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Les accords de médiation, construction et devenir

( Télécharger le fichier original )
par Marie Caroline Despax
DRASS Toulouse - DE médiateur familial 2009
  

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Conclusion : Au delà des accord écrits...

1- Rappel de la démarche

La recherche de ce mémoire a été initiée par un questionnement sur l'observation faite en stage que les parents, parvenus en fin de médiation à la rédaction d'accords, pensent que ces accords vont durer dans le temps.

Je me suis donc interrogée à la fois sur ce qui conditionne cette croyance et également à sa réalité : la rédactions d'accords écrits est-elle effectivement un gage de durée de ces accords ? J'ai émis l'hypothèse que c'était le cadre contenant de la médiation et la posture de tiers du médiateur familial qui permettaient aux accords rédigés par les parents d'être respectés dans le temps.

Pour les raisons exposées dans ce mémoire, j'ai concentré ma recherche sur des parents engagés dans des médiations ordonnées par les Juges aux Affaires Familiales.

Les moyens mis en oeuvre pour évaluer la durabilité des accords et ses conditions ont été :

· L'observation participante, qui a permis d'appréhender le travail du médiateur

· L'enquête dans un tribunal de Grande Instance pour la mesure des retours contentieux après divorce ou séparation

· Le questionnaire à des parents médiés afin de les entendre sur les suites de leur médiation ponctuée par des accords écrits.

La recherche, dans les limites exprimées, a validé l'hypothèse selon laquelle, avec l'étayage du médiateur familial, la rédaction d'accords écrits est un gage de durée de ces accords dans le temps :

> Près de 2 ans après un jugement d'homologation de leurs accords, seulement 2 personnes sur 15 dossiers (sur 30 personnes) reviennent en demande contentieuse devant le Juge aux affaires Familiales (enquête chambre de la famille).

> Sur 12 personnes ayant conclu des accords écrits au terme d'une médiation, 8 à 9 personnes ont répondu que l'accord écrit reflétait leurs choix en médiation, que leur accord était encore valable aujourd'hui, qu'ils avaient pu

régler avec l'autre parent les nouveaux aménagements nécessaires, qu'ils n'étaient pas retournés devant le juge (questionnaire).

Pour les acteurs de la médiation, les accords écrits semblent donc utiles et favorisent l'application des décisions que les parents ont prises ensemble.

L'accord de médiation peut être donc un outil efficace qui se place au service des personnes quand il est le reflet du processus et qu'elles y ont pleinement adhéré.

2- Nouveaux apports

Ma recherche m'a permis d'élargir aujourd'hui mon propos:

En effet, dans l'enquête à la chambre de la famille de Toulouse, une première exploration sur informatique amenait les résultats suivants :

Jugements rendus sur 99 dossiers terminés envoyés en médiation en 2006 : . accords homologués : 15

. fait droit au demandeur : 27

. fait droit à une partie des demandes : 29

. débouté et autres : 18

Perplexe en découvrant seulement 15 accords homologués sur 99 envois en médiation, j'ai investigué dans les dossiers des archives du tribunal pour tenter de découvrir la réalité des autres jugements.

J'ai eu accès à une trentaine de dossiers que j'ai pu étudier et pour lesquels :

. La médiation n'a pas pu être mise en place => 5

. Confusion avec envois en visites médiatisées => 2

. Médiation interrompue et le juge a dû trancher => 1081

. Médiations ayant abouti à des accords repris par le juge => 13

Dont : accords homologués et joints au jugement : 6

Accords partiels homologués annexés au jugement : 3

Accords oraux des parents repris dans le jugement par le magistrat : 4

Si l'on exclut les envois en médiations à la suite desquels il n'y a même pas eu un
premier entretien (car un des parent ou les deux ont refusé de se rendre en

81 Sur ces dix médiations, le dossier fait état de 2 enquêtes sociales parallèles + 1 situation de violences conjugales + 1 dépression : contre-indications formelles à la médiation.

médiation) et l'envoi en visites médiatisées qui n'est pas un envoi en médiation, on constate que pour 23 envois en médiation :

· 10 ont « échoué 82» puisque le juge a dû trancher sur tous les aspects de leur litige.

· 13 ont « réussi »puisque des accords, même partiels, pris entre les parents, ont été pris en compte par le juge.

Recherche dans dossiers papier archivés (hors dossiers accords
homologués) - Total 30 dossiers

14 12 10 8 6 4 2 0

 
 

confusion avec vistes médiation n'a pas pu juge a tranché juge a pris en compte les

médiatisées démarrer accords

Sur 30 dossiers, on constate donc qu'une majorité de dossiers qui indiquaient dans la première étape de la recherche « fait droit au demandeur » ou « fait droit à une partie des demande» sont en réalité des accords retenus par le juge.

En extrapolant prudemment, on peut conclure que près de la moitié des dossiers envoyés en médiation, qui ne se sont pas conclus dans le jugement par la mention « accords homologués », représentent une réalité d'accords soit complets, soit partiels, soit oraux et repris par le magistrat dans son jugement.

Cela vient confirmer l'intuition de magistrats rencontrés en entretiens qui pensent que la médiation amène les parents à se responsabiliser et à prendre ensemble, au moins en partie, les décisions qui les concernent.

