Une gestion des terres conflictuelle: du monopole foncier de l'état à la gestion locale des Mongo (territoire de Basankusu, République Démocratique du Congo).( Télécharger le fichier original )par Ulysse BOURGEOIS Université d'Orléans - Maà®trise de géographie 2009 |
Esulu'o Kungu eki lifumba ofendaka Lonkomo :La traversée du peuple Lifumba par la rivière Lonkomo en passant sur les racines de l'arbre Esulu Auteur : Itonga J., 29/04/09 (modèle pour les cartes schématiques p. 24 et p. 50) Ø Comment le colonisateur a-t-il modifié les villages ? Lingolo ISI'SOMBA : « Les notables de chaque clan : clan de Bafaka, clan de Bonsombo se réunirent et se demandèrent : Que pouvons nous faire ? Nous avions été là-bas [dans l'eladji], et nous sommes maintenant venu. Bolongo boi c'est l'alignement ancien et Bolongo boné c'est cet alignement. L'alignement où on a tué Elumbu 104(*). Quand on fait l'alignement on fait étondo105(*). Le clan de Bafaka voilà votre piquet 106(*). Bonsombo voilà votre piquet. Les gens étaient brutaux. Où se limite le clan Bafaka ? Venez ! Où se limite le clan Bonsombo ? Venez ! Nous sommes maintenant dans un nouvel alignement. Toi, ta femme et tes enfants : met toi ici ! Toi, ta femme et tes enfants : met toi ici !, etc...fin. Mon père était le maître de cette opération. » Ø Comment vos ancêtres sont-ils parvenu à obtenir ces terres ? José ITONGA : « Ils étaient venu au début par la guerre. Il faut commencer avec la guerre. Chasser ceux qui étaient les autochtones et prendre leurs terres en occupation. Les uns s'enfuyaient et les autres mourraient. Et ceux qui venaient après récupéraient ces terres et partageaient la terre. Un autre guerrier se met à Bokolo et il reçoit sa partie de terre. Celui qui est assis à Bolena aura ses terres et ses ruisseaux qui sont reconnus. Après c'est l'homme blanc qui est venu installer la route que nous voyons. Mais les parties de terres sont reconnues. Le guerrier de Bafaka reçu aussi les siennes. » Ø Est-ce qu'il y a des clans qui ont refusé l'alignement par manque de terres ? Daniel LIKEMBA BOTOKO: « Bon, à ce temps là, on ne pouvait pas refuser parce qu'on faisait peu de cultures. Ce qu'on cultivait c'était juste pour manger. Donc les terres étaient vides. » Ø L'utilisation des terres : José ITONGA : « Actuellement cela devient un grand problème parce qu'on a envie de cultiver deux hectares par personne. A l'époque, c'était trente ares. Pour mettre des bananes et le manioc pour l'usage comestible. Actuellement, on fait les cultures industrielles. Pour avoir beaucoup de mais, il faut demander les terrains chez les propriétaires ou encore il peut prendre ça volontairement. C'est ainsi qu'on arrive dans les tribunaux. » Ø Est-ce qu'avant que les blancs arrivent il y avait beaucoup de monde au village ? José ITONGA : « Beaucoup beaucoup ! La civilisation actuelle a donné l'envie aux hommes du village de se déplacer plus en ville. Pour permettre à leurs enfants d'étudier dans les école. Hors auparavant, les enfants vivaient dans les villages pour tuer les gibiers et aider leurs parents. C'est pourquoi avant, dans les villages, il y avait beaucoup de gens. Actuellement, comme la civilisation a changé, on a l'habitude de faire étudier les enfants dans les villes. Parce que les villes ont été construites et tout cela. C'est la raison pour laquelle la plupart des gens dans les villages sont allés s'installer dans les villes. Et les villages ont manqué de population. Avant il n'y avait pas de sous-bois 107(*) comme vous le voyez. Lorsque les blancs sont venus et ont aligné les gens, il n'y avait pas beaucoup de sous-bois. Donc il y avait des gens et peu de terrains. Vous voyez actuellement des sous-bois, des sous-bois, parce que les gens veulent vivre en ville. » Ø Y-a-t-il des propriétaires en ville ? José ITONGA : « Les propriétaires sont là, en ville. » Ø Est-ce qu'à partir de l'arrivé des blancs il y avait encore des guerres pour la terre ? Lingolo ISI'SOMBA : « Il n'y avait pas de guerres parce que le blanc avait dominé. On l'écoutait lui seul. » « En général, les guerres étaient entre les groupements et les tribus. Mais quand même, il y avait aussi des guerres entre les clans d'un seul groupement. Si une personne d'un clan du groupement Boondjé [Bongilima] touche une femme ou les enfants de Imbolo : lui (Imbolo) dira : « Attendez, vous qui êtes Djendé Mongo 108(*) ». Et il part provoquer une guerre en tuant une personne du groupement Nsongo ou Lilangi. Ceux-ci viendront à leur tour faire la guerre au clan qui a provoqué Imbolo. Et Imbolo dira : « Vous voyez, vous avez touché à l'enfant du léopard. Après cela, la guerre est sortie et les gens meurent. » Mais comme Bonsombo fait la guerre avec Bafaka, Bolena avec Bafaka, Nkaké et Bafaka, ce n'est pas Is'Imbolo. » Lingolo ISI'SOMBA : « Is'Imbolo était le premier guerrier. Lui était devant, les autres derrière. Quand Is'Imbolo crie deux fois, ils se déplacent 109(*). Parce que le guerrier ne peut pas crier deux fois consécutivement. Alors, les ennemis diront : « C'est un dangereux guerrier. » Alors le village se retire, et eux avancent. » « Moi, je m'appelle Lingolo Isi'Somba. Is'Imbolo avait fait la guerre contre les Ngombé. Quand il reculait, il est tombé sur une force. C'est ainsi que les Ngombé sont venu l'abattre. Après sa mort, le premier né du village, on l'a surnommé Boondjé Oua. Is'Ifelo. Le premier né après sa mort, on l'a surnommé Boondjé, mais il n'était pas de Bafaka, mais de Ntomba. » Ø La propriété de l'Etat et les propriétaires coutumiers : José ITONGA : « Le sol et le sous-sol appartiennent à l'Etat. Mais l'Etat a donné la primauté à celui qui a occupé pour la première fois cette terre. Ici chez nous, si l'Etat veut planter une palmeraie, ou si il veut partager à sa population une partie de terre pour les cultures vivrières, l'Etat envoie le message au chef de groupement qui demandera à ses notables pour chercher les terrains qui suffit pour répartir la population. Les terrains appartiennent aux autochtones, et non à l'Etat. L'Etat c'est l'ensemble de toutes les populations. Ce n'est pas qu'il y a une personne qui est choisie pour être le propriétaire des terres. » Ø Les moments importants entre les permiers blancs et le village de Boondjé: Lingolo ISI'SOMBA : « Je veux donner trois choses. La première chose : Le jour de mon baptême, Père Louis 110(*) était venu à Boondjé. Il donna le baptême aux gens puis il dit : « Aujourd'hui, comme je suis venu à la messe, la lune et le soleil vont se rencontrer à midi ». Mais il y eut des doutes. Même moi j'étais parmi les douteurs. Mais c'était accompli. La deuxième chose : Le groupement était parti construire les maisons au camp. On avait construit des maisons, et l'administrateur du Territoire (Italé, un blanc belge) demanda : « Qui a construit ces maisons ? » Et Pierre Bolefo répondit : « C'est Boondjé ». Et l'Administrateur du Territoire ajouta à Boondjé : Bruxelles. Et depuis se temps, Boondjé se nomme Mpoto Bruxelles 111(*). La troisième chose : Le Père Louis, quand il voullait rentrer en Europe il dit : « Moi je suis un blanc religieux. Vous m'avez bien servit en m'aidant avec les chaumes, et mon église est devenu forte à cause de vous Boondjé. Je vous donne une truie et un verra pour se reproduire en votre faveur. C'était juste pour montrer la renommé du village de Boondjé. » Ø Lors de l'arrivée des Belges, qui était le premier chef de groupement ? Lingolo ISI'SOMBA : « C'est Is'omolo Ea Lowoso. Is'omolo Ea Lowoso pris conscience de devenir chef et de travailler avec les blancs. Les blancs venu chez lui dirent : « Toi a Boondjé tu es compétent pour être chef. » C'est monsieur Charles Batalatala 112(*) qui demanda la coutume pour savoir l'endroit où on disséquait le léopard. Ils répondirent cela se fait chez Lompolé Is'Efanga. On disséquait le léopard chez Lompolé Is'Efanga. Batalatala dit : « Boondjé dissèque le léopard chez Lompolé Is'Efanga ». Même aujourd'hui, il y a des gens qui ont de l'argent et qui étaient grands. Il donna la chefferie à Lompolé Is'Efanga. On avait donné à Is'Efanga la lettre de momination du chef de groupement. On donne à Lofoko une lettre de nomination de chef de localité. Un jour, il avait plu et Lofoko vient chez Is'Efanga avec une couverture et il lui dit : « Vous êtes chef. Inutile de vous déplacer, il fait froid. Je vous donne la couverture, je vais prendre la chefferie en votre faveur. Vous entendez ? Je dis la vérité au nom de Dieu » En revenant de là [de Basankusu], il pris la lettre au chef de localité. Il garda la lettre de nomination de la chefferie mais donna la lettre de nomination de la localité. Après cette nomination, il était invité de temps à autre à Basankusu. Dans les réunions des chefs de groupements. Lui, à son tour, demanda à Ifeko de partir à Basankusu. Celui-ci répondit : «Non ! Botoko, partez pour moi à Basankusu ». Celui-ci refusa encore, et il appela Ifote. Ifote dit : « Envoie-moi. » A force de l'aider à ses occupations, il mit Ifote chef de localité. Il dit : « Même si je meurs, c'est toujours Ifote le chef. » Et c'est ainsi qu'après sa mort, Ifote devint le chef de groupement. Les blancs dirent : « Les fils des chefs de groupements doivent étudier ». Lingomo (chef de groupement de Lisafa) fit sortir Bénkanga. Ifote fit sortir Bangondo et Bokufa fit la même chose. Et les enfants se rendirent à l'école. Même si je trouve la mort, la chefferie appartient à Ifote. Quelqu'un qui refuse les demandes des anciens, qui n'est pas respectueux envers les anciens : tu n'es qu'un vaurien ! Il ne peut pas te laisser la salive113(*). Bangondo a raté la bénédiction à cause du refus des demandes. C'est ça la plaie. Les uns disent : « Nous avons de l'argent ». Mais l'argent ne peut pas acheter la bénédiction. La force de la parole fait mûrir les safoux114(*). » Ø Pourquoi la chefferie n'est pas dans le clan Bafaka ? Lingolo ISI'SOMBA : « Vous demandez à ce qu'Is'Imbolo puisse réclamer la chefferie ? Mais non. Les blancs étaient venu pour dominer les noirs. C'est ainsi que les vaillants guerriers comme Wéssé à Lilangi et Is'Imbolo à Boondjé, ceux-là ne pouvaient pas devenir chefs. Parce qu'ils ont fait un geste. Ils ne voulaient pas entrer en contact avec les blancs. De peur qu'ils soient dépeuplés des forces de la coutume. Mais il y a un moment qui est prévu pour que ce pouvoir retourne à Bafaka. Je vous le prédit. » Ø D'où provient le nom de Boondjé ? Lingolo ISI'SOMBA : « Le nom de Boondjé c'est ici, à Bafaka. Puis on vient mettre le nom commun du village Boondjé et du groupement Bongilima à l'arrivée des blancs. Les blancs ont mis le nom du groupement Bongilima parce que Boondjé c'est le nom du village. Boondjé c'est un seul village, mais le groupement entier c'est Bongilima. Tu entends ? Boondjé c'est ici. Dans tout les groupement de Bongilima, est-ce que quelqu'un d'autre a le nom de Boondjé ? Non. Car Boondjé c'est le nom de l'ancêtre de Bafaka. Personne d'autre n'a mis le nom de Boondjé. Je met le nom Boondjé pour renouveler le nom de cet ancêtre. Il était ici. Son nom c'est