Chapitre II : Structure et
spécificité de la dette des pays en
développement (PED)
Le montant total de l'endettement ne fournit qu'une image
globale du phénomène. En désagrégeant l'endettement
public, plusieurs catégories de dettes sont traditionnellement
distinguées, selon la nature, les conditions et l'échéance
du prêt.
Dans l'ensemble dettes publiques, on distingue les emprunts des
administrations publiques au sens strict et les emprunts des entreprises
privées ou non, bénéficiant de garantie publique. Le
critère essentiel de classification est le statut juridique du
débiteur. Ainsi, l'engagement d'un gouvernement vis-à-vis d'une
banque privée fait partie de la dette publique. En revanche, la
créance d'un organisme public extérieur notamment (Banque
Mondiale à travers sa filiale Société Financière
Internationale, par exemple) détenue sur une entreprise privée
d'un pays donné n'en fera pas partie. Ainsi définie, la dette
publique comprend la dette de l'Etat et éventuellement celle de ses
institutions dépendantes. Les emprunts de débiteurs
bénéficiant d'une garantie de l'Etat y sont comptabilisés
par de nombreuses institutions en raisons notamment de
l'éventualité de sa mise en jeu.
La diversité des sources, l'échéance plus ou
moins longue et les conditions de l'emprunt, font de l'analyse de la structure
de l'endettement public, un exercice nécessaire pour déceler les
sources de la crise de la dette dans les pays en développement.
Le terme Pays en Développement (PED) concerne l'ensemble
des pays non développés, ce qui exclu les pays de l'OCDE, sauf la
Turquie. Les pays de l'Europe de l'Est sont intégrés dans cet
ensemble.
La part relativement importante de la dette bilatérale et
multilatérale dans l'endettement des pays pauvres, révèle
en soi le caractère spécifique de leur endettement. Une
spécificité, qui tout au long des deux décennies
précédentes, a abouti à leur exclusion du marché
international privé des capitaux.
I Structure de la dette publique
Le financement du déficit budgétaire dans
les pays en développement en particulier exige à opérer
des choix qui peuvent parfois apparaître délicats car demandant,
dans un souci de gestion, à préférer tels ou tels
instruments de prêt par rapport à d'autres en fonction du
coût lorsqu'il s'agit des pays à revenu intermédiaire
victimes de crises répétées et ayant accès au
marché international des capitaux. Le choix demeure encore plus
délicat en ce qui concerne les pays pauvres pratiquement devenus exclus
du marché des capitaux et dont l'essentiel de leur source de financement
est officiel.
Les statistiques, qui servent de référence en la
matière, sont fournies par la Banque des Règlements
Internationaux (Evolution des marchés financiers), la Banque mondiale
(World Debt Tables) et l'OCDE (Financement et dette extérieure des PED)
.
Ces statistiques, généralement annuelles,
opèrent une désagrégation de l'ensemble « dette
publique » en permettant de distinguer plusieurs sortes de dettes,
selon la qualité du prêteur et les conditions de souscription. On
distingue ainsi :
- la dette bilatérale et multilatérale, constituant
ce qu'on appelle l'endettement extérieur qui s'oppose à la notion
de dette intérieure ;
- de dette privée c'est-à-dire l'ensemble des
emprunts souscrits par l'Etat auprès du système bancaire
privé. Elle est comptabilisée dans la catégorie de
l'endettement extérieur si ces emprunts sont souscrits à
l'étranger ;
- la dette due par l'Etat et ses institutions dépendantes
et la dette garantie par celui-ci ;
- la dette constituée de prêt à taux du
marché et de celle constituée de prêt à taux
concessionnel.
Ces statistiques s'obtiennent essentiellement par le biais du
Système de Notification des Pays Débiteurs (SNPD), crée en
1951 et fondé sur des renseignements statistiques fournis par des pays
emprunteurs auprès de la Banque Mondiale (World debt table) et
complété en 1967 par un Système de Notification des Pays
Créanciers (SNPC) élaboré par la Banque Mondiale et l'OCDE
(Financement et dette extérieure des PED).
