PARTIE1- Enjeux et Acteurs de la coopération
décentralisée
1.A. Les enjeux de la coopération Nord-Sud
Depuis les années 1970, la coopération pour le
développement intervient dans les domaines de compétences des
collectivités locales. C'est l'une des raisons pour laquelle l'Union des
Villes Africaines lors de sa rencontre du 25 et 26 janvier, demande que la
coopération décentralisée soit reconnue comme une
catégorie pertinente de la coopération internationale. Auparavant
une enquête réalisée par le Programme de
Développement Municipal (PDM) dans huit pays d'Afrique de l'Ouest et du
centre, révélait une progression de 10 à 100, en six ans
(1989-1994), des accords de partenariat conclus par les collectivités
locales africaines. Des mutuels d'épargne et de crédits à
la réfection des équipements de maisons communautaires, de foyers
des jeunes et divers programmes de renforcement de capacité, en passant,
par le joyau d'un nouveau lycée, que n'a-t-on pas observé comme
fruit de cette coopération décentralisée. A l'occasion du
sommet franco-africain de 1990, le Président Mitterrand invitait ses
paires à oeuvrer pour la démocratisation des États
africains, il donna un principe général d'avenir à la
coopération décentralisée. Les collectivités
françaises étant exhortées, ainsi, à soutenir les
efforts de démocratisation et l'émergence de nouveaux acteurs et
partenaires en dehors de la sphère étatique. Cette
évolution n'est, tout de même, pas ex-nihilo puis qu'elle survient
dans un contexte particulier des années 1980-1990: mesures de
libéralisation et retrait des Etats accompagnés par les plans
d'ajustement structurels sous l'égide des institutions
financières internationales. L'échec du développement
administré par les Etats et les rumeurs de détournement de la
manne financière internationale par les classes dirigeantes finissent
par faire admettre l'idée d'une gouvernance à la base. La loi
d'orientation du 06 Février 1992, va alors sacrer l'ère du «
small is beautiful »8 (E. F. Schumacher) en conférant
aux collectivités locales françaises une relative autonomie
à l'action internationale.
1.A.1. La coopération décentralisée : une
politique de captation des ressources pour le développement local de
Saint-Louis
8 Le « small is beautifull est le titre d'une
collection d'essais de l'économiste britannique E. F. Schumacher. Avec
la crise de l'énergie en 1973 et l'émergence du tiers monde,
c'était l'un des dix livres les plus influents depuis la fin de la
Seconde guerre mondiale et le premier à promouvoir l'idée d'un
développement durable.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal20.png)
20
Au Sénégal, la situation des
collectivités locales découlent de la combinaison de plusieurs
facteurs. Suite aux lois de décentralisation survenues en 1996, l'Etat a
transféré aux collectivités locales, neufs domaines de
compétences9 (domaines ; environnement et gestion des
ressources naturelles ; santé, population et action sociale ; jeunesse,
sports et loisirs ; culture ; éducation ; planification ;
aménagement du territoire ; urbanisme et habitat). Afin de compenser les
charges induites par les compétences transférées, l'Etat
sénégalais avait prévu des moyens d'interventions et des
ressources financières conséquentes. Il s'avère que les
fonds de concours alloués par celui-ci demeurent très
insuffisants. En effet, les fonds de dotations de la décentralisation et
d'équipement des collectivités sont faibles et les régions
n'ont pas de fiscalité propre. Dans ces conditions la
décentralisation ne peut être effective, elle n'existe que dans
les textes et les charges qui se sont rajoutées aux compétences
générales (le budget, la gestion du personnel, l'économie
etc.) des collectivités locales.
Afin d'apprécier la gravité de cette situation,
la région de Saint-Louis a commandité, en 2005, un audit des
compétences transférées. Il ressort de cet audit qu'il
existe un gap profond entre les ressources financières disponibles et
les besoins à prendre en charge. Ce fossé est d'autant plus
profond que le budget de la région, nécessaire pour une
couverture correcte des besoins de gestion des compétences dans toutes
leurs dimensions, est estimé à 7.125.039.625 FCFA contre 861
millions actuellement. La comparaison des deux situations montre que le budget
actuel ne représente que 12% des besoins évalués soit un
déficit correspondant à l'ordre de 88%. Les résultats de
cet audit montrent que si on évalue les transferts financiers entre
Fonds de Dotation à la Décentralisation et Fonds de Concours,
dans une perspective de couverture des besoins, les contributions seraient
portées aux niveaux suivants :
· Fonds de Dotation à la Décentralisation
(73% des transferts): 4.165.298.165 FCFA et
· Fonds de Concours (27% des transferts). 1.463.483.189
FCFA ».
Tableaux 2 et 3: Évolution de la
répartition du fonds de dotation et du fonds d'équipement de
Saint-Louis entre 1997 et 2000:
? Fonds de dotation de la région de
Saint-Louis
Années
|
1997
|
|
1998
|
|
1999
|
|
2000
|
|
Montant en Fcfa
|
502 227
|
423
|
502 227
|
423
|
588 835
|
889
|
628 668
|
188
|
? Fonds d'équipement des collectivités
locales de Saint-Louis
9 Sources : Base de données de la DIRCOD
(Dakar)
Années
|
1997
|
|
1998
|
|
1999
|
|
2000
|
|
Montant en Fcfa
|
61 636
|
400
|
72 631
|
400
|
73 000
|
000
|
66 910
|
000
|
Sources: DCL/CAD
Tableau 4: répartition par collectivité
entre 1999 et 2000 en Milliards de Fcfa
Collectivités
|
Dotation en 1999
|
%
|
Dotation en 2000
|
Régions
|
3 548 785 225
|
61
|
3 980 481 164
|
Communes
|
2 020 264 365
|
35
|
2 121 830 914
|
Communautés rurales
|
222 292 666
|
4
|
242 494 962
|
Totaux
|
5 791 342 256
|
100
|
6 062 374 040
|
Sources: CNDCL/MINT 26 Janvier 2000
Figure 1: répartition de l'enveloppe du FDD entre
1999 et 2000
|
|
|
|
Régions
communes communautés rurales
|
|
|
4000000000 3500000000 3000000000 2500000000 2000000000 1500000000 1000000000 500000000 0
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal23.png)
FDD en % FDD en
1999 2000
L'analyse de ces données fait ressortir l'existence
d'une inégalité de considération entre les régions
d'une part et d'autre part les communes et communautés rurales. Pourtant
dans les textes aucune hiérarchie, entre entités
sénégalaises, n'est reconnue. Les régions sortent leur
épingle du jeu. Ce qui laisse penser que les élus locaux ne
disposent pas des mêmes ressources pendant la négociation du
budget avec l'Etat central. Les communautés rurales qui hébergent
56 % de la population ont, en matière d'éducation et de
santé notamment, des charges tout à fait comparables aux
communes. Pendant que ces dernières touchent environ 35 % du FDD. Cette
situation peut trouver une réponse dans le fait que les élus
à la tête d'une région ou d'une commune ne disposent pas du
même capital humain que les présidents des communautés
rurales qui ont un taux d'analphabétisme plus élevé que
leurs homologues.
Par conséquent, ils n'ont pas les mêmes
réseaux, ni les mêmes représentations au niveau des
conseils délibératifs et des instances de validation du budget. A
ce propos le budget de la
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal24.png)
22
région de Saint-Louis est choisi par le conseil
exécutif du Conseil régional, voté par l'organe
délibératif et validé par le représentant
étatique en la personne du gouverneur de la région.
Globalement, l'enveloppe du FDD n'a cessé de
croître depuis sa création. Elle est passée de 4,9
milliards en 1997 à près de 12 milliards en 2004, mais reste
toujours très insuffisante (2.5 % du budget national) et très
inégalement répartie. Entre 1997 et 2003, la
part du FDD allouée aux Communautés Rurales ne représente
que 6 % du total du FDD soit moins de 3 milliards de FCFA cumulé sur 6
années. (M. Chassot, 2005)
Une étude10 financée dans le cadre du
PADDEL11 révèle que durant ces années (1997
à 2003), les conseils régionaux ont reçu, en moyenne, 53 %
de l'enveloppe globale. Cependant, il faut souligner que jusqu'en 2000,
l'enveloppe attribuée aux Conseils Régionaux comprenait la
dotation des ARD (agences régionales de développement). Ce n'est
qu'en 2001, que leurs allocations ont été
individualisées.
