Essai d'analyse prospective sur l'union africaine( Télécharger le fichier original )par Bienfait KUJIRAKWINJA KALINDA Université Officielle de Bukavu - Licence en Droit Public 2002 |
A. L'inefficacité de l'UnionLa naissance de l'Union Africaine repose sur des données révolutionnaires à impulsions internationales. Elle ignore les données sociologiques et même celles du droit comparé comme celles de l'Union Européenne. Le développement parallèle de cette organisation avec les organisations régionales africaines risque d'entraver l'efficacité de l'Union Africaine. Toute chose étant égale par ailleurs, on a pu constater que la grande menace qui planait sur l'Organisation de l'Unité Africaine venait des pays francophones de l'Afrique noire qui avaient signé en février 1965 à Nouakchott, la charte de l'organisation commune africaine et malgache (OCAM) qui a été un organisme concurrent à l'Organisation de l'Unité Africaine. (163(*)) Actuellement, avec le nombre élevé de ces organisations régionales, ce facteur accroîtra la concurrence et la course aux fonds étrangers ; ce qui ne fera qu'orienter les actions africaines vers l'extérieur en donnant place à d'autres programmes d'ajustement structurel (P.A.S.) selon le bon vouloir des bailleurs de fonds. Rien n'exclura que des conflits renaissent entre Etats à organisations d'intérêts incompatibles au profit de la mondialisation dont l'Union Africaine singularise comme un défi à lever. B. Une Union vidée de substance et le désintéressement à l'Union
Selon un adage grec, « il est illusoire de penser organiser un Etat quand on ne le peut pas dans sa propre famille ». Comment peut-on penser à une union des Etats africains quand nous ne sommes pas à mesure de nous entendre dans un cadre régional? C'est à ce juste titre que Boubou Hama, contrairement à N'KRUMAH qui réclamait à corps et à cris l'unité africaine par la mise en place immédiat d'un gouvernement continental (164(*)), souligne que l'unité africaine ne peut pas d'emblée passer par un gouvernement africain immédiat, mais par le mouvement politique et la planification économique, en liant nos intérêts qui y conduiront, à long terme, par la fédération de nos ensembles économiques, voire politique..., ainsi on partirait d'une unité primaire susceptible de concourir ultérieurement à l'unité générale. (165(*)) C'est ce que nous avons préconisé tout au long de ce chapitre. Evidemment, l'Union Africaine, le fait de n'avoir pas verrouillé toutes ces données et rencontrer les sentiments les plus profonds des africains, risque d'être considérée par ces derniers comme une « affaire des autres ». Nous avons la conviction, que tout essai d'organisation panafricaine qui ne part pas de base culturelle travaille au risque de son échec. Nous pensons, ..., que des organisations nationales, sous continentales auraient dû précéder la création de l'UNION. D'autre part, des mouvements intellectuels mobilisateurs des efforts de l'intelligentsia africaine auraient dû précéder le lancement de cette organisation continentale... (166(*)) Sur ce, nous ne plaidons par ici pour la suppression des Organisations Régionales Africaines au profit de l'Union Africaine ou vice versa mais plutôt pour un repli stratégique de l'Union Africaine qui devrait aller se « légitimer » à la base en passant par les grands ensembles régionaux, ce qui est de nature à lui assurer une stabilité politico-administrative. (167(*)) CONCLUSION GENERALE Nous avons tout au long de ce travail, développé notre sujet en quatre chapitres. Les matières y développées semblent être d'une même famille car présentées comme conditions indispensables au développement de l'Afrique. Il s'agit de la paix, de la sécurité, de la démocratie et de la bonne gouvernance ; une meilleure gouvernance de l'économie et des entreprises, la coopération et l'intégration régionale. (168(*)) Le mouvement de l'unité africaine avait commencé sous un air de panafricanisme par des noirs américains, sentant le poids de l'esclavage et de la discrimination dont ils faisaient l'objet. (169(*)) Il aboutira à la création de l'OUA en 1963 par des présidents africains qui réalisèrent que plus ils étaient divisés, plus aussi ils étaient exploités par les grandes puissances. (170(*)) L'OUA a réussi à décoloniser l'Afrique et a livré une guerre sans merci contre l'apartheid. Mais dans l'ensemble, son bilan a été négatif, n'ayant pas réussi à conduire entre autre l'unité dont elle se faisait pourtant le cheval de bataille par repliement sur les intérêts étatiques. L'Union Africaine qui officiellement a succédé à l'OUA en juillet 2003 se veut plus efficace et adaptée aux réalités du moment par l'inclusion dans sa charte des termes comme démocratie et bonne gouvernance, condamnation des changements anti-constitutionnels, le droit de genre et la promotion des droits de l'homme. Mais en dehors de tous ces changements, il faut prendre en compte les menaces politiques ou juridiques qui risquent d'entraver la réalisation de l'unité africaine dans l'Union Africaine notamment le principe de non-ingérence, qui a caractérisé l'OUA, a été repris dans l'Acte Constitutif de l'Union Africaine ce qui peut poser des problèmes quand on sait combien ce principe a régulièrement bloqué les interventions de l'OUA lors des différends entre Etats. (171(*)) A cela le droit d'ingérence humanitaire a été institué par l'Acte Constitutif de l'Union Africaine comme correctif au droit de non ingérence dans les affaires internes des Etats. Le colonel Mouammar KADHAFI souligne que l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, du fait qu'il ne prend pas suffisamment en compte le processus de renonciation par les Etats à leur souveraineté au profit de l'Union, risque de limiter ses actions.(172(*)) Affirmant la Commission de l'Union Africaine comme l'organe dépositaire et d'exécution de toutes les décisions des organes de l'U.A(173(*)), tout en reconnaissant un pouvoir similaire à d'autres organes, n'est pas loin de créer une confusion dans l'exécution des décisions des organes de l'U.A. Sur l'une et l'autre de ces critiques, pensons-le, l'Union Africaine a encore un défi à lever. Tout autrement, les conflits qui n'ont cessé de déchirer le continent africain, par suite des limites étatiques, tracées selon la vitesse des marches des infanteries de marine ou des traits des crayons de négociateurs distingués(174(*)), ont été le plus souvent d'ordre frontalier. C'est pourquoi l'OUA proclama l'intangibilité de ces frontières. D'autres conflits d'ordre interne, des rebellions et tendances belliqueuses pour accéder au pouvoir allant jusqu'à des guerres civiles s'observèrent, très souvent avec des soutiens étrangers. Désarmée par son principe de non-ingérence, l'OUA institua le mécanisme de prévention, gestion et résolution des conflits sans jamais parvenir à enrayer l'un ou l'autre de ces conflits qui sont venus séparer plus les africains que les unir, les solutions intempestives n'ont été offertes que par des médiations et les bons offices des personnalités africaines. Ces types des conflits continuent de s'observer en Afrique au moment où l'Union Africaine succède à l'O.U.A. Ayant adopté le même mécanisme de gestion de conflits nanti du conseil de paix et de sécurité (qui ne dispose pas d'un droit d'initiative propre si ce n'est sur demande de la conférence de l'Union), avec un système d'alerte pour les conflits potentiels, l'Union Africaine s'engage sur la voie sécuritaire en Afrique, mais beaucoup des mesures d'application concrètes restent encore à faire. Nous avons suggéré l'application à l'Afrique de la diplomatie du terrain qui encourage un contact réel avec les organismes qui travaillent avec les couches sociales pour prévenir les conflits et une gestion post-conflit qui tient compte des véritables réconciliations. Ainsi, la dimension extravertie des conflits africains n'aura plus sa place entre peuples qui s'entendent pratiquement bien. Le domaine économique a été aussi longtemps brandi comme marque du sous-développement africain et de sa marginalisation. Les plans de développement de Lagos et la Communauté Economique Africaine n'ont jamais réussi à rehausser le niveau de l'économie africaine par manque de cohésion régionale et la méfiance internationale accrochée au plan d'ajustement