A l'époque précoloniale, la zone actuellement
occupée par le PNBé et sa périphérie était
utilisée par le Lamido (autorité traditionnelle suprême) de
Rey-Bouba comme son domaine privé de chasse. Sous l'impulsion de
l'administrateur colonial Pierre Flizot, une partie de ce domaine fut
classée "réserve de la faune de la Bénoué" suivant
l'arrêté N° 341/32 du 11 novembre 1932 du haut commissaire de
la république française au Cameroun. Afin de limiter la pression
sur les ressources naturelles, l'arrêté N° 120/SEDR du 5
décembre 1968 érigea ce domaine en "Parc National de la
Bénoué". L'UNESCO classa en 1981, le PNBé dans la liste
des réserves de la Biosphère en raison de la présence
humaine autour du parc et son premier plan d'aménagement fut
élaboré en 2002 (Tsakem, 2006). Les zones d'intérêt
cynégétique 1 et 4 comme toutes les autres ZIC de la province ont
été
créées autour du parc par l'arrêté
N° 86/SEDR/DEFC du 21 octobre 1969. Ce sont les zones vouées
à la protection et à l'exploitation de la faune par la chasse
moyennant paiement de droits et taxes tels que prévus par la
réglementation en vigueur.
L'unité technique opérationnelle (UTO) de la
Bénoué est l'unique aire protégée de
première catégorie dans la région septentrionale du
Cameroun. Bien qu'elle soit classée parmi les plus riches du pays en
termes de diversité biologique, cette aire protégée, tout
comme les zones banales environnantes, sont exposées à la chasse
illégale ou braconnage; les populations locales appréciant bien
le gibier (WWF, 2004).
· Groupes ethniques et migrations des
populations
Plusieurs ethnies composent la population vivant dans l'UTO
de la Bénoué. Les groupes autochtones sont composés des
Haoussas essentiellement commerçants, des Foulbés
particulièrement éleveurs, des Fali, Kangou, Mboum, Laka, Dourou,
Veré, Tchamba, Bata qui sont des agriculteurs. L'ethnie majoritaire est
constituée par les Dourou pour la plupart des agriculteurs.
Les allogènes sont représentés par les
immigrants venus de l'Extrême-Nord et du Tchad: il s'agit des Toupouris,
Massa, Matakam, Moundang, Guiziga, Laka, Mada qui pratiquent pour la plupart la
culture du coton (WWF et al, 2002). Ils sont fortement
impliqués dans l'exploitation et la vente de bois de chauffage ;
activités qui contribuent substantiellement à la destruction du
couvert végétal, et donc de l'habitat pour la faune.
La population de la région du Nord est à la
fois moins dense et moins bien repartie (73% de la population y occupe
seulement 26% de la superficie) (DNSC, 2007). L'UTO s'étend sur un seul
département et est peuplée d'environ 176708 habitants (Endamana
et al., 2006).
· Organisation sociale et régime foncier
La société dans la Région du Nord
Cameroun est organisée autour de la chefferie localement appelée
Lamidat à la tête duquel se trouve un Lamido qui constitue
l'autorité traditionnelle ; celui-ci est le véritable gardien des
traditions ancestrales. Les ZIC 1 et 4 comptent prêt de 9 villages tous
sous l'autorité du Lamidat du Rey-Bouba. Les Lawans sont les chefs de
quartiers tandis que les djaoros sont les chefs du village. Ceux-ci constituent
les relais du Lamido au niveau des villages et des quartiers.
Le système politique traditionnel y est de type
féodal où le Lamido est considérée comme
l'intermédiaire entre Dieu et les hommes ; cette autorité est
décentralisée au niveau des relais locaux; ainsi le lamido confie
une partie de la gestion du territoire aux lawans et aux djaoros qui ont
respectivement le statut de chef de deuxième et
troisième degré. Les régimes fonciers traditionnels en
vigueur valorisent soit une gestion collective, soit une gestion
individuelle des terres (Nanko, 2009) :
- Chez les populations non islamisées ou Kirdi de la
plaine (Koma, Moundang, Toupouri, Massa) et des montagnes (Mafa, Mofou), le
régime foncier privilégie les droits de l'individu par rapport
à la collectivité ; chaque chef de famille dispose d'une portion
de terre sur laquelle il exerce des droits (agriculture, élevage, etc.).
La notion de propriété collective ne s'applique qu'à des
pâturages communs forts limités. Dans ces communautés,
chaque paysan peut louer, vendre ou acheter des terres sans en
référer à une autorité supérieure, à
la seule condition de ne pas vendre au profit d'un étranger au
village.