En tant que cadre de programmation et de coordination des
actions de développement, la région de Saint-louis ne dispose pas
de fiscalité propre et reste entièrement dépendante des
allocations de l'Etat. La paierie régionale n'a pas les moyens
techniques et humains de recouvrer la totalité des impôts. A ce
niveau, deux explications s'imposent. D'abord en 1996, l'Etat n'a pas
osé augmenter les impôts afin que les collectivités locales
qui venaient de se voir transférées des compétences
nouvelles et financièrement coûteuses puissent accroître
leur trésorerie. Ensuite, non content de compenser financièrement
les charges induites par la régionalisation, aux allures de «
désengagement », l'Etat fait valoir un principe d'unicité de
caisse. Par conséquent il y a un concours de circonstances dont la
pénurie des moyens financiers, le manque de qualification du personnel
des services de perception, l'absence chronique de moyens matériels,
techniques et humains et la faible organisation des conseils en tant qu'organe
délibérant de la collectivité locale. Il n'est pas
étonnant, dans ces conditions, de rencontrer des élus locaux qui
ne soient pas en phase avec textes de la décentralisation. Donc
ignorant, naturellement, leur rôle et le fonctionnement des
collectivités locales.
10 Sources : Ministère de l'intérieur et
des collectivités locales, Conseil national des collectivités
locales, 2003
11 Le programme d'appui à la
décentralisation et au développement local du
Sénégal est financé par la coopération
française. Entre autres activités, le PADDEL a commandité
l'élaboration d'un manuel de procédures des contrôles de
légalité et budgétaires du Sénégal. Son
objectif principal est d'adapter la décentralisation et l'appui aux
collectivités locales aux politiques locales de développement.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal25.png)
Afin de mieux appréhender cette réalité,
une étude effectuée par la Cellule d'appui des Elus locaux de la
MEL12, en 1999, révèle que plus d'un tiers des
élus est analphabète (ce pourcentage ne concerne bien
évidemment que l'école française). En
effet, les niveaux d'instruction sont très variables. Selon la position
occupée : 80 % des maires et des conseillers régionaux ont un
niveau d'instruction qui va du secondaire au supérieur alors que 73% des
présidents de communautés rurales n'ont pas dépassé
le primaire. Ce fossé s'explique en partie par l'obligation
légale pour les conseillers régionaux et les conseillers
municipaux de savoir lire et écrire, d'autant qu'ils doivent relever des
défis importants. Mais la même exigence devrait être
adressée aux conseillers ruraux, si l'on sait qu'à Saint-Louis la
majorité de la population est d'origine rurale. Le taux d'urbanisation
représente 37% du total régional, ce qui est en
deçà du taux national de 40,7%, selon le RGPH13 de
2002. Il est donc d'autant plus crucial que les communautés rurales
puissent se reposer sur un personnel compétent indépendamment des
services de l'Etat. L'explication viendrait du contexte même de ces
communautés rurales. Elles sont constituées par regroupement de
villages dont les chefs sont choisis par consensus et nommés par
décret. Donc à l'image des chefs de village, l'activité
politique dans ces localités n'est pas mue par des modes de prise du
pouvoir « modernes ». Le président de la communauté
rurale n'est pas choisie à cause de son savoir faire managérial,
son niveau d'étude ou son programme de campagne mais par ce qu'il fait
preuve d'un dévouement d'ordre moral pour la défense des
intérêts de toute sa communauté ou qu'il est issu d'une
famille traditionnelle de notabilités ou de dignitaires religieux. Sa
légitimité relève de considérations d'ordre
traditionnelle ou charismatique et non d'une légitimité
légale rationnelle au sens wébérien du terme.
Pour lutter contre ce fléau des personnels non
qualifiés, les collectivités pouvaient s'appuyer sur les services
déconcentrés de l'Etat (sous employés) dans le cadre de
convention de mise à disposition, jusqu'en 2001 (Chassot, 2005). Par
ailleurs, non contents de rendre les collectivités très
dépendantes de l'Etat, ces personnels administratifs
déconcentrés considéraient les élus locaux comme
des «politiciens analphabètes». Il va s'en dire que leur
collaboration s'en est très vite ressentie. Malgré le recrutement
de 320 secrétaires communaux en 2002 puis la création (par
décret 98-399) des Agences Régionales de Développement
(ARD) les collectivités locales sont continuellement sous
administrées. Par exemple les
12 La Maison des élus locaux est le
siège de l'UAEL (Union pour l'association des élus locaux du
Sénégal). C'est une association à but non lucratif qui
regroupe l'Association des Maires du Sénégal (AMS),
créée en 1958, l'Association de président de Conseils
régionaux (APCR) et l'Association nationale des conseils ruraux du
Sénégal. Son rôle est de favoriser le dialogue entre les
élus, l'Etat, la population et les partenaires au
développement.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal26.png)
24
conseil régional de Saint-Louis n'est toujours pas
parvenus à développer son propre service technique sous le
prétexte qu'il dispose très facilement (pour des raisons de
proximité sans doute) des agents déconcentrés de l'Etat et
des techniciens de l'ARD.
Ces contraintes majeures de la région de Saint-Louis
constituent des défis non négligeables à relever pour la
région Rhône-Alpes. Par conséquent, la coopération
décentralisée s'inscrit dans une dynamique d'appui à la
planification des secteurs d'activités transférées et
même au delà. Ces activités tournent autour de l'appui
conseil, la formation, l'information, la planification, la communication, la
maîtrise d'ouvrage etc.
Devant la nécessité de répondre aux
demandes sociales pressantes, le Conseil Régional de Saint-Louis
entretient des relations privilégiées de partenariat avec les
régions françaises du Nord Pas de Calais (France) depuis 1997, de
Rhône-Alpes (France) depuis fin 1997, de Midi Pyrénées
(France) depuis 2000 et le Conseil Général du Nord (France)
depuis 2005.
Cette situation n'a rien de particulier car le
Sénégal est l'un des pays qui tirent le plus de
bénéfices des relations que les collectivités locales
territoriales françaises entretiennent avec leurs homologues
étrangers. En Afrique de l'Ouest, c'est le 3ème pays
après le Mali et le Burkina sur le plan quantitatif des projets
réalisés à travers l'aide française au
développement et le 1er sur le plan des allocations
financières. Les propos de Didier BRET chef du SCAC14
(services de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France
à Dakar) décrivent parfaitement cette relation. D'après ce
dernier, au Sénégal, en 2006, on pouvait compter 150 partenariats
entre collectivités françaises et sénégalaises dont
une cinquantaine véritablement active. Cette relation
privilégiée profite bien à la région de Saint-Louis
en tant que leader dans le domaine de la coopération
décentralisée, au Sénégal. La coopération
décentralisée entre Rhône-Alpes et Saint-Louis est donc
« un étage du jeu diplomatique » (Vion et Négrier,
2002) franco-sénégalais.
En outre, rien que pour la seule année 2005, le Conseil
régional de Saint-Louis a obtenu auprès de ses partenaires de
la coopération décentralisée, le financement de dix huit
(18)
13 ANDS, Situation économique et sociale de la
région de Saint-Louis en 2007, Septembre 2008
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal27.png)
projets15 pour un montant d'un milliard cinq cent
soixante trois millions de francs CFA. Sur ce montant les partenaires sont
concernés pour 1,381 milliard soit 88% et la Région de
Saint-Louis pour 182 millions soit 12%. Alors que les programmes nationaux ne
mettent que la maigre somme de cinquante (50) Millions de francs CFA pour le
développement local, le Conseil régional de Saint-Louis tire,
d'après les chiffres de 2005, de la coopération
décentralisée près du triple de sa dotation annuelle et
multiplie ainsi par vingt deux (22) son budget d'investissement. Il peut
réaliser alors en cinq ans, ce qu'il serait amené à faire
en environ 100 ans, s'il s'en tenait uniquement à la dotation de l'Etat.
Même quand on prend le budget de fonctionnement, la coopération
décentralisée représente trois (3) fois le budget de la
région de Saint-Louis. Elle trouve donc un principal fondement dans son
apport financier au Sud. Par ailleurs, lors des comités mixtes qui se
sont tenus en France du 24 Septembre au 06 Octobre 2007 avec ses partenaires
français (principalement Nord pas de calais, Midi-Pyrénées
et Rhône-Alpes), la région de Saint-Louis a décroché
le financement global de presque de 3 Milliards de FCFA (2.950.000.000 FCFA)
durant 2008- 2011, pour la mise en oeuvre de projets de grande envergure.
Cette focalisation financière à outrance
symbolise à elle seule tout l'enjeu qu'ont les collectivités du
Sud à nouer des liens de coopération avec celles du Nord.
