Essai d'analyse prospective sur l'union africaine( Télécharger le fichier original )par Bienfait KUJIRAKWINJA KALINDA Université Officielle de Bukavu - Licence en Droit Public 2002 |
AFRICAINES ET LEUR DOMAINE D'INTERVENTIONSLe continent africain compte aujourd'hui plusieurs organisations régionales réparties sur ses 5 pôles régionaux dont le Nord, le Sud, l'Est, l'Ouest et le Centre. L'appartenance d'un Etat à ces organisations est basée sur les critères géopolitiques ou géostratégiques si bien qu'un seul Etat peut être membre de plus de trois organisations selon l'opportunité. Les critères géopolitiques font référence aux Etats qui se regroupent selon qu'ils appartiennent à une région et qu'ils ont en commun beaucoup des facteurs qui les rapprochent. Les critères géostratégiques font référence aux Etats qui se regroupent, sans qu'ils soient nécessairement proches géographiquement, pour des intérêts ou pour avoir des partenaires économiques et politiques beaucoup plus solides. (138(*)) Nous allons voir sous cette section, les organisations régionales africaines selon leur ordre d'importance et les quelques difficultés que pose leur intégration. Nous allons remarquer que la plupart de organismes régionaux africains visent l'intégration et la coopération économique, libre circulation des biens et des personnes, et harmonisation des tarifs douaniers. Malgré tous ces programmes favorisant l'intégration régionale, les difficultés y relatifs sont plus ostensibles. §1. Aperçu de quelques Organisations Régionales Africaines. A. The Southern African development community (SADC) (139(*)) Le traité établissant la SADC a été signé le 17 août 1992 à Windhoek en Namibie. Elle a quatorze membres dont l'Angola, la RDC , le Mozambique etc. Les objectifs de la Communauté sont :
B. La Communauté économiques des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) (140(*)) Fondée en 1975 par le traité de Lagos qui entra en vigueur en 1977 La CEDEAO est une organisation régionale qui a amélioré son processus d'intégration régionale. Elle est composée de seize membres : la Mauritanie, le Nigeria, le Niger, le Togo, etc. La vision qu'avaient eu les pères fondateurs de la CEDEAO était celle d'une auto suffisance collective à travers l'intégration de ses membres, la formation d'un ensemble économique doté d'un marché unique, organisé autour d'une union économique et monétaire. Cette préoccupation est née de la prise de conscience que les marchés intérieurs des Etats membres pris individuellement, en raison de leur étroitesse, étaient loin d'être compétitifs, dans un environnement mondial marqué par l'existence de grands blocs commerciaux. Depuis sa création, la CEDEAO a libéralisé le commerce et abaissé progressivement les restrictions pèsant sur la circulation des biens, des services et des personnes entre Etats membres. En 1990, l'organisation a établi des mécanismes de médiation pour les contentieux entre Etats membres jusqu'à la création de l'ECOMOG, force militaire de la CEDEAO, qui a été déployée pour la première fois au Libéria pour agir en médiateur dans la guerre civile. (141(*)) C. La Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC)(142(*)) La CEEAC a été créée le 08 octobre 1983 par les membres de l'Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale et les membres de la CEPGL. La CEEAC fonctionne dès 1985 mais est restée inactive pendant une grande partie des années 1990. Le CEEAC vise à atteindre une autonomie collective, à élever le niveau de vie des populations locales et à maintenir une stabilité économique grâce à une coopération harmonieuse. Son objectif ultime est d'établir un marché commun des Etats de l'Afrique Centrale, développer les capacités pour maintenir la paix, la sécurité et la stabilité ainsi qu'une intégration monétaire et humaine. La CEEAC a adopté le 09 septembre 1994 un pacte de non-agression. D. La Communauté économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) La convention portant création de la CEPGL a été signée le 20 septembre 1976 par le Burundi, le Rwanda et la RDC-ex Zaïre. La communauté a pour objectifs :
Au cours de cette dernière décennie, cet accord a subi des revirements sérieux quand le Rwanda et le Burundi ont attaqué la RDC. Ces événements sont venus dévoiler les sérieuses difficultés de la coopération dont souffraient déjà les Etats membres, ce qui a placé le traité dans un `' état de somnolence `' (143(*)) Ces réalités ont mis à mal la coopération qui commençait à se nouer (comme la Société Internationale d'Electricité des pays de grands Lacs, SINELAC) par manque de confiance nourrie par ces conflits. Mais une volonté ou du moins une chance s'affiche à l'horizon de renouer encore la coopération entre les Etats de la région, travaux qui vont se dérouler dans la conférence sur la coopération, le développement, la sécurité et la paix dans les pays des grands lacs à Nairobi en Novembre 2004. Nous espérons que les suites de cette conférence vont donner naissance à une coopération plus harmonieuse entre les Etats. §2. Les difficultés d'intégration régionale en Afrique Il est vrai que la CEDEAO a atteint un certain niveau d'intégration par l'instauration d'un effort de sécurité régionale commune. (144(*)) Mais il lui reste encore beaucoup d'objectifs à atteindre. Toutes les organisations que nous venons de présenter mettent en exergue la nécessité du développement économique, l'harmonisation des tarifs douaniers par la libre circulation des personnes et de leurs biens, l'établissement de la sécurité régionale, ainsi que l'instauration d'une monnaie unique. Ces objectifs, qui sont à prépondérance économiques se transforment rapidement en influence politique, si bien que les Etats n'hésitent pas à se faire concurrence au dépends de la coopération.
