III-2. Les réalisations
Les trois expériences de coopération
décentralisée ont produit de nombreuses réalisations
d'ordre social et économique pour la plupart. De nombreuses
infrastructures éducatives, sanitaires et hydrauliques ont
été réalisées. Il y a eu également des
soutiens à des activités économiques locales (appui
à des activités agricoles et d'élevage, de commerce, de
transformation des produits locaux). A cela s'ajoutent des appuis
institutionnels par le biais de formations au profit des conseillers municipaux
et des agents des mairies, l'aide à
l'organisation des services communaux et le soutien en
équipements (informatiques et de bureau).
Ces réalisations répondent aux besoins des
populations et ont des impacts réels en termes d'amélioration des
conditions de vie et d'accès aux services sociaux de base.
Dans le domaine éducatif, les constructions
d'écoles, de salles de classes dans des lycées et des logements
pour enseignants ont permis une amélioration des conditions de travail
et de vie. De même, des correspondances scolaires ont favorisé un
renforcement des liens d'amitié entre des élèves
burkinabé et français et une ouverture sur la culture de l'autre.
A Tanghin-Dassouri, la construction de salle de classe a permis la
transformation du collège d'enseignement général en
lycée. Cette transformation a résolu en partie le problème
de déscolarisation des titulaires du Brevet d'Etude du Premier Cycle. En
effet, de nombreux abandons étaient observés fautes de ressources
et de logement à Ouagadougou.
Dans le volet sanitaire, l'impact des actions se
perçoit dans l'amélioration des conditions de soins et de travail
du personnel médical. Le soutien apporté aux structures de
santé a également permis l'accroissement de l'offre de soins et
de la fréquentation des structures sanitaires. Par exemple dans la
commune de Ouahigouya, la coopération hospitalière a permis un
relèvement du plateau technique médical permettant de ce fait une
meilleure prise en charge des malades. De plus, la construction d'un centre
médical au profit de l'association AMMIE permet un meilleur soutien des
personnes atteintes de SIDA. A Tanghin Dassouri, la construction d'une salle
d'hospitalisation de 8 chambres, d'une morgue, d'un centre de soin maternel et
infantile, d'un dépôt pharmaceutique ont permis aussi d'offrir des
soins de qualité aux patients.
Dans le volet hydraulique, la réalisation de nombreux
forages et puits a permis à des populations d'avoir accès
à l'eau potable en réduisant les distances entre les habitations
et les points d'eau; de plus, certaines de ces réalisations permettent
la pratique de la culture maraîchère. A Ouahigouya, le projet
«aménagement et mise en valeur de petits périmètres
maraîchers» a été à l'origine de la formation
de quelques femmes à la pratique du maraîchage (apprentissage au
repiquage de plants d'oignons).
Les actions de soutien à l'économie locale,
même si elles paraissent moins importantes ont occasionné via le
microcrédit ou des subventions, l'augmentation des revenus des
bénéficiaires. Dans la commune de Ziniaré, l'acquisition
de moulins à grain, de matériel pour la préparation de
«soumbala» et pour l'apiculture, le soutien accordé à
l'embouche ovine permettent aux promoteurs de subvenir mieux à leurs
besoins. A Ouahigouya, la construction d'une galerie marchande au profit de
l'association Bang N'Tum
a donné une meilleure visibilité aux
bénéficiaires, leur permettant de mieux vendre leurs produits. Il
y eut également l'appui au centre Baasnéré pour
améliorer sa production de mangues séchées dans le cadre
de son projet «les fruits de la solidarité». Cette
amélioration qualitative a permis l'exportation des produits vers
l'Europe. A cela, il faut ajouter le projet «petit commerce» de
l'association AFBO dont 15 femmes ont bénéficié de 25 000
FCFA chacune en 2007. Dans la commune de Tanghin-Dassouri, l'aide à la
construction du marché a permis de mieux valoriser le potentiel
économique de la dite localité.
L'appui institutionnel a un impact opérationnel par
l'accroissement de l'efficacité de la ressource humaine. Il permet aux
élus de mieux jouer leur rôle de coordination du
développement communal. Le recrutement de personnel par le biais d'un
financement dégressif à Ouahigouya a permis à la commune
de se doter de ressources humaines capables de l'aider dans la conception et
l'exécution des projets municipaux. La formation des agents de la mairie
dans la gestion de l'état civil et les nombreuses autres
réalisations (écoles, centre d'insertion pour des enfants en
difficulté etc.) permettent aux structures communales de répondre
à certaines préoccupations des citoyens.
Au-delà de ces réalisations, un accent
mérite d'être porté sur les possibilités
d'élargissement de l'assiette fiscale des communes. A cet effet, la
coopération décentralisée doit s'investir à la mise
en place de petites unités industrielles créatrices de valeur
ajoutée. Ce peut être le cas des laiteries, des unités de
conditionnement de miel et de transformation de produits maraîchers. Ces
petites unités industrielles, qu'elles soient sous la coupe de la
municipalité ou d'organisations de la société civile,
permettraient à la fois de lutter contre le chômage et de
valoriser les produits locaux par la création de richesses.