Pourtant il semble clair aux yeux des professionnels et observateurs que les
collectivités du Sud gagneraient en renforçant leurs
capacités d'administration et de gestion des politiques locales de
développement.
Afin de mieux situer les rôles, on peut se demander quels
sont les gains pour la région RhôneAlpes ?
1.A.2. La solidarité internationale : une politique
d'ouverture bien ancrée dans la région Rhône-Alpes
Un volontaire de l'AFVP en mission dans le cadre du partenariat
ARDL-PACA-Tambacounda du Sénégal rapporte: « Quand je
discute avec les habitants [enfin, ce ne sont plus d'antonymes et
fantomatiques acteurs!], ils me demandent pourquoi les partenaires du Nord se
sont lancés
14 Le service de coopération et d'action
culturelle de l'ambassade de France à Dakar a en charge l'action
culturelle de la coopération franco-sénégalaise. Le SCAC
met à disposition l'expertise de la coopération française
et contribue à la réalisation des projets et programmes des
acteurs Non gouvernement au Sénégal .
15 Sources : Rapport d'activités du Conseil
régional de Saint-Louis, en 2005,
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal28.png)
26
dans cette aventure, ce qu'ils en attendent [l'une des vraies
questions, de fond en effet celle qui pose la question des principes de
l'action] (...) ». (A. Marie, 2005)
Ces propos posent la question des vrais motifs de l'action
extérieure des collectivités françaises.
En France, l'ouverture extérieure des
collectivités locales est très souvent utilisée par les
élus comme moyen d'impliquer les jeunes dans une région. A ce
titre, la coopération décentralisée est un outil de
développement mis au service de la citoyenneté en
Rhône-Alpes. C'est également l'occasion de remettre en question
leur propre système de gouvernance locale. Par exemple la
création des comités locaux en pays viennois pourrait provenir
des plans de développement des quartiers mis en oeuvre dans le
département de Bignona (au Sud du Sénégal). Si tel est le
cas, Bignona serait allé plus loin que le pays viennois dans la mise en
place de dispositifs participatifs.
Ainsi afin de renforcer sa communication avec les jeunes, la
région Rhône-Alpes compte sur l'éducation au
développement. Ce secteur a été dynamisé
grâce à l'ouverture extérieure de la région. C'est
la raison pour laquelle des voyages sont souvent effectués à
Saint-Louis par des lycéens ou étudiants afin de terminer leur
cycle d'éducation au développement. Les expériences de la
région de Saint-Louis dans la lutte contre la pauvreté, sont
à ce titre une ressource inestimable pour la mobilisation de la jeunesse
Rhône-alpine. Depuis 2003, 4 voyages d'étude ont été
effectués à Saint-Louis dans le cadre du partenariat entre la
Fédération des Alpages de Lisère et la Maison des
éleveurs de Saint-Louis, par des élèves et leurs
encadreurs. Bien souvent, c'est pour clore un module d'éducation au
développement, mais ces interactions renforcent le degré de
connaissance de la société Saint-Louisienne par la région
Rhône-Alpes.
A présent, avec dix sept (17) coopérations dans
le monde la région Rhône-Alpes a multiplié son influence,
ses réseaux de relations et dispose d'un panorama de territoires
à explorer pour ses entreprises et industriels. M. Amath DIA
secrétaire général du Conseil Régional de
Saint-Louis soulignait à cet égard que « Travailler pour
le développement local du Sud c'est un bénéfice, car
nonobstant l'apport d'expérience humaine, les jeunes et les
désoeuvrés de la région Rhône-Alpes, par exemple,
peuvent y trouver des débouchés pour leur avenir».
A Rhône-Alpes, le budget de la coopération
décentralisée a été quasiment multiplié par
Deux pour atteindre 9,3 M€ en 2008, et devrait s'approcher des 0,7 % du
budget, en 2010. Derrière l'Etat français, c'est le premier
budget consacré à la coopération pour le
développement.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal29.png)
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal30.png)
Néanmoins, au-delà des logiques classiques
à vocation « humanitaire » ou « solidaire », il y a
une volonté de promouvoir des intérêts commerciaux ou
industriels. Dans cette optique, la solidarité internationale est, entre
autres, le moyen d'assurer un pole de compétitivité aux acteurs
et structures de la région Rhône-Alpes. Par conséquent, la
base de données de RESACOOP en répertorie 1.217 structures
tournées vers la solidarité internationale dans cette
région. On peut supposer que le nombre total est sensiblement
supérieur, car certaines structures ne sont pas
répertoriées dans ce réseau. Il est cependant probable que
ces dernières ont une activité limitée et qu'une part de
celles-ci n'a pas une activité régulière. Il n'en demeure
pas moins que le nombre est important et la diversité est grande.
Premièrement, les associations sont les plus
nombreuses. Elles sont au nombre de 631 et recouvrent la plus grande
diversité par la taille, les objectifs, les types d'activités,
etc. Deuxièmement, les collectivités locales et les
comités de jumelage qui s'appuient fréquemment sur des structures
associatives pour mettre en oeuvre leurs activités de coopération
décentralisée, sont au nombre de 311 dans le répertoire de
RESACOOP. Troisièmement, il y a les établissements publics,
essentiellement dans les secteurs de la santé et de l'éducation.
C'est des hôpitaux ou établissements d'enseignement primaire,
secondaire et supérieur - qui mettent en oeuvre des projets,
réalisent des échanges et interviennent dans le cadre de projets
initiés avec les acteurs du Sud.
Quatrièmement on y recense des structures
privées non associatives : fondations, entreprises qui interviennent
dans des projets, ou contribuent au financement de projets initiés par
d'autres structures.
Avec ce nombre d'organisations et les 1.300 projets
répertoriés, la Région Rhône-Alpes se situe dans le
peloton de tête des régions françaises avec la
région Nord-Pas-de-Calais (1.950 acteurs actifs et en veille, 1.930
projets) et la région Île-de-France qui bénéficie de
l'implantation de nombreuses organisations dans la capitale.
En 2002, RESACOOP16 a recensé 63
organisations de Rhône-Alpes engagées dans une action de
coopération avec le Sénégal parmi lesquels : 33
associations, 26 collectivités locales, 3 structures « jeunes
» (2 établissements scolaires et une MJC), et une chambre
consulaire.
16 Sources : RESACOOP, évolution des
partenariats entre acteurs de Rhône-Alpes et du Sénégal,
Lyon, Privat, 2002
Tableau4: répartition des partenariats de
coopération décentralisée au
Sénégal
Région
|
Nombre de partenariatS
|
Nombre de partenariats actifs
|
ILE de France
|
23
|
6
|
Rhône-Alpes
|
20
|
11
|
Nord Pas de calais
|
12
|
6
|
Basse Normandie
|
9
|
4
|
PACA
|
9
|
4
|
Bretagne
|
9
|
5
|
Midi Pyrénées
|
8
|
5
|
Alsace
|
6
|
5
|
Sources : base de données des partenariats de
coopération décentralisée -SCAC Dakar- Août 2005
Figures 2: partenariats actifs des collectivités
françaises au Sénégal
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal31.png)
12
10
8
6
4
2
0
Partenariats
actifs
Ile de France Rhône-Alpes
Nord pas de calais basse normandie PACA
Bretagne
Midi Pyrénées Alsace
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal32.png)
28
Donc, en 2005, par le nombre de partenariats actifs au
Sénégal, la région Rhône-Alpes était le
premier interlocuteur français des collectivités
sénégalaises. Par ailleurs, cette ouverture de Rhône-Alpes
offre une activité lucrative à prés de « 1500
personnes » (M. Dia du conseil régional de Saint-louis), sans
compter les nombreux volontaires prêts à s'engager pour une
première expérience de travail à l'étranger. C'est
un support fondamental pour la promotion des jeunes, notamment ceux qui se
prédestinent à une carrière dans la coopération
internationale. D'ailleurs vers la fin des années 1980,
l'AFVP17 utilisait comme slogan
17 L'association française des volontaires
du progrès est une association laïque créée en 1963.
L'AFVP recrute, forme et encadre des volontaires de la solidarité
internationale qu'elle affecte sur des missions préalablement
identifiées avec ses partenaires (collectivités locales, ONG,
bureaux d'étude...). Association Loi 1901, l'AFVP est désormais
opérateur du Ministère français des affaires
étrangères et européennes (MAEE).
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal33.png)
« mettez l'Afrique dans votre CV » dans le
but d'attirer les expériences sanctionnées par un diplôme
de qualité (A. Marie, 2005).