A. La concurrence entre les organismes régionaux La concurrence dont il s'agit ici peut être politique (instabilité politique, conflit) ou économique. La première illustration a été la montée de l'Union Monétaire de l'Ouest Africain qui a poursuivi les mêmes objectifs que ceux de la CEDEAO. Les pays de la région ont intensifié leur insertion internationale et sont devenus, en dépit des accords de coopération, des véritables concurrents sur les marchés internationaux, ce qui a entraîné une chute des cours des produits exportés et une baisse des termes de l'échange de la plupart des pays de la région. (145(*)) Actuellement, la multiplication de nombreuses organisations régionales en Afrique qui concourent aux mêmes objectifs n'est pas de nature à favoriser leur intégration. C'est à ce titre que Jean CHARPENTIER souligne que leur multiplicité, le fait que les mêmes Etats participent souvent à plusieurs organisations - souvent par opportunité géostratégique - ne milite guère en faveur de leur efficacité. (146(*)) Une autre concurrence est politique. Alors que ces organisations sont plus à caractère économique, on observe l'élargissement de leurs compétences vers la politique. Elles adoptent parfois des solutions contraires à celles de l'organisation continentale surtout en matière de reconnaissance. Ainsi, en est-il de l'OUA qui soutint l'unité du Nigeria alors que l'Organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM) voulait apporter son concours à l'Etat du Biafra (147(*)); de la communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) qui a reconnu le Gouvernement du Général Bozizé contre toute attente de l'U. A. B. Le manque de volonté politique des dirigeantsCe deuxième facteur vient rendre compte de l'inefficacité de l'intégration régionale africaine. En Afrique, ce n'est pas vraiment de la construction mais plutôt d'une déconstruction qu'il convient de parler au regard des politiques étatiques de coopération régionale pratiquée depuis trente ans. (148(*)) Le caractère arbitraire des frontières héritées de la colonisation ayant reparti entre plusieurs Etats des populations ethniquement identiques, ouvre les voies à des divisions ; N'KRUMAH a énoncé que seule l'unification de l'Afrique ferait disparaître toute possibilité de division. (149(*)) La Charte de l'OUA tout comme l'Acte Constitutif de l'Union Africaine proclament le maintien de ces frontières, ce qui ne signifie pas leur immuabilité (150(*)), les Etats, par souci d'efficacité de l'intégration régionale devraient favoriser le rapprochement des peuples qui se réclament de la même identité. Ceci favoriserait les mécanismes d'intégration par la libre circulation des personnes et de leurs biens. Ainsi, l'échelle géographique de ces unités politiques achève d'établir le caractère artificiel des frontières coloniales qu'il est devenu impérieux d'effacer non plus par la force, mais par la coopération structurelle. (151(*)) Ces démarches sont souvent amorcées mais mises à mal par le manque de volonté politique, et l'insuffisance manifeste dans la conduite des politiques économiques. Dans les autres cas, on observe des mécanismes défectueux par régression et manque des stratégies. (152(*)) Frappant est l'exemple de la CEPGL, où l'intégration devait être la plus efficace pour des peuples ayant beaucoup d'éléments en commun. L'unité économique et politique de l'Afrique exige une entente à l'établissement d'un programme commun : la tolérance permet aux Etats de se grouper au tour de ce programme ; la mise en commun des moyens qui permettent de lui donner une assise économique, et une politique concertée qui permet de la proposer à l'aide internationale ou bilatérale. (153(*)) Ces démarches d'intégrations énoncées par Boubou HAMA ont été par ailleurs critiqués par le Professeur Julien NIMUBONA pour qui, il est utopique de réaliser l'unité ou l'intégration de l'Afrique par la voie socialiste, celle de mise en commun des moyens : `' le fait pour les africains d'être solidaires en partageant un bien en commun comme la bière ne devrait pas nous obstruer que chacun reste attaché à sa propriété privée''. (154(*)) C'est à juste titre que nous estimons que le renforcement de la compréhension et de l'unité doit commencer au niveau des populations dans les Etats pour les faire évoluer dans le cadre régional. Cela favorise la mise en place du marché commun (par des politiques commerciales concertées et d'intensification des échanges commerciaux), l'intégration monétaire qui doit accorder une place de choix à la convergence nominale qu'à celle réelle, le favori de libre circulation des personnes, des biens et des capitaux et enfin l'intégration des politiques économiques entre les différentes organisations régionales. (155(*)) Autrement, nous seront enclins à brandir ce qui nous désunit que ce qui nous unit par une concurrence qui profite aux populations du Nord. Mais une chance existe encore, celle de toucher la sensibilité des africains sur le bien fondé de l'unité. Il convient de se servir des éléments déjà disponibles pour favoriser l'émergence de la nation africaine. SECTION II. POUR UN REAJUSTEMENT DE L'UNITE AFRICAINE N'est-il pas illusoire de prétendre unir des personnes qui n'en sentent pas la nécessité ? Or justement, d'aucuns ne cessent de prouver que l'Afrique peut tout dans l'union, rien dans la balkanisation qui la livre à l'extérieur. (156(*)) L'Union tant voulue par les africains a été bloquée, par l'OUA et la naissance actuelle de l'Union Africaine semble n'avoir pas tirer leçon de cet état de chose. D'où l'agencement des mécanismes de renforcement de l'union des Etats Africains et les conséquences de vivre l'unité africaine telle qu'elle se présente aujourd'hui. §1. L'Union Africaine devait partir des organisations régionales existantes Selon Frédéric Chiluba, président zambien, l'expérience que nous avons tiré de la SADC, de la COMESA, de la CEDEAO et de l'Union du Maghreb Arabe pourraient bien être harmonisée pour constituer une fondation sur laquelle l'union africaine et ses nombreux organes pourraient prendre appui en vue de son fonctionnement. (157(*)) N'KRUMAH ajoute que la survie d'une Afrique libre, l'indépendance totale de ce continent, et le développement vers cet avenir radieux dans lequel nous avons placé nos espoirs et déployés nos efforts dépendent de l'unité politique. (158(*)) Ainsi, l'Union Africaine devrait passer ou partir du renforcement des organisations régionales existantes, mais on se rend compte qu'elle n'y a pas pris base. L'Acte Constitutif de l'Union Africaine se limite à prôner une coopération entre les organisations régionales africaines et la commission de l'U.A en vue d'élaborer un protocole sur les relations entre les Communautés Economiques Régionales et l'Union Africaine. Ce développement parallèle et le fait pour l'U.A de n'avoir pas pris corps sur les Communautés sus-évoquées, nous pousse à imaginer qu'une véritable unité africaine devait passer : le regroupement de ces communautés dans des grands ensembles suivi d'une spécialisation. A. Par leur regroupement dans de grands ensembles On est amené à soutenir que la coexistence anarchique d'organisations interétatiques de coopération régionale souvent concurrentes - plus de 200 acronymes sont répertoriés pour l'ensemble du continent. La prolifération d'institutions rivales et l'appartenance concomitante des certains Etats à plusieurs d'entre elles suscitent inévitablement des conflits de compétence et d'intérêt. (159(*)) C'est pourquoi ces organisations devraient se ramener à un regroupement en 5 grands pôles africains notamment le Nord, le Sud, l'Est, l'Ouest et le Centre de façon à combiner les deux critères d'appartenance à ces regroupements pour dégager un critère d'appartenance à une région où on se sent plus identitaire, pour les Etats qui se trouvent sur les frontières des régions. Et c'est seulement dans ce cadre régional que les responsables étatiques feraient émerger la nation régionale - ce qui requiert un minimum de volonté politique - et encourager le processus d'intégration régionale