1- la notion de dette publique extérieure :
dette multilatérale et dette bilatérale :
Malgré la récurrence du
phénomène de l'endettement extérieur, la notion de la
dette extérieure n'a jamais fait l'objet d'une définition
harmonisée, acceptée par l'ensemble des acteurs. La
définition retenue est celle commune aux trois grandes institutions que
sont la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI) et
l'Organisation pour la Coopération et le Développement
Economiques (OCDE).
La définition dite « centrale » de la
dette extérieure retenue est celle du FMI : « la dette
extérieure brute est égale au montant, à une date
donnée, des engagements contractuels en cours et ayant donné lieu
à versement des résidents d'un pays vis-à-vis de
non-résidents, comportant obligation de remboursement du capital avec ou
sans paiement d'intérêts, ou de payement d'intérêts
avec ou sans remboursement du capital ».
Le statut d'extranéité de la dette est donc
établi en fonction du critère de résidence, ceci en
conformité avec les statistiques portant sur les comptes nationaux ou
plus précisément sur les balances des paiements. Toutefois, la
prise en compte du statut juridique du prêteur contribue largement
à l'analyse de l'endettement public des pays en développement.
1.1- Dette publique multilatérale :
La dette publique multilatérale d'un pays est
constituée de l'ensemble des emprunts souscrits par l'Etat auprès
des organismes financiers multilatéraux dont les plus connus en la
matière, sont le Fond Monétaire International, la Banque Mondiale
et les Banques régionales de développement comme la Banque
Africaine de Développement.
Ces emprunts, sont vus le plus souvent comme de dernier recours,
constituent, de fait, le seul recours pour de nombreux pays pauvres. Ils sont
très largement conditionnés dans la période récente
à la mise en oeuvre de programmes de redressement connus sous le nom de
Programme d'Ajustement Structurel notamment pour ceux qui concernent les
institutions des accords de Bretton Woods. Perçu en
général, comme des prêteurs en dernier ressort voire les
seules dans certains cas et créanciers prioritaires en raison notamment
de leur statut. Les prêts de ces organismes, notamment ceux du FMI,
interviennent le plus généralement pour contenir des tensions
telles que les difficultés de paiement ou des crises économiques.
En revanche, la Banque Mondiale ayant intégré dans ses missions
la question du développement des pays pauvres, ses prêts sont
destinés le plus souvent à financer des projets plus
ciblés.
La dette multilatérale, relativement très faible
voire inexistante dans la structure de la dette des pays industrialisés,
acquiert à partir de la crise de l'endettement des années 1980,
une dimension relativement très importante dans le stock de dettes des
pays en développement et notamment dans les pays de l'UEMOA, pour des
raisons liées notamment à leur difficulté d'accès
aux marchés financiers et de capitaux internationaux privés
(Tableau n°1).
Les conditions d'octroi de crédit, étant en
pratique spécifiques d'une institution à une autre, la Banque
mondiale finance des projets de développement dans une dimension
microéconomique et ses crédits sont en général de
long terme, allant parfois jusqu'à cinquante ans avec des
périodes de grâce. Par contre, le FMI, de par son statut
d'institution de surveillance multilatérale, intervient surtout dans la
gestion macroéconomique du développement, ses prêts sont en
général destinés à contenir des tensions et sont de
court terme par rapport à ceux de la Banque Mondiale.
Tableau n° 1 : Dette
multilatérale/encours de la dette (en %)