Cet usage que la région Rhône-Alpes fait de ses
relations de coopération trouve son fondement dans le principe
d'intérêt local. En effet les collectivités locales
françaises avaient l'obligation d'inclure cette norme dans leurs actions
extérieures, jusqu'en 2007 sous peine de saisine du tribunal
administratif. Ce qui laisse penser que l'Etat en imposant un tel principe
comptait appuyer les opérateurs français qui vivent de ça.
D'ailleurs dans la plupart des projets financés par Rhône-Alpes,
cette dernière veille à ce que l'achat des matériels se
déroule sur le territoire français..
Le principe d'intérêt local et direct des
populations tel que défini par la circulaire des Ministères de
l'Intérieur et des Affaires Étrangères du 20 avril 2001 a
fait de la coopération décentralisée une politique
exercée dans une logique d'intérêts « mutuels »
et de renforcement d'expertise pour les deux territoires. En
réalité, c'est un contrôle supplémentaire
exercé par l'Etat sur les actes des collectivités locales. Il ne
s'agissait plus pour la région Rhône-Alpes d'aider Saint-Louis
à lutter seulement contre la pauvreté, dans laquelle la
majorité de sa population est exposée, mais de promouvoir son
territoire. La question des bénéfices mutuels pour les deux
territoires était, désormais, élucidée par l'Etat
français.
Par l'adoption de ce principe, la coopération
décentralisée reposait sur le même piédestal que la
coopération transfrontalière dont les finalités sont
strictement matérielles. Néanmoins, ce principe va fragiliser
certaines coopérations décentralisées. En effet suite
à la jurisprudence Charbonneau où l'absence
d'intérêt local a été évoquée comme
motif de censure des actions de coopération décentralisée,
le sentiment de sécurité des acteurs locaux en a reçu un
coup.
Par la suite certains conseils régionaux ou
généraux ont eu des réticences à s'engager en
coopération décentralisée, par peur d'une saisine du
Tribunal administratif au motif de défaut d'intérêt local.
Les élus locaux, soucieux de sortir de l'insécurité dans
laquelle ils baignaient à cause de leur action extérieure, eurent
gain de cause avec la loi Thiollière du 2 février 2007. Elle fait
de la coopération décentralisée une compétence
d'attribution des collectivités territoriales (compétence
à part entière et non mode d'exercice des compétences).
L'intérêt local, s'il reste un moteur des politiques de
coopération décentralisée, ne peut plus en aucun cas
être un motif de saisine du Tribunal administratif. Toutefois, ce
changement de la législation n'a pas induit une inversion des
tendances.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal34.png)
30
Le cas de l'électrification des collèges de Podor
est assez symbolique pour décrire cette stratégie de la
région Rhône-Alpes.
Le conseil régional de Saint-louis constatant que l'un
de ses départements, à savoir, Podor était laissé
en rade notamment dans le secteur éducatif sollicite l'appui de la
région RhôneAlpes. En effet dix collèges de ce
département n'étaient pas électrifiés et donc ne
pouvaient pas recevoir de fournitures informatiques. Faisant suite à la
demande d'appui de son partenaire sénégalais, Rhône-Alpes
va d'abord décliner prétextant être plus compétente
sur les lycées. Mais puisqu'il s'agit d'un travail de compagnonnage,
Saint-Louis a tout à fait la possibilité de relancer son
partenaire et elle s'y est attelée. Ce dernier donnera finalement son
accord à condition que le projet soit confié à un
opérateur de sa région. Rhône-Alpes approche, ainsi, une
entreprise spécialisée dans la pose de panneaux solaires à
Podor pour un devis. L'opérateur propose, après visite des lieux,
l'installation de panneaux dans chaque collège du département
pour un coût total de 100.000 €. Avisée par son partenaire,
Saint-Louis marque son veto car le conseil régional avait
contacté, en aparté et en même temps, la
Sénélec (Société nationale
d'électricité du Sénégal) qui a envoyé,
à son tour, des techniciens pour une expertise. Après diagnostics
ces derniers ont suggéré la construction d'une mini centrale
électrique pour un montant total de 36.000 €. Pour mettre fin aux
négociations, Rhône-Alpes a reconnu que la proposition de son
partenaire était plus judicieuse et moins onéreuse. Aujourd'hui,
avec son appui douze (12) au lieu de dix (10) établissements scolaires
ont été électrifiés à Podor et
équipés en matériels informatiques. La stratégie
consistait donc à élargir les activités d'une entreprise
de sa région. Néanmoins pour avoir finalement
exécuté ce projet, Saint-Louis a renforcé ses
capacités de maîtrise d'ouvrage.
Cette stratégie de promotion internationale des
collectivités du Nord est d'autant plus fréquente que les deux
réactions suivantes18 l'évoquent de manière
explicite:
M. Jean Paul Gandin de l'association Savoie solidaire :
« nous nous sommes aperçus que les sénégalais de
Bignona étaient allés plus loin que nous dans leur pratique
participative. Nous étions partis pour aider les africains à
changer et ce sont eux qui nous ont transformés ».
M. Frédéric Deshayes chargé de missions
des affaires européennes et internationales : « les jumelages
d'origine nous paraissent trop étroits ; nous avons lancé
18 Sources : Actes de Kaolack et Fatick,
Journées de la coopération décentralisée et de la
planification régionale, 2ème Edition, 14-20 Mai 2004, p. 135
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal35.png)
un programme dans lequel d'anciens ouvriers du cuir
formaient des cordonniers tunisiens ; l'action internationale nous sert de
moteur pour l'insertion sociale chez eux mais aussi chez nous ».
Les enjeux sont divergents mais le Conseil régional de
Saint-Louis et le Conseil régional de Rhône-Alpes doivent
travailler en étroite collaboration pour relever les défis du
sousdéveloppement. Par conséquent, les dynamiques conceptuelles
du processus de coopération mobilisent un certains nombre de
procédures et une multitude d'acteurs.
1.B. Un partenariat dynamique et inscrit sur la
durée
La coopération décentralisée a beaucoup
évolué, depuis ses débuts, dans le sens de la prise en
considération lente mais progressive des problèmes réels
rencontrés par les collectivités du Sud. A présent, le cap
des gestes de générosité spontanés semble en voix
de disparition et céderait la place à de nouveaux types de
coopération. Il ne s'agit plus simplement d'apporter son financement
à un projet mais de partir sur une relation durable avec un partenaire
sélectionné après un diagnostic serré des deux
territoires. A ce titre, les collectivités locales du Nord
possèdent des compétences spécifiques en matière
d'ingénierie urbaine et de développement local qui constituent
des axes de travail propres à la coopération
décentralisée. C'est ainsi que la dynamique constitutive d'un
processus de coopération est composée de phases successives
rigoureusement débattues entre les futurs partenaires.
Néanmoins, il semblerait que durant les commissions
préparatoires la collectivité demandeuse d'appui n'a pas beaucoup
de marge de manoeuvre. Autrement dit, l'élaboration des projets et les
termes du contrat sont quasiment ordonnés par la région
Rhône-Alpes dans le cadre de son partenariat avec la région de
Saint-Louis du Sénégal, bien que les demandes viennent de
Saint-Louis.
Un document réalisé par RESACOOP permet de faire
la lumière sur cette étape de la coopération
décentralisée. Il reprend les éléments
discutés au cours de sa réunion organisée le 18 novembre
1998 sur le thème "engager ou renforcer une démarche de
coopération".
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal36.png)
32
1.B.1. Les dynamiques constitutives du partenariat
Rhône-Alpes/ Saint-Louis
Une première rencontre régionale conduite par
RESACOOP en 1995, a permis de recenser les acteurs de la région
Rhône-Alpes présents au Sénégal afin
d'établir une stratégie commune d'intervention dans les
collectivités Sénégalaises. Il ressort de cette
concertation que les acteurs ont manifesté la nécessité
d'expérimenter de nouvelles approches dont l'ancrage des projets dans
les plans de développement locaux était le plus urgent. La prise
en compte des plans locaux de développement travaillés en
concertation avec l'Etat sénégalais par RhôneAlpes assure
aux actions mises en oeuvre une viabilité, jadis, marginalisée.
Ce qui est exprimé ici, c'est la nécessité de passer de
l'amateurisme à la professionnalisation de la coopération
décentralisée.