entre ce peuple qui croira au bonheur de l'autre comme une condition sine qua non à sa propre existence. Lorsque le processus d'intégration aura réussi dans chaque région, le développement des échanges intra-régionaux se fera sentir, une coordination conséquente en découlerait et l'union viendra de soi non pas comme une volonté de vouloir faire comme tout le monde (160(*)), mais comme une nécessité impérieuse pour la survie de l'Afrique longtemps restée à l'écart de la donne internationale. B. En vue de leur spécialisation Une fois que ces organisations interétatiques de coopération régionale seront réduites à ces cinq grands groupes, que chaque organisation aura des compétences qui n'emboîtent pas sur celles de l'autre, alors ceci fera naître à l'intérieur d'un groupe, un besoin de coordination afin d'éviter que les Etats se fassent concurrence. C'est sur cette toile de fond que certaines mesures doivent être prises afin que l'on n'ait pas une situation dans laquelle une économie forte concurrencerait une économie faible. (161(*)) Faute d'avoir su ou voulu opérer à temps le choix nécessaire, les dirigeants africains se mettent également à avoir peur de leurs grandes métropoles. (162(*)) Le surdéterminant sera alors d'ordre politique, la volonté d'assumer les coûts de l'intégration exigeant l'acceptation de transfert de souveraineté au profit d'institutions supranationales, car les égoïsmes nationaux n'ont cessé d'être au premier plan en Afrique. Faute de passer par ces regroupements régionaux qui seront spécialisés, nous aurons une croissance arithmétique des Organisations Internationales en Afrique. Les unes se réclameront l'allégeance du Nord ou du Sud jusqu'à basculer les actions de l'Union Africaine par une concurrence qui ne tardera pas de se faire sentir. Ce qui ouvre le voie à bien des conséquences. §2. Les conséquences de ne pas prendre en compte les organisations régionales comme point de départ de l'Union * 138 Victor TOPANOU, Op. cit., inédit. * 139 Http :// www.sadc.int/index.php consulté le 21.10.2003 * 140 Http : // www.sec.ecowas.int consulté le 20.10.2003. * 141 `' Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest `', Encyclopédie Microsoft, Encarta, 1998. * 142 Http : // www. ceeac-eccas.org/about/index.htm consulté le 08.10.2003 * 143 Benjamin MULAMBA Mbuyi, Op.cit, inédit. * 144 Francis KPATINDE, `' Gardien de paix `', in JA /I, n° 2216 du 29/06 au 05/07/2003, pp. 66-68. * 145 Hakim Ben HAMMOUDA, Op.cit, p.292. * 146 Jean CHARPENTIER, Institutions Internationales, 14è éd., Paris, Dalloz, 1999, p.78. * 147 Edmond JOUVE, Op.cit, p. 239. * 148 Daniel C. BASH et Olivier VALLEE `' l'intégration régionale : espaces politiques et marchés parallèles `', in Politique africaine, n° 39, Paris, Karthala, septembre 1990, p. 68. * 149 Yves BENOT, Op. cit. p. 90 * 150 Victor TOPANOU, Op. cit, inédit. * 151 Francis WODIE, Op.cit, p. 8. * 152 Http : // www. sec. ecowas. int consulté le 20.10.2003. * 153 Boubou HAMA, Op. cit, p. 48. * 154 Julien NIMUBONA, Cours des Institutions Politiques de l'Afrique Contemporaine, L2 Droit, UNIKIS-CUB, 2002-2003, inédit. * 155 Http : // www. uneca. org / adfiii / docs / afriqueouest consulté le 08.10.2003. * 156 Boubou HAMA, Op. cit, p. 49. * 157 Http : // www. panapress. com / lusaka / uafricaine.fre.asp consulté le 27.09.2003 * 158 Kwame N'KRUMAH, Africa must unite, London, Heinemam, 1963, p.221. * 159 Daniel C. BASH et Olivier VALEE, Op.cit, p. 69. * 160 Paul Robert NGIMBI, op. Cit. p. 89. avance comme motif qui menace les africains à fonder l'OUA c'est la volonté de vouloir faire comme tout le monde car les africains se sont bien rendus compte que la vie internationale est faite presque par des communautés que cela soit sur l'échelon du continent que cela soit au point de vue idéologique, que cela soit sur l'échelon régional. * 161 Daniel C. BASH et Olivier Valée, Op.cit, p. 75. * 162 Francis GENDREAU et Emile Le Gris ; `' les grands peurs de l'an 2000 `', in Politique africaine, n° 39, Paris, Karthala, 1990, pp. 98-99. |
|