B- L'HYPOTHESE D'UN ARRET DE CONFIRMATION
Si l'on admet qu'un arrêt de confirmation de
jurisprudence est celui dans lequel une juridiction consolide et maintient ses
solutions antérieures dans les cas identiques ; on peut facilement
affirmer que l'arrêt de la C.I.J du 10 octobre 2002 en est un.
En effet, lorsque la Cour doit déterminer la
frontière entre le Cameroun et le Nigeria, elle fait
énormément recours aux solutions auxquelles elle était
déjà parvenue dans ses arrêts antérieurs. Notamment
en ce qui concerne le rapport entre le titulaire du titre territorial et celui
qui exerce la compétence effective sur le territoire litigieux.
La Cour s'est référée à sa
jurisprudence dans l'affaire du différend frontalier Burkina Faso/Mali
(arrêt du 22 décembre 1986). C'est à travers cette
jurisprudence qu'elle invalide les arguments du Nigeria tant dans la zone du
Lac Tchad294 que dans la presqu'île de Bakassi295.
La cour a également évoqué sa jurisprudence dans l'affaire
du différend territorial Jamahiriya arabe libyenne/Tchad (C.I.J,
recueil, 1994, p. 75-78, p. 38). Désormais le principe était
confirmé « dans l'éventualité où il existe
un conflit entre effectivités et titre juridique, il y a lieu
de préférer le titre. ». C'est en vertu de cette
démarche que le Cameroun récupère la quasi totalité
des villages dans la zone du Lac Tchad et recouvre la souveraineté sur
toute la presqu'île de Bakassi.
Mais le fait d'avoir refusé de statuer sur les
arguments des parties tirés de l'uti possidetis juris rend
quand même l'arrêt du 10 octobre 2002 un peu complexe dans la
mesure où les arrêts auxquels il se réfère sont les
cas d'application de ce principe. Car la Cour internationale de Justice dans
l'affaire du différend frontalier précitée estimait que
« le principe de l'uti possidetis juris accorde au titre juridique la
prééminence sur la possession effective comme base de
souveraineté. Il vise avant tout à assurer le respect des limites
territoriales au moment de l'accession à l'indépendance
»296. Il semble alors paradoxal de faire prévaloir
le titre juridique camerounais sur les effectivités nigérianes
dans les zones frontalières litigieuses sans passer par le cheminement
de l'uti possidetis juris. Monsieur D'ARGENT trouve d'ailleurs que le
silence de la cour sur la question de l'uti possidetis n'en demeure
pas moins « troublant »297. Mais il trouve
néanmoins une justification à cela : « C'est
précisément peutêtre parce que la Cour a
considéré le contentieux qui lui était soumis comme un pur
différend
294 Voir arrêt, pp. 64-65, par. 68.
295 Arrêt, p. 113, par. 223.
296 Résume des arrêts, avis consultatifs et
ordonnances de la Cour internationale de Justice, 1948-1991, Nations Unies,
p. 216.
297 P. D'ARGENT, op. cit., p. 302-303.
frontalier de délimitation et non un
différend territorial d'attribution qu'elle a estimé inutile - en
réalité inopportun- d'examiner les arguments relatifs à
l'uti possidetis. »298. De toutes les façons la
Cour internationale de Justice a rendu une décision définitive et
sans recours, voilà l'essentiel. Mais depuis le 10 octobre 2002 les deux
Parties n'arrivent toujours pas à rendre entièrement applicable
cet arrêt. Certainement que plusieurs facteurs existent qui rendent cette
délimitation de la frontière terrestre difficilement
réalisable.
|