PARTIE 1 : Élaboration du projet de
recherche
Cette première partie nous permettra de comprendre la
recherche qui a été effectuée et son cadre
méthodologique. Nous allons décomposer les grandes parties du
processus de recherche en huit grandes étapes : I. Le choix du sujet et
de la bibliographie ; II. La formulation du problème ; III.
L'énonciation des hypothèses ; IV. La construction du cadre
opératoire : V. Le choix de la stratégie générale
de vérification : VI. Le choix des techniques de collecte de
l'information ; VII. Le choix de la technique d'analyse des données et
finalement ; VIII. Les limites du projet.
I. Le choix du sujet et de la bibliographie
Le thème de ma recherche est la concertation et le
développement durable. Ce sujet m'a intéressé car je me
questionnai sur l'utilité des procédures participatives. En
effet, mon idée première est que les méthodes de
concertation n'ont pas un impact significatif sur les projets, sauf
peut-être d'anesthésier l'espace public pour le rendre docile.
La concertation du public concerne directement mon pays
d'origine. L'implantation d'une usine étrangère d'exploitation de
nickel, a provoqué de vifs conflits qui ont donné naissance
à un comité de concertation. A titre personnel, ce sujet
m'intéresse à plusieurs niveaux :
Premièrement, il me permet de garder un lien avec la
Nouvelle-Calédonie, où je souhaite exercer mon futur
métier. Puis, la thématique du développement durable
m'intéresse énormément. Je pense que c'est l'enjeu majeur
de notre siècle et je souhaite poursuivre mes études pour
approfondir mes connaissances et mon expérience dans le
développement durable et la gouvernance partagée. Finalement, mes
origines et ma curiosité me sensibilisent naturellement à cette
thématique. Ce sujet me concerne personnellement, il concerne mon pays
et globalement le monde entier. Toutes ces raisons font que je porte un
intérêt particulier pour ce thème.
La bibliographie utilisée se compose de peu d'auteurs
(principalement Habermas). Elle repose néanmoins sur une multitude
d'article et une webographie importante. J'ai privilégié le
recours à des articles récents car ce thème est en
évolution constante. Il m'a semblé pertinent de m'appuyer sur des
articles contemporains.
L'Afrique pour ses similitudes concernant les rapports
qu'entretiennent les populations locales avec le développement
économique, et la France pour ses démarches de concertation
7
m'ont semblé des bases de recueil d'information
pertinentes pour l'étude de ce phénomène totalement
nouveau en Nouvelle-Calédonie. L'objet de l'étude étant
relativement éloigné, je ne dispose pas d'assez d'information
pour le traiter entièrement à partir de la France
métropolitaine. Il faudra que je me déplace sur place pour
disposer d'informations complètes.
II. La formulation du problème
On a coutume de déplorer le manque de participation
démocratique des citoyens dans la vie politique. Nos dirigeants prennent
toutes sortes de décisions collectives qui nous affectent directement
sans que nous soyons consultés ou que nous nous sentions
consultés. Ceci peut avoir des conséquences néfastes tant
sur le plan individuel que pour l'ensemble de la société.
Certaines décisions collectives peuvent, par manque de participation
démocratique, se révéler mauvaises ou injustes pour
certaines personnes. Le manque de participation démocratique risque
aussi d'entraîner une perte de légitimité des institutions
politiques et un affaiblissement de la confiance entre la population et les
dirigeants.
Dans ce contexte, le concept de démocratie
participative connaît aujourd'hui un vif succès. Cependant, il
subsiste beaucoup de méfiance vis-à-vis de ce concept qui ne
serait peut être qu'un échelon bureaucratique
supplémentaire. Une autre idée très « tendance »
est le développement durable qui dans ses principes fondateurs inclut le
principe de gouvernance partagée. La gouvernance partagée peut
être assimilée au concept de démocratie participative, car
comme elle, c'est un modèle politique alternatif. Il recouvre des
concepts permettant d'accroître l'implication et la participation des
citoyens dans le débat public et la prise de décisions politiques
qui s'en suit.
Suite à la création d'un comité de
concertation concernant l'usine du sud en NouvelleCalédonie, on a pu
constater l'aggravation du conflit entre les différents acteurs du
projet. On peut alors se questionner sur l'utilité des discussions en
amont de la prise de décision ?
Pour Habermas, la communication est un processus de discussion
libre, égalitaire et solidaire. La discussion est orientée vers
la formation d'un consensus, c'est-à-dire d'un accord
généralisé, accepté, qui est détaché
d'intérêts particuliers. Si la communication ne suit pas ces
règles (ouverts, égaux...), la société va se
charger de pathologies sociales qui pourront la faire revenir à
l'état de nature. L'exemple calédonien semble montrer que la
discussion n'a pas suivie les principes Habermassien puisque, alors qu'une
démarche fut entreprise pour créer une situation favorable
à la discussion, le conflit s'est aggravé. On peut alors se
demander si
discussion il y a, en quoi favorise-t-elle l'entente
entre toutes les parties sur les modalités du développement
durable en Nouvelle Calédonie ?
III. L'énonciation des hypothèses
A la suite de mes lectures préparatoires, une tendance
se dégage et affirme l'importance de la participation de tous les
acteurs pour traiter les enjeux environnementaux d'un projet. Ma
première hypothèse est donc que la concertation favorise
la prise en compte des problèmes liés à
l'environnement.
Ge travail de recherche doit également me permettre de
répondre à ma première impression. Je pense en effet que
ces procédures participatives relèvent plus souvent de la
manipulation du public que de leur réelle intégration au sein de
la conduite du projet. Ainsi, ma seconde hypothèse est que la
concertation permet d'atténuer les conflits.
IV. La construction du cadre opératoire
Pour répondre à la problématique, je
vais premièrement étudier les réunions du GIGS à
l'aide d'une grille d'analyse. Ce tableau me permettra de comparer un
échantillon de réunion pour évaluer le degré
d'ouverture du comité, le respect des conditions nécessaires pour
la mise en place d'une situation de discussion, etc...
Concernant l'apport des discussions sur les modalités
du développement durable, il sera nécessaire dans un premier
temps d'étudier l'ensemble du processus qui a mené à la
création du comité de concertation. Cette démarche nous
permettra d'évaluer l'importance des enjeux du comité et
globalement des discussions. Ensuite, nous nous appuierons sur l'étude
de l'impact des réunions sur la conduite du projet, et plus
particulièrement sur les efforts entrepris en matière de
protection environnementale.
Enfin, l'atténuation des conflits sera
évaluée en fonction des entretiens réalisés et des
articles de presse relatant d'éventuelles confrontations entre les
parties, à la suite de la tenue des réunions constituant notre
échantillon.
V. Le choix de la stratégie générale de
vérification
La nature du sujet étudié se prête
particulièrement à une étude de cas. Gette méthode
de recherche permet l'analyse approfondie d'un phénomène
donnée. Dans ce mémoire, je combinerai des variables
quantitatives et des variables qualitatives afin de gommer les limites
9
de notre échantillon qui est assez
réducteur6. Le choix du traitement de ces réunions
s'est fait naturellement en réponse à la problématique.
VI. Le choix des techniques de collecte de l'information
J'ai choisi d'utiliser deux techniques de collecte d'information
:
D'une part, je ferai une analyse documentaire. Je consulterai
des documents de différentes natures tels que des rapports de
réunions, des articles scientifiques, des articles de presse, des
graphiques, etc.... Je ne me fixe aucune limite de temps pour consulter ces
documents, je poursuivrai leurs analyses tant que cela sera utile pour mon
étude. Je compte principalement consulter les documents diffusés
sur le site de la Province sud et les différents articles de presse
disponible sur le site des « Nouvelles Calédoniennes ».
L'analyse de ces documents est avantageuse car la
réactivité de la mesure7est faible et souvent
totalement absente (parce que l'information est recueillie auprès de
sources qui n'anticipent pas qu'un chercheur viendra les consulter). Son
coüt est faible et son accès facile ; elle ne pose pas de
problème éthique. Par contre, il faut toujours garder en
tête que ces documents reflètent l'état d'esprit, l'opinion
d'une autre personne.
D'autre part, je mènerai des entretiens semi-directifs.
L'avantage des entretiens en général est le lien direct avec le
sujet d'étude et leurs validités élevées. Par
contre, la réactivité de la mesure par entrevue est maximale
parce que la collaboration du sujet est nécessaire. Le coût de
l'entrevue est en général plus élevé que celui des
autres instruments de collecte de l'information. Enfin, l'entrevue peut poser
des problèmes éthiques.
