Gestion durable des ressources naturelles en Afrique Centrale: Cas des produits forestiers non ligneux au Cameroun et au Gabon( Télécharger le fichier original )par Sandrine Carole TAGNE KOMMEGNE Université de Limoges - Master 2 en droit international et comparé de l'environnement 2007 |
PARAGRAPHE II: EVOLUTION DES INSTITUTIONS INTERNES APRÈS LE SOMMET DE LA TERRE DE 1992.Le sommet de Rio de 1992 avait pour but d'être un tournant en terme de gestion de ressources naturelles. La préparation et la tenue de ce sommet a permis une meilleure prise de conscience, à l'échelle mondiale mais aussi dans la sous région de l'importance de la biodiversité pour le développement et la survie de l'humanité, de son érosion et des responsabilité humaine en jeu. En effet, le fait pour chaque État africain d'élaborer un rapport national sur l'environnement devant parvenir au secrétariat de la Conférence des nations unies sur l'environnement et le développement (CNUED) avant le sommet de Rio a permis que chaque État prenne conscience de sa situation environnementale. Plus, en terme de législation et d'institutions, la prise de conscience s'est « Traduit par la création des services environnementaux ou la prise en compte de la biodiversité dans les textes, mais aussi par l'émergence d'un secteur non gouvernemental dans ce domaine »47(*). Ici, nous verrons l'émergence du concept de gestion participative qui aura beaucoup d'effet et ensuite, nous verrons la création des institutions publiques et para-publiques. A. LA REVOLUTION APPORTÉE A LA PARTICIPATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE PAR LA NOTION DE GESTION PARTICIPATIVE.
Nous verrons l'évolution du concept de la gestion participative en premier lieu, et l'introduction du la notion de forêt communautaire et de la notion de décentralisation. 1. NAISSANCE ET EVOLUTION DU CONCEPT DE PARTICIPATION
Introniser par le sommet de la terre de 1992, le thème de la participation des « populations locales et autochtones » à la gestion des ressources naturelles est aujourd'hui une option incontournable des politiques de « bonne gouvernance » et des programmes de « développement durable » imposés par les organismes occidentaux d'aide au développement et par les grandes institutions internationales aux pays forestiers du tiers monde. Grâce à ces dispositions, les peuples forestiers sont ainsi passé du statut d'utilisateurs « nocifs » du milieu au statut de population à préserver, à développer, à prendre en charge et donc à gérer avec le milieu naturel. Cette façon de voir rejoint les termes utilisés par le programme des nations unies pour l'environnement consacré à la mise en application de la convention sur la biodiversité biologique de 1993: «Les communautés autochtones résident principalement dans des régions à forte diversité biologique. De nombreux peuples autochtones ont cultivé et judicieusement utilisé pendant des millénaires la diversité biologique de leur environnement immédiat. Si les espèces et écosystème veulent être maintenues et utilisés valablement, ces peuples doivent avoir une part et un intérêt dans cette conservation. En tant que gestionnaire du site et possédant une connaissance approfondie de l'environnement local, ces communautés sont utilement responsables de l'introduction de toutes politiques de conservation et d'utilisation durable »48(*). Dans ce discours, les populations locales et autochtones sont objectivées comme les dépositaires de savoir qui ont permis la préservation de la diversité, ce qui permet de leur attribuer un rôle au sein de l'appareil de développement durable. Cette orientation est claire dans l'Agenda 21 de la conférence de Rio qui appelle à: « des arrangements pour renforcer la participation active des populations autochtones et de leurs communautés à la formulation, au niveau national, de politiques, lois et programmes ayant trait à la gestion des ressources et à d'autres processus de développement »49(*). On note comment entre en scène la société civile et peut être est elle à l'origine d'une partie des forêt communautaires. 2. DECENTRALISATION ET FORÊTS COMMUNAUTAIRES.