Ces conclusions de la région Rhône-Alpes
partagées par les bailleurs et les Etats du Nord ont eu un écho
à travers la dernière étape de la décentralisation
au Sénégal. En effet, la régionalisation (lois 96-06 du 22
Mars 1996) parachève l'édifice de la décentralisation au
Sénégal. Elle est caractérisée par la refonte du
cadre institutionnel des collectivités locales, l'élaboration
d'un nouveau code des collectivités locales (CCL) et la reconnaissance
juridique de la coopération décentralisée (article 17 du
CCL). La principale nouveauté est l'érection de la région,
jusque là simple circonscription administrative, en collectivité
décentralisée dotée d'une personnalité morale,
d'une « autonomie financière » et d'une assemblée
élue au suffrage universel. Ce tournant place la région de
Saint-louis dans les mêmes attributions institutionnelles que la
région Rhône-Alpes. L'Etat sénégalais s'est ainsi
conformé aux exigences posées par les bailleurs internationaux et
les partenaires bilatéraux du Nord, notamment la France, consistant
à s'aligner sur les systèmes de gouvernance locale occidentale.
Cependant il n'a pas tenu compte des conséquences terribles que les
transferts de compétences allaient exercer sur les collectivités
sénégalaises.
Afin de soutenir ces avancées considérables, Mr
Abdourahim Agne nouvellement nommé au Conseil régional de
Saint-Louis, en 1997, s'appuie sur ses réseaux de relations pour entrer
en contact avec le Conseil régional de Rhône-Alpes.
Diplômé de science politique, Mr Agne a été
auparavant, tour à tour, à l'Union sénégalaise de
banques (USB), et inspecteur à la Banque centrale des Etats de l'Afrique
de l'Ouest (BCEAO). Dans cet ordre d'idées, il créa sa
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal37.png)
propre entreprise, la Société maritime et
industrielle de la côte occidentale d'Afrique (SOMICOA)19.
Abdourahim Agne était par la suite Ministre de la coopération
décentralisée et de l'aménagement du territoire, avant de
prendre le portefeuille du Ministère des technologies de l'information
et de la communication, le 1er Mai 2009. C'est un personnage,
très bien implanté dans l'échiquier politique, le milieu
industriel, et le circuit financier national et sous-régional Ouest
africain. Par conséquent, c'est un atout de taille qui pourrait
être utile à l'implantation durable de la Rhône-Alpes dans
l'espace Ouest-africain.
Ainsi, en 1997, il a accueilli, une première visite de
prospection du Conseil Régional de Rhône-Alpes à
Saint-Louis afin de dresser un diagnostic du territoire, l'occasion
d'identifier les problèmes et d'entamer quelques négociations.
Espérant conforter les engagements tenus lors de cette visite, le
Conseil Régional de Saint-Louis a organisé, à son tour,
une visite de ces cadres en région Rhône-Alpes, la même
année. A l'issue de ces pourparlers entre élus, le 23
décembre 1997 au siège du Conseil régional de
Rhône-Alpes, un premier accord de convention-cadre est signé entre
le Conseil régional de Rhône-Alpes et le Conseil régional
de Saint-louis du Sénégal. Donc, dès le départ, la
coopération décentralisée entre Saint-Louis et
Rhône-Alpes était d'ordre élitiste. Les « forces vives
» émanant de la « société civile »,
pourtant sans cesse évoquées dans les discours, n'étaient
pas associées aux négociations encore moins à
l'élaboration des projets qui leurs sont destinés.
"Par convention il faut entendre tout contrat ou acte
signé entre des collectivités territoriales, françaises et
étrangères, comportant des déclarations, des intentions,
des obligations ou des droits opposables à l'une ou l'autre partie. Sont
visés par la loi aussi bien les conventions ayant un caractère
déclaratif que celles pouvant avoir des conséquences
matérielles, financières ou réglementaires pour ces
collectivités. Que la collectivité territoriale soit
engagée financièrement, matériellement ou non, la
convention est la voie privilégiée de la coopération
décentralisée pour tous les types d'intervention (...) "
"(...) en toutes circonstances c'est la
collectivité territoriale qui assure la responsabilité de sa
coopération décentralisée même si, pour mener
à bien certaines actions, elle peut déléguer par
convention sa maîtrise d'oeuvre à un établissement public
ou à une association privée." 20
19 Sources : APS, Abdourahim Agne, un redoutable
débatteur doublé d'un expérimenté politique,
Archipo
20 Sources : circulaire relative à la
coopération des collectivités territoriales françaises
avec les collectivités territoriales étrangères,
Ministères de l'intérieur, Ministère des Affaires
étrangères, Mai 1994
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal38.png)
34
Cette convention-cadre est, donc, le lieu de définition
des modalités générales de la coopération qui sont
: programmation, définition des axes prioritaires, budgétisation,
maîtrise d'ouvrage ou délégation de maîtrise
d'ouvrage, répartition des rôles entre acteurs, mise en oeuvre,
suivi-évaluation etc.. Conformément à la
législation française, l'objet des actions envisagées et
le montant prévisionnel des engagements financiers doivent être
précisés par les élus de Rhône-Alpes. La convention
indique notamment le dispositif de gouvernance de la coopération puis
elle est soumise au contrôle administratif ou de légalité
du représentant étatique déconcentré, en
l'occurrence le préfet de région pour Rhône-Alpes et le
gouverneur pour la région de Saint-Louis.
S'inscrivant sur une coopération durable, le
partenariat Saint-Louis et Rhône-Alpes sera renouvelé par la
signature de conventions en 2000, 2006 et 2009. Nonobstant ce fait, des
changements structurels notoires sont intervenus dans la poursuite des actions.
Il s'est agit de passer d'une approche générale
(définissant les modalités générales) à une
approche par programme particulièrement ciblée plus conforme
à l'évolution internationale de la politique de
coopération décentralisée.
Les thèmes généralement abordés
par la coopération décentralisée correspondent aux
compétences des collectivités locales. Ce qui offre un champ
très vaste n'excluant concrètement que les questions de police et
de défense. Néanmoins, pour des soucis d'efficacité et de
répartition des actions entre partenaires français,
Rhône-Alpes décline ses axes d'interventions
privilégiés comme relevant de l'amélioration des services
de base offerts par la région de Saint-Louis à ses habitants. Par
conséquent, les thématiques mises en oeuvre sont donc
prioritairement adressées à l'éducation, la jeunesse et la
santé.
Les projets destinés à l'éducation et la
formation professionnelle sont généralement des actions de
renforcement des infrastructures et équipements des lycées comme
l'électrification et d'équipement en matériel informatique
des établissements scolaires du département de Podor. Il s'agit
également d'échanges entre jeunes par correspondance scolaire.
Dans le domaine de la formation professionnelle, des actions visent, par
exemple, à compléter la formation de personnel de santé
à la pratique médicale et à la gestion administrative
comptable. Avec l'appui des Conseils régionaux de
Midi-Pyrénées et Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes a mis en
place en place des structures de formation professionnelle
dédiées à l'insertion des jeunes à l'image du CRREJ
(centre régional de ressources pour l'emploi des
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal39.png)
jeunes). L'éducation au développement peut
être, aussi, incorporée dans ce secteur par des voyages de fin de
cycle des jeunes Rhône-alpins à Saint-Louis ou des productions
multimédia...
Dans le secteur sanitaire ou de l'assistance, les associations
et les collectivités locales de Rhône-Alpes mènent des
actions de soutien aux enfants de la rue à Saint-Louis, pratiquent
l'envoi de matériel dans les villages, et l'équipement de centre
de santé en comblant le déficit de matériels logistiques
comme le montre l'hôpital de Ndioum. Il s'agit, également,
d'améliorer la qualité des soins par l'appui du Centre
Hospitalier Régional (CHR) de St-Louis et du Centre hospitalier de
Ndioum, par la formation du personnel et la réhabilitation de
maternité ou des urgences.
Dès lors que le système de donation
n'était plus adéquat dans l'évolution du partenariat
Rhône-Alpes/ Saint-Louis, les domaines d'intervention ont
été considérablement élargis. Sur la base de ces
avancées, de nouvelles catégories d'actions sont mises en
exécution.
Dans le secteur du développement agricole et
rural, il s'agit de la mise en place de système
d'échange entre acteurs, à l'image, du jumelage entre la
Fédération des alpages de l'Isère et la Maison des
éleveurs. Par ailleurs, il peut s'agir d'installation de moulin ou de
lancement de fermes expérimentales comme à Guélakh.
Concernant l'économie, l'artisanat, services et
crédits, les projets touchent l'appui à la
création ou au renforcement des activités économiques (par
exemple l'appui aux projets productifs). Ils s'adressent à des jeunes
porteurs de projets, des associations professionnelles, des groupements
féminins etc. Le soutien aux initiatives individuelles fait
également parti de ce volet.
La thématique de « l'appui institutionnel »
donne lieu à des échanges d'expériences dans les domaines
de la décentralisation ou de la gestion communale. Il a aussi trait
à la formation des agents territoriaux par l'organisation de stages
appropriés et la fourniture éventuelle d'une assistance technique
aux responsables de la région de Saint-louis. Cependant ces types
d'initiatives sont très rares pour être soulignés.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal40.png)
36
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal41.png)
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal42.png)
38
Pour récapituler, les axes privilégiés
dans le partenariat Saint-Louis et Rhône-Alpes sont choisis non en
fonction des besoins réels des publics cibles mais plutôt par
rapport aux orientations de la région Rhône-Alpes. Il semble donc
que c'est un partenariat entre initiés et non une coopération
directe de « population à population », de «
société à société » conformément
au coté « humanitaire » très mis en avant par les
acteurs du Nord.
Afin de bien mener les actions sur le terrain, chaque
partenaire doit mettre en place un dispositif de pilotage soit composé
par les services de la région ou délégué à
un organe externe (comité de pilotage, ou une ONG opérateur).
A Saint-Louis, c'est les services du Conseil régional
qui gère les relations de partenariat avec le Conseil régional de
Rhône-Alpes, depuis 2004. Principalement, il s'agit du Secrétaire
général M. Amath DIA. Toutefois, puisque la coopération
décentralisée a pris une telle ampleur dans la région, ce
dernier est épaulé par le chargé des affaires
administratives M. Babacar FAYE. Concernant les négociations avec
Rhône-Alpes ou la représentation de la région lors des
comités mixtes organisés en France, c'est le Président du
Conseil régional M. Aliou Niang qui en a la responsabilité
directe. Il choisit, dans bien des cas, une équipe composée
d'élus et d'agents de la collectivité pour l'accompagner. Ce qui
lui offre une place stratégique, objet de toutes les convoitises, dans
ses interactions avec les autres conseillers. Cependant ce dispositif politique
a été mis en place en 2004, car auparavant, c'est l'ARD de
Saint-Louis qui gérait la coopération décentralisée
avec les collectivités du Nord. Depuis que le Conseil régional a
repris la main, l'ARD intervient sur le plan de l'appui technique aux projets.
Elle apporte son soutien technique dans l'élaboration, la mise en oeuvre
et le suivi évaluation du développement local. Les organisations
communautaires de base (GIE par exemple), les ONG de développement,
associations de la société civile (des migrants aux associations
de quartiers ...) sont des agents et interlocuteurs omniprésents dans la
mise en place des projets.
A Rhône-Alpes, les élus ont opté pour un
dispositif de pilotage des actions extérieures composé
généralement de services de la région, déjà
en place. En effet, par Philippe Bayon Vice Président de la
région et délégué à la coopération
décentralisée, par la Direction des Relations Internationales
dont Marc Noailly est le responsable de la coopération Afrique,
Méditerranée et de la Francophonie, et par Ivan Dedessus Le
Moustier, responsable de la coopération
Rhône-Alpes/Sénégal, le Conseil Régional conduit de
manière stratégique sa
politique de solidarité internationale. En ce qui
concerne la gestion de son partenariat avec Saint-Louis, c'est un correspondant
sénégalais (Adama Sow) qui en est le coordonnateur sur place.
Ancien de l'ADOS, Adama Sow est le trait d'union entre la région
Rhône-Alpes et les régions de Saint-Louis et Matam. Il est
chargé d'informer la région Rhône-Alpes sur les projets
réalisés à Saint-Louis et est impliqué dans
l'élaboration et le suivi évaluation des projets. Son choix
représente, sans doute, beaucoup de choses notamment la confiance
accordée, par Rhône-Alpes, à un professionnel du
développement originaire de « la région du Fleuve »
(Saint-Louis et Matam) au lieu de faire appel à une ONG,
opérateur de sa région, ou de monter un comité de
jumelage. Mais ça peut vouloir dire aussi que Rhône-Alpes limite
les frais de gestion, de son partenariat avec Saint-Louis, en faisant
plutôt appel à un professionnel sénégalais.
Le centre international d'étude au développement
local (CIEDEL) de Lyon crée en 1990, en tant qu'instrument de propagande
et canal de diffusion, concourt à la formation d'agents techniques des
partenaires du Sud. Il est devenu association loi 1901 en 2005 et peut
désormais sous-traiter totalement ou partiellement, par
délégation, les projets de la région Rhône-Alpes.
Toutefois, la pierre angulaire de ce dispositif est RESACOOP
(réseau d'appui à la coopération Rhône-Alpes). Il
exerce le rôle de facilitation et de coordination des acteurs.
Créé par la région et l'Etat, c'est un outil d'aide
à la mobilisation des acteurs régionaux par l'information, la
concertation et l'appui aux porteurs de projets. D'ailleurs en 1995, c'est
RESACOOP qui a réuni, pour la première fois, tous les acteurs de
Rhône-Alpes en coopération avec les collectivités du
Sénégal.
Dans la dernière marche de cet édifice, il y a
la CEPRAO (cellule d'échange et de partenariat région
Rhône-Alpes Afrique de l'Ouest). C'est un instrument de
coopération qui devrait favoriser les liens et les échanges
d'expériences interafricains (plus précisément entre
Saint-Louis, Tombouctou (Mali) et la région des trois Marigots (au
Birkina Fasso) . Par exemple dans les domaines d'actions communes telles que
l'appui à la décentralisation, à la formation
professionnelle et universitaire.
Donc, à l'origine du partenariat entre le Conseil
Régional de Rhône-Alpes et le Conseil Régional de
Saint-Louis, seuls les élus locaux ont participé aux commissions
préparatoires. Toutefois, l'idée d'une mise en synergie des
acteurs des deux territoires déjà évoquée va
remettre en cause cette coopération entre acteurs institutionnels. Au
lieu de mobiliser,
seulement, les acteurs non gouvernementaux de
Rhône-Alpes et Saint-Louis, les intentions affichées ont ouvert la
brèche à l'immixtion d'une multitude d'intervenants. A ce titre,
les Etats, la France et le Sénégal notamment, les institutions
financières internationales (PNUD...), les ONG et associations de
développement (à l'instar d'Aced-Sud), l'UE (avec le FED...)
n'entendent pas laisser la politique de coopération aux mains des
acteurs locaux. Par le biais des politiques nationales sectorielles et
internationales de développement, réseaux et structures de
concertation entre acteurs, ils ont colonisé la coopération
décentralisée et impactent sur la finalité des projets.
1.B.2. Vers une harmonisation de la coopération
décentralisée avec les stratégies nationales et
internationales de développement : la mobilisation des acteurs
Les collectivités françaises se soucient bien
davantage que par le passé de l'environnement institutionnel des pays
où elles interviennent. Prenons le cas de l'éducation. Avec les
coopérations « conteneurs », beaucoup de municipalités
ont, par le passé, inauguré des écoles au Sud pour se
plaindre ensuite que l'Etat n'était pas capable d'y mettre un
instituteur. A présent, avant de financer la construction d'une salle de
classe, on regarde si la localisation du projet correspond à la carte
scolaire et aux affectations prévues par le ministère de
l'éducation (B. Husson, 2007). En d'autres termes, avant de se lancer
dans un projet ou programme de coopération décentralisée
avec Saint-Louis, il est recommandé à la région
Rhône-Alpes de prendre connaissance des politiques sectorielles dont
s'est doté l'Etat du Sénégal. Donc, il faut
obligatoirement travailler en collaboration avec les acteurs étatiques
et internationaux. En réalité, ce qui est recherché par
les bailleurs, c'est une harmonisation des systèmes de gouvernance
locale et des interventions. A ce titre, la déclaration de
Paris21, en 2005, a engagé les acteurs internationaux,
nationaux et locaux à augmenter leurs efforts d'harmonisation face au
morcellement et au manque d'impacts de l'aide internationale.
Néanmoins l'approche coopération
décentralisée conduit à une inversion des tendances. Elle
place toujours les acteurs au centre des processus de coopération en
leur délégant la gestion des actions qui les concernent, en
négociant avec eux des programmes d'appui, en accompagnant leurs
apprentissages. Or ces acteurs dotés de ressources ont une certaine
autonomie, des stratégies et leurs choix sont, peu prou, guidés
par des intérêts matériels ou
21 Sources : Pôle CNG, Partenariat de
coopération franco-sénégalais 1994-2008, Dakar, 2009
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal43.png)
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal44.png)
40
symboliques. Par conséquent leur présence impacte
considérablement sur les résultats attendus au grand
détriment des destinataires de l'aide au développement.
Au Sénégal, l'article 17 du code des
collectivités locales dispose que les collectivités
sénégalaises peuvent engager des actions de coopération et
de partenariat avec d'autres collectivités ou organismes de
développement publics ou privés de pays étrangers.
