L'influence du décret n°2005-1978 du 28 décembre 2005 sur l'office du juge de la mise en état( Télécharger le fichier original )par Nicolas DAOUST Université Paris 2 Panthéon Assas - Master 2 Professionnel Arbitrage, Contentieux et MARC 2007 |
ConclusionDepuis le décret-loi du 30 octobre 1935 qui prévoyait avec un certain manque de souplesse que « le juge chargé de suivre la procédure » soit doté de nombreuses attributions148(*), les réformes successives n'ont fait qu'accroitre la marche de manoeuvre du juge de la mise en état. Le législateur s'est continuellement efforcé de faire d'une mise en état à l'origine purement administrative, une procédure autonome plus « intellectuelle » et au caractère judiciaire renforcé. Si le décret du 28 décembre 2005 ne constitue pas un bouleversement dans l'architecture de l'office du juge, il en modifie cependant le contenu substantiellement en lui permettant d'acquérir une autonomie plus importante. L'accroissement des pouvoirs du juge de la mise en état sera certainement l'un des « traits marquants de notre procédure civile au cours du XXI e siècle »149(*). Cette évolution est favorisée par le droit européen, la Cour Européenne des Droits de l'homme appréciant le caractère raisonnable de la durée des procédures au regard du « comportement des autorités judiciaires »150(*), y compris celui du juge de la mise en état qui a la possibilité d'utiliser « les pouvoirs que le NCPC lui donne dans la conduite de la procédure notamment en donnant aux parties injonction de conclure »151(*). Dans l'arrêt du 7 janvier 2003, C.D contre France, la CEDH contrôle particulièrement l'accomplissement par le juge d'actes lui permettant de déjouer l'ensemble des manoeuvres dilatoires des parties et fait presque peser sur lui une « obligation de résultat » 152(*) en lui demandant de « veiller au bon déroulement de l'instance d'une manière effective, concrète et non illusoire» 153(*) . Serge GUINCHARD précise qu'il ne serait pas souhaitable d'accompagner ce mouvement d'une exclusion du juge de la mise en état de la participation aux débats et à la fonction de juger. Si cette inquiétude peut être légitime dans les cas où le magistrat instruit des affaires complexes qui seront ultérieurement jugées par une formation collégiale, elle semble en revanche moins pertinente pour un grand nombre de litiges « simples » où le magistrat chargé de la mise en état sera également le juge unique amené à les trancher. Il est vrai que la reconnaissance d'une trop grande autonomie dans la fonction de mise en état, notamment en spécialisant et complexifiant cette charge à l'extrême, pourrait conduire à une dichotomie néfaste dans l'instance en écartant du procès le magistrat le plus au fait de l'affaire154(*). Cependant, le succès des réformes portées par le décret du 28 décembre 2005 ne pourra être réel que si les magistrats chargés de la mise en état, mais également les avocats et avoués, les mettent en oeuvre de façon harmonieuse155(*). S'il a été longtemps reproché au magistrat désigné pour l'instruction des affaires civiles, principalement dans les juridictions surchargées, d'être cantonné à une mission administrative de régulation des causes156(*), la critique semble de moins en moins justifiée au regard de l'évolution de l'office du juge de la mise en état. Celui-ci ne saurait plus être considéré comme une simple « antenne de la formation collégiale » 157(*). * 148 Parmi lesquelles la surveillance de la procédure, la possibilité d'en accélérer le rythme, la conciliation des parties, le règlement des incidents mineurs de procédure. Voir p.774-775, FERRAND Frédérique, GUINCHARD Serge, Procédure civile: droit interne et droit communautaire, Dalloz, 1449 pages, 28ème édition, Paris, 2006, Paris. * 149 SARDA François, « Pour un juge d'instruction civil », Mélanges André DECOCQ, Litec, 2004. * 150 p.780, FERRAND Frédérique, GUINCHARD Serge, Procédure civile: droit interne et droit communautaire, Dalloz, 1449 pages, 28ème édition, Paris, 2006, Paris. * 151 CEDH 9 novembre 1999, GOZALVO/ France D. 2000. Somm.183, obs. Fricero ; Procédures avril 2000, n. 93 Obs. Fricero ; RDP 2000/3. 719, obs. Soler ; RGDP 1999.321, R. Martin. 7 janvier 2003, C.D. c/France, Droit et procédures 2003/4.229, obs. Fricero. * 152 p.780, FERRAND Frédérique, GUINCHARD Serge, Procédure civile: droit interne et droit communautaire, Dalloz, 1449 pages, 28ème édition, Paris, 2006, Paris. * 153 Idem p.577-578. * 154 Dans de nombreux cas, le magistrat chargé de la mise en état est également celui qui prépare et lit le rapport lors de l'audience des plaidoiries. * 155 VILLACEQUE Jean, A propos du décret n°2005-1978 du 28 décembre 2005 réformant la procédure civile, Perspectives et regrets, Recueil Dalloz 2006 p.539. * 156 p.777, FERRAND Frédérique, GUINCHARD Serge, Procédure civile: droit interne et droit communautaire, Dalloz, 1449 pages, 28ème édition, Paris, 2006, Paris. * 157 p.778, FERRAND Frédérique, GUINCHARD Serge, Procédure civile: droit interne et droit communautaire, Dalloz, 1449 pages, 28ème édition, Paris, 2006, Paris. |
|