III. Le statut de l'agroforesterie :
Ç L'idée est d'imiter la nature mais en faisant
mieux, remettre les systèmes en marche et les améliorer. Produire
des services par l'arbre, jouer sur l'interaction. È
Christian Dupraz, Terre à terre, France Culture.
L'agroforesterie est donc une réinvention. Elle a
existé, de fait, avant la lettre mais est aujourd'hui repensée et
développée de manière scientifique, gagnant ainsi en
rapidité pour comprendre et améliorer son fonctionnement. Ce qui
nécessiterait des expérimentations sur des périodes de
temps trop longues s'il fallait s'en tenir à l'empirisme d'autrefois.
En France sa redécouverte s'est faite dans le sud de la
France. Un pTMle très actif s'est constitué autour de
Montpellier. Il associe des chercheurs, des propriétaires, des
associatifs, des entrepreneurs, etc. Ils mènent depuis plus de 20 ans
des expérimentations avec des agriculteurs qui ont adoptés leurs
techniques et se sont convertis à l'agroforesterie. Mais ils la
délimitent très précisément : elle n'est ni de la
forêt (les densités sont trop faibles), ni de l'agriculture sous
une nouvelle enveloppe (par la production de bois). Elle n'est pas non plus un
boisement de terre agricole (l'activité agricole continue). Pour qu'il y
ait agroforesterie il faut des arbres à faible densité (la norme
est entre 100 et 50 arbres/ha), des cultures ou de
l'élevage25 en dessous, la Ç ma»trise du cycle
biologique È des deux éléments. Elle est un système
combinant plusieurs cultures au même titre que les prés vergers,
les plantations forestières utilisant les fruits de l'arbre et son bois
(le pin et sa résine, l'hévéa et son latex,
l'érable et son sirop).
25 On parle d'agrisylviculture ou de sylvopastoralisme
Figure 3 : Tine parcelle agroforestière
héraultaise mélangeant peupliers et blé. C. Dupraz
A. Technique :
Il s'agit de planter entre 50 et 100 arbres/ha sur une
parcelle oü l'on va pratiquer des cultures agricoles, mais cela peut aussi
être de l'élevage. Les arbres vont plutôt être des
essences précieuses (noyer, merisier, cormier, alisier, chêne
vert, chêne truffier, olivier, etc.). On peut procéder à
des mélanges et permettre une plus grande résistance
phytosanitaire, constituer un peuplement ressemblant aux massifs
environnants.
1. L'arbre :
Les arbres sont plantés en ligne et de façon
raisonnée pour permettre le passage des engins agricoles et offrir la
lumière nécessaire aux cultures. Il est parfois relevé que
l'ensemble peut donner un aspect trop linéaire mais il semblerait
qu'avec les faibles densités (50 arbres/ha), ce qui est la tendance
prônée et un plafond par ailleurs, la perspective change et les
lignes paraissent s'estomper. La population des arbres ainsi installés
est très peu réduite par la suite voire, pour les faibles
densités, ne diminuant plus jusqu'à maturité. Ainsi
espacés les arbres peuvent pousser plus régulièrement et
offrent à la coupe des cernes larges et
réguliers. La croissance généralement
constatée au niveau du tronc peut atteindre 80% en 6 ans. En hauteur
aussi la pousse peut se montrer impressionnante en raison de l'absence de
concurrence. Elle tient aussi à quelques menus travaux à
pratiquer avec une importante régularité. Les arbres demandent un
élagage intensif pour produire un fût d'une longueur suffisante
pour être valorisée par la suite. Il s'agit, au final, de
compenser l'absence de concurrence en la stimulant par cet élagage mais
l'arbre disposant individuellement de ressources plus importantes il peut
pousser vite et mieux. Et le mélange des essences ne nuit en rien
à la pousse car l'espace entre les arbres leur permet de pousser selon
leur rythme.
En sous-sol d'autres effets se produisent. Avec la
présence de cultures en surface les arbres vont aller chercher l'eau
plus en profondeur et développer un important système racinaire
leur permettant de résister à des tempêtes et aux
sécheresses. Il a été constaté que l'effet est plus
important lorsque les arbres sont associés à des cultures
hivernales. Mais l'agroforesterie supporte à peu près tous les
types de culture, la difficulté se présentant surtout avec les
tubercules (pomme de terre et betteraves)26.
Ce choix arboré permet à l'agriculteur
d'installer à faible coiat, d'investir à long terme. Il peut
diversifier son investissement par le choix d'essences différentes. Ce
qui va aussi échelonner ses revenus, en fonction de l'âge de
récolte de chaque essence. Par ailleurs des agriculteurs mentionnent ces
installations et obtiennent plus facilement des prêts auprès des
banques, disposant d'un capital en devenir, d'autant mieux valorisé
qu'il est composé d'essences précieuses.
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