Ça signifie que la région de Saint-Louis contrairement à
la région Rhône-Alpes peut nouer des accords de partenariat, sur
convention, avec des acteurs gouvernementaux ou non gouvernementaux, publics ou
privés. C'est une stratégie mise en place par l'Etat, pour
permettre aux collectivités sénégalaises de profiter de la
manne financière des mouvements de coopération avec le Nord.
Etant donné, que cette reconnaissance juridique de la
coopération décentralisée ouvre la voie aux interventions
multiples des acteurs à Saint-Louis, le gouvernement du
Sénégal cherche à rétablir son contrôle sur
ses territoires. Dans cet ordre d'idées, il met en place de nouvelles
stratégies de développement des collectivités
sénégalaises. Ces politiques sont pilotées au niveau
national, par le Ministère de la décentralisation et des
collectivités territoriales avec la direction des collectivités
locales (DCL) et le Ministère de l'aménagement du territoire et
de la coopération décentralisée qui compte une Direction
de la coopération décentralisée (DIRCOD) depuis 2003 et au
niveau local par les structures déconcentrées tel que L'ARD de
Saint-Louis. Par conséquent, ce stratagème trouve son écho
dans un foisonnement de programmes nationaux de développement et de
lutte contre la pauvreté.
A ce titre, le programme national de développement
local (PNDL) est sans doute l'instrument de mise en oeuvre de la politique
étatique de développement le plus explicite. En effet, le PNDL
constitue le cadre fédérateur des interventions en termes d'appui
au développement local. Ce programme est surtout adressé aux
communautés rurales sénégalaises. L'Etat s'attaque, ainsi,
aux « maillons » faibles de la région de Saint-Louis, car
depuis les années 2000, la situation des communautés rurales
interpelle les bailleurs et devrait par conséquent mobiliser des
initiatives assez onéreuses. D'ailleurs, ce programme porte sur les
mêmes thématiques d'interventions mises en avant, dans le cadre,
du partenariat Rhône-Alpes et Saint-Louis. Les objectifs affichés
sont : l'amélioration des services de base offerts aux habitants des
communautés rurales, le renforcement des capacités des acteurs
locaux et l'accès des populations rurales aux activités
génératrices de revenu.
Il semble y avoir un consensus autour des idées aussi
bien chez les demandeurs du Sud qu'au niveau des bailleurs. C'est à se
demander si la coopération décentralisée Nord-Sud ne
symbolise pas un verrouillage moins visible des pays « pauvres » par
les pays riches ?
Très déterminé à s'aligner sur la
philosophie des bailleurs internationaux, l'Etat du Sénégal
souhaite atteindre les OMD et le programme éducation pour tous (EPT),
par l'adoption d'une stratégie de réduction de la pauvreté
dont est assorti un document, en l'occurrence le DSRP II. Ce document est
présenté par l'Etat comme le cadre référentiel,
pour l'élaboration des plans sectoriels de développement, des
programmes d'investissement et des contributions des partenaires au
développement. C'est ni plus ni moins qu'une réplique des OMD au
niveau national. C'est la raison pour laquelle, dans l'un des secteurs
clés du DSRP II, l'Etat soutient la scolarisation et le maintien des
filles à l'école en repoussant l'âge de la première
union. Avec de telles mesures, l'Etat sénégalais fait fi des us
et coutumes qui sévissent dans certaines couches sociales de la
région de Saint-Louis, notamment chez la communauté Haalpulaar,
où l'âge de la première union était très
précoce. Il fait, également, des efforts démesurés
concernant l'éducation en y consacrant 40% de son budget global, avec
l'élaboration au niveau décentralisé (régional,
départemental, local) de plans de développement de
l'éducation (PRDE, PDDE, PLDE). Le Sénégal espère
ainsi arborer l'étiquette de bon élève auprès des
bailleurs afin d'obtenir de plus amples financements. Malgré ces efforts
le secteur éducatif traverse une crise à tous les niveaux due,
généralement, au manque de moyens et de visions.
Quelques structures spécialisées fleurissent,
notamment dans les secteurs de l'eau, l'énergie et l'assainissement,
branches citées, également, par les OMD. C'est dans ce cadre que
le PEPAM (programme eau potable assainissement du millénaire) et l'ASER
(agence sénégalaise d'électrification rurale) ont
été crées afin de mieux répondre aux demandes en
eau, électricité et assainissement des populations. A l'instar
des secteurs de la santé et de l'éducation, ceux de l'eau, de
l'énergie et de l'assainissement font aussi l'objet d'élaboration
de documents de planifications locales notamment les PLHA (Plans Locaux de
l'Hydraulique et de l'Assainissement) et les PLE (Plans Locaux
d'Electrification). Ces documents constituent des cadres d'interventions des
acteurs plus particulièrement le PEPAM et l'ASER. Le PEPAM s'est
fixé comme objectifs chiffrés, d'une part, de faire passer les
taux d'accès à l'eau potable de 64% en 2004 à 82% en 2015
et le taux d'accès à l'assainissement de 17% en 2004 à 59%
en 2015 en milieu rural.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal45.png)
Et d'autre part, de faire passer le taux d'accès à
l'eau potable par branchement domiciliaire dans zone urbaine de 57,1% en 2004
à 78% en 2015, dans toutes les régions du Sénégal.
En outre, pour la région de Dakar, elle devrait passer de 74,7% en 2004
à 88% en 2015. Concernant le chantier de l'électrification,
l'ASER s'est fixée l'objectif d'atteindre un taux
d'électrification de 60% à l'horizon 2022.
Conformément aux engagements pris par le
Sénégal pour l'atteinte des objectifs du millénaire pour
le développement, la santé fait partie des secteurs prioritaires
de l'Etat du Sénégal. Cela se manifeste à travers le DSRP
II et par l'importance accordée au secteur de la santé dans les
documents de planification des collectivités locales à l'instar
du PRDI (plan régional de développement intégré),
destiné aux conseils régionaux, dont l'ARD de Saint-Louis
était chargé de le réactiver dans sa circonscription. On
trouve notamment, ce volet sanitaire dans le cadre des PIC (plans
d'investissements communaux) réservés aux communes et des PLD
(plans locaux de développement), pour les communautés rurales.
Tous ces programmes entrent dans le prolongement des projets
mis en oeuvre au niveau local par les différents agents du
développement à Saint-Louis, notamment par les élus
locaux, les acteurs communautaires de base, les partenaires du Nord, les ONG et
bailleurs internationaux. Force est de reconnaitre que l'Etat du
Sénégal n'apporte aucune nouveauté dans la prise en charge
des collectivités sénégalaises. Bien qu'il semble
tolérer, l'intervention de tous ces acteurs sur son territoire, il n'en
demeure pas moins que l'Etat voudrait jouer les grands rôles, au risque
de rentrer en contradiction avec les textes de la décentralisation.
Ainsi à défaut de ne pouvoir établir un
réel rapport de force avec l'Etat, les élus locaux
sénégalais veulent à tout prix que cette
coopération reste sous leur contrôle. D'ailleurs en 2004, le
Conseil régional de Saint-Louis a repris la gestion des projets de
coopération décentralisée aux mains de l'ARD de
Saint-Louis. A ce jour, les élus locaux réunissent autour de
l'Union pour l'association des élus locaux du Sénégal
(UAEL) dont le siège se trouve à la Maison des élus locaux
(MEL) de Dakar. Cette structure regroupe l'Association des Maires,
l'association des conseillers ruraux et l'association des Présidents
régionaux du Sénégal. A ce titre, Aliou Niang,
Président du Conseil régional de Saint-Louis, est
également président de l'association des Présidents de
région du Sénégal, d'où l'importance de sa
région dans le dispositif national de coopération. En outre, des
querelles internes entre élus existent mais ils essayent, tout de
même, de former un corps afin d'équilibrer leur dialogue avec
l'Etat central.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal46.png)
42
En France, le cofinancement des projets de coopération
décentralisée a pour vocation de soutenir les initiatives
conjointes des collectivités territoriales françaises et leurs
homologues sénégalais. Ce système de cofinancement mis en
oeuvre par la délégation pour l'action extérieure des
collectivités locales (DAECL) du Ministère français des
Affaires Etrangères et Européennes (MAEE) devrait profiter
à la région Rhône-Alpes. Pour en bénéficier
elle doit transmettre ses projets au Pôle de la Coopération Non
Gouvernementale du SCAC de Dakar pour instruction et avis. Ce pôle
veille, formellement, à la cohérence entre l'action
proposée et les priorités définies, tant par les
politiques locales et nationales au Sénégal, que par la
coopération bilatérale franco-sénégalaise. Ainsi le
Ministère des Affaires Etrangères et Européennes appuie
les collectivités françaises et leurs groupements sous la forme
d'appel à projet (par exemple appel à contrat triennal 2007-2009
publié sur le site de France diplomatie). Les thématiques
privilégiées sont celles où Rhône-Alpes devrait
avoir une forte valeur ajoutée (l'appui institutionnel, la gouvernance
locale, la formation du personnel, l'assistance à la maîtrise
d'ouvrage et le développement durable). Cependant, le cofinancement
sollicité au MAEE ne peut être supérieur au cumul des
moyens mobilisés par la région RhôneAlpes pour
réaliser ses projets à Saint-Louis. Ces cofinancements posent,
donc, beaucoup de trop contraintes pour la région Rhône-Alpes. Par
conséquent, le Conseil régional de RhôneAlpes est l'un des
rares à financer ses projets, sur fonds propres, sans faire appel aux
cofinancements du MAEE. Pour autant, il peut être amené à
collaborer avec le SCAC de Dakar dans l'élaboration et la conduite de
ses projets avec les collectivités sénégalaises.
