Section 2 : Approche méthodologique
2.1. Techniques d'analyse
Pour la vérification de nos hypothèses,
l'approche méthodologique utilisée sera basée sur deux
techniques d'analyse, basée d'une part sur l'incidence moyenne pour les
deux premières hypothèses, et d'autre part l'effet marginal par
un modèle paramétrique pour la dernière
hypothèse.
-L'incidence moyenne
L'incidence moyenne permet de connaître la distribution
actuelle des dépenses publiques au sein de la population. Pour faciliter
la présentation, nous prendrons le cas des dépenses en
éducation.
Les dépenses totales d'éducation sont
réparties dans les trois niveaux (primaire, secondaire, supérieur
indexé par i). La population étant
découpée en quintiles de bien-être ou selon tout autre
critère pertinent (région, sexe,...), la part des dépenses
publiques profitable au quintile j peut être estimée par
l'équation suivante:
3
Bj = ? nij .Di / ni
(E1)
i =1
Où nij est le nombre
d'individus du groupe j ayant accès au service
i, ni est le nombre total des individus
fréquentant le niveau d'enseignement i, Di
les dépenses totales en éducation pour le niveau i
(le coût unitaire vaut alors
Di/ni).
L'incidence des dépenses publiques sur le quintile j
dépend ainsi de deux facteurs:
L'allocation intra sectorielle du budget notamment en faveur
des services les plus utilisés par le groupe j et la
fréquentation relative de ces services par le groupe j. Par
exemple, si la couche la moins aisée de la population fréquente
relativement plus le niveau primaire, le bénéfice tiré des
dépenses publiques sera d'autant plus grand que l'allocation des
dépenses publiques accorde une importance plus grande au niveau primaire
qu'aux autres niveaux.
Dans la pratique, on procède selon une méthodologie
qui peut être décomposée en trois étapes :
- 1ère étape : Identifier les usagers des
services publics
Si les données disponibles au niveau des structures qui
fournissent les services publics permettent généralement de
caractériser avec précision les services utilisés,
elles ne sont pas assez détaillées pour
permettre une discrimination des usagers selon le niveau de bien-être.
C'est pourquoi on recourt aux données d'enquêtes auprès des
ménages. Celles-ci malheureusement permettent rarement de distinguer
selon la nature, la qualité des services reçus ou le type de
structure qui a fourni ces services.
- 2ème étape : Estimer la valeur du service
reçu
La manière de valoriser le bénéfice
reçu est certainement l'une des principales faiblesses de la
méthode du benefit incidence analysis. On
procède typiquement en divisant le niveau des dépenses publiques
par le nombre de bénéficiaires de ces services pendant la
période couverte par les dépenses. Il est évident qu'une
telle manière de procéder est loin de refléter les
différences au niveau de la nature ou de la qualité des services
reçus.
L'idéal serait de disposer des données sur les
dépenses courantes aussi bien par région que par type de service
: éducation primaire, secondaire ou supérieure, soins de
santé primaire, secondaire,... Ceci permettrait d'estimer des
coûts unitaires plus proches de ceux des services auxquels ont
accès les ménages. Cependant, il est difficile d'obtenir des
données aussi désagrégées.
- 3ème étape : Imputation des
bénéfices et agrégation
Après avoir identifié les
bénéficiaires et estimé le coût unitaire du service,
la dernière étape consiste à affecter ce coût
unitaire comme proxy du bénéfice reçu et à
agréger les individus selon le découpage adopté pour le
niveau de bien-être. L'objet de l'analyse sera l'individu car il s'agit
de l'accès à la santé et à l'éducation.
-Evaluation d'impact des dépenses publiques sur
les conditions de vie des populations.
La méthode précédente donne une
photographie de la distribution des dépenses publiques à un
moment donné. La critique la plus fréquente qu'on lui porte est
qu'elle ne montre pas l'impact qui résulterait d'une expansion de ces
services publics.
Dans cette étude, il sera question d'analyser l'impact
que revêtent ces dépenses publiques sur la mesure de
pauvreté. Pour analyser cet impact nous permettant de vérifier
notre troisième hypothèse, nous utiliserons un modèle de
données en panel qui mettrait en relation les dépenses publiques
sociales (en éducation et en santé) et les indices de
pauvreté (FGT) au niveau départemental sur la période des
enquêtes effectuées au Bénin et couvrant notre
période d'étude.
