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APPORT DE L'APPROCHE CONSTRUCTIVISTE DANS L'ETUDE DE LA MISE EN ADMINISTRATION
DE LA SOCIETE CAMEROUNAISE
La démarche sociologique soutient que les politiques
publiques sont un jeu complexe d'acteurs multiples, dans des contextes
différents, l'Etat n'étant plus qu'un des partenaires. Elle remet
en cause l'idée du pilotage centralisé par le haut du pouvoir
politique et du fonctionnement de la société, du volontarisme
politique s'imposant unilatéralement du sommet vers la base. Cette
sociologie s'inscrit dans le courant du constructivisme.
Le constructivisme est un courant qui prône la
reconstruction de l'intérieur du processus, la logique propre des
situations telle qu'elle est perçue et vécue par les acteurs
eux-mêmes. Elle situe l'objet étudié dans une perspective
constructiviste qui affirme que la réalité sociale ou politique
est une construction des acteurs qui entretiennent des relations conscientes
pour obtenir des objectifs bien déterminés. Dans cette
perspective, l'Etat camerounais, produit d'une construction européenne
qui a commencé avec le changement du mode de production, mais aussi
produit d'une construction locale avec les stratégies
déployées par les acteurs Camerounais pour intégrer le
nouveau jeu politique sera analysé durant son processus de formation par
ce courant analytique.
L'historicité constitue un référent
majeur dans les travaux à tonalité constructiviste (Corcuff 2007
: 16) dans la mesure où l'institution est lié à l'histoire
en tant qu'elle est le résultat dans l'espace et avec le temps d'une
succession de forces travaillant tantôt dans le sens de
l'institutionnalisation, tantôt dans le sens de la
désinstitutionalisation. L'histoire fournit au sociologue des
matériaux concrets issus de la réalité (Grawitz 2001: 422)
et dans notre analyse, elle fournit les matériaux permettant d'analyser
la construction de l'Etat camerounais. Comme le disait Durkheim (1981:
109-112), la cause déterminante d'un fait social doit être
cherchée parmi les faits sociaux antécédents ;
l'origine première de tout processus social de quelque importance doit
être recherchée dans la constitution du milieu interne. Dans cette
optique, il était donc nécessaire de rechercher le
phénomène social de grande ampleur repérable dans
l'histoire camerounaise auquel on pourrait attribuer la formation de l'Etat
camerounais. L'un des facteurs de transformation ayant affecté les
formes politiques traditionnelles du Cameroun a été le changement
du mode de production. La nécessité d'intensifier la production
des cultures de rente et d'organiser un mode d'exploitation acceptable a
posé les fondations de l'Etat camerounais avec entre autres la
spécialisation des rôles de gouvernement.
Il s'agira pour nous de reconstruire ces politiques agricoles
à partir des liens, des interactions que les acteurs entretiendront avec
leur environnement. L'individu n'étant pas appréhendé
comme une entité extérieure à la société, ni
la société comme une entité extérieure aux
individus (Elias 1991 : 22), le tissu social sera traversé par de
nombreuses formes d'interrelations qui s'entrecroiseront. Les
interdépendances dans lesquelles seront pris les individus participeront
à la formation des structures intérieures de leur
personnalité. Cette formation demande un apprentissage de jeu nouveau
qui suppose une certaine rupture des cercles anciens et l'instauration de
nouveaux cercles. L'Etat transforme la société selon sa logique ;
celle-ci à son tour résiste et contraint l'administration
à s'adapter à la réalité. Du fait que la
construction d'un ordre social est toujours un processus d'accommodation, de
gestion des contradictions sociales et de réduction des conflits sociaux
(Commaille et Bruno 1998 : 123), il est donc nécessaire pour le pouvoir
politique de négocier avec les détenteurs des ressources
nécessaires à son action. Dans ce contexte naît une
multitude de stratégies déployées par les
différents acteurs pour se positionner comme acteur principal. La
négociation entre les différents acteurs légitimera
l'ordre allemand dont le but premier est de créer des conditions
favorables à l'exploitation des cultures de rentes.
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