- Chez les peuples musulmans des plaines de la
Bénoué, du Diamaré et du Logone, le Lamido est le
maître des terres. La gestion et l'administration effective et
quotidienne du territoire incombent aux autorités vassales. Le
rôle et les prérogatives coutumières des chefs de village
(Lawan, Djaoro, Ardo, Boualma) sur les terres se sont accrus du fait de
l'installation des migrants kirdi dans les plaines, dans le cadre des projets
de développement ou des périmètres de colonisation. Le
droit d'usage des terres ne peut être qu'une concession du Lamido ou de
ses suzerains moyennant certaines redevances, notamment la zakkat ou
aumône légale. Les étrangers notamment les éleveurs
nomades et les cultivateurs kirdi sont soumis à une taxe d'utilisation
de la terre ou du pâturage.
D'après le droit coutumier « Peuhl », toutes
les terres, y compris celles des habitations, appartiennent au « Lamido
». A ce titre, la création d'un nouveau champ est
subordonnée à l'autorisation préalable et inconditionnelle
du « Lamido » au demandeur. La pratique dans les ZIC N°1 et 4
semble s'écarter de ce principe général, sans doute en
raison de sa situation excentrique par rapport au « Lamidat ». En
effet, l'acquisition d'un terrain de culture varie du libre accès
(défrichement d'un terrain vierge ou cession d'un champ familial) pour
la population locale à l'autorisation préalable du « Djaoro
» (chef de village) pour le demandeur.
Les conflits dans l'UTO de la Bénoué sont nombreux
et de plusieurs types :
- Conflits agriculteurs- éleveurs nomades dans les zones
de pâturages et sur les pistes à bétail ; - Conflits
pêcheurs - éleveurs sur les zones de pêche ;
- Conflits agriculteurs - éleveurs autour des points
d'eau (mares, AEP, etc.) ;
- Conflits entre les populations musulmanes qui veulent
conserver leur hégémonie sur les terres et les migrants animistes
ou chrétiens en conquête permanente des surfaces cultivables.
La gestion de ces conflits est assurée en premier
ressort par les chefs traditionnels et, en cas de
persistance, par diverses instances d'arbitrage
créées par le gouvernement au niveau local.
· Genre et groupes à risques ou
marginaux
La situation sociale de la femme dans tous les groupes sociaux
dans cette région est caractérisée par les mariages
précoces et la sous-scolarisation. Les femmes sont
généralement défavorisées par
rapport à l'accès à la
propriété foncière, aux facteurs de production et aux
postes de responsabilités dans les groupes d'initiatives communes (GIC)
de producteurs de coton et de riz, surtout dans les sociétés
islamisées. Cependant elles sont les actrices principales dans les
systèmes de production vivrière dont elles gèrent
l'essentiel des revenus. Par ailleurs elles disposent de leurs propres
groupements (Cheumani, 2009).
Malgré leur forte implication dans les
activités agricoles (production vivrière) et dans les travaux
ménagers, les femmes restent défavorisées dans le
processus de prises de décision et de participation à la vie
publique. Elles participent de façon très discrète aux
prises de décision au sein du ménage. C'est l'homme qui prend les
décisions tant au niveau familial qu'au sein de la communauté. On
note de plus en plus une évolution des mentalités avec un
élan d'émancipation chez les femmes qui commencent
déjà à développer des attitudes d'autonomie et se
montrent assez dynamiques dans le mouvement associatif où elles mettent
en exergue leur leadership.
Les Bororos constituent un autre groupe marginal à
cause de leur genre de vie nomade et de leur instabilité sur plusieurs
terroirs. Quant aux jeunes, ils participent à tous les systèmes
de production sans avoir accès aux revenus qui sont gérés
par les chefs de famille. Le travail des enfants est
généralisé dans tous les secteurs de production et
principalement dans les communautés d'éleveurs ; ce qui est un
facteur limitant à leur scolarisation.
Les groupes à risques sont représentés
par les migrants lors de leur arrivée dans les zones d'installation et
par des ménages pauvres contraints de vendre à bas prix leurs
céréales à la récolte et qui ne peuvent plus
ensuite satisfaire leurs besoins alimentaires au moment de la soudure.
La gestion des faibles revenus familiaux est mal
assurée par la plupart des chefs de famille et les périodes de
soudure sont souvent très difficiles pour la majorité des
agriculteurs. Une partie non négligeable des revenus est
prélevée par les autorités traditionnelles sous forme de
Zakkat ou de loyer des terres souvent affermées pour une période
déterminée.
2.1.9. Caractéristiques économiques de la zone
d'étude
Les principales activités économiques des
populations de l'UTO sont l'agriculture, l'élevage, la pêche, le
petit commerce, l'artisanat. Les principaux produits de l'agriculture sont le
sorgho, le mil, le coton, le maïs, le riz, l'arachide, le
niébé et les cultures maraîchères. Les principaux
produits d'élevage sont les bovins, les caprins, et la volaille. La
pêche est pratiquée dans la Bénoué et dans les mayo
(cours d'eaux saisonniers dans la région). Le petit commerce se
résume à la petite restauration, à la vente des produits
manufacturés.