Le terme «données de panel» se
réfère à une combinaison des séries temporelles
simples (données portant sur un individu observé sur une
période) et des données en coupe instantanée
(données portant sur plusieurs individus observés à un
moment donné). Un panel présente donc un ensemble d'individus
(ménages, pays, départements, etc...) observé sur une
période donnée. En plus du fait qu'elles permettent de prendre en
compte à la fois les données indexées sur le temps et
celles sur les individus, les données de panel permettent
également d'avoir plus de données, plus de variabilité et
moins de colinéarité.
En matière de données de panel, on distingue
deux types de modèles : les modèles à effets communs et
les modèles à effets individuels. Les modèles à
effets communs sont ceux formulés sous l'hypothèse
d'uniformité des comportements entre les individus. Ceci revient
à supposer que les différents coefficients du modèle sont
indépendants du temps et identiques entre les individus. Ce genre de
modèle se spécifie de la façon suivante :
Yit = á + âXit + vit (E2)
Où vit représente le
résidu (supposé suivre une loi normale).
Les modèles à effets individuels se subdivisent
en deux groupes : les modèles à effets fixes et ceux à
effets aléatoires. Le choix de l'un ou l'autre de ces deux groupes est
déterminé par le test Hausman.
Largement utilisés dans l'analyse des données de
panel, les modèles à effets fixes sont ceux pour lesquels les
effets individuels sont représentés par les constantes
déterministes. Ainsi le modèle s'écrit :
Yit = ái + âXit + vit (E3)
Alors que les modèles à effets aléatoires
s'écrivent :
Yit = u + âXit + åit (E4)
Où on adopte la décomposition suivante pour le
terme d'erreur : åit = ái + vit
Les variables ái désignent ici les effets
individuels qui représentent l'ensemble des spécificités
structurelles ou atemporelles de la variable endogène, qui
diffèrent selon les individus. On suppose ici que ces effets sont
aléatoires. Le processus stochastique désigne la composante du
résidu total åit; orthogonale aux effets individuels et
aux effets temporels.
Pour cette étude, le modèle général
sera sous la forme:
Pit = ái + âXit + åit (E5)
Où P représente la variable endogène
caractérisée par les indices de pauvreté tels que
notifié dans notre hypothèse, Xit désigne les
variables explicatives caractérisées par
le choix des variables, ái étant l'effet
individuel, åit le terme d'erreur, i et t désignent
respectivement les individus et le temps.
L'hypothèse no 3 est formalisée à
partir de la relation fonctionnelle qui pouvait exister entre le montant des
dépenses sociales et les indices de pauvreté.
Ainsi, de façon spécifique, le modèle se
présente de la manière suivante:
Pit = áit + b1éduit +
b2santit + b3indic2000i + b4indic2002i +b5indic2006i
+åit (E6)
Avec P comme indice de pauvreté décomposée
en trois sous variables endogènes à savoir :
-P0 l'incidence de pauvreté.
-P1 la profondeur de la pauvreté.
-P2 la sévérité de la pauvreté.
Les variables exogènes sont caractérisées
d'une part par les dépenses sociales en éducation (édu) et
en santé (sant) prises de façon distincte au niveau
départemental.
Indic représente la variable indicatrice
caractérisée par le montant alloué par l'Etat au cours des
années de l'étude. Elle est une variable binaire qui prend la
valeur 1 pour les dépenses sociales et 0 pour autre, á l'effet
individuel, b1 , b5 représentent les coefficients à estimer,
å est terme d'erreur, i et t
représentent respectivement les individus observés (ici les
départements) et le temps.
L'estimation du modèle se fait par la méthode
des Moindres Carrés Ordinaires (MCO) sur le logiciel STATA (Version9).
Aussi pour la validation du modèle à effet retenu, des tests
économétriques sont nécessaires avant d'interpréter
les résultats au seuil de 5 %.
Il sera donc question de mettre en relation ces dépenses
publiques sociales et la mesure de pauvreté à savoir les indices
FGT.
L'analyse ici étant de montrer qu'il existe une
amélioration du bien-être lorsque le gouvernement pratique de
meilleurs niveaux de dépenses sociales. Le signe attendu est positif et
significatif ; l'objectif est de mieux appréhender la contribution de
chaque secteur social au niveau départemental.
Après la spécification du modèle, nous
procéderons à une série de tests
économétriques pour la validation du modèle avant
l'interprétation des résultats.
- Test d'
hétéroscédasticité
La condition de vérification du test d'
hétéroscédasticité s'écrit alors comme
suit:
V (åi)= s2 i?0
Pour vérifier cette hypothèse nous utiliserons
le test de Breuch-Pagan, qui consiste à vérifier si le
carré des résidus peut être expliqué par les
variables du modèle. Si c'est le cas il y a
hétéroscédasticité.
- la qualité de régression R2
- le test de significativité global du modèle de
Fisher
- le test de normalité de Jarque-Bera
Le modèle développé pour la
troisième hypothèse est essentiellement un outil d'analyse
quantitative qui nous permet d'apporter notre modeste contribution à la
compréhension de l'impact potentiel des ressources internes de la
puissance publique sur le bien-être au Bénin.
2.2. Choix de l'indicateur de
pauvreté
Un indicateur de pauvreté est une variable proxy
mesurable et aussi près de la réalité que possible d'une
dimension particulière spécifié dans l'espace de la
pauvreté. L'indicateur de pauvreté est différent d'une
mesure de pauvreté et aussi d'indice de pauvreté. L'indice de
pauvreté est une fonction de l'indicateur de pauvreté (revenu)
sur l'ensemble de la population. L'indicateur permet de déterminer si le
ménage ou l'unité statistique sur laquelle porte l'étude
est ou non pauvre (mesure de pauvreté). L'indice de pauvreté
mesure la proportion de pauvres au sein d'une population.
La mesure de la pauvreté se fonde sur la
détermination d'une ligne (ou d'un seuil) frontière après
la correction de la consommation pour donner une consommation par tête
ajustée dans le ménage. Il restera à fixer le minimum du
seuil acceptable pour atteindre le niveau de vie standard de la
société de référence. Cela conduit à la
distinction entre ligne absolue et ligne relative. Le seuil de pauvreté
sera le minimum requis pour couvrir les besoins calorifiques par jour
(2400cal/j). On détermine ensuite la dépense qu'il faut pour
atteindre les 2400 calories à partir des produits alimentaires les plus
consommés. En admettant que les besoins non alimentaires
représentent la moitié de ceux alimentaires on arrive à
fixer la ligne. Toute personne dont la consommation par tête
ajustée n'atteindrait pas ce niveau sera considérée comme
pauvre.
Dans notre analyse, Les ménages béninois ont
été subdivisés en cinq catégories suivant le niveau
de bien être mesuré par les dépenses annuelles ; La
dépense moyenne annuelle d'un ménage béninois est de
829286 FCFA soit 69107 FCFA/mois. Les ménages ayant un niveau de
dépense inférieur à la moyenne annuel sont
considérés comme pauvres.
2.3. Source et collecte des
données
Étant donné que l'objectif principal de notre
étude est d'analyser l'impact des dépenses publiques sur le
niveau du bien-être des populations vulnérables, les
données recueillies proviennent des enquêtes ménages
réalisées au Bénin à savoir l'Enquête
Légère Auprès des Ménages (ELAM), Enquête sur
la Conditions de vie des Ménages(ECVR) et l'Enquête Modulaire
Intégrée sur les Conditions de Vie des Ménages(EMICoV) . A
cela s'ajoutent d'autres sources principales: l'INSAE, la DGE, le
Ministère de l'éducation, le Ministère de la Santé,
le Ministère de l'Economie et des Finances.
Dans le cadre de notre étude nous retenons la
période allant de 2000 à 2006. Cette période inclus les
années pendant lesquelles ont été réalisées
les enquêtes ménages au Bénin. Cependant,
premièrement l'analyse liée à la technique d'incidence se
fera à partir des données de l'enquête EMICoV
réalisée en 2006 afin d'appréhender la comparaison
distributive des parts obtenues par les catégories sociales. Ensuite,
nous retenons les trois enquêtes réalisées en 2000, 2002 et
2006 à savoir l'ECVR, le QUIBB et l'EMICoV pour interpréter les
résultats mettant en évidence l'impact des dépenses
sociales sur les indices de pauvreté.
CHAPITRE 2 : SITUATION DES DEPENSES PUBLIQUES
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