IV-3-3 Situation générale des
exploitations et de leurs moyens de production
Deux des sept étables sont détenues par des
agriculteurs n'exerçant pas d'autres activités. Les cinq
restantes sont gérées par des salariés du secteur
privé (médecin, ingénieur) ou par des fonctionnaires de
l'Etat. Ceci confirme les observations de travaux antérieurs en relation
avec l'élevage suburbain où les citadins investissent le plus
souvent le champ de la production agricole en mobilisant une part de leurs
revenus afin de générer davantage de richesses [CENTRÈS,
1996 ; MOUSTIER et PAGÈS, 1997].
La superficie moyenne par ferme était de 186 286 ha,
caractérisée par une ample variation de 3 à 386 ha. Deux
fermes représentaient plus de 90 % de la superficie totale et
détenaient près de 36 % des vaches (Tableau 36).
Tableau 36. Paramètres structurels des fermes
suburbaines étudiées.
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Minimum
|
Moyenne #177; écart type
|
Maximum
|
|
|
|
|
Superficie arable (ha)
|
3
|
186 #177; 101
|
386
|
Superficies fourragères (ha)
|
5
|
23,4 #177; 24,7
|
75
|
Effectif en vaches
|
16
|
31,4 #177; 18,6
|
67
|
Chargement (ha de fourrage/vache)
|
0,16
|
0,38 #177; 0,69
|
0,83
|
Après plus de 10 années de sécheresse
relative, les potentialités d'irrigation étaient
sérieusement diminuées et ceci a affecté la
disponibilité en fourrages. Par conséquent, les fourrages
correspondaient principalement à des cultures pluviales telle que la
triticale ou l'orge, l'avoine et le mélange avoine-vesce à
l'automne et en hiver. Trois exploitations avec des investissements
coûteux dans les moyens d'irrigation (motopompe et système
d'aspersion) pratiquaient en plus des cultures fourragères estivales
tels le maïs et le sorgho pour disposer de verdure aux moments de soudure.
Ces fourrages sont le plus souvent ensilés. De manière
générale, le chargement animal était très
élevé, puisqu'il n'y avait que 0,38 ha de fourrages par vache.
Au niveau de l'étable étatique (SODEA), ce paramètre
affichait une valeur minimale de 0,16 (6,5 vaches à l'ha de fourrages),
révélant que l'assise foncière de cette ferme est en
priorité dévolue à des cultures de rente et non pas aux
fourrages, tel que ça a été observé dans d'autres
études vouées à ces mêmes étables
[SRAÏRI et KESSAB, 1998].
IV-3-4 Alimentation, production laitière et
reproduction du cheptel bovin des fermes suburbaines
Face aux contraintes climatiques et à
l'exiguïté des parcelles (même quand le terrain est
disponible les agriculteurs déclarent le réserver en
priorité à des cultures de rente plutôt qu'aux fourrages),
le bilan fourrager des vaches repose en grande partie sur les achats de
concentrés. C'est ce qui ressort de manière claire du tableau
37.
Tableau 37. Paramètres d'alimentation des vaches dans
les fermes suburbaines étudiées.
Paramètre
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Minimum
|
Moyenne #177; écart type
|
Maximum
|
|
|
|
|
UFL cc/v/an
|
1 367
|
2 924 #177; 1 237
|
4 834
|
UFL cc/kg lait
|
0,48
|
0,63 #177; 0,25
|
1,29
|
Ratio Fourrages / Concentrés (%)
|
12
|
25 #177; 11
|
41
|
La quantité moyenne d'énergie issue des
concentres par vache était de 2 924 #177; 1 237 UFL, avec une
variation très intense entre étables avec des modes
d'élevage extensif (1 367 UFL dans l'étable n°5) et
étables spécialisées en lait avec recours
systématiques aux concentrés (4 834 UFL dans l'étable
étatique de la SODEA). Cette tendance se retrouve aussi dans
l'efficience de conversion des concentrés en lait qui a affiché
une très large variabilité. Ainsi, une valeur moyenne de 0,63 UFL
issues des concentrés par kg de lait a été trouvée.
Elle variait de 0,48 à 1,29 UFL respectivement dans les étables
n° 6 et 5. Ces chiffres montrent que l'usage des concentres alimentaires
était associé à la satisfaction des besoins
énergétiques d'entretien des troupeaux, du moment que les
consommations en énergie issue des concentrés dépassent le
besoin unitaire de production d'un litre de lait (0,43 UFL) lorsque les
fourrages assurent l'entretien [INRA, 1988]. Ces données
démontrent de manière très claire la rareté des
fourrages et aussi l'ampleur des erreurs de rationnement, sachant que dans six
des sept étables, les fermiers n'avaient pas recours à une
confection de rations équilibrées. En fait les carences
minérales et encore plus protéiques ne peuvent qu'altérer
l'efficience de conversion de l'énergie des concentrés en lait
comme le souligne WOLTER [1995].