De manière concrète, la gestion participative issue du sommet de Rio de 1992 s'illustre par la mise en oeuvre d'une gestion décentralisée des ressources naturelles dont des PFNL. On assiste dans les nouvelles législations forestières qui émergent à la prise en compte des droits coutumiers des populations riveraines et surtout à la création des forêts communautaires. Ces dernières « Sont des contrats qui peuvent être signés entre une communauté villageoise et l'administration forestière »50(*) D'où l'importance de repenser l'État à travers la décentralisation. Au Cameroun, la constitution révisée de 1996 tiendra compte de la décentralisation qui a été aussi l'une des conséquences de la démocratisation du système politique. Il en ira de même de la constitution gabonaise. L'importance de celle-ci résulte du fait que, « Lorsque la décentralisation est réussie, elle rend le secteur public plus efficace et plus attentif aux besoins des administrés (...) et des études récentes indiquent que les responsables locaux et les groupes de proximité sont mieux placés pour identifier et pour aider les pauvres que les autorités nationales »51(*). Les forêts communautaires ont été créées pour faciliter la participation des communautés locales à la gestion durable et équitable des ressources naturelles et leur accès au bénéfice social et économique de ces ressources. Les forêts pouvant faire l'objet d'une convention de gestion de forêt communautaire sont celles situées à la périphérie ou à la proximité d'une ou de plusieurs communautés et dans lesquelles leurs populations exercent leurs activités. Au Cameroun, le décret 95/53 en son article 3 alinéa 11 entend par forêt communautaire «une forêt du domaine forestier non permanent, faisant l'objet d'une convention de gestion entre la communautés villageoise et l 'administration chargée des forêts ». D'autre part, la loi 94 en son article 37 alinéa 3 affirme que « les produits forestiers de toute nature résultant de l'exploitation des forêts communautaires appartiennent entièrement aux communautés villageoises concernées ». Le Gabon par contre définit la forêt communautaire dans son code forestier de 2001 en ces termes (article 156): « la forêt communautaire est une portion du domaine forestier rural affectée à une communauté villageoise en vue de mener des activités ou d'entreprendre des processus dynamique pour une gestion durable des ressources naturelles à partir d'un plan de gestion simplifié ». Par ailleurs, « les revenus de l'exploitation des forêts communautaires sont la propriété de la communauté ».Dans le domaine forestier rural, les travaux de délimitation, de classement et d'aménagement des forêts communautaires sont réalisés gratuitement par l'administration forestière. Cette disposition est prévue dans l'article 159 du Code forestier. Il s'agit là d'une approche qui soulagera grandement les communautés villageoises propriétaires de ces forêts. L'intronisation du terme de participation va favoriser l'éclosion de la société civile dans la protection de l'environnement d'autant plus que les deux États reconnaissent l'assistance technique dont doivent jouir les populations locales. Le besoin de favoriser une gestion durable des PFNL dans les forêts ont poussé les législateur des deux États à prendre en compte le droit coutumier dans leur code forestier. C'est dans ce sens que l'article 8 de la loi camerounaise de 1994 précise que « le droit d'usage ou coutumier est, au sens de la présente loi, celui reconnu aux populations riveraines d'exploiter tous les produits forestiers, fauniques et halieutiques à l'exception des espèces protégées en vue d'une utilisation personnelle ». Comme nous pouvons le constater, bien que le contexte démocratique a été pour une part un facteur ayant favorisé une participation accrue de la société civile, nous pouvons dire que le sommet de la terre de 1992 a été le plus déterminant. Non seulement on a assisté a une prise de conscience de la plupart des États et cela s'observe avec la pléthore des lois forestières et environnementales qui naîtront après ce sommet, mais surtout, on assiste à la consécration de la société civile comme acteur incontournable pour la protection de l'environnement. Maintenant, nous aimerions savoir quel bouleversement ce sommet à produit sur les institutions administrative? B. INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES En Afrique Centrale, au Cameroun et au Gabon en particulier, certaines des nouvelles lois ont eu des conséquences sur l'organisation administrative des deux Etats. Des nouvelles lois ont prévues des modes institutionnels pour l'encadrement des produits forestiers. Ces institutions vont des institutions de gestion et de recherche aux institutions où les expériences nationales sont très variables. Aussi, afin de mieux cerner les dispositifs institutionnels de chaque pays, nous les étudierons séparément. 1. LES INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES AU CAMEROUN
