La consécration d'une véritable notion juridique de régulation au sein de l'UEMOA et de l'UE( Télécharger le fichier original )par Djibril WELLE Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master Droit de l'Intégration et de l'OMC 2007 |
Paragraphe Deuxième : La régulation par absence d'intervention.Cette réflexion sera axée en premier lieu, sur les travaux de Ronald COASE. Selon sa théorie, dite « Théorème de Coase », deux conditions sont nécessaires pour établir un système marqué par une absence d'intervention de l'autorité publique dans la régulation : c'est que les droits de propriété, doivent être parfaitement définis et les coûts de transactions être nuls. Alors sous ces deux conditions, extrêmement fortes, se développe un régime de régulation spontanée, totalement décentralisé. Ainsi, dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, une matérialisation des projets de régulation dite spontanée, est de plus en plus visible. C'est le cas notamment des projets de Digital rights management (D.R.M). C'est un dispositif purement technique, qui viendrait, à la source, contrôler les usagers et faire respecter les droits d'auteurs34(*). De ce fait, les logiciels ou les technologies utilisées pourraient commander les usagers et interdire les comportements délictueux. En outre, on notera une autre forme d'autorégulation, qui se manifestait déjà au Moyen-âge, correspondant aux anciennes Guildes35(*) et corporations marchandes. En effet, dans ces communautés du Moyen Age, la pression des pairs, la volonté de conserver une certaine image, etc., conduisent chaque agent à adopter un comportement qui revient à ce que des normes implicites ou explicites, deviennent auto-applicables. Dans ce registre, l'exemple de la réussite de la micro-finance en Afrique peut aussi s'expliquer par ce genre d'autorégulation, alors que l'échec du système bancaire classique aurait pu laisser croire ces sociétés réfractaires à tout crédit bancaire36(*). Il est à noter néanmoins, qu'à partir d'un certain niveau de développement, l'incitation à la coopération a tendance à s'effacer devant l'incitation aux gains. Par ailleurs, cette autorégulation peut être propre au marché. C'est le cas notamment dans un système décentralisé, non hiérarchique et conférant à ses normes un caractère auto-exécutables. Elle se définit, en fait comme l'élaboration et le respect, par les acteurs eux-mêmes, de règles qu'ils ont formulées, sous la forme de codes de bonne conduite ou de bonne pratique et dont ils assurent eux-mêmes l'application. On citera en ce sens, le Take Over Panel du gouvernement de Tony Blair, qui engagea dès 1997, un vaste programme de « réforme de la réglementation » pour inciter au remplacement des modes classiques de régulation par l'autorégulation ou Voluntary Regulation (Voir les rapports « Principes of Good Régulation » -1998- et Alternatives to State Regulation -2000- cités par B. du Marais). Au niveau international, on soulignera que l'O.C.D.E s'est lancée à la fin des années 1990 dans un vaste programme, d'inspiration libérale, d'évaluation de la formation et de la mise en oeuvre de la législation37(*). Et selon les adeptes de l'autorégulation, celle-ci offrirait une plus grande efficacité que la régulation hiérarchique. Mais, en tout état de cause, la mise en oeuvre de la régulation dans l'espace communautaire nous permettra d'appréhender avec plus de clarté, son apport économique. Chapitre Deuxième : La mise en oeuvre de la Régulation dans l'espace communautaire. En prônant l'égalité de traitement des entreprises publiques et privées, le droit issu du Traité de Rome de 1957 instituant la Communauté économique européenne (devenue Communauté européenne), de même que le Traité de l'U.E.M.O.A de 1994, ont cherché à appréhender l'activité économique au nom des principes de libre échange et de libre concurrence au sein du marché unique38(*). De fait, l'encadrement de la concurrence des entreprises par la régulation (Section Première), ainsi que la prohibition des interventions étatiques (Section Deuxième) ne pouvaient rester longtemps à l'écart de la logique