Selon les magistrats rencontrés, le décalage remarqué entre les 15 accords
homologués et la réalité d'une majorité d'accords dans les dossiers s'explique par le

82 Les termes d'« échec » et de « réussite » de la médiation que j'ai repris ici sont ceux utilisés par un magistrat de la chambre de la famille de Toulouse rencontré en entretien

fait que l'accord, pour pouvoir être homologué, doit être écrit et complet, respecter la légalité et l'équilibre des parties.

Les juges n'homologuent pas les accords incomplets ou oraux qui leur font « perdre beaucoup de temps » puisqu'ils doivent revoir avec les parties tous les aspects de la séparation point par point. (Un juge aux affaires familiales me dit en entretien : »Je ne peux pas homologuer des accords incomplets et qui ne reprennent pas très précisément les modalités d'accueil des enfants ou le montant exact de la pension. Je suis en demande d'accords aboutis. D'ailleurs, quand des parents qui ont besoin de changer quelque chose se sont mis d'accord une première fois, je leur demande de refaire des accords entre eux et de me les soumettre pour homologation s'ils le souhaitent. »)

Dans le questionnaire, certaines remarques viennent renforcer l'idée qu'avec ou sans accord écrit, le passage en médiation contribue à l'apaisement et à la responsabilisation des personnes.

A la question 13 : êtes-vous convaincu(e) que la médiation vous a été utile ?

11 personnes répondent par l'affirmative même deux d'entre elles qui n'ont pas pu mettre en place les accords. Elles indiquent que la médiation a été un soutien moral pour elles (Q11F et Q9F) :

QF11, pour qui les accords n'ont pas pu durer dans le temps, écrit par exemple : « il m'a été cependant très utile d'un point de vue moral de parler devant une personne neutre». Q9F fait ce commentaire : « Très difficile comme expérience mais nécessaire et utile ».

Une seule personne (Q10F) répond par la négative à la question sur l'utilité de la médiation, tout en indiquant en fin de questionnaire : « Il y a des lois contre le vol, le meurtre et différents excès, ça n'empêche pas certains de les commettre. Heureusement, ce n'est pas une raison suffisante pour se décourager. Continuez ! Vous êtes dans le vrai ! »

3- Perspectives pour une future pratique

Les accords écrits sont à la fois le point final symbolique de la médiation et le contrat de départ de la nouvelle relation. Leur importance m'apparaît clairement dans une future pratique professionnelle où je devrai mettre en place les éléments repérés favorables à leur pérennité.

Cependant, la recherche permet d'établir que, au-delà des accords écrits, c'est plus largement le passage en médiation qui a été utile aux parents. Ceci est plus particulièrement révélé par l'enquête à la chambre de la famille où l'on s'aperçoit que des jugements présentés sous une forme « classique » recouvrent une réalité importante d'accords entre les personnes : dans de nombreuses situations où la médiation a été interrompue sans que des accords écrits n'aient pu être mis en place, sont nés des accords partiels, parfois incomplets ou oraux mais toujours pris en compte par le juge.

Au delà de la médiation et de la rédaction d'accords cette recherche me permet de repérer qu'en réalité, la durée de la médiation s'étend bien au-delà du temps du processus lui-même.

Ce qu'initie cette pratique déborde le cadre des entretiens de la médiation. Le temps entre les entretiens, le temps qui suit la médiation, qu'elle ait abouti ou pas, sont ferments de changement qui mettent en marche une évolution positive sur le long terme. Le médiateur familial est alors réellement et simplement le « passeur » entre un présent souvent chaotique, et le futur d'espérance, porteur de sens dont parlait Claude Lienhard83.

Cette posture implique un souci dans mon futur exercice professionnel de prendre en compte les acteurs de la médiation bien au-delà du cadre des entretiens de médiation. Le dialogue avec les magistrats m'apparaît indispensable. L'information des personnes sur la médiation familiale, sans militantisme manichéen, est utile car encore trop déficiente aujourd'hui. La relation avec d'autres professionnels doit être activée, en complémentarité, pour saisir tous les aspects de la problématique des personnes.

Egalement, l'interruption prématurée d'une médiation, si elle pousse à s'interroger et à se remettre en question, doit être respectée à la fois parce qu'elle peut être un signe que les parents ne sont pas prêts à dialoguer mais aussi parce que le fait de la rencontre qui a eu lieu a pu amener des données nouvelles.

83 Cité en introduction

Cette vision apporte une double prise de conscience :

> Qu'une indispensable relativisation de l'influence de la médiation s'impose :

Le travail en médiation n'est qu'un passage, un étayage proposé à un moment difficile, une étape dans le long processus que les personnes ont engagé au moment où ils ont décidé de se séparer, et ses effets profonds, personnels et collatéraux, restent presque impossibles à mesurer.

> Que les efforts consentis :

- par les parents en conflit pour se rencontrer, pour échanger, pour élaborer ensemble, parfois jusqu'à la concrétisation d'accords écrits,

- par le médiateur pour maintenir un cadre sécurisant, pour rester à sa place de tiers, pour accompagner sans prendre le pouvoir sur les décisions,

- par le magistrat pour accepter de ne pas savoir ce qui se passe au coeur de la médiation, pour favoriser la responsabilisation des personnes,

donnent à la médiation ses lettres de noblesse et l'inscrivent dans le difficile changement en cours de notre société toute entière84.

84 Jacques FAGET : « Considérer que chacun est en mesure de devenir son propre législateur représente naturellement une subjectivisation de la norme et constitue une entorse au modèle jupitérien d'une loi toutepuissante fondée sur la Raison. (Revue Empan n°72, février 2009)

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera