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La liberté d'expression face à la religion: analyse de la jurisprudence de la CEDH

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par F. KORA
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2007
  

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Section II : L'interdiction du blasphème et de « la diffamation religieuse » admise par la Cour européenne des droits de l'homme.

Historiquement, les premières législations « civiles » de répression du blasphème sont étroitement reliées à la loi religieuse. La répression des actes blasphématoires revêtait un aspect social essentiel. Présentement, de nombreux pays possèdent encore une législation pénale réprimant la diffamation religieuse ou/et le blasphème. Ces législations ne sont pas remises en cause par la jurisprudence de la Cour. Elles sont même admises dans une jurisprudence européenne constante.

A.)Une construction jurisprudentielle constante.

Le blasphème est défini comme une parole, un discours outrageant à l'égard de la divinité, de la religion, de tout ce qui est considéré comme sacré. Quant à la diffamation, elle désigne l'action de chercher à porter atteinte à la réputation ou à l'honneur de quelqu'un par des écrits ou des paroles. Les auteurs ont, longtemps, employé le seul terme de blasphème. La doctrine était donc attachée, « à tout le moins conceptuellement, à une vision conservatrice (au sens technique) des atteintes aux sentiments religieux des croyants. Peut-être cette réticence terminologique s'explique-t-elle, pour partie, par le caractère relativement attrape-tout susceptible d'être prêté à la notion de diffamation religieuse.» 29(*)Malgré le caractère religieux de ces notions, elles sont admises par la Cour européenne des droits de l'homme. Dans l'arrêt Wingrove, la Cour ne remet pas en cause la législation anglaise sur le blasphème, bien que celle-ci ne traite pas sur pied d'égalité les différentes religions pratiquées au Royaume-Uni. Celle-ci ne concernait en réalité que la foi chrétienne. En effet, dans une jurisprudence largement critiquée, y compris par une minorité active au sein même de la Cour,la Cour des droits de l'homme refuse pratiquement toujours de condamner les Etats lorsque ceux-ci préviennent le blasphème par la censure ou le sanctionnent. En d'autres termes, «dans l'état actuel de cette jurisprudence, il ne peut être affirmé qu'il existe, en Europe, un «droit de blasphémer garanti au titre de la liberté d'expression. A l'inverse, c'est la liberté de religion et de culte qui est mise en avant et réinterprétée, de manière assez stupéfiante, comme incluant un droit pour les fidèles à ne pas être heurtés dans leurs convictions religieuses. On est dès lors bien obligé de mesurer ici et de prendre acte de la distance qui sépare actuellement les déclarations de principe sur la défense de la laïcité et de la liberté de la presse de la réalité du droit européen des droits de l'homme, tel qu'il se révèle à l'analyse des décisions nationales qui sanctionnent les blasphémateurs et de la jurisprudence européenne qui entérine celles-ci. »30(*)

Cette jurisprudence européenne fut confirmée à maintes reprises. Aussi, plus récemment, l'arrêt Giniewski s'inscrit-t-il dans la continuité de la jurisprudence antérieure en matière de blasphème. Elle reprend le paragraphe 26 de l'arrêt I. A. c. Turquie et affirme que les autorités publiques peuvent « légitimement estimer nécessaire de prendre des mesures visant à réprimer certaines formes de comportement, y compris la communication d'informations et d'idées jugées incompatibles avec le respect de la liberté de pensée, de conscience, et de religion d'autrui. » Les juges ont donc élaboré une jurisprudence constante qui admet même la répression pénale de la diffamation religieuse.

* 29 J.-F. Flauss, «  La protection internationale de la liberté religieuse » Edition Bruylant 2002, p279

* 30 B. Frydmann, « Introduction : les propos qui heurtent, choquent, ou inquiètent » Rev. dr. ULB - vol. 35 - 2007.

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