BENIN
|
1970
|
1980
|
1990
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
1,0
|
24,5
|
41,6
|
53,5
|
56,5
|
56,7
|
59,7
|
59,6
|
62,6
|
70,8
|
73,5
|
BURKINA
|
0,1
|
42,9
|
67,7
|
75,4
|
76,7
|
73,7
|
70,7
|
70,5
|
77,5
|
79,2
|
85,9
|
C. I.
|
3,8
|
7,0
|
20,8
|
21,1
|
23,5
|
23,9
|
24,4
|
23,7
|
25,8
|
27,0
|
29,4
|
GUIN. BIS
|
-
|
24,5
|
39,5
|
42,0
|
42,5
|
42,7
|
48,6
|
54,6
|
55,8
|
58,6
|
62,4
|
MALI
|
2,4
|
23,6
|
36,3
|
46,1
|
49,0
|
50,5
|
50,8
|
52,2
|
61,9
|
66,2
|
68,5
|
NIGER
|
13,4
|
16,5
|
40,6
|
56,5
|
58,5
|
59,9
|
60,4
|
64,8
|
67,6
|
67,8
|
81,5
|
SENEGAL
|
9,2
|
17,9
|
36,5
|
49,3
|
49,8
|
49,8
|
52,9
|
53,1
|
54,1
|
58,4
|
74,7
|
TOGO
|
4,8
|
10,3
|
43,7
|
53,4
|
54,4
|
52,1
|
53,6
|
53,6
|
51,9
|
53,2
|
52,8
|
Sources : FMI (de l'année 1970 à 2003) ;
Rapport Zone Franc, Banque de France 2005.
Dans la décennie précédent le
déclenchement de la crise de la dette (1980), la dette
multilatérale ne représentait qu'une partie faible dans l'encours
de la dette des pays en développement. Le resserrement de la politique
monétaire américaine, les défauts de paiement qui ont
suivi et les instabilités notamment politiques ont rendues les Banques
méfiantes à l'égard des pays pauvres.
1.2- La dette publique
bilatérale :
La dette bilatérale d'un pays, est l'ensemble
constitué par des emprunts contractés par un Etat auprès
d'un autre. Les réaménagements (rééchelonnement ou
annulation) de la dette bilatérale sont négociés au sein
du Club de Paris. Avec les emprunts multilatéraux, les emprunts
bilatéraux constituent l'essentiel des sources de financement de la
frange très pauvre des pays en développement. Les prêts
bilatéraux, à la différence des prêts
multilatéraux, obéissent le plus souvent à des
considérations politiques et parfois géopolitiques. Ainsi, la
France est plus largement créancière en Afrique en particulier
dans la zone Franc, comme le Japon en Asie.
La notion de dette publique extérieure couvre deux
autres concepts, il s'agit de :
- la dette publique extérieure remboursable en devise
étrangère : cette dette correspond au montant des
engagements contractuels en cours et ayant donnée lieu à
versement d'un Etat vis-à-vis des non résidents, comportant
obligation de remboursement du principal et paiement d'intérêt en
devise étrangère et qui n'est viable qu'à condition d'une
amélioration durable de la balance des paiements. Cette dette est
relativement exposée au risque de change.
- la dette publique extérieure remboursable en monnaie
locale : elle concerne les titres publics détenus par des
institutions financières ou des simples agents économiques,
à l'extérieur du pays, mais dans le même ensemble
monétaire tel que la zone Euro. Cette dette ne subit qu'indirectement le
risque de change.
2- Dette publique intérieure :
La dette intérieure publique est constituée
par des emprunts ou des obligations émis par l'Etat ou de ses
entités dépendantes auprès des agents économiques
ordinaires nationaux. Sont aussi inclus, les arriérés de
traitement des fonctionnaires et les créances sur l'Etat des
fournisseurs locaux. Les statistiques en la matière ne sont que rarement
disponibles en raison de leur caractère le plus souvent de court
terme.
La différence entre dette intérieure et dette
extérieure est basée sur le critère de résidence
tel que défini par la cinquième édition du manuel de la
balance des paiements (1993) du FMI.
La dette publique intérieure, faute de statistiques
disponibles, si elle est importante, ce qui est rarement le cas pour ce qui
concerne les pays pauvres, peut considérablement dégrader la
situation budgétaire du pays en question.
La dette publique détenue localement,
généralement de court terme, est traditionnellement
négligé dans les analyses consacrées à la question
de la dette dans les pays en développement et n'a pas encore fait
l'objet d'initiative de politique internationale. Etant
généralement au taux du marché, le service de la dette
intérieure peut être source d'une grande difficulté pour de
nombreux pays, avec des conséquences budgétaires non
négligeables.