Is'Aimbolo115(*). Le nom propre c'est Boondjé. L'authenticité c'est Is'Aimbolo. Après avoir mis au monde un enfant appelé Imbolo, on l'a appelé Is'Aimbolo. » Le dernier message de Lingolo ISI'SOMBA : « Les européens étaient venu ici. Les enfants de l'Europe. Ils étaient venu au Congo. Ils sont arrivés chez Lingolo Isa'Isomba : une force qui ramasse les troncs d'arbres116(*). Le léopard est mort mais ses tâches ne sont pas effacées117(*). » * 104 Un guerrier originaire du clan Bokolo et il fût patriarche du clan toujours présent dans la localité de Boondjé. * 105 Terme inconnu * 106 Le terme de piquet renvoie à une portion de terre. Le terme traduit aussi l'idée de servitude imposé par le colonisateur. * 107 Par sous-bois on entend; une partie de terre où il n'y a pas d'habitation. Cela sépare le plus souvent les villages entre eux, mais également les clans et les maisons. * 108 En lomongo cela veut dire un homme fort. * 109 Cette phrase est un adage traditionnel. Is'Oyoko s'exprime beaucoup par des adages et des proverbes. Cela vient de son anciennetée car les descendants ne s'expriment plus ainsi. . * 110 Le Père Louis Smolders (1899-1972). Il se trouva comme missionnaire au Congo Belge entre 1929 et 1969. Voici le témoignage de Gabriel Bosamba en 1952 : « un bateau appelé Joseph à bord duquel se trouvaient beaucoup de prêtres accosta le beach de Nsombo. Mais les gens en prenaient la fuite. Le prêtre qui connaissait le lonkundo, le Père Louis, demanda : « Où sont allés les gens ? » Et tous le monde s'arrêta, les vieux s'y approchèrent, pas les jeunes, car il y avait 10 personnes, toutes barbues et vêtues de robe noires. C'était très effrayant. Le préposé au bateau dit : « Ce sont des Pères qui prêchent l'enseignement de Dieu ». Il leur montra une médaille, et enchaîna : « Nous avons cette médaille d'eux, lors du baptême. » Nous pensions que le baptême est une chose appartenant à un notable. Alors tout le monde aller demander le baptême du Père. Mais le Père donna à chacun la médaille du paîn. « Si vous voulez le baptême, vous aurez une carte de baptême. » * 111 Mpoto signifie en Lomongo l'occident au sens large, et plus précisément l'Europe et donc la Belgique. * 112 Un européen d'origine belge. Batalatala est un surnom simple pour la population. * 113 Par cette expression il veut dire qu'on « ne peut pas te donner la bénédiction ou l'héritage ». * 114 Un proverbe Mongo qui peut s'expliquer ainsi :les bonnes choses (ici les bonnes paroles, et/ou les bonnes actions) sont bénéfiques (elles font mûrir les safoux). Quelqu'un qui agit convenablement en respectant les anciens, et donc par-là même la coutume, peut grâce à ce respect être gratifié par les anciens de leurs pouvoirs et de leurs biens par héritage. L'héritage est par ailleurs la plus haute considération (ou « récompense ») que peut faire un Père à ses enfants (ses descendants). * 115 Is'Aimbolo et le même nom que Is'Imbolo. On peut l'écrire de deux manière différentes. En effet, le « a » peut disparaître s'il est devant une voyelle. * 116 En lomongo : Yemba bontona mbolaka befoka. C'est un surnom que l'on donne aux jeunes hommes selon leurs caractères et leurs aptitudes dans la vie. Par exemple, le surnom coutumier de Daniel LIKEMBA est : Botoko waéké : Le jeune palmier (qui a des épines). * 117 Un adage en lomongo : Botsulu boki nkoy. Les tâches du léopard perdurent après la mort de l'animal. Le léopard (nkoy) est l'emblème par excellence des clans guerriers. Et donc c'est toujours un animal qui est très symbolique pour le clan Bafaka mais d'une manière générale pour les Mongo qui vivent dans les villages et les forêts. |
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