CONCLUSION
Vous-êtes vous ennuyez lors de votre lecture?
J'espère que non... Le "pompon" serait qu'un tel sujet vous lasse !
Je reprends volontairement une de mes questions de
départ :
Comment des adolescents peuvent-ils construire leur
identité en ayant si peu de temps pour réfléchir sur
eux?
Tout individu cherche naturellement à élaborer
sa personnalité d'après des questionnements identitaires. Qui
suis-je? Qu'est-ce que j'aime, qu'est-ce que je veux? etc. Cette
démarche est plus aisée lorsque l'on dispose réellement de
temps libre. Or, comme je l'ai remarqué, le temps libre est souvent
assimilé à l'ennui, lui-même connoté
négativement. Prendre du temps libre et ne rien faire est
dévalorisé socialement, les individus culpabilisent. Il est
préférable d'être actif au risque d'être
considéré comme "fainéant". Un de mes objectifs
était de faire de l'ennui un moment fécond qui puisse être
bénéfique aux adolescents dans leur développement
personnel.
Je me suis rapidement rendu compte que la majorité des
adolescents du service où j'ai effectué mon stage, ont certes des
pathologies, mais sont avant tout en recherche personnelle et en construction
identitaire. Mon travail ne s'adresse pas obligatoirement à cette
population mais davantage "aux" adolescents.
J'ai vite compris que l'ennui est un mal que beaucoup
d'adolescents ressentent. Leur préoccupation est alors parfois de s'en
détacher par une seule et unique manière s'occuper.
Vouloir "combattre" l'ennui par une activité est naturelle et je pense
que nous le faisons tous. Mais réfléchir ne peut-il pas
être une activité en soi? Je suis convaincue que si, en tout cas
pour certains, dont je fais partie ! L'inactivité n'est pas, quoi qu'il
en soit, dans nos habitudes occidentales. Il m'a été difficile de
mettre en place des moyens "impalpables" et qui relèvent de la
réflexion. Certains adultes s'attendaient aussi a me voir mettre en
projet une activité "concrète".
Il était donc de mon choix de rompre avec la tendance
sociale et éducative qui se situe souvent dans le "faire", dans
l'"agir" au détriment de l'"être". Je remarque
que, souvent, les institutions mettent en place beaucoup d'activités.
Que le temps libre, et plus exactement le temps de ne rien faire,
n'est pas privilégiés.
Malgré la pertinence de mon idée il fût
difficile, et peut être davantage en tant que stagiaire, de faire changer
quelque peu les rythmes et les habitudes. J'ai alors profité de moments
exceptionnels, avec certains adolescents qui ne pouvaient pas, en raison de
leur pathologie, participer à toutes les activités, pour mettre
en place mon (non-?) projet.
Grâce aux discussions avec certains jeunes, j'ai pu
comprendre avec eux la signification de leur ennui et chercher ensemble des
moyens d'être plus serein.
L'ennui, comme il peut être perçu par bon
nombre, est pour moi un mal qui peut rendre certains individus malheureux.
L'ennui pourrait être, pour devenir fécond,
considéré comme inhérent à la vie. Accepter
l'inactivité comme faisant partie de la vie peut permettre de le vivre
avec plus de plaisir.
Je me demande si l'expérience de l'ennui peut
être mieux vécue par les individus si elle est
considérée comme féconde, bénéfique pour
soi. Nous vivons dans une société de l'image. Ne serait-il pas
intéressant de proposer et de mettre en place des campagnes de
publicités qui valoriserait le temps libre, la détente et la
paresse? Il serait intéressant selon moi de créer davantage de
temps libre et d'inactivité dans les institutions, mais aussi dans les
écoles et les entreprises. Malgré tout, j'ai bien conscience que
vouloir renverser la tendance actuelle est peut être trop ambitieuse !
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