2.5.3.
L'errance
Le thème de l'errance se trouve le plus dans la
mythologie grecque où un personnage ayant désobéi aux
dieux est puni à errer infiniment dans la nature. C'est le
châtiment qui se classe parmi les plus terribles que les dieux pouvaient
donner. Nous avons aussi évoqué par analogie le Dionysos grec.
Raymond Trousson nous explique ainsi : « [...] les thèmes
sont bien autre chose que de simples sujets malléables et transformables
à merci » (1981 : 79).
Il n'est pas alors étonnant qu'on retrouve ce
thème dans la littérature africaine. Autant qu'Ulysse errait pour
regagner son île d'Ithaque, autant Besnier errait de Marseille à
Londres pour s'échapper de N'tomo mais en vain. Voyons d'autres exemples
dans le roman :
« Ils jouaient leur dernière chance.
Après elle le néant. Le Docteur était hanté par ce
néant, ce qui rendait indifférent à ce déploiement
de couleurs auquel la nature jouait sous leurs yeux. » (N.S. :
117).
Alors que tout devient « néant »,
Besnier erre de façon très sporadique pour retrouver la paix. Le
voici en France :
« Il s'agit d'un masque sacré qu'il avait
ramené d'Afrique, un dieu : N'tomo. Depuis, Besnier a connu
certains phénomènes étranges. Il s'en est ouvert à
moi le lendemain de son arrivée à Marseille »
(N.S. : 36).
Dans son errance, les tourments venant de N'tomo le
poursuivent. Besnier trouve en face de lui des visages d'hommes et de femmes
qui lui parlent :
« Rictus, sourires amers, grimaces de douleur et de
dérision, rires cruels. Je me sentis pris dans un univers, au milieu
d'une foule, qui criait, parlait, riait, pleurait, et chaque mot, chaque cri,
résonnait en moi, retentissait autour de moi avec une sonorité
d'angoisse» (N.S. : 32).
Les tourments de N'tomo transportèrent Besnier,
l'anti-héros, à Londres. Dans cette littérature
mythique l'auteur développe un cosmos où l'on nomme par
l'humain le naturel et le surnaturel qui se livrent à une vaste et
minutieuse partie d'échanges et de métamorphoses.
Michel Zéraffa le dit en ces mots :
« La pensée mythique n'oppose pas les dieux
aux hommes. Elle divinise l'humain et humanise le divin. Elle fait d'une
divinité le double supérieur de l'homme et symétriquement
de l'animal ou du végétal les doubles inférieurs de
l'humain » (1971 : 91).
C'est dans cet univers que Badian conçoit ses
personnages. L'errance de l'anti-héros, Besnier, rappelle en
évidence la mythologie grecque.
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