WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Archivage légal électronique : définition d'un nouveau paradigme ?

( Télécharger le fichier original )
par Yves KINDA
Université d'Auvergne - Clermont Ferrand I - Master II recherche en droit des affaires et de la banque 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

INTRODUCTION GENERALE

Les nouvelles technologies de transmission et de conservation de l'information sont la grande innovation des temps modernes. En effet, après plusieurs années de tâtonnements, la dématérialisation fait aujourd'hui partie du quotidien du citoyen contemporain. Elle se généralise pour tous les domaines de la vie des entreprises, des autorités administratives, et même de celle des particuliers. Il suffit, pour s'en apercevoir, de donner quelques illustrations.

Dans le domaine privé, les contrats conclus par voie électronique se multiplient. En vertu des articles 1369-4 et s. du Code civil, il est possible de proposer par internet un bien corporel, incorporel, ou un service. En droit du travail, il est désormais envisageable de dématérialiser les bulletins de paie et les contrats de travail1(*). L'article 17 de la loi de finances rectificative pour 20022(*) pose le principe de la facture électronique. De même, l'article 1369-8 du Code civil reconnaît l'existence du courrier électronique recommandé avec ou sans avis de réception. Pour sa part, l'article L 225-107 du Code de commerce crée le principe du vote électronique au sein des assemblées générales d'actionnaires. Toujours dans le même sens, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique (LCEN)3(*) instaure à son article 54 la possibilité de recourir au vote électronique pour l'élection des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise.

Dans la sphère publique, les exemples sont tout aussi nombreux : téléprocédures (TéléTVA4(*), téléprocédure URSSAF5(*), téléIR6(*), télé@arte grise7(*)); possibilité d'échanges électroniques entre autorités administratives et usagers et entre autorités administratives8(*) ; marchés publics dématérialisés9(*) ; etc. On voit même arriver la carte nationale d'identité électronique10(*).

En somme, et comme l'a dit le professeur Philippe PETEL, les nouvelles techniques de création et de transmission de l'écrit « annoncent (...) une véritable révolution parce qu'elles font irruption dans une civilisation dont l'organisation ancestrale repose sur la technique de l'écrit (au point de qualifier de "préhistorique" la période de son passé précédent l'invention de l'écriture) » 11(*).

Comme toute nouvelle habitude, la dématérialisation entraîne dans son sillage d'importantes conséquences. L'une d'entre elles - et elle n'est pas des moindres - est qu'il faudra désormais conserver en toute sécurité des volumes colossaux d'informations dématérialisées. Cette conservation se fera parfois pendant une longue durée, voire ad vitam aeternam. Elle ne sera pérenne, et la sécurité de l'information garantie, que parce que des mesures efficaces existeront dans ce sens. Ce qui nous permet d'introduire le thème de la présente étude : l'archivage légal électronique.

Avant d'envisager plus profondément le sujet, il convient de bien en délimiter le contour. D'abord, que renferme la notion d'archivage ? Ensuite, qu'est-ce que l'archivage légal électronique ?

Il est fréquent d'employer les termes stockage, sauvegarde, ou encore conservation, pour suggérer l'idée d'archivage et réciproquement. Pourtant, chacun de ces termes est distinct, bien qu'ils présentent parfois des interférences. Aussi nous faut-il apporter quelques précisions terminologiques.

Ni le stockage, ni la sauvegarde, ni la conservation, ni même l'archivage, ne fait l'objet de définition légale. Par contre, une définition de l'archive, applicable aux seules personnes publiques ou privées gérant un service public, se trouve à l'article L. 211-1 du Code du patrimoine. Il s'agit de « l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité12(*) ». Tout document constitue donc une archive sans qu'il faille distinguer selon sa forme et son support, dès le moment où il a été produit ou reçu. Par extension, le terme sert à désigner le lieu où ce document est déposé ainsi que les services qui le conservent.

Le stockage est la première étape du traitement de l'information à archiver. Il en conditionne l'existence. Si les données qui constituent l'information ne sont pas enregistrées et stockées dans une mémoire informatique ou un support physique, ladite information n'a plus d'existence matérielle. Elle est perdue ou se limite à une information orale ou mémorielle qui ne peut être archivée.

