II-
LES POTENTIALITES ECONOMIQUES DU CAMEROUN COMME SOLUTIONS A CERTAINS PROBLEMES
AGRICOLES DE L'ALLEMAGNE
Il s'agit ici d'analyser les potentialités
économiques du Cameroun et les raisons qui ont poussé les
Allemands à en faire leur colonie. Mais de quel Cameroun parle t-on ?
A.
LE TERRITOIRE DU CAMEROUN DE 1884 A 1914 : UN ESPACE CONSTAMMENT REDEFINI
EN FONCTION DES ENJEUX ECONOMIQUES DE L'HEURE PAR LES ACTEURS
Quand nous parlons de la région de l'Afrique qui va
devenir le Cameroun, mais qui avant 1884, ne portait pas encore de nom,
n'oublions pas qu'elle a été le fruit de la colonisation. C'est
en effet à partir de la période allemande que le Cameroun tel que
nous le connaissons aujourd'hui c'est-à-dire comme entité
territoriale, humaine et politique ayant des contours et des frontières
bien définis, existe bel et bien en Afrique (Owona 1996 : 62).
Le terme «Cameroon» est d'abord entendu en 1884 pour
désigner une ville que les Allemands traduiront en « Kamerun
Stad » (Kum'a Ndumbe III 1986 : 44) et baptiseront en 1901 pour
l'appeler Douala. Ce pays appelé Cameroun se situait «on the
Cameroons river, between the River Bimbia on the North side, the River Qua-Qua
on the South side and up to 4°10 North Latitude».
Un territoire essentiellement limité aux
côtes camerounaises et aux dépendances des rois Doualas qui
exerçaient leur souveraineté ou leur influence de Douala à
Buéa et Manga d'une part et des pays Bassa de la côte
jusqu'à Yabassi d'autre part. Toutefois, après la signature du
traité germano-douala de 1884 (confère annexe
6), ce Cameroun ne correspondra plus à partir de février
1885, à l'issu de la conférence de Berlin, au Kameroun allemand.
En effet, ce vaste territoire de 520000 km2 en 1885
constituait un conglomérat de royaumes et principautés fort
disparates et indépendants les uns vis-à-vis des autres dans
leurs grands ensembles. Ils n'entretenaient parfois même pas de relations
suivies pour ne pas dire que certains s'ignoraient tout simplement.
Les frontières du Cameroun seront sans cesse
modifiées pendant la période allemande. Elles seront
définies avec précision entre 1884 et 1894. Par la suite, ces
frontières seront modifiées en 1908, 1911et 1913 où sera
établit la première carte géographique du Cameroun par Max
Moisiel. Les cartes 1 et 2 (annexe 1 et 2)
illustrent parfaitement l'évolution du tracé des
frontières camerounaises. La colonisation de la terre se ferra de
manière progressive entrainant ainsi l'extension des services
administratifs.
B.
LA FORTE ATTRACTION DES RICHESSES DU CAMEROUN SUR LES OPERATEURS ECONOMIQUES
ALLEMANDS
Les peuples Doualas détenaient le monopole du commerce
sur les côtes du Cameroun. Ils servaient d'intermédiaire entre les
populations de l'intérieur du Cameroun avec les Allemands. Devant
l'abondance des produits vendus par les Doualas et que ceux-ci supposaient
être récoltés à l'état sauvage, les Allemands
vont conclure que l'acquisition de la région s'imposait du fait que
celle-ci se prêtait fort bien à la création des
plantations. La richesse de la brousse en épices, caoutchouc, noix de
palme et autres fournissait un indéniable témoignage de la
fertilité des sols et montrait combien ces ressources pourraient
être accrues par la culture (Etoga Eily 1971 : 128). Le profit
réalisé par les Doualas grâce à ce monopole
était alors immense. Seulement des infiltrations des commerçants
à l'intérieur du pays étaient de plus en plus
fréquentes et elles devinrent irréversibles du jour où
Woermann obtint une très grande concession dans la région
d'Edéa et y fonda la première grande plantation de la colonie.
Grâce aux rapports des explorateurs, les richesses de
l'hinterland camerounais furent connues. Dès 1850, Barth avait pu
s'engager dans les régions du Nord-Cameroun. Son travail fut poursuivi
de 1869 à 1873 par Gustav Nachtigal. Un peu plus tard, de 1882 à
1883, Flegel qui était à la fois explorateur et
commerçant, pénétra dans l'Adamaoua par le Niger et la
Bénoué.
Par ailleurs les possibilités agricoles de la
région du Mont-Cameroun furent l'objet de nombreux rapports aussi bien
par des voyageurs que par des explorateurs. F.R. Burton, consul britannique
dans la baie de Biafra et à Fernando-Poo, ne signalait-il pas, bien
avant l'occupation allemande, que les basses pentes du massif du Mont-Cameroun
étaient favorables à la culture du café, du cacao et de la
canne à sucre ? Il regrettait même qu'un sol d'une telle
fertilité fut abandonné aux seules pratiques agricoles des
indigènes dont les méthodes étaient à la fois
inefficaces et destructives (Etoga Eily 1971 : 160).
On peut considérer que l'option pour une politique
coloniale n'était en fait rien d'autre qu'un combat de
répartition des ressources mondiales dans une phase de restructuration
du système économique allemand. La tendance principale dans la
politique coloniale fut donc d'offrir aux intérêts
économiques privés des conditions favorables à leurs
entreprises coloniales et cela sans participation financière de la part
de ces acteurs privés (Fark-Grüninger 1995 : 45). Ceux-ci
cherchaient au Cameroun des débouchés pour leur surproduction,
une amélioration de leur condition d'approvisionnement et cela à
des coûts aussi faibles que possible. L'attitude hostile du parlement
obligea l'administration allemande au Cameroun de se procurer une grande partie
des ressources nécessaires au Cameroun même. Ceci n'ira pas sans
conséquence sur l'organisation sociale du Cameroun. Il fallait donc
briser les monopoles des populations côtières et créer des
conditions nécessaires à la mise en place des plantations.
Comment se déroulera l'instauration du pouvoir politique allemand au
Cameroun ?
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