IV. Les recommandations et perspectives
Le nouvel environnement institutionnel au Burkina Faso
requiert de nouvelles dispositions en vue d'un développement harmonieux
des collectivités. A cet effet, il convient d'inscrire les
expériences de coopération décentralisée dans le
contexte du développement régional.
Aussi convient-il pour le cas de la commune de
Tanghin-Dassouri d'élargir son partenariat à l'ensemble de la
région du Centre en créant un partenariat entre cette
région et le Conseil Général du Territoire de Belfort. En
même temps, cette coopération doit être en synergie avec les
autres partenariats bâtis par les autres collectivités à
travers un Cadre
Régional de Coordination de la Coopération
Décentralisée (CRCCD). Ce cadre pourrait être un facteur
d'impulsion du développement régional et de partage harmonieux
des ressources générées par l'ensemble des
partenariats.
Pour la relation de coopération entre la Province de
l'Oubritenga et le Conseil Régional du Limousin, il serait
intéressant de penser à la mise en place d'une communauté
de communes ou de groupement d'intérêt public dans l'Oubritenga.
Cela devrait cependant se faire après que les nouvelles communes rurales
aient pu maîtriser le fonctionnement de base d'une collectivité
territoriale. La communauté des communes permettrait de mieux canaliser
les efforts de développement en évitant que chaque commune
veuille avoir toutes les infrastructures sur son territoire. Des communes
voisines pourraient réaliser des ouvrages d'utilité publique en
commun. Le Code Général des Collectivités Territorial
n'est pas encore précis sur la question. Pour les exemples
français, la communauté des communes est un établissement
public qui est régi par les règles de fonctionnement d'une
commune. Toutes les communes membres transfèrent une partie de leurs
compétences à la communauté de communes. Celles qui
doivent être obligatoirement transférées sont relatives
à l'éducation, au transport et à l'habitation. Celles dont
le transfert n'est pas obligatoire sont l'hygiène, la voirie
communautaire, la protection de l'environnement et la gestion des
équipements. Enfin celles dont le transfert est facultatif sont la
gestion de l'eau, le sport de haut niveau et la gestion des personnes
âgées. Toutes les communes ont des représentants au sein du
conseil de la communauté des communes. Le nombre de conseillers est
proportionnel au nombre d'habitants. Ce conseil est dirigé par un
président et possède des commissions qui fonctionnent par
thème. Il existe aussi des groupes de travail. Les objectifs de la
communauté des communes ne sont pas la somme des objectifs des communes
partenaires. Son intérêt prime sur celui des communes. (Tulard M.,
2006). La communauté des communes est donc un établissement
public qui dans le contexte burkinabé pourrait permettre une meilleure
répartition des ressources entre communes d'une même province ou
région.
Concernant la coopération décentralisée
entre les communes de Chambéry et Ouahigouya, il convient d'oeuvrer
à impliquer les nouveaux villages rattachés à la commune
de Ouahigouya dans la dynamique du partenariat. A cet effet, il faudra aider
les représentants villageois à postuler au financement de la
coopération en développant une stratégie de
communication.
Les conseils municipaux qui ont en charge désormais la
maîtrise d'ouvrage du développement des communes doivent
éviter de centraliser la dynamique de la coopération
décentralisée au sein de l'institution
communale. La coopération décentralisée doit rester
ouverte à tous les acteurs pour peu qu'ils respectent les
procédures définies par le partenariat. Elle doit
également se départir des luttes politiciennes qui mettent
souvent en mal les objectifs visés, les actions réalisées
étant présentées aux populations comme étant celles
d'un parti politique.
Pour l'ensemble des partenaires à la
coopération, il s'avère important de travailler à inscrire
désormais les budgets des partenariats dans les lignes
budgétaires des communes porteuses de ces dynamiques, pour favoriser une
meilleure visibilité et plus de transparence dans les gestion des fonds
de la coopération décentralisée.
Pour l'Etat burkinabé, il serait souhaitable de prendre
au plus tôt les directives qui s'imposent aujourd'hui, pour mieux cadrer
le champ de la coopération décentralisée car en dehors du
CGCT, il n'existe pas de texte clair en la matière. A cet effet, les
dispositions doivent être prises pour que la Commission Nationale de la
Coopération Décentralisée puisse jouer son rôle de
catalyseur de l'ensemble des dynamiques partenariales. Des textes clairs
doivent être adoptés pour préciser le rôle des
Comités Locaux de Jumelage dans le contexte de la communalisation
intégrale du territoire. Il serait nécessaire aussi de
créer un équilibre régional en termes de
coopération décentralisée. De ce fait, il faut
éviter qu'une région bénéficie de nombreux
jumelages par rapport aux autres quand on connaît l'importance des
ressources que ceux-ci peuvent générer.
Dans cet exercice, il est préférable que l'Etat
ne se mêle pas trop des actions de coopération
décentralisée. Il doit simplement baliser le terrain afin que ce
que certains acteurs considèrent comme la troisième source de
financement du développement local après celle de l'Etat et des
Organisations Non Gouvernementales, puisse servir à cela.
Les pratiques de coopération
décentralisée offre de réelles opportunités de
développement aux communes. Au moment où le Burkina Faso est
engagé dans un processus de communalisation intégrale, les bons
enseignements en la matière méritent d'être mis à la
disposition des différents acteurs du domaine.
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