Quant à la sauvegarde, elle vise uniquement à permettre une copie d'origine, dite copie de sécurité, de l'information archivée. Cela a pour objectif d'éviter de la perdre en cas de dysfonctionnement du matériel d'archivage. La notion de sauvegarde est déconnectée de la valeur du contenu et est relative à la périodicité (journalière, hebdomadaire, mensuelle, annuelle, etc.).

Au-delà du stockage et de la sauvegarde, l'archivage désigne l'ensemble des actions visant à identifier, recueillir, classer et conserver des informations, en vue de consultation ultérieure. Il se fait sur un support adapté et sécurisé, pendant la durée nécessaire à la satisfaction d'obligations légales ou de besoins d'information. En fait, l'archivage tourne autour d'un élément matériel : l'archive. Il désigne toute méthode de gestion et d'organisation des archives. Les archives sont l'objet sur lequel porte l'archivage, la manière d'ordonner et de disposer de cet objet. La conservation de l'information portée par l'archive n'est qu'une des fonctions de l'archivage.

Si l'archivage n'est pas légal, en ce sens qu'il n'est défini par aucune loi ni par aucun règlement, à quoi correspond la notion d' « archivage légal électronique » ? L'archivage électronique est-il légal ?

Définir l'archivage légal électronique implique une définition contextuelle du terme « électronique ». Ici, électronique sera synonyme de dématérialisation, à savoir l'action de « transférer sur un support numérique des types d'informations qui existaient jusque-là sous forme analogique, c'est-à-dire sur des supports dits traditionnels, le plus souvent le papier, mais aussi le film ou le microfilm (...)13(*) ».

Stricto sensu, il y a dématérialisation lorsque l'on numérise un document existant. Il y a alors conversion en données numériques d'une information déjà produite sur un support traditionnel (papier ou microfilm). C'est à cela que renvoie la précédente définition. On ne peut pourtant se contenter de cette approche, aussi stricte soit-elle.

On dira encore qu'il y a dématérialisation chaque fois que l'on transposera les étapes d'élaboration du document dans des outils informatiques, ceci sans passer par la formalisation classique de l'information. Dans ce cas, l'information fournie est nativement numérique. C'est ce que l'on appelle en doctrine la « dématérialisation des processus », par opposition au premier procédé dit « dématérialisation des documents » ou « numérisation de substitution »14(*).

L'expression « archivage légal » est de plus en plus courante chez les éditeurs et prestataires de services et, par suite, dans les entreprises. Il s'agit en fait d'une transposition de l'anglais legal archiving, expression dans laquelle legal correspond plus au français « juridique » qu'au terme « légal »15(*).

Parler d'archivage légal est donc une impropriété au plan juridique. Toutefois, on constate un consensus sur le concept, à savoir l'organisation de l'archivage à des fins de preuve et de validité incluant la sécurité et l'intégrité. Au fond, nous pensons qu'il serait plus opportun d'employer l'expression « archivage électronique sécurisé ». Cette expression désigne « l'ensemble des modalités de conservation et de gestion des archives électroniques ayant une valeur juridique lors de leur établissement ; cet archivage garantissant la valeur juridique jusqu'au terme du délai durant lequel des droits y afférents peuvent exister » 16(*).

Nous étudierons juridiquement l'archivage électronique et l'entreprise privée sera notre cadre de réflexion. Ce qui signifie que, sauf quelques références ponctuelles, nous n'envisagerons pas l'archivage en droit public. De même, les aspects purement techniques ne seront abordés que lorsqu'ils permettront la résolution des problèmes juridiques y relatifs.

Les questions auxquelles il faudra répondre sont multiples. Entre autres, existe-t-il des obligations légales d'archivage électronique ? Si oui, dans quels buts ces obligations sont-elles imposées ? En outre, qui sont les débiteurs desdites obligations et pendant combien de temps la conservation des archives doit-elle être effectuée ? Enfin, y a-t-il des sanctions légales au non archivage des documents électroniques ?

Nous tenterons de résoudre notre problématique en deux temps qui constitueront les deux grandes parties de la réflexion. La première partie présentera les fonctions de l'archivage électronique (Première partie). Il s'agira d'aborder la notion sous l'angle de ses finalités. Quant à la seconde partie, elle s'attachera à ce que nous avons appelé le fonctionnement de l'archivage électronique (Deuxième partie). Il y sera question des techniques juridiques permettant à l'archivage électronique de remplir ses fonctions.

