SECTION II : L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE AU
CAMEROUN
D'Aristote aux auteurs les plus récents,
l'infériorisation des sociétés exotiques,
c'est-à-dire non européennes est devenue une tradition
intellectuelle. Aristote établissait déjà une
corrélation entre la servilité supposée des Asiatiques et
leur prédisposition naturelle à supporter le despotisme. De
telles incongruités se repèrent aux siècles des
lumières et même au 19ème siècle. Pour
l'attester, il n'y a qu'à lire Montesquieu : « la plupart des
peuples de la côte de l'Afrique sont sauvages ou barbares. Ils sont sans
industries, ils n'ont point d'art, ils ont en abondance les métaux
précieux qu'ils tiennent immédiatement de la nature ».
De même le 18 mai 1873, lors d'un banquet célébrant
l'abolition de l'esclavage, Victor Hugo prononça les mots suivants :
« Cette Afrique farouche n'a que deux aspects : peuplée, c'est
la barbarie ; déserte, c'est la sauvagerie ».
On assiste à une sorte d'abolition de l'histoire
africaine au profit d'un occidentalo-centrisme que Hegel érige en
paradigme. Seulement, à la différence des croyances et des
idéologies, nombre de recherches viendront démontrer que les
sociétés africaines précoloniales étaient
dotées d'un mécanisme de régulation propre leur permettant
de maintenir l'ordre dans la société. Pour être plus
précis, avant l'arrivée des Allemands dans cette région
d'Afrique qu'on nommera plus tard « CAMEROUN », il existait une
multitude d'unités politiques dans lesquelles les anthropologues
politistes verront des propriétés communes du politique avec
celles existants en occident. D'ailleurs, cette prétention
européenne à ne voir le politique que dans leurs
sociétés sous prétexte qu'elles sont civilisées, ne
remet-elle pas en cause la notion même de politique ? L'Etat ayant
apparut il n'y a pas longtemps, est-ce à dire qu'avant son apparition,
il n'y avait donc pas de manifestation politique ? L'institutionnalisation
progressive de la société camerounaise viendra se heurter
à un ensemble de systèmes politiques où existait
déjà un commandement social. Notre souci est de montrer qu'avant
l'arrivée des Allemands au Cameroun, il existait des unités
politiques bien organisées. Ensuite, nous essayerons de voir l'impact de
l'imposition de la souveraineté allemande sur les lois locales
organisant économiquement les sociétés
précoloniales camerounaises ; comment s'orienteront désormais les
sphères sociales ? En d'autres termes, nous verrons de manière
générale l'organisation de ces sociétés et par la
suite, nous verrons comment le droit nouveau s'y est introduit pour
gérer les terres et orienter le choix des populations locales.
I-
CONFIGURATIONS POLITIQUES ET ECONOMIQUES DE CERTAINES SOCIETES PRECOLONIALES
AVANT L'INSTAURATION DE LA SOUVERAINETE ALLEMANDE
Il est sans conteste vrai que l'unité politique que
forme aujourd'hui le Cameroun est le fait de la colonisation d'autant plus que
c'est ce mouvement occidental qui provoquera des bouleversements dans les
sociétés traditionnelles du Cameroun. Le changement de
l'organisation politique est le fait entre autre du changement du mode de
production. Naît alors une interrogation: comment étaient
organisées dans l'ensemble les sociétés traditionnelles
camerounaises ? L'importance ici est de saisir la nature des autorités
traditionnelles en tant que souverains dans leurs sociétés
respectives. Ceci nous permettra de voir les pierres d'attentes ou, les
fondements sociaux existants et ayant facilité l'instauration de cette
souveraineté allemande extérieure aux systèmes politiques
camerounais.
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