carton, 2000). Toutefois une bonne gestion des revenus pétroliers peut
être bénéfique pour la société. Anonyme
(2007) note qu'au Nigeria, le programme mis en place par EXXON-Mobil et
CHEVRON-Texaco a amélioré d'une part l'accès à
l'énergie dans les zones rurales et d'autre part les écoles
construites et les bourses d'études octroyées aux
élèves (3,75 millions de dollars USA en 2006) ont
amélioré le niveau d'éducation des riverains.
Petry et Naygotimti (2005) déclarent que dans les pays
africains exportateurs de pétrole, l'exploitation du pétrole a
été plus une malédiction qu'une bénédiction.
Ils ajoutent qu'au Nigeria par exemple, la corruption a connu une propagation
explosive parallèlement à l'exploitation pétrolière
et la production agricole a subi un recul dramatique. Yanez et al.
(1997) constatent également un taux élevé de corruption
dans les villes de l'Equateur où il y a l'exploitation
pétrolière. Gary et Karl (2000) notent qu'en dépit de la
richesse pétrolière, le revenu moyen des populations au Nigeria
s'élève à moins d'un dollar USA par jour. Dans ce
même pays, il y a une augmentation des conflits sociaux violents. La
population vit dans un climat de peur. De nombreux cas d'enlèvement et
de disparition d'étrangers et d'autochtones sont
régulièrement signalés.
Le pétrole représente 31,7% des recettes
d'exportation au Cameroun (Fischer, 2001) et 50% des exportations du Cameroun
(Yanez et al., 1997). Cependant, la population n'a pas
bénéficié des revenus de vente de pétrole
touchés par le gouvernement (Petry et Naygotimti, 2005). Ndzana (1987)
signale que ceux qui en profitent sont ceux qui ont des liens avec le
gouvernement. En 1997, Yanez et al. faisaient le même constat
quand ils disaient : « Le pétrole extrait
jusqu'ici n'a pas bénéficié au peuple camerounais, les
inégalités économiques et l'extrême pauvreté
ont au contraire augmenté depuis les années 70 ».
Carton en 2000, constate également que la rente du pétrole au
Nigeria n'a bénéficié qu'aux régimes militaires et
à quelques hauts cadres de l'administration. Or Winner (1999) note
que les recettes de pétrole bien utilisées ont un impact sur
les domaines de la santé, l'éducation, les routes,
l'électrification rurale et le développement agricole. Au
Nigeria, les décennies d'exploitation pétrolière dans le
delta du Niger ont permis à une classe privilégiée de
s'enrichir (Carton, 2000). Cette exploitation a conduit à un
désastre écologique et social pour le peuple Ogoni vivant dans le
delta du Niger (Catholic Relief, 2003).
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