* 1 C. trav., art. L 124-4 et s.

* 2 L. n° 2002-1576 du 30 déc. 2002, JO n° 304, 31 déc., p. 22070.

* 3 L. n° 2004-575 du 21 juin 2004, JO 22 juin, p. 11168.

* 4 Mise en vigueur depuis le 1er mai 2001, la téléTVA est régie par les art. 1649 quater B bis et s., 1695 quater et 1738 du CGI. Depuis le 1er mai 2007, les entreprises dont le chiffre d'affaire est supérieur à 760 000 € sont obligées de déclarer leur TVA par voie électronique sous peine de pénalités. Cette procédure est également accessible aux entreprises assujetties à la TVA du régime réel.

* 5 La téléprocédure URSSAF permet la déclaration et éventuellement le paiement des cotisations sociales depuis le 1er janv. 2007. Les entreprises redevables de plus de 7 millions € doivent, depuis le 1er janv. 2007, obligatoirement payer leurs cotisations par virement. En outre, une obligation de dématérialisation des déclarations sociales est imposée depuis le 1er juil. 2007 aux entreprises redevables de plus de 800 000 €. Ce plafond est passé à 400 000 € le 1er janv. 2008, et sera encore réduit à compter du 1er janv. 2009 : il sera amené à 150 000 €.

* 6 Depuis le 1er mars 2002, cette téléprocédure permet aux particuliers de déclarer en ligne leur impôt sur le revenu (arr. du 22 déc. 2006 modifiant l'arr. du 12 nov. 2001 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Programme COPERNIC » chargé de la mise en place du système d'information relatif au compte fiscal simple : JO n° 13, 16 janv. 2007).

* 7 La procédure Télé@arte grise permet la réalisation de certaines opérations relativement à l'immatriculation des véhicules, de même que les déclarations de prise en charge et de destruction pour les véhicules usagés, respectivement depuis 2003 et 2006.

V. http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/vos_demarches/vehicules/telecartegrise_entreprises.

* 8 L'ord. n° 2005-1516 du 8 déc. 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et les autorités administratives (JO n° 296 du 9 déc., p. 18896) précise le cadre juridique relatif aux échanges électroniques dans la sphère publique. Tout usager peut adresser une demande, une déclaration, ou produire des documents par voie électronique.

V. CAPRIOLI E., « Des échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives d'une part, et entre ces dernières d'autre part », JCP A et CT, 2006, n° 1079, p. 432 et s.

* 9 V. Arr. du 28 août 2006 pris en application de l'art. 48 et de l'art. 56 du Code des marchés publics et relatif à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics formalisés. JO n° 199, 29 août, p. 12766 et s.

* 10 V. le rapport du Forum des droits sur l'internet, « projet de carte nationale d'identité électronique », remis au ministre de l'intérieur le 16 juin 2005. Le rapport est consultable sur http://www.foruminternet.org.

* 11 PETEL Ph., avant-propos de la thèse de madame Elisabeth JOLY-PASSANT, L'écrit confronté aux nouvelles technologies, Préface de Michel VIVANT, LGDJ, Paris, 2006, 551 pages.

* 12 Cette définition est issue de la L. n° 2008-696 du 15 juil. 2008 relative aux archives, JO 16 juil., p. 11322. Elle s'applique aux personnes publiques et aux personnes privées chargées de la gestion d'un service public. Il n'en sera pas tenu compte dans la présente étude, les raison étant d'abord que la loi n'est pas spécifique aux archives électroniques, et ensuite que nous nous limitons aux archives privées, notamment celles des entreprises de droit privé.

* 13 CAPRIOLI E., CHABIN M.-A., RIETSCH J.-M., Dématérialisation et archivage électronique, Dunod, Paris, 2006, p. 5.

* 14 CAPRIOLI E. et alii, op. cit., v. note n° 13.

* 15 Ce qui est légal, par contre, c'est l'obligation de conserver certains documents pendant une durée déterminée. L'archivage sera alors le moyen de se conformer à ces obligations de conservation en organisant le transfert dans un lieu sécurisé des éléments à conserver.

* 16 Citation Mémento DCSSI (Direction Centrale de la Sécurité des Systèmes d'Information, service du Premier ministère), http://www.ssi.gouv.fr/fr/confiance/archivage.html.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci