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Réfugiés Hmong à  Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) - rapports aux lieux et diaspora

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par Pilippe MICHEL-COURTY
Université de POITIERS - Migrinter - Master 2 2007
  

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v « Bassins de vie » en archipel

Avec les mariages, on assiste à une seconde dispersion des membres du groupe communautaire, à l'image de celle subie à la suite de l'exil du Laos. Peut-on parler ici de « diaspora » ? Si l'on reprend la définition très générale de M. BRUNEAU, qui désigne sous ce terme « toutes sortes de phénomènes résultant de migrations de populations dans plusieurs pays à partir d'un foyer émetteur » (BRUNEAU, 1995), on retrouve effectivement un « foyer émetteur » - la commune de Montreuil-Bellay-, la « mère-patrie » évoquée par Max. SORRE, et les « migrations » en différents lieux, en France et aux Etats-Unis. Toutefois, on n'est pas face à un exode massif dont « les causes ont été [...] une nécessité absolue sous l'effet de contraintes qui furent surtout de nature politique » (LACOSTE, 1989). Aussi, nous préférons ici utiliser l'image de « l'essaimage » empruntée à Max. SORRE.

L'observation de la carte n°14 montre, en France, l'existence de 3 pôles de fixation des enfants une fois mariés : l'Ouest (Rennes, Angers), le Sud-Est (Nîmes) et la région lyonnaise. On trouve des individus isolés à Poitiers, St-Nazaire et Pouzauges (Vendée). Il s'agit d'hommes dans le cadre de mariage mixtes. Les raisons de leur installation dans ces villes sont à chaque fois professionnelles, pour eux-mêmes ou par rapport à leur conjoint. Par contre si l'on considère des foyers d'installation comme Nîmes ou Lyon, on observe un nombre plus important d'individus originaires de Montreuil-Bellay : ce sont des femmes qui ont, par leur mariage, intégré un autre clan et, comme le veut la tradition, se sont installées dans le lieu de résidence de leur époux. On peut parler effectivement pour elles de « contrainte sociétale » qui, au même titre que pour leur mère auparavant, leur impose un changement de lieu de résidence, assorti d'une mobilité importante compte tenu de l'éloignement du nouveau foyer. Les importantes communautés, comme celles de Nîmes, Rennes ou Lyon, exercent alors un pouvoir polarisant que ne peut nullement avoir celle de Montreuil-Bellay du fait de sa faiblesse numérique. On a dans ce cas un mouvement centrifuge à partir de la commune d'origine.

Carte n°14 : Implantation résidentielle des enfants mariés

Ainsi, les bassins de vie familiaux s'élargissent-ils parfois considérablement à la fois sous l'effet des choix professionnels et en même temps des contraintes imposées par le principe de l'exogamie clanique sur lequel repose tout mariage endogame (cartes n°15 et 16). Les bassins de vie familiaux prennent alors la forme d'archipel, et toutes les « îles » sont reliées entre elles par la force du lien communautaire et identitaire (TAPIA, 2005).

 
 

Carte n°15 : Bassin de vie de la famille Ka-Gé TCHA

Carte n°16 : Bassin de vie de la famille Teng CHIENG

Nous ne pensons pas que les jeunes adultes qui quittent la communauté de Montreuil-Bellay le fassent, comme l'estime P. BILLION pour « échapper aux relations et aux rapports obligés entre co-ethniques, se dégager d'une dépendance étroite ... vis-à-vis de la parenté, et gagner ainsi une certaine autonomie » (BILLION, 1988 : 337). En réalité, même s'ils n'y résident plus, ils conservent des liens permanents avec leur quartier d'origine, tout particulièrement pour les hommes. Ainsi Houa, qui travaille et réside à Pouzauges (Vendée), revient toujours en fin de semaine, avec son épouse française et son fils, au domicile parental ; de même Thé, qui pourtant a son propre logement à l'extérieur de Montreuil-Bellay, a récemment élu domicile dans l'appartement de sa mère et participe régulièrement aux parties de toupie... On assiste ainsi à un second mouvement, centripète celui-là, qui fait du quartier d'origine une « niche familière » (CLAVAL, 1995 : 156), un pôle attractif par lequel se renforce en permanence l'identité collective de cette communauté. Ainsi, comme le remarquait L. WIRTH, « le plus souvent, l'individu a tendance à revenir chez les siens, dans le groupe restreint, mais humain et chaleureux que représentent la famille et le Landsmannschaft au sein duquel il est apprécié et compris » (WIRTH, 1980 : 275). L'ancrage territorial se renforce ainsi par les hommes et se double d'un ancrage affectif qui se réfère à la fois à une communauté et à un espace de vie.

Conclusion : des espaces pratiqués centripètes et centrifuges

Ancrée dans le quartier de la Herse depuis bientôt 30 ans, la communauté hmong, faible numériquement, « habite » un territoire limité dans l'espace urbain, construit avant tout par une mobilité de proximité domocentrée. La résidence constitue par excellence le lieu où se construit l'identité, et la structure familiale polygame a un impact certain sur l'appropriation de l'espace, avec en particulier le principe de la plurirésidence et l'opposition entre lieux masculins ouverts et lieux féminins fermés. A l'extérieur, les comportements spatiaux au sein de l'agglomération sont régis par les rapports sociaux, qui renforcent l'image d'« une mobilité de sociabilité » (RAMADIER, 2002 : 117). L'identité communautaire est renforcée dans des « bassins de vie » compacts, qui incluent le quartier et souvent le jardin potager, prolongement à la fois économique et culturel de l'habitation. Si par leurs modes de vie, les adultes premiers arrivés peuvent paraître en marge de la société d'accueil tout en s'y étant installés avec la volonté de refaire leur vie, « unissant les deux dimensions contraires de la rupture et de l'appartenance » (SIMMEL, (1900) 198746(*)), les nouvelles configurations matrimoniales modifient la géographie des « bassins de vie » familiaux qui s'élargissent progressivement en archipel. Pourtant, ce mouvement centrifuge, résultant d'un faisceau de contraintes - professionnelles, économiques, culturelles...-, se double d'un mouvement centripète qui conduit les jeunes hommes qui ont quitté le domicile parental à y revenir régulièrement, compensant cette décohabitation par une appropriation « existentielle » qui doit être entendue comme « le sentiment de se sentir à sa place voire chez soi quelque part » (RIPOLL, VESCHAMBRE, 2005 : 12).

* 46 Cette citation de SIMMEL est extraite du texte Philosophie de l'argent. Paris : PUF, cité par RAPHAEL, F. p.79-92 in HIRSCHHORN, M. et BERTHELOT, J.M. 1996 Mobilités et ancrages. Paris : L'Harmattan. 157 p.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon