Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel( Télécharger le fichier original )par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005 |
SECTION I : LE PRINCIPE DE L'APPLICATION D'OFFICE DE LA RÈGLE DE CONFLIT76. Si la Cour de cassation a pendant longtemps refusé de s'engager dans la voie d'un élargissement du champ d'intervention du juge, elle accepte depuis plusieurs années de faire peser sur ce dernier l'obligation d'appliquer d'office la règle de conflit même lorsqu'elle désigne un droit étranger. Deux séries d'arguments militent en faveur d'une application d'office de la règle de conflit 167(*) : « Du point de vu des principes, ne pas imposer cette application revient à faire de la règle de conflit -dans sa forme bilatérale- une règle dépourvue de sanction, une lex imperfecta ».168(*) Du point de vu pratique, la même attitude est de nature à encourager le forum shopping, c'est-à-dire la recherche par les particuliers dans l'ordre international d'une loi « complaisante »169(*)-qui serait la plupart du temps la loi du for- en vue d'obtenir ce qui ne pourrait l'être selon la loi applicable. Plus généralement, l'application effective du règlement de conflit de l'Etat du for risque de dépendre de « la tendance plus ou moins internationaliste de chaque juge et notamment de ce qu'il est plus ou moins disposé à affronter les difficultés pratiques de l'application des lois étrangères ».170(*) En plus de ces arguments, l'évolution du contexte, plusieurs années après l'arrêt Bisbal a suscité de nouveaux justificatifs à l'encontre cette jurisprudence. Il s'agit entre autres de « l'accroissement des relations internationales, permettant d'attendre une plus grande sensibilité des praticiens et des juges à l'applicabilité des lois étrangère, des principes directeurs du nouveau Code de procédure civile français mettant l'accent sur l'application des règles de droit (...), et enfin de l'accroissement des règles de conflit adoptées par Traité ».171(*) Face à cette importance critique du caractère facultatif de la règle de conflit, la Cour de cassation a consacré le principe de l'application d'office, (Paragraphe I) dont le régime juridique (Paragraphe II) parait un peu complexe. Paragraphe I : LA CONSÉCRATION DU PRINCIPE77. La consécration jurisprudentielle de l'application d'office de la règle de conflit a été précédée par de nombreuses propositions doctrinales, allant dans le même sens. En effet, critiquant la solution de l'arrêt Bisbal, MOTULSKY proposait de substituer à la distinction selon la qualité nationale ou étrangère de la loi désignée, « une distinction selon le caractère d'ordre public ou non de la matière litigieuse ».172(*) Selon cet auteur, tout commençait par l'affirmation selon laquelle le droit étranger, dès lors que la règle conflit le désigne, « constitue du droit au regard du juge et n'est donc pas justiciable d'un traitement différent de celui que connaît la lex fori ».173(*) Cependant, cette désignation n'était impérative qu'autant que la matière visée a ce caractère en droit interne. C'est ainsi que BATIFFOL a pu suggérer que le juge devrait appliquer d'office la règle de conflit du for lors même qu'elle désigne la loi étrangère et ce, uniquement « dans les matières sur lesquelles les parties ne peuvent, dans la conception du for, déroger à la loi ».174(*) Il faut noter que le principe de l'application d'office du droit étranger est également consacré dans plusieurs autres systèmes juridiques étrangers. L'attitude allemande par exemple est, depuis longtemps déjà, très ferme à ce sujet. En effet, aussi bien les auteurs que le Tribunal Suprême allemand admettent de façon unanime que le juge doit déterminer la loi applicable. Lorsque la règle de conflit allemande prescrit l'application d'une loi étrangère, le juge doit l'appliquer « ex officio »,175(*) même si les parties ne l'ont pas invoquée.176(*) Le véritable motif de ce traitement procédural parait être pour ces décisions, que le droit étranger est du « droit ». Or en Allemagne tout comme en France, le juge doit appliquer d'office la règle de droit. Il en est de même du système de droit international privé du Burkina-Faso, qui précise à travers l'article 1004 de son Code des personnes et de la famille que «Le juge applique d'office les règles de conflits de lois (...) et le droit étranger compétent selon ces règles ». Avant d'examiner le régime actuel de l'application d'office de la règle de conflit, (B) nous présenterons l'évolution observée depuis le revirement de jurisprudence. (A) * 167 Cf. AUDIT (B.), Droit international privé, Préc., p. 218, n° 261. * 168 Ibid. * 169 Id. * 170 Ibidem. * 171 Cf. AUDIT (B.), Op. Cit., p. 221. * 172 v. JCP 1960. II. 11733. * 173 Ibid. * 174 v. G.A.D.I.P., Dalloz, 4è éd., 2001, p.302. * 175 DAVID (C.), La loi étrangère devant le juge du fond, Paris, Dalloz, 1965, p. 22. * 176 R.G. 30 janv.1989; R.G. 23.33; R.G. 22 juin 1900; J.W. 1900. 589; R.G. 22 nov. 1901; J.W.1902.36; B.G.H. 11 mai 1956, I.P.R.Rspr.1956.57, n°1. Cité par DAVID (C.), La loi étrangère devant le juge du fond, Op. Cit., p 22. |
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