L'engagement à la stabilité macroéconomique
peut déconseiller l'option inflationniste consistant à un
financement du déficit par le système bancaire, tandis que la
volonté de développer un marché financier à
l'intérieur du pays, exige le plus souvent des titres publics,
supposés « sans risques ou de risque moindre »
pour fournir de normes de référence.
3- Dette bancaire privée :
Ce sont des emprunts contractés auprès du
secteur financier privé international et essentiellement bancaire. A
l'origine du gonflement spectaculaire de l'encours de la dette notamment dans
les pays de l'Amérique latine dans les années 1970 suite au
durcissement de la politique monétaire américaine, cet
endettement bancaire a été stimulé par la conjonction de
plusieurs évènements dont la hausse du prix des matières
premières et le niveau élevé de la croissance, justifiant
l'engouement des grandes Banques (Chase Manhattan, Manufacters Hanover,
Citicorp etc.) à devenir des créanciers de l'Amérique
latine. De très faible intensité dans le stock de la dette des
pays pauvre de l'Afrique subsaharienne, cette catégorie de prêt
n'est pratiquement plus accessible depuis le début des années
1970. La restructuration de la dette bancaire est négociée au
sein du club de Londres (véritablement né au début des
années quatre-vingt avec la crise des payements mexicains).
Les caractéristiques de la dette bancaire diffèrent
de celle contractée auprès des créanciers publics
notamment pour ce qui concerne l'échéance et le taux
d'intérêt. La dette bancaire totale des pays en
développement, recensée en 1986, représentait 406
milliards USD. L'essentiel du stock de cette dette a été
contracté par vingt pays sur un ensemble estimé de cent soixante
pays en développement. Cette dette est pour 75 % en dollars et pour 90 %
à taux variable ; sa maturité moyenne est de neuf ans.
Très concentrée, la dette bancaire se répartissait
à la fin des années 1980 comme suit : l'Amérique
latine comptait pour 58 % du total, l'Afrique 12 %, l'Asie 20 %. Le nombre de
créanciers n'était pas concentré en revanche, plus
d'un millier d'établissements bancaires étaient concernés
par l'ensemble de la dette bancaire.
4- Dette garantie par l'Etat
D'un point de vue juridique, l'expression de
« garantie d'emprunt » a une signification très
générale : elle désigne les situations, la plupart du
temps d'origine contractuelle, dans lesquelles un tiers en la personne de
l'Etat, s'engage à coté du débiteur (une entreprise,
généralement de droit public), en cas de défaillance de la
part de ce dernier, à assurer à son créancier le service
d'un emprunt en intérêts, amortissements, frais et accessoires.
Cette catégorie d'engagement financier de soutien et
éventuellement transformée en dette, tend à s'effriter
tant dans les pays industrialisés que dans les pays pauvres, en raison
de l'adoption progressive des règles du marché et du retrait
progressif de l'Etat de la production.
Tableau n° 2 : Structure de la dette
des pays de la zone franc de l'Afrique de l'Ouest
Pays
|
Dette multilatérale
|
Dette bilatérale
|
Dette commerciale
|
Bénin
|
2001
|
2002
|
2001
|
2002
|
2001
|
2002
|
81,0%
|
82,2%
|
19,0%
|
17,8%
|
-
|
-
|
Burkina Faso
|
83,4%
|
87,2%
|
16,6%
|
12,8%
|
-
|
-
|
Côte d'Ivoire
|
38,2%
|
35,3%
|
39,7%
|
43,0%
|
22,1%
|
21,7%
|
Guinée Bissau
|
42,0%
|
48,3%
|
58,0%
|
51,7%
|
-
|
-
|
Mali
|
71,4%
|
73,0%
|
28,6%
|
27,0%
|
-
|
-
|
Niger
|
74,5%
|
75,1%
|
22,5%
|
24,9%
|
-
|
-
|
Sénégal
|
66,3%
|
67,3%
|
33,7%
|
32,7%
|
-
|
-
|
Togo
|
62,9%
|
61,4%
|
37,1%
|
38,6%
|
-
|
-
|
Source : rapport de Banque centrale des
Etats de l'Afrique de l'ouest, janvier 2005.
Dans la structure de l'endettement des pays de l'UEMOA, seule la
Côte d'Ivoire possède encore une dette commerciale de garantie
publique.