D'après Stéphane DOUMBE BILLE, pour ce qui concerne les mesures institutionnelles encadrant la gestion des forêts en Afrique Centrale, « l'exemple du Cameroun doit être noté à travers le décret n°98-345 du 21 décembre 1998 portant organisation du ministère de l'environnement et des forêts qui régit l'administration forestière au Cameroun. Il s'agit d'une organisation très classique d'un département ministériel, avec une administration centrale et des services extérieurs, avec une inspection générale chargée de missions d'évaluation et de contrôle ainsi que d'information directe du ministère et du secrétaire général (article 6) »52(*). Les compétences forestières sont partagées entre un secrétariat permanent et la direction des forêts53(*). Alors que le secrétariat permanent est compétent pour élaborer les stratégies de gestion durable des ressources naturelles disposant à cet égard d'une cellule de la protection et de la conservation de la biodiversité54(*), la direction des forêts rattachées à l'administration centrale est chargée quant à elle des fonctions traditionnelles , notamment l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique forestière, la planification, la gestion et l'aménagement des forêts, l'octroi d'agréments et de titre d'exploitation forestière55(*). Toutefois, bien que la direction des forêts fût censée assurer la gestion de tous les produits forestiers d'origine végétale, y compris les PFNL, il n'empêche que dans la pratique, elle ne s'occupait quasi-exclusivement que du bois d'oeuvre. A la suite du décret de 1998 dont fait mention DOUMBE BILLE, sera crée, « une direction de la promotion et de la transformation des produits forestiers (DPT) dotée entre autres structures d'une sous direction de la promotion et de la transformation des produits non ligneux. Comme son nom l'indique, cette sous direction ne se voit pas confier le monopole de la gestion des PFNL, qui est une fonction transversale et des fonctions relevant de l'aval de la filière, à savoir la transformation et la commercialisation »56(*) En ce qui concerne la transversalité des institutions chargées de contribuer à la gestion durable des PFNL au Cameroun, le Cercle de Concertation des Partenariats du Ministère des forêts et de la faune (CCPM) dont la thématique portait sur les PFNL illustre bien cela. En fait, au cour de cette réunion tenue le 15 janvier 208 à l'hôtel Azur de Yaoundé (Cameroun), était présent: - Les représentants du ministère de la forêt et de la faune (MINFOF); - du ministère des petites et moyennes entreprises, de l'économie sociale et de l'artisanat (MINPMEESA); - du ministère de l'agriculture et du développement rural (MINADER); - de l'agence national d'appui au développement forestier (ANAFOR) Il est aussi a noté que suite à l'arrêté portant organisation du gouvernement camerounais de septembre 2007, l'ancien ministère de l'environnement et des forêts se trouve désormais divisé en deux: on a d'un côté un ministère des forêts et de la faune et de l'autre, un ministère de l'environnement et de la protection de la nature. Cette division a le mérite de faire en sorte que les produits forestiers quelques soit le type bénéficierons d'une attention accrue. Peut-être est ce déjà le cas avec les séminaires et les projets politiques portant sur les PFAB qui fusent un peu partout depuis quelques temps? Toujours est-il que cette division marque aussi une prise de conscience de l'importance de la protection des produits forestiers secondaires. 2. LES INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES AU GABON
Au Gabon, c'est le ministère des eaux et forêts, de la pêche, du reboisement chargé de l'environnement et de la protection de la nature qui s'occupe de la protection de la biodiversité à travers sa direction générale de l'environnement. Dans la stratégie nationale et plan d'action sur la diversité biologique du Gabon, il est fait mention du fait que, « le Gabon, à l'horizon 2025, doit assurer la conservation de la biodiversité et garantir un partage satisfaisant des avantages socio-économiques et écologiques issues des ressources biologiques par une prise de conscience de l'importance de ses ressources biologiques et par un développement des capacités humaines et institutionnelles »57(*). Aussi, conscient de l'objectif à atteindre, les autorités gabonaises vont mettre sur pied un ensemble d'institutions qui les permettra d'atteindre leur objectif. L'un des objectifs du plan d'action présenté par la direction générale des eaux et forêts pour 2006-2008 est l'amélioration de la contribution du secteur forestier au Produit Intérieur Brut (PIB). Parmi les activités à réaliser pour atteindre cet objectif, il est prévu la promotion du commerce des PFAB. Bref, de ce qui précède, nous pouvons dire que le sommet de Rio de 1992 et le vent démocratique qui a soufflé su le continent ont été des facteurs déterminant pour la spécialisation des institutions devant protéger durablement les produits forestiers. En dehors des institutions rénovées, il existe une panoplie d'institutions internationales que régionales oeuvrant dans le domaine de la sauvegarde des forêts. * 47 C. DOUMENGE, Gestion des écosystèmes forestiers du Cameroun, du Gabon ...., op cit, P. 78, URL: http:// www.fao.org/legal/prs-01/p041.pdf * 48 A. LASSAGNE, « exploitation forestière, développement durable et stratégie de pouvoir dans une forêt tropicale camerounaise » article publié par la revue Anthropologie et société, volume 29, n°1, 2005, URL: http://classique.uqac.ca/collection_sciences_developpement/lassagne_antoine/exploitation_foret_cameroun/exploitation_foret_cameroun.html * 49 Ibid, URL: http://classique.uqac.ca/collection_sciences_developpement/lassagne_antoine/exploitation_foret_cameroun/exploitation_foret_cameroun.html * 50 Circulaire n°723/LC/MINEF/DF/SDIAF du 29 mars 1996 concernant la procédure d'attribution des forêts communautaires au Cameroun, tiré de A. LASSAGNE, op cit, * 51 Le développement au seuil du XXIème siècle, rapport sur le développement dans le monde, 1999-2000, édition ESKA, Banque mondiale, P.113-116. * 52 DOUMBE BILLE S., Le droit forestier...., op cit, p.27 * 53 Article 30 et suivant du décret n°98-345 du 21 décembre 1998 portant organisation du ministère de l'environnement et des forêts. * 54 Article 11 et 12 du décret cité ci dessus. * 55 Article 30 du même décret. * 56 BONANEE, ASSENG ZE et WALTER, Le cadre législatif et réglementaire...., op cit, p..30 * 57 URL: bch-cbd.naturalsciences.be/gabon/gabondef/contibution/documentsnat/docpdf/snpa_db.pdf du 20/08/2008. |
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