A.
LES SOCIETES PRECOLONIALES COMME ENTITES DISPOSANT D'UNE REELLE AUTONOMIE
POLITIQUE
Malgré toutes les assertions concernant
l'a-historicité des sociétés africaines et surtout du
manque de souveraineté des populations camerounaises, de nombreux
travaux anthropologiques montrent qu'il existait dans cette région
d'Afrique une multitude de sociétés politiques. Bien que toutes
ne possédaient pas des mécanismes de régulations
centralisées ou repérables au premier regard, beaucoup
étaient dotées d'institutions politiques. Dans le but de faire la
différence entre ces institutions locales et les institutions
européennes, nous désignerons les institutions africaines et
leurs systèmes politiques, d'institutions politiques traditionnelles.
Par institutions politiques traditionnelles, comprenons avec le Professeur
Aletum Tabuwe (2004 : 206) que ce sont ces corps traditionnels « dont
l'autorité à la compétence d'imposer la loi et l'ordre
dans une société traditionnelle particulière en usant
seulement des sanctions autorisées par les coutumes et les traditions
des peuples sur lesquels l'autorité est exercée ».
Prenant le cas des chefferies de l'Ouest-Cameroun,
Fark-Grüninger constate que le chef, juge suprême et responsable de
la chefferie est entouré d'un conseil de notables et d'une
société sécrète à fonction
régulatrice. Comme le nom l'implique, ces sociétés
secrètes sont des organisations traditionnelles dont les
activités ne sont pas facilement connues des membres non initiés.
Plusieurs de ces organisations régulatrices opèrent à
l'intérieur des institutions politiques traditionnelles comme des
organes exécutifs ou de supervision de la législation ou du
gouvernement traditionnel (Aletum Tabuwe 2004 : 221-222).
« Le `'Nda-Kwifor'' de Bafut et le `'Nwerong''
de Banso et le `'Ngumba'' comme on appelle à Bali-Nyonga et dans
d'autres chefferies sont les organes suprêmes de contrôle du
gouvernement dans leur institutions politiques respectives (...) Ils gardent
l'oeil sur la manière dont le chef exerce ses fonctions et dont les
citoyens reçoivent les décisions du gouvernement traditionnel
(...) Un bon exemple des fonctions de `'Ngwerong'' à Nso est
rapporté par P. N. Nkwi et J. P. Warner ;`' ses fonctions incluent
l'appréhension des malfaiteurs, la police des marchés et
l'application des peines imposées par le roi ou par son conseil''(...)
Le chef ne pouvait pas le déconsidérer sans courir de
sérieuses répercussions. Son indépendance
constitutionnelle lui permettait d'immortaliser le palais et de condamner le
chef pour négligence flagrante des coutumes ou ses interdits. Si le chef
rejette avec persistance le conseil de ses conseillers ou était absent
du palais sans une raison valable ou s'il met en péril le
bien-être du pays, le `'Ngwerong'' pouvait le priver de ses fonctions et
même l'isoler de son peuple ».
Comme nous le constatons, certaines sociétés
existant avant l'arrivée des Allemands possédaient leur
système d'organisation. L'une des dimensions fondamentales de la
différenciation n'est-elle pas l'établissement des rapports de
domination ? Au vu de l'organisation politique des sociétés sus
mentionnées, n'observons nous pas qu'il existe un rapport de
dominants-dominés dans ces structures ? Ne rejoint-on pas l'affirmation
de Georges Balandier (1967 : 62) selon laquelle « le pouvoir politique
organise la domination légitime et la subordination et crée une
hiérarchie qui lui est propre »? Même si elles
n'étaient pas identiques, ces structures du fait de leur
délimitation géographique fournissaient un cadre non seulement
pour l'organisation politique, mais aussi pour d'autres formes d'organisations
telle que l'économie.
|