Par conséquent, les fourrages ne représentaient
que 25 % de la valeur de l'énergie issue des aliments
concentrés. Dans quatre des sept fermes, la gamme de concentrés
utilisés était très étroite : orge grain,
pulpe sèche de betterave (PSB) et son de blé. L'association
« galactogène », qui pourrait être
qualifiée de miracle selon le jargon des éleveurs, entre la
PSB et le son de blé provient de l'énergie hautement
digestible des fibres de la PSB conjuguée aux matières
azotées totales du son de blé. Elle ne peut qu'avoir un effet
bénéfique pour rehausser la valeur d'un fourrage pauvre et
même d'une paille, que d'ailleurs beaucoup d'éleveurs
considèrent comme un fourrage. Mais la synergie issue de cette
association alimentaire, certes efficace pour des vaches rustiques faiblement
laitières, telles que les croisées et les locales, montre des
limites évidentes lorsqu'il s'agit de nourrir des bovins à
très fort potentiel laitier : insuffisance quantitative
azotée, déséquilibre en acides aminés limitant et
risques d'acidose [SRAÏRI et FAYE, 2004]. De plus, la propagation
généralisée de cette ration modèle « son
de blé + PSB » en constitue paradoxalement le facteur limitant
principal, tant ces matières premières connaissent des
fluctuations de prix au moindre soubresaut du marché
(renchérissement poussé en début de sécheresse,
dépréciation importante après des pluies, dès que
le disponible herbager peut dispenser d'acheter de coûteux aliments, de
surcroît pour des éleveurs aux moyens de trésorerie
limités)
La ferme étatique de la SODEA et deux autres fermes
avaient accès à d'autres types de concentrés, telles les
pulpes d'agrumes déshydratées, les tourteaux de soja et de
tournesol et de la luzerne déshydratée importée ;
cette dernière assumant un rôle de fibres additionnelles hautement
digestibles pour les vaches laitières.
La reproduction des vaches
laitières était exclusivement assurée par
l'insémination artificielle. En fait, l'intervalle moyen entre
vêlages était de 399,1 #177; 10,6 jours (Tableau
38). Cette valeur était proche des recommandations pour une
rentabilité optimale sur les fermes laitières [NEBEL et MC
GILLIARD, 1993]. Elle est aussi sensiblement similaire aux 397,6 jours
d'intervalle entre vêlage trouvés par BENAICH et al.
[1999] dans des élevages laitiers de la même région sous la
coupe des mêmes inséminateurs. Ceci illustre la réussite
des interventions des inséminateurs, et aussi des détections de
chaleur. Ces résultats peuvent être expliqués par les
conditions favorables qu'offre l'environnement périurbain pour la
pratique de l'IA : facilités de communications grâce aux
téléphones portables, bonne infrastructure routière et
distances courtes entre exploitations. Ce genre de causes est à
l'origine de circuits d'IA performants, selon BASTIAENSEN [1997]. En revanche,
l'âge moyen au premier vêlage était en retard par rapport
aux recommandations, puisqu'il atteignait 917 jours, soit environ 30 mois. Ceci
renseigne sur des vitesses de croissance des génisses inadaptées
et illustre une tendance très fréquente dans les fermes
laitières des pays en voie de développement : une maturité
sexuelle retardée des génisses Holstein due à une
ingestion d'énergie insuffisante au cours de la croissance [DE JONG,
1996; HEINRICHS et HARGROVE, 1987]. Il faut d'ailleurs mentionner à cet
égard que les veaux en croissance, étant le plus souvent
refoulés à un rôle de compétiteur vis-à-vis
des vaches, ils se trouvent relégués à consommer les refus
et à faire les frais des périodes de disette, avec ce que
ça sous-entend de retards de croissance, et même de
mortalité. Les jeunes femelles sont sûrement celles qui paient les
tributs les plus élevés à ces limitations, et il n'est pas
rare de remarquer que des élevages laitiers de taille imposante ne
disposent d'aucune stratégie pour le renouvellement, quand ils n'ont pas
vendu toutes leurs génisses. Quant à parler des
spécificités des pratiques destinées aux jeunes femelles
pour les préparer à une longévité maximale et
amortir par conséquent le coût de revient de leur élevage
est utopique, tant les jeunes veaux femelles et les génisses sont
considérées comme un « mal »
encombrant [SRAÏRI et FAYE, 2004].
Le rendement moyen en lait par vache était de
4 179 #177; 1 943 kg. Il a varié de 1 036 à
5 994 kg. Les valeurs maximale et encore plus moyenne montrent que le
potentiel laitier de la race Holstein n'est pas atteint. Ceci peut être
expliqué par les limitations d'ordre environnemental, notamment au
niveau de l'alimentation des vaches. Des rations riches en concentrés et
rarement équilibrées, avec une part ridicule de fourrages de
qualité, ont en effet été observées tout le long du
suivi d'élevage et dans la majorité des étables.
Tableau 38. Caractéristiques de la reproduction et
rendement laitier par vache des fermes suburbaines
Paramètre
|
Minimum
|
Moyenne #177; écart type
|
Maximum
|
Intervalle entre vêlage (jours)
|
384
|
399,1 #177; 10.6
|
415
|
Age au premier vêlage (jours)
|
880
|
917,2 #177; 25,7
|
944
|
Rendement laitier par vache (kg)
|
1 036
|
4 179 #177; 1943
|
5 994
|
|
|