b. Les sas d'entrée dans
le pays d'accueil : le réfugié réifié
Comme il l'était dans le camp, le réfugié
et sa famille sont dans un premier temps privés de toute initiative. Il
y a d'abord la barrière de la langue qui rend difficile la moindre
communication et nécessite de recourir à un interprète. Il
y a surtout un nouveau mode de vie qui est imposé d'emblée :
logement, alimentation, climat... Tout est nouveau et tellement
différent. Ainsi, Teng CHIENG évoque, en souriant aujourd'hui,
ses premières impressions :
Quand je suis arrivé à Paris le 5 mai, il
faisait froid.. J'ai vu que les arbres n'avaient pas de feuilles... ils
étaient tout desséchés... mais je ne voyais pas de neige.
Quand j'étais étudiant au Laos, j'avais appris qu'en France il y
a beaucoup de neige à partir au mois de novembre jusqu'au mois de
mars... J'ai cru que les arbres étaient morts... J'ai cassé une
branche et j'ai vu qu'elle était dure. Les arbres n'étaient pas
morts !... Après, j'ai vu les feuilles pousser... Ah ! c'est
bizarre !...
Au fil des semaines, une fois les
« papiers » obtenus et les premiers apprentissages
maîtrisés - ceux de la langue, en particulier -, une forme
d'autonomie est acquise, qui va permettre une insertion progressive dans la
société d'accueil.
v « Créteil » : la prise en
charge administrative
A leur arrivée en France, les réfugiés
sont hébergés à Créteil, chemin
Vert-des-Mèches. C'est le plus ancien et le plus grand centre d'accueil
d'exilés de France, créé en 1975 par France Terre d'Asile.
A l'origine, le Centre de Créteil accueillait les victimes des
dictatures militaires d'Amérique latine, plus tard, dans les
années 1980, ce furent les réfugiés asiatiques. Le
réfugié et sa famille sont alors pris en charge sur le plan
sanitaire, mais surtout administratif afin d'entamer les démarches
permettant l'obtention du statut de réfugié. La
déclaration comme demandeur d'asile faite dans les délais les
plus brefs auprès de la préfecture assure la délivrance de
l'autorisation provisoire de séjour (APS) sur déclaration
d'adresse postale. Une fois son dossier transmis à l'Office
français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA),
le réfugié obtient le récépissé de demande
de séjour valable 3 mois, avant que son statut soit officiellement
reconnu.
Ainsi, au terme de deux semaines consacrées à
ces démarches, H. T. s'est retrouvé à Port-Leucate, dans
le département de l'Aude. Il s'agissait d'un « Centre
provisoire d'hébergement éclaté », dont les
anciens animateurs reconnaissent qu'à l'époque
« tout le monde avait les bras ouverts... On avait du travail
pour toutes les personnes... ». Il y eut effectivement une forte
mobilisation pour les accueillir à leur arrivée, qu'il faut
imputer en partie au sentiment de culpabilité de la France
vis-à-vis de ses anciennes colonies, où son influence
était encore forte peu d'années avant les
événements de 1975 (BERTHELEU, 1999 : 27). Nous avons pu
recueillir auprès d'Odyle GARRIGUES, formatrice à Port-Leucate,
des indications sur le fonctionnement de ce centre et sur les modes de prise en
charge des populations réfugiées.
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