unificatrice communautaire. Section Première : L'encadrement de la concurrence des entreprises par la régulation. L'encadrement de la concurrence des entreprises par la régulation, passe par une adaptation à la complexité des règles communautaires. Cette adaptation se fait sur le mode de flexibilité. En effet, réguler la concurrence dans l'espace communautaire, induit des règles plus souples, plus négociées et plus évolutives. Dans cette optique, l'interdiction de principe des ententes (Paragraphe premier) et l'exclusion des abus de position dominante (Paragraphe Deuxième), semblent être une réponse. Paragraphe Premier : L'interdiction de principe des ententes. Cette interdiction se matérialise, comme dans la plupart des matières juridiques, à travers une technique d'adoption d'une règle générale. Mais, cette technique est souvent assortie d'exceptions destinées à éviter que l'application stricte de cette règle n'engendre des effets contraires aux buts visés. Le législateur communautaire dans sa logique de régir les échanges intracommunautaires, édicte un principe d'interdiction des ententes entre entreprises. L'entente est classiquement définie comme un concours de volonté entre entreprises autonomes, tel un accord, une décision d'association, ou une pratique concertée, qui a pour objet ou pour effet de fausser ou d'entraver le jeu de la concurrence. Quant à l'entreprise, pierre angulaire du concept d'entente susvisé, elle se pose comme une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels, exerçant une activité économique, à titre onéreux, de manière durable, indépendamment de son statut juridique, public ou privé, et de son mode de financement, et jouissant d'une autonomie de décision39(*). Dans cette perspective, le Traité U.E.M.O.A en son article 88, alinéa a, dispose que les accords, les associations et les pratiques concertées entre entreprises sont interdites de plein droit, lorsque celles-ci ont eu pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'Union. Mais, ce sont surtout l'article 3 du Règlement no 02/2002/CM/UEMOA et l'annexe 1 du Règlement no 03/2002/CM/UEMOA du 23 Mai 2002 qui dégagent plus de clarté par rapport à la notion exacte des ententes exclues dans le Traité UEMOA. Ces dispositions sont aussi, en réalité la matérialisation du principe d'interdiction des ententes, à l'image notamment du droit européen de la concurrence en son article 81. Par ailleurs, même si ces ententes son prohibées pour des raisons évidentes, d'autres par contre sont autorisées par des textes communautaires. A l'instar notamment de l'article 89, paragraphe 3, du Traité de l'U.E.M.O.A qui aménage une option au profit du Conseil des Ministres une possibilité de limiter ces interdictions en tenant compte de situations particulières. Cependant, c'est le Règlement no 02/2002/CM/UEMOA qui définie de manière spécifique ces exceptions au principe d'interdiction des ententes. Ainsi, la Commission peut autoriser au cas par cas et de façon individuelle ou par catégories les ententes qui peuvent contribuer à l'amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à promouvoir le progrès économique ou technique. Par contre, une partie du profit tiré de ces exceptions est réservé aux utilisateurs, indique l'article 7 du Règlement no 02/2002/CM/UEMOA. Cette redistribution doit être équitable et permettre aux entreprises intéressées, de se soustraire aux restrictions qui ne sont pas indispensables à l'instauration d'une concurrence juste et équitable. En plus de la prohibition des ententes donc, la Commission exerce un contrôle poussée sur les abus de position dominante lorsque celles-ci sont établies. Paragraphe Deuxième : L'exclusion des abus de position dominante. Comme dans le domaine des ententes, le Traité U.E.M.O.A se limite à poser de façon succincte le principe d'interdiction des abus de position dominante40(*). Dans cette perspective, la position dominante est définie comme la situation où une entreprise a la capacité, sur le marché en cause, de se soustraire d'une concurrence effective, de s'affranchir des contraintes du marché, en y jouant un rôle directeur41(*). Déterminer avec exactitude l'existence d'une position dominante n'est pas chose aisée. Mais, il existe des critères pour déterminer de manière visible l'existence d'une telle position. Le plus déterminant de tous, est celui de la part du marché détenu par une entreprise sur le marché en cause. Cette part de marché se calcule en tenant compte des ventes réalisées par l'entreprise concernée et celles réalisées par ses concurrents42(*). D'autre part, lorsque la part du marché ne suffit pas à elle seule pour établir cette existence, les instances communautaires doivent recourir à des critères supplémentaires pour en juger. Il en est ainsi du degré d'intégration vertical de l'entreprise, de sa puissance financière, ou au groupe auquel elle appartient ou à l'existence de barrières à l'entrée. A titre comparatif et convergent, pour paraphraser le Dr. COULIBALY Abou Saib, au sein de l'Union européenne, l'établissement de cette position dominante se fait en référence aux critères sus dégagés. En ce sens, l'Affaire Tetra Pack II c/ Commission du 06 Octobre 1994 est fort éloquente. Cependant, la seule existence d'une position dominante ne suffit pas à condamner une entreprise pour abus de position dominante. Pour ce faire, il faut en plus que celle-ci exploite abusivement la dite position. Dans ce registre, il faut d'emblée préciser que les textes de l'U.E.M.O.A indiquent avant toute chose que le fait pour une entreprise ou plusieurs entreprisses d'exploiter da façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celle-ci est incompatible avec le marché commun et est interdit (Cf. ; article 4 Paragraphe 4.1 du règlement no 02/2002/CM/UEMOA). Le même texte énumère les cas constitutifs d'abus de position dominante. Il s'agit, de l'imposition de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transactions non-équitables, de limiter à cet effet la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs, appliquer aussi à l'égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. En outre, la subordination de la conclusion de contrats à l'acceptation, par des partenaires, de prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats (Cf. l'article 82 du Traité de Rome). Dans cette lancée, l'article 4 paragraphe 4.1 du Règlement no 02/2002/CM/UEMOA, assimile l'abus de position dominante, à toute opération de concentration qui crée ou renforce une position détenue par une ou plusieurs entreprises. Mais globalement, les solutions dégagées par les textes de l'U.E.M.O.A, s'inspirent pour l'essentiel des dispositions communautaires européennes qui ne sont pas seulement limitées à l'encadrement de la concurrence des entreprises par la régulation. En ce sens, et pour plus d'efficacité dans la mise en oeuvre du droit de la régulation communautaire, la prohibition des aides d'Etats, semble de premier ordre.
* 34 Cours « LOGIPROTECT », DESS Droit du Cyberespace Africain, Promotion 2007-2008. * 35 Association de marchands et d'artisans au Moyen-âge, dans le Nord de la France et en Flandre. * 36 B. du Marais, « Quelle sécurité juridique pour un développement économique durable ? Le cas du microcrédit villageois » Actes de la journée d'études Développement rural durable, Académie des sciences morales et politiques et l4Académie des Sciences, Paris, Editions Tec et Doc, 2000, Page 199-217. * 37 OCDE, « Coopération en matière de réglementation dans un mode interdépendant », Paris, 1994, Page 270 ; « La réforme de la réglementation », Paris, 1997. * 38 On pourrait parler des organes de régulations comme ceux des Télécommunications, des marchés publics, de l'électricité, de l'Audiovisuel etc. cependant on a préféré les renvoyé a l'Annexe. * 39 Note 1 de l'Annexe 1 du Règlement no 03/2002/CM/UEMOA. * 40 COULIBALY Abou Saib ; Docteur en Droit, Maitre-assistant, UFR /SJP Université de Ouagadougou, « Le Droit de la Concurrence de L'Union Economique et Monétaire Ouest Africain ». * 41 Note 3 de l'Annexe no 1 du Règlement no 03/2àà2/CM/UEMOA. * 42 Note 3 de l'Annexe no 1 du Règlement no 03/2002/CM/UEMOA. |
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