Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel( Télécharger le fichier original )par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005 |
Paragraphe I : LES ARGUMENTS JUSTIFIANT L'IRRECEVABILITÉ DU POURVOI FONDÉ SUR UNE INTERPRÉTATION INEXACTE DE LA LOI ÉTRANGÈRE57. Dans l'arrêt Bertoncini,126(*) la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif « (...) que le moyen pris de la compétence (de la loi italienne) pour régir le litige comme de son contenu différent de celui de la loi française, présenté pour la première fois devant la Cour de cassation, est mélangé de fait et de droit et partant, irrecevable ». Ce refus révèle un parallélisme certain avec la position adoptée en matière de contrats. En effet, la Cour de cassation estime que l'interprétation de la volonté des parties à un contrat relève de l'appréciation souveraine des juges du fond et se refuse à exercer tout contrôle en ce domaine.127(*) Selon ses propres termes la Cour de cassation aurait été « instituée pour maintenir l'unité de la loi française par l'uniformité de la jurisprudence ».128(*) Et de ce fait, étendre cette mission au droit étranger enfermerait la Haute juridiction dans un dilemme insoutenable. Tout d'abord, en recherchant l'interprétation qui lui paraîtrait la meilleure, elle méconnaîtrait l'idée que le droit étranger doit être appliqué dans le for tel qu'il est en fait à l'étranger. Ensuite, en recherchant l'interprétation adoptée à l'étranger, elle sortirait de son rôle traditionnel puisqu'à ce moment, il ne s'agira plus d'interprétation mais d'investigations matérielles lesquelles excèdent les attributions et les moyens de la Cour de cassation. En définitive, « parce que mal armée pour procéder aux recherches nécessaires, la Haute juridiction risquerait d'une part de donner de la loi étrangère une interprétation erronée qui aurait pour conséquence de diminuer son prestige à l'étranger, et d'autre part, de dépenser un temps déjà trop rare à l'analyse des pourvois supplémentaires que ne manquerait pas de susciter l'admission du contrôle de l'interprétation que les juges du fond donnent de la loi étrangère ».129(*) Tous ces arguments justifiant le refus du contrôle de l'interprétation du droit étranger n'ont malheureusement pas fait l'unanimité dans la doctrine française. Paragraphe II : LA CRITIQUE DU PRINCIPE DE L'INTERPRÉTATION SOUVERAINE DE LA LOI ÉTRANGÈRE PAR LES JUGES DU FOND58. Plusieurs auteurs ont critiqué les arguments avancés par les partisans de l'interprétation souveraine de la loi étrangère par les juges du fond. En effet, ces justificatifs ont été qualifiés d' « exclusivement procéduraux, dans la mesure où ils négligeaient la véritable nature du droit étranger, règle de droit et non simple fait ».130(*) De même, « certains textes étrangers régulièrement appliqués dans le for pourraient faire l'objet d'interprétations divergentes de la part des juges du fond. Ainsi, bien que d'aucuns aient répondu que le rôle de la Haute juridiction est d'assurer l'unité d'interprétation du droit du for et non celle du droit étrange »,131(*) il reste tout de même peu souhaitable que la Cour d'appel de Bordeaux par exemple puisse relever quatre causes de divorce dans une loi étrangère alors que la Cour d'appel de Rennes n'en compte que trois.132(*) Enfin, l'application du droit étranger échappant à toute censure, les juges pourraient impunément commettre de grossières erreurs.133(*) Afin de corriger les abus qui pourraient résulter de son refus de contrôler l'application par les juges du fond de la loi étrangère, la Cour de cassation a décidé de recevoir les pourvois fondés sur la dénaturation du droit étranger. * 126 Cass. civ 1er., 11 juill. 1961, Bertoncini, JDI 1963.132, note B.G. * 127 Cf. LOUSSOUARN (Y.), BOUREL (P.) et De VAREILLES-SOMMIERES (P.), Droit international privé, Paris, Dalloz, 8e éd., 2004, p. 325. * 128 v. note. Req., 15 avril 1861, S. 61. 1. 721., Crim. 27 avril. 1912, S. 1914. 1. 171. * 129 v. ANCEL (B.) et LEQUETTE (Y.), G. A. D. I. P., Op. Cit., p .318. * 130 ANCEL (B.) et LEQUETTE (Y.), G.A.D.I.P ; Op. Cit., P. 318.v. Par exple : MAURY, La condition de la loi étrangère en droit français, Trav. Com. Fr. Dr. Int. Privé 1948-1952, pp. 97 et s ; Spéc. pp. 103 et s. Cité par ANCEL (B.) et LEQUETTE (Y.), G. A.D.I.P; Op. Cit., p. 318. * 131 LOUSSOUARN (Y.), BOUREL (P.) et DE VAREILLES-SOMMIERES (P.), Op. Cit., p. 326. * 132 Ibid. * 133 GOLDMAN, note, Clunet, 1962.690. |
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