Ce type d'entretien me semble le plus approprié car il
a l'avantage d'offrir une souplesse dans la tenue de l'entretien, autant pour
le sujet d'étude que pour moi. Également, la trame permet tout de
méme de ne pas trop s'éloigner du sujet. Je compte
réaliser ces entretiens auprès des parties suivants :
+ Un représentant de Rhéébù
nùù (au mieux Mr Raphael Mapou, leader du
comitéautochtone Rhéébù
nùù) + Un représentant d'une association de protection de
l'environnement
+ Un représentant de la commission de l'environnement de
la Province sud (Au mieux Mme Isabelle Ohlen, présidente de la
commission de l'environnement)
6 Vous trouverez les explications approfondies du cadre de notre
analyse dans le chapitre 4
7 La réactivité de la mesure est la
possibilité que cette mesure soit faussée par la présence
de l'observateur. G Mace et F. Pétry, Guide d'élaboration d'un
projet en sciences sociales, De Boeck Université, 2000
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+ Un représentant du service communication de Goro Nickel
(Au mieux Mme Catherine Guillaume, responsable du service communication de Goro
Nickel)
+ Un ouvrier, ou calédonien quelconque
Les grands thèmes abordés seront adaptés
à chaque interlocuteur, on peut tout de même dégager une
trame générale :
+ Présentation et fonction de l'organisation/personne
+ Enjeux de l'usine du sud
+ Comité d'Information, de Concertation et de Surveillance
sur les impacts environnementaux du projet Vale Inco
+ Perspective d'avenir
VII. Le choix de la technique d'analyse des données
Ce choix doit s'emboiter naturellement avec le choix de
collecte de l'information et le sujet de recherche. Ainsi, j'ai opté
pour une analyse de contenu. Cette technique nous permettra de mesurer le
degré d'ouverture des discussions pour montrer si effectivement elles
suivent les principes de concertation, et plus largement les principes
Habermassien. Ce choix est le plus approprié pour notre recherche et il
améliorera sans aucun doute notre analyse, réduisant ainsi les
risques de biais.
VIII. Les limites du projet
Au début de ce projet, j'éprouve des
difficultés à saisir les limites de cette étude. La
conclusion sera sans aucun doute bien plus précise et complète,
cependant je peux tout de même signaler quelques points.
Premièrement, je pense au temps. Cet
élément est à coupler avec l'éloignement
géographique de mon sujet d'étude. En effet, le
phénomène que j'étudie se situe en
NouvelleCalédonie, c'est-à-dire à 22 000 km de la France
métropolitaine et à 12h de décalage. Cette situation
engendre des difficultés à divers niveaux. D'abord,
l'accès à l'information est beaucoup plus complexe car les
documents doivent être principalement trouvés sur internet, s'ils
ne le sont pas, il faut envoyer un mail pour demander l'accès à
certaines informations et le décalage horaire contribue à
augmenter encore plus le temps de réponses... Puis, le fait de demander
des documents augmente la réactivité de la mesure et donc a un
impact significatif sur la neutralité de mes supports d'analyses.
Ensuite, la nature de mon sujet d'étude. Le
développement durable et la concertation sont des concepts nouveaux
à l'aune des thèmes classiques abordés en sciences
humaines et sociales. Vient s'ajouter à cela, l'aspect systémique
du concept de développement durable qui rend son analyse beaucoup plus
complexe. Même si notre intérêt se porte exclusivement sur
le processus de communication, il y a tout un travail de contextualisation
qu'il faut effectuer pour saisir toute l'importance des enjeux de la
discussion. Également, les documents qui traitent de la gouvernance, le
point qui nous intéresse le plus, sont tous récents et en
construction. Il faut donc avoir beaucoup de recul, lire
énormément d'articles, comparer les informations au niveau
mondial car cette thématique est abordée très
différemment suivant les pays. En effet, ce sujet nécessite un
esprit ouvert, polyvalent et de synthèse pour saisir la globalité
de la situation.
Finalement, je soulignerai un point un peu plus technique. Ma
bibliographie est assez pauvre. Je m'appui presque exclusivement sur la
théorie d'Habermas, délaissant les autres écrits qui ont
pu être effectué à ce sujet. C'est un choix comme un autre,
mais il pourra entamer la qualité de ce mémoire.
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