Chapitre 2. La portée du rescrit: un effet
surestimé
Destiné à améliorer la
sécurité juridique du cotisant, le rescrit social instauré
à l'article L. 243-6-3 du Code de la sécurité sociale
semble souffrir du même mal que son prédécesseur et que
beaucoup de lois en France: le manque ou l'absence d'étude d'impact lors
de son élaboration.
En effet, bien que semblant répondre à
l'attente de nombreux cotisants, la nouvelle procédure de rescrit social
paraît aboutir à une sécurité juridique relative
pour le cotisant ( Section 1 ) et pose question quant à sa pratique et
quant à la nature du recours devant l'ACOSS ( Section 2 ).
Section 1. Une sécurité juridique
relative pour le cotisant
Bien que la nouvelle procédure de rescrit soit
plus ouverte que celle élaborée par la loi du 11 février
2004, elle offre encore un champ d'application trop faible limitant ainsi les
domaines pouvant bénéficier de la garantie prévue ( §
2 ). De plus, le formalisme exigé, s'il permet à la
procédure d'être plus élaborée, s'avère en
définitive affaiblir la sécurité juridique du cotisant (
§ 1 ).
§ 1. Un formalisme offrant une
sécurité insuffisante
A. Un formalisme excessif et des termes
imprécis
La nouvelle procédure de rescrit social
instaurée par l'ordonnance du 6 juin 2005, par le formalisme important
qui l'accompagne donnera sans doute du grain à moudre à tous ceux
qui ont coutume de dénoncer la pesanteur administrative imposée
aux entreprises dans le droit français. Mais au delà du fait que
les éléments devant accompagner la demande de rescrit
énoncés par l'arrêté du 19 décembre 2005
promettent de rendre la réalisation de la procédure complexe, il
est surtout important de noter que ces élément ne sont
donnés qu'à titre indicatif et que la liste qui en est faite dans
le texte n'est en aucun cas exhaustive, en témoigne l'utilisation de
l'adverbe « notamment » dans trois des quatre
articles de l`arrêté. De plus, présenter une description
précise et complète de sa situation de fait, comme l'exige
l'article R. 243-43 I 4° du Code de la Sécurité sociale , ne
sera pas aisé pour le cotisant, la complétude et la
précision sur un sujet étant des notions subjectives et non pas
objectives. Ainsi, la mise en oeuvre de la procédure de rescrit social
risque de se révéler coûteuse pour les cotisants en raison
du coût auquel leur reviendront les experts et conseils auxquels ils
devront devoir se référer pour avoir le plus de chance possible
d'avoir une réponse positive de l'URSSAF.
B. Un formalisme dangereux pour le cotisant
Les exigences législatives et réglementaires
quant au nombre de documents à joindre à la demande ainsi que les
précisions à apporter ne sont pas de nature à inciter le
cotisant à avoir recours à la procédure de rescrit
social.
En effet, par cette procédure, le
cotisant offre à l'administration l'ensemble des documents
nécessaires pour que celle-ci puisse se prononcer sur
l'opportunité d'opérer un contrôle dans l'entreprise: date
d'implantation dans la zone, évolution de l'effectif dans la zone,
nature du régime de retraite offert aux salariés et mise en
oeuvre, évaluation des avantages en natures....De plus, il aurait
été sans doute plus logique que les documents demandés
pour que l'URSSAF se prononce sur la situation du cotisant soit uniquement les
documents indispensables à une prise de position en toute connaissance
de cause, mais ce n'est pas le cas. C'est ainsi que pour une demande portant
sur l'application des dispositifs d'allégement de cotisations sociales
pour des raisons tenant à l'implantation de l'entreprise, il semble
excessif d'exiger que figure parmi les pièces justificatives l'effectif
de la société détenant le quart ou la majorité du
capital alors que le bénéfice d'une telle exonération
n'est pas soumis à la détention par les salariés de
l'entreprise d'une quelconque part du capital de l'entreprise.
Pour ces raisons, dans le but d'assurer une véritable
sécurité juridique au cotisant, il aurait sans doute
été plus judicieux d'organiser une procédure permettant
l'anonymat du demandeur. Au lieu de ça, l'article R. 243-43-2, I du Code
de la sécurité sociale précise que la demande du cotisant
doit préciser le nom et l'adresse du demandeur ainsi que son
numéro d'immatriculation. S'il est indéniable que ces
informations n'ont aucun intérêt dans l'appréciation de la
situation par l'URSSAF, elles sont toutefois logiques dans la mesure où
l'article L. 243-6-3, 3° alinéa 5 énonce que la
décision ne vaut que pour le demandeur et par conséquent l'URSSAF
doit avoir les moyens d'identifier les bénéficiaires de sa
doctrine. C'est pourquoi, une procédure préservant l'anonymat du
demandeur serait incompatible avec l'exclusivité de la position de
l'URSSAF. Dès lors, afin d'aboutir à une réelle
sécurité juridique du cotisant, une meilleure solution aurait
été d'organiser une procédure permettant à un
cotisant de faire une demande anonyme à l'URSSAF, obligeant celle-ci
à faire une réponse publique, circonstanciée et
motivée (sur son site Internet par exemple) avec une garantie contre les
changements de doctrine dont pourrait se prévaloir tout cotisant entrant
dans le cadre juridique de la nouvelle position de l'URSSAF.
Cette dernière solution aurait en outre l'avantage
d'éviter les éventuelles ruptures d'égalité entre
cotisants auxquelles peut mener le fait que la réponse de l'URSSAF ne
vaut que pour le demandeur. En effet, dans la mesure où la
réponse de l'URSSAF ne vaut que pour le demandeur, deux cotisants dans
la même situation pourront recevoir deux réponses
différentes les plaçant ainsi dans une situation délicate
du point de vue du droit social, du droit de la concurrence et du droit public.
Si cette situation peut sembler n'être qu'un cas d'école dans la
mesure où on peut légitimement penser qu'une même URSSAF
optera pour la même solution face au même problème, il est
à noter que deux cotisant dans la même situation seront
placés dans cette même situation délicate si l'un
bénéficie d'une réponse positive de l'URSSAF et que
l'autre ne pense même pas à faire une demande et se contente de
payer ses cotisations à la lumière du droit commun.
§ 2. Un champ d'application restreint pour un
rescrit à l'utilité réduite
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