La liberté d'expression face à la religion: analyse de la jurisprudence de la CEDH( Télécharger le fichier original )par F. KORA Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2007 |
B.)Un recul considérable dans la protection de la liberté d'expression.La protection de la liberté d'expression, « l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun »26(*), paraît s'assouplir considérablement face à la protection du sentiment religieux. Or les juges européens énonçaient que la liberté d'expression vaut non seulement « pour les informations et les idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction de la population »27(*) Dans les affaires tranchées par la Cour, le matériel jugé offensant n'avait reçu qu'une diffusion restreinte et pouvait aisément être évité (il suffisait, en somme, de ne pas lire un livre, de ne pas aller voir un film). La Cour ne tient pas compte des précautions prises par les requérants pour prendre ses décisions. Son souci principal sera d'assurer la protection des sentiments religieux, on pourrait dire et ceci, au détriment de la liberté d'expression. Ainsi, note -t-elle que « «la liberté de pensée, de conscience, et de religion, qui se trouve consacrée par l'article 9 de la Convention, représente l'une des assises d'une société démocratique, au sens de la Convention. Elle est dans sa dimension religieuse, l'un des éléments les plus vitaux contribuant à former l'identité des croyants et leur conception de la vie ». Il est donc clair, par ces mots, que la Cour attache une importance particulière à la croyance religieuse. Si elle admet au demeurant que la critique est admise (n'est-ce-pas la moindre des choses dans une société dite démocratique ?), elle ne manque pas d'insister sur le fait que « la manière dont les croyances et doctrines religieuses font l'objet d'une opposition ou d'une dénégation est une question qui peut engager la responsabilité de l'Etat, notamment celle d'assurer ceux qui professent ces croyances et doctrines, la paisible jouissance du droit garanti par l'article 9 (§47 de l'arrêt Otto-Preminger) » »28(*) On est dans une idéologie d'hiérarchisation des principes proclamés par la Convention. En outre, cette limitation à l'égard de la liberté de critique de la religion est confortée par l'extension de la marge d'appréciation étendue, la mise en balance des libertés d'expression et de religion et le renforcement de la protection du sentiment religieux. Toutefois, le recul de la protection de la liberté d'expression est aussi effectué par l'admission du blasphème et de la diffamation religieuse par la Cour européenne des droits de l'homme. * 26 Comme l'affirme rituellement la Cour depuis son arrêt Handyside c. Royaume-Uni, 7 déc. 1976 * 27 Arrêt Handyside précité § 49, plus récemment arrêt I. A. c. Turquie§ 23 * 28 S. Peyrou-Pistouley, « L'affaire Otto-Preminger-Institut et la liberté d'expression vue de Strasbourg : censure ou laxisme ? » RFDA, 1995 p1192 |
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