structurel imposé à l'Afrique, qui se sent obligé de s'ajuster non par nécessité, mais par opportunité. La relance du Nepad a pour objectif de promouvoir trois éléments clés, notamment, l'Afrique développée, gérée et possédée, l'apport du concept d'un partenariat nouveau (avec des engagements, des obligations, des intérêts et des contributions et bénéfices mutuels), et la gestion par l'Afrique de ses propres intérêts sans impositions conditionnelles. (175(*)) Cette initiative privée ne manquera pas de susciter une querelle de leadership, non seulement qu'elle n'a pas une valeur juridique solide comme celle des plans antérieurs, mais aussi lorsque ses leaders voudront s'approprier les honneurs et avantages reçus dans le cadre des réalisations atteintes. Ceci se remarque déjà au moment où l'Union Africaine veut surmonter les défis de la mondialisation, le Nepad qui bénéficie du soutien de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE) marque la volonté d'intégrer le commerce africain au système commercial international (176(*)), avec le rôle de supporter et de faciliter la mise en oeuvre des projets par les gouvernements africains. Selon le Président du Comité directeur du Nepad, Prof NKUHLU, il est vrai que le Nepad doit se démarquer dans un premier temps, d'anciennes institutions comme l'U.A. (177(*)) C'est à ce juste titre que nous pensons que ce qu'on peut faire aux acteurs africains sans eux, risque d'être fait contre- eux. La mondialisation qui vient à point nommé est une montée du capitalisme qui veut se débarrasser des contrôles étatiques pour établir des liens commerciaux directs avec les agents économiques des '' pays du sud ''. Prétendant instaurer une union Nord-Sud, on se demande quel apport le sud libérera alors que la majorité de sa population vit en dessous de la moyenne ! Certes, la mondialisation est d'emblée difficile à récuser par l'Afrique mais peut jouer un contre poids soit en récupérant ses avantages pour son compte ou favoriser les ententes entre africains. Pour redresser l'économie africaine, nous pensons que cela doit commencer par des plans d'action de développements amorcés dans un cadre régional, champ d'expérimentation d'une Zone de Libre Echange. C'est seulement dans ce cadre où des Etats pourraient céder quelques unes de leurs prérogatives nationales, harmoniser leurs tarifs douaniers pour un contrôle efficient, un pas dans la levée des défis de la mondialisation. C'est dans ce cadre que quelques initiatives sont amorcées par la Communauté Economiques des Etats de l'Afrique Centrale qui projette créer dans trois ans une zone de libre échange (ZLE), d'ici fin 2007. (178(*)) Le cadre régional africain a constitué notre dernier chapitre. Bien que le principe d'égalité dans les Organisations Internationales, tel qu'avancé par Rousseau comme l'égalité dans la procédure d'admission, dans la représentation des Etats membres et dans la détermination de la contribution financière des Etats membres (179(*)) soit garanti par les principes de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, nous ne devons pas perdre de vue que notre but ultime reste une véritable unité. La référence au modèle de l'Union Européenne par l'Union Africaine ne doit pas nous faire ignorer qu'il existe une réalité africaine différente de celle européenne. (180(*)) Malgré cette référence , l'Union Africaine a semblé ignorer si pas oublié le fait que c'est après avoir maîtrisé leurs superpuissances politiques, économiques, militaires et monétaires que, respectivement, les Américains et les Européens ont crée les « Etats-Unis d'Amérique » et l'Union Européenne (181(*)) ; processus qui a commencé dans le cadre régional des pays évoluant en commun, en ce que de la libre circulation des marchandises résulta l'abolition des droits de douane et des restrictions quantitatives... et même les produits en provenance d'Etat tiers qui ont acquitté le droit de douane et accomplit les formalités nécessaires à l'entrée dans un Etat membre ne sont plus taxées pour la seconde fois. (182(*)) Tout ce que nous avons déjà avancé comme cession de souveraineté, gestion de conflit, une saine économie ne devraient qu'être expérimentés dans un cadre régional. Lorsque l'intégration, perçue comme un élément essentiel pour le renforcement de la compétitivité des économies africaines, et une composante importante dans la poursuite d'une stratégie de développement durable (183(*)), aura réussi, l'union qui en découlerait serait non seulement économique mais aussi politique. En ignorant ce processus, l'Union Africaine a pris une revanche sur l'histoire. C'est seulement dans un cadre régional que la monnaie unique relève du domaine du possible en Afrique, ce qui fera naître un besoin de coordination pour donner lieu à une monnaie unique africaine. C'est dans ce contexte que nous soulignons que l'Union Africaine devrait partir des cadres régionaux, en renforçant la cohésion là où elle n'existe pas encore, en vue de promouvoir une nation africaine en voie de constitution et consolider une véritable union des Etats africains. Comme l'Union Africaine est née politiquement, cette étape déjà franchie par les africains mérite encore plus de volonté politique. L'actuel secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, K. Annan n'en dit pas moins que nous quand il indique que pour construire avec quelques chances de succès une Union dans des telles conditions, il faudra beaucoup de vigueur et une volonté politique de fer. (184(*)) L'avenir politique, culturel et économique de l'Afrique ne serait donc pas à remettre en doute, tout dépend du sérieux que les dirigeants africains y accorderont, notamment en prévoyant des mécanismes débouchant sur le pouvoir supranational, la mise en place d'une plate-forme où les intérêts de chaque Etat seraient représentés en commençant le processus dans le cadre régional comme champ d'expérimentation. Divisés, nous sommes faibles, mais unis, les pays d'Afrique peuvent devenir l'une des forces les plus puissantes agissant pour le bien du monde entier. (185(*)) Ce point est si évident, vital et impérieux qu'il se passe de commentaire. Enfin, ayant analysé un sujet et ses paramètres aussi d'actualité, nous ne pouvons nullement prétendre l'avoir mieux abordé et exploré de manière exhaustive que quiconque, mais seulement reconnaissons humblement que ce que nous avons proposé comme piste de solution et de suivi pour une Union Africaine concertée, entre dans le concert des théories de relations internationales africaines. Simplement notre foi et notre espérance est d'avoir tant bien que mal jeté le jalon nécessaire à une étude aisée en sorte que nous encourageons d'autres chercheurs présents et à venir à pouvoir l'approfondir mieux que nous l'avons fait. BIBLIOGRAPHIE I. OUVRAGES 1. AMIN Samir, L'Afrique de l'Ouest bloquée, Paris, éd. de Minuit, 1970 2. BEAUD Michel et Alii, Mondialisation, les mots et les choses, Paris, éd Karthala, 1999 3. BENOT Yves, Indépendances Africaines : Idéologies et réalités, Paris, Maspero, 1975 4. 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MOTTIN, L'Afrique étranglée, Paris, éd. du seuil, 1982, p.14. * 175 Nepad progress report, July 2002, p.23. * 176 Hassan ZIADY, '' Mondialisation : l'Afrique hors jeu '', in JA/I, n° 2209 du 11 au 7/5/2003, p.115. * 177 Professeur Wiseman NKUHLU, '' Le Nepad doit rester la priorité du G8 '', in JA/I, n° 2209 du 11 au 7 mai 2003, p. 117. * 178 Information captée à la Radio France Internationale ce lundi 28 janvier 2004 à 4 h30 temps universel. * 179 Charles ROUSSEAU, Droit international Public, Tome IV, les relations internationales, Paris, éd Sirey, 1980, pp. 29-30. * 180 Bienfait KUJIRAKWINJA Kalinda, Union Africaine : étude comparée des textes régissant la vie internationale des Etats, TFC, G3 Droit, UNIKIS-CUB, 2000-2001, p. 2. * 181 Modeste KIMENGELE KIMODE, Op cit, p. 4 * 182 Louis CARTOU, Communautés Européennes, 6è éd., Paris, Dalloz, 1979, p. 227. * 183 Http : // princeton.edu / edu / ec.frindex.htm consulté le 11.01.2002 * 184 Http : // french. peopledaily. com. cn/200207/09/fra 20020709 55728. html consulté le 18/10/2003 * 185 Kwame N'KRUMAH, I speak of freedom, statement of African Ideology, London, 1991, p. XIII. |
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