Ces outils innovants au service de la coopération
décentralisée visent une plus grande coordination de l'action
internationale, mais risquent à long terme de façonner l'action
des collectivités bénéficiaires selon leurs orientations
en réduisant la marge de manoeuvre. C'est le retour en force des Etats
du Nord dans le développement des collectivités locales du
Sud.
Par contre, une structure comme l'Association des
régions de France offre de nouvelles possibilités de concertation
entre acteurs régionaux intervenants à Saint-Louis du
Sénégal. D'ailleurs, ce type de dispositif a permis au Conseil
régional de Saint-Louis de réunir, en 2006, tous ses partenaires
français de la coopération décentralisée
(Rhône-Alpes, Midi Pyrénées, Nord pas de Calais et le
Conseil Général du Nord). Cette rencontre parallèlement
aux comités mixtes sectoriels a été l'occasion de
débattre sur la nécessité d'une meilleure rationalisation
des actions afin d'éviter les risques de doublons.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal47.png)
Certes les collectivités jouent un rôle
prépondérant incontestable dans le financement de l'aide au
développement en raison de leurs pouvoirs et compétences, de
leurs moyens et proximité avec les citoyens, mais force est de constater
que le phénomène de mondialisation a été d'un
soutien positif.
En effet, pendant l'ouverture de la 55ème
session de l'Assemblée Générale des Nations Unies, le 8
septembre 2000, la communauté internationale a adopté une «
Déclaration du Millénaire» à l'unanimité par
les 191 États membres de l'ONU. Très symbolique, cette
déclaration fixe un ordre du jour ambitieux se déclinant en huit
Objectifs du Millénaire pour le Développement (O.M.D.) que les
Etats membres se sont engagés à réaliser d'ici 2015. Ces
OMD visent à réduire la pauvreté, à promouvoir
l'éducation, à améliorer la santé maternelle et
à faire avancer l'égalité des sexes. Ils s'attachent
également à combattre la mortalité infantile, le V.I.H. /
S.I.D.A. et les autres maladies. C'est un petit manuel récapitulatif des
besoins primaires à satisfaire pour améliorer le quotidien des
populations les plus en difficulté notamment en Afrique subsaharienne.
Pour les atteindre, l'Etat du Sénégal est contraint à
mieux gouverner et à investir sur ses populations, par le biais de la
santé et de l'éducation. Une fois ces conditions réunies,
les pays riches se sont engagés à augmenter l'aide publique au
développement, à alléger les dettes et à promouvoir
un commerce plus juste. C'est probablement une source de motivation
supplémentaire mais qui tarde à avoir de réels impacts sur
le niveau de développement.
L'union Européenne constitue, également, un
bailleur non négligeable pour le financement des projets de
Rhône-Alpes. En effet, par l'intermédiaire du FED (fonds
européen de développement), l'EU accompagne les
collectivités européennes dans la réalisation des actions
de coopération décentralisée avec les `'ACP» (Afrique
caraïbe Pacifique). C'est d'ailleurs, l'une de ses stratégies
propres que de renforcer le poids et l'autonomie des régions au
détriment des Etats membres qui ont encore le contrôle sur
certaines compétences relevant de la souveraineté. A ce titre, la
région Rhône-Alpes, considérée comme une grande
région d'Europe, bénéficie d'importants crédits
européens. Entre 2007 et 2013, c'est ainsi près de 1,5
Milliards22 € de cofinancement européen qui arriveront
en Rhône-Alpes.
22 Sources : Rapports sur la stratégie
européenne de la région Rhône-Alpes votée en
assemblée plénière de 2007
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal48.png)
MAEE SCAC (Ambassade de France
à Dakar) AFD HCCI CUF AFVP
Dispositifs nationaux de cofinancement et concertation
Conseil régional
Rhône-Alpes Délégation à la
coopération décentralisée Service de
coopération Afrique, méditerranée et de
la Francophonie RESACOOP CIEDEL
Conseil régional de
Saint- Louis Secrétariat général Chargé
des affaires administratives ARD Correspondant permanent
de Rhône-Alpes à Saint-Louis Ong tel que Aced-Sud
Dispositif de réception- mis en oeuvre et
suivi
Dispositif phare
Ministère de l'aménagement du territoire et de
la coopération décentralisée DIRCOD Ambassade du
Sénégal en France DCL UAEL (MEL) Groupe pays
Sénégal de CUF
Dispositif d'harmonisation et d'ancrage dans les
projets locaux de développement
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal49.png)
44
La coopération décentralisée
représente, également, une forte valeur ajoutée pour les
acteurs non gouvernementaux et les associations de développement, du
Nord et du Sud. Dans cette perspective, les ONG (par exemple SOS international)
ou associations (comme Aced-Sud) interviennent à Saint-Louis pour le
compte de Rhône-Alpes, en tant que maître d'ouvrage,
délégué de maîtrise d'ouvrage ou maîtrise
d'oeuvre.
Organigramme hiérarchique des acteurs
:
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal50.png)
Cette multiplicité des acteurs induit, cependant, des
lenteurs sur le plan juridico-administratif avec une rigidité croissante
des règles de la politique de coopération. En conséquence,
les procédures sont compliquées, les financements impliquent des
montages de dossiers complexes. Bien que les protocoles d'accord ou convention
fixent les rôles respectifs du moins, en principe, il y a une
réelle opacité dans les interventions.
Par exemple, en Juillet 1999, une convention de partenariat
signée entre Saint-Louis et Rhône-Alpes a sollicité la
participation de plusieurs acteurs. Les thématiques de cet accord sont
définies comme relevant de l'économie, l'artisanat, les services
et crédit et la formation d'adulte. Conformément à la dite
convention, Rhône-Alpes a apporté son soutien dans la formation et
l'échange d'expérience au processus de décentralisation.
Le budget prévisionnel s'est élevé à hauteur de
500.000 €. Un projet de cette envergure a nécessité le
contrôle d'approbation à priori du gouverneur de Saint-Louis,
comme tous les projets qui dépassent 100.000 €, et le concours de
différents partenaires. A Rhône-Alpes, le Conseil régional
a sollicité les ONG de sa région (ACERA, ADOS, SOS
international). A Saint-Louis, nonobstant le Conseil régional de
Saint-Louis il y avait l'ARD (pour son savoir faire technique) et les communes
d'Ourossogui (Matam) et de Guélakh Rao (Saint-Louis). Ancien village de
l'ex département de Matam, Ourossogui est une commune située dans
la région de Matam qui faisait partie de la circonscription de
Saint-Louis jusqu'en 2002.
Ce type de partenariat avec des intervenants multiples n'est
pas un cas isolé. Dit autrement, la plupart des projets menés par
le Conseil régional de Rhône-Alpes à Saint-Louis mobilisent
une pluralité d'acteurs, au Nord comme au Sud. Dans ces conditions, les
moyens mobilisés ne seront pas tous alloués au projet car une
partie servira à financer les opérateurs de RhôneAlpes
impliqués dans la mise en oeuvre et la gestion. Les discours
séduisants d'une coopération directe entre Rhône-Alpes et
Saint-Louis, ne reflètent pas tout à fait la
réalité sur le terrain, car les intermédiaires sont
multiples, les projets éparpillés et les rôles
cumulés.
![](La-politique-de-cooperation-decentralisee-rhne-alpes-saint-louis-du-senegal51.png)
46
|