3.4.
La négation du sacré
Après avoir étudié comment la
négation du sacré africain a conduit au drame, il convient de
voir les concrétions discursives dans ce domaine qu'on trouve dans le
roman. Dans la peinture de ce sacré, Badian, veut faire office de
remparts contre la dérive sociale dans cette « anomie
rampante qui affecte le monde africain» (Coussy 2000 :37).
3.4.1.
Les concrétions discursives
Pour mettre le travail dans le bain de la sociocritique tout
au long de son avancement, il nous est important de déceler les segments
discursifs énonçant un lieu commun isolable du tissu narratif
pour montrer la négation du sacré dans Noces
sacrées.
Delcroix et Hallyn l'expliquent comme suit :
« C'est ici le lieu d'affirmer que la lecture
sociocritique, si elle veut revendiquer le droit à la proposition,
à la proposition généralisatrice, doit acquitter le prix
de cette ambition, par une attention minutieuse portée au
détail » (1987 :297).
Beaucoup de détails discursifs font,
dans Noces sacrées, objet de dénaturation du
sacré africain. Les personnages européens l'expriment mieux.
Besnier ne se dérangeait pas devant la puissance des dieux :
« je décidai que mon boy ou, quelque autre garnement me
faisant une force. Je me mis au lit. Infernal bruit de vaisselle. Je ne me
dérangeai pas ». (N.S. : 18).
Aux « Zeus » ou «Jupiter»
africains, « N'tomo » au sommet de la hiérarchie des
dieux », (N.S. : 27), Besnier substitue ses chefs
européens : « Mais finie l'Afrique noire ! [...].
Mes patrons étaient puissants». (N.S.: 20).
La banalisation s'en suit : « Il n'a pu
résister à la tentation de vouloir révéler ce qu'il
avait appris. Il a péri. Comment? De la manière la plus
banale» (N.S.: 21).
S'étant mis à l'écart par rapport aux
lieux d'initiation, que possède l'Afrique, Besnier s'approche de la
ville, lieu de vie européenne, mais la négation du sacré
africain le poursuit :
« A Paris, mon séjour fut bref cette
année là. Six mois pendant lesquels j'organisai mon travail, me
familiarisai avec les milieux qui m'intéressaient : banques,
bureaux d'études [...] on voulait peut être me faire
oublier » (N.S. : pp. 27-28).
Sur ce point, Noces sacrées veut
décoloniser l'esprit africain harcelé par rapport à
l'européen en matière de déculturation avec tout ce
qu'elle comporte de mal.
3.4.2.
Le discours antagonique : Le bien et le mal
Les récits construits sur un schéma
manichéen renferment ce discours dit antagonique. La
société est la source de ce qui est écrit dans une oeuvre
romanesque.
C'est en fait Droga-Bada qui le dit
mieux : « [...] Personne ne met en doute aujourd'hui, que
l'oeuvre d'art plonge ses racines dans la société ambiante».
(1977, p.84).
L'ambiance du roman montre le mal qui a été
introduit par Besnier avec la violation de ce qui fait réellement
l'être profond de la société romanesque : le
sacré. En fait, Besnier n'a pas seulement provoqué la
colère des hommes, mais aussi celle des dieux.
Il y a donc l'antagonisme discursif entre deux mondes
culturellement opposés. Au moment où les autres respectent leur
sacré, Besnier « rien ne le surprenait [...]. Plusieurs
générations étaient nécessaires pour vaincre cette
mentalité». (NS : 72). Du côté de la
société locale, « Le vieux [...] s'en prenait
plutôt à l'école européenne qu'il accusait de
dénaturer les enfants» (N.S. : 80).
Dans l'ironie aiguë, l'auteur
écrit : « Mais à l'ère
européenne, tout est possible. On ne respecte rien. Il faut restituer
aux gens leur bien» (NS : 85).
Ainsi, Badian, en ôtant le voile de honte jeté
sur l'Afrique traditionnelle par l'Occident, se place « dans le
sillon de la réhabilitation des nos valeurs ancestrales »
(Dailly, 1970 :179).
Malheureusement, l'anti-héros Besnier parmi d'autres
actants « s'était bien gardé d'afficher le moindre
optimisme » (NS : 87). Pour lui, avec le respect de la tradition
africaine, tout irait mal, si nous restons optimistes.
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