II Les spécificités de la dette des pays en
développement (PED)
La situation de l'endettement des pays en
développement est contrastée. Au niveau absolu, leur endettement
n'est pas considérable par rapport à celui des pays riches.
Déjà à la fin de l'année 2000, la
dette des pays en développement (PED) représentait selon la
Banque Mondiale près de 2100 milliards de dollars, dont plus de 85%
à long terme.
En revanche, le poids du service de la dette et la croissance du
stock se révèlent bien plus élevé (ainsi, selon le
FMI, le stock de dette des 28 pays les plus endettés en 1999
représentait
130,5 % de leur PIB et le service de la dette 5,1 %, qu'on peut
comparer à leurs efforts en matière d'éducation (3,4 %) ou
de santé (1,7 %). Ainsi, le 21 Septembre 1970, Robert S. McNamara
président de la Banque Mondiale de 1968 à 1981,
déclarait : « la préoccupation principale des pays
en développement est le poids écrasant de leur dette
extérieure qui s'élève déjà à 55 Mds
$ US et qui augmente de 15 % par an ». La dette du tiers monde
représentait encore en 2004, 2600 Mds $ US selon la Banque Mondiale.
Les prêts accordés étaient pour l'essentiel
à taux d'intérêt variable, instrument redoutable en cas de
tension sur les taux d'intérêts comme cela fut le cas lors du
durcissement de la politique monétaire américaine des
années 1980. Ces prêts à taux variable ont essentiellement
concerné les pays de l'Amérique latine.
Pour l'essentiel, l'endettement des pays en développement
est donc concentré en valeur absolue sur des pays à revenu
intermédiaire de la tranche inférieure (590 à 2900 $ US
par an et par personne selon la Banque Mondiale). Ces pays se sont
endettés dans les années 1970 et 1980 auprès du
système bancaire international.
En termes de distribution géographique, l'endettement est
particulièrement important en volume dans les pays d'Amérique
latine. La part de cette région dans le total de la dette a eu
toutefois tendance à diminuer passant de 48 % en 1980 à 38 % en
2000. Ceci reflète le caractère extrêmement marqué
de la crise de la dette dans cette région, qui a conduit les
créditeurs, notamment bancaires, à réduire leurs nouveaux
crédits. La dette de la région de l'Asie de l'Est passait de 17 %
en 1980 à 31 % en 2000 de la dette totale des pays en
développement. Replacé dans une perspective historique, il
s'agissait d'un phénomène nouveau car, avant la seconde
guerre mondiale, l'endettement extérieur était vis-à-vis
d'agents privés, mais sous forme d'obligations détenues par un
grand nombre de porteurs, plutôt que sous forme de prêts bancaires.
De façon diverse, l'endettement extérieur est un
phénomène qui affecte la quasi-totalité des PED.
Tableau n° 3 : Répartition
géographique de l'endettement en 2004
En Mds $
|
Stock
|
Service
|
Amérique latine
|
770
|
121
|
Afrique Subsaharienne
|
220
|
15
|
Moyen-Orient et Afrique du Nord
|
160
|
23
|
Asie du Sud
|
180
|
16
|
Asie de l'Est
|
540
|
83
|
Ex-bloc soviétique
|
730
|
116
|
Total
|
2600
|
374
|
Source : Banque Mondiale.
En comparant le montant de la dette rapporté au PIB des
différentes régions, c'est le continent africain qui
apparaît, de loin, le plus endetté : la dette de l'Afrique
subsaharienne dépassait déjà son PIB en 1987 soit 100,1
%.
L'endettement des pays en développement revêt de
caractéristiques diverses. Classiquement, la Banque Mondiale
répertorie ces pays en fonction de leur degré d'endettement
grâce à trois critères :
- Le stock de dettes en pourcentage du PIB;
- Le service de la dette en pourcentage des exportations des
biens et services ;
- Le remboursement des seuls intérêts, en
pourcentage des exportations des biens et services.
Cette institution distingue les pays fortement endettés
(respectivement pour chacun des trois ratios, plus de 50 %, plus de 30 %, plus
de 20 %), les pays moyennement endettés et les pays faiblement
endettés (moins de 30 %, moins de 18 %, moins de 12 %).
La dette des pays les plus pauvres (revenu par tête
inférieur à 546 $ US de 1988) est relativement faible par rapport
à celle des pays à revenu intermédiaire de la tranche
supérieure (revenu par tête compris ente 2200 et 6000 $ US de
1988 dont la classification des huit les plus endettés, est
établie par le PNUD.
Figure 1 : Les Pays en développement
les plus endettés en 2003.
Source : PNUD, Rapport mondial sur le développement
humain, 2003.
Les pays les plus endettés en valeur absolue
(Brésil, Chine, Russie etc.), comparativement à leur production
annuelle, ne sont pas ceux dont le taux d'endettement brut est le plus grand.
En revanche, plusieurs pays, dont l'endettement est en valeur brute
relativement faible, apparaissent surendettés au regard de leur
production annuelle. Parmi ces derniers, l'Angola, le Mozambique, le Soudan,
l'Indonésie ou la Guinée Bissau ont une dette
représentant, pour certains d'entre eux, près de trois fois leur
PIB. On retrouve de nombreux pays d'Afrique sub-saharienne dans ce groupe de
petits pays, pour lesquels la dette représente une charge très
lourde, mais dont on parle moins dans la mesure où leur dette brute,
plus faible, est moins susceptible de mettre en danger le système
financier international.
Après la crise de la dette déclenchée en
Amérique latine au début de l'année 1982, les emprunts
auprès du système bancaire traditionnel ont été peu
à peu remplacés par les recours à des prêts publics
(bilatéraux ou multilatéraux).
1- L'échéance
Le délai de remboursement en matière de dette
publique, diffère selon le type de créancier. Les dettes
contractées auprès des institutions multilatérales ou
auprès d'autres Etats, ont des délais de remboursement
relativement longs et comportent des périodes de grâce largement
avantageuses et des raccourcissements des échéanciers. Ainsi, la
maturité des crédits accordés par des créanciers
publics aux pays en développement, est environ le double de celle des
crédits bancaires privés (en moyenne environ vingt ans au lieu de
dix ans). Les pays africains à faible revenu constituent de ce point de
vue une exception notable. La maturité de leurs dettes dépasse
cette moyenne, allant parfois jusqu'à trente ans.
La dette de long terme représente ainsi l'essentiel de
l'encours de la dette des pays pauvres notamment ceux de l'UEMOA, laissant par
conséquent une place très faible à l'endettement de court
terme c'est-à-dire de moins d'un an.
Tableau n° 4 : Dette de court terme/encours de la dette
(en %) des pays de l'Union
BENIN
|
1970
|
1980
|
1990
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2,1
|
17,3
|
4,3
|
8,4
|
5,2
|
7,2
|
4,1
|
4,7
|
4,0
|
1,6
|
BURKINA
|
0
|
10,6
|
10,1
|
4,9
|
4,0
|
6,4
|
5,8
|
4,1
|
3,3
|
3,7
|
C. I.
|
28,6
|
14,2
|
20,8
|
17,0
|
10,6
|
9,5
|
8,6
|
10,1
|
7,9
|
7,5
|
GUIN. B
|
-
|
3,6
|
8,2
|
7,7
|
7,9
|
8,8
|
8,0
|
2,7
|
2,0
|
1,6
|
MALI
|
1,1
|
3,3
|
2,5
|
8,7
|
5,8
|
5,9
|
4,5
|
3,5
|
5,3
|
1,6
|
NIGER
|
0
|
18,5
|
8,9
|
5,9
|
3,9
|
4,7
|
5,0
|
2,4
|
1,9
|
1,9
|
SENEGAL
|
0
|
14,9
|
11,3
|
5,6
|
6,7
|
7,8
|
4,1
|
5,5
|
7,1
|
3,5
|
TOGO
|
0,1
|
10,7
|
8,8
|
3,3
|
3,5
|
10,1
|
9,3
|
10,4
|
12,5
|
10,3
|
Source : FMI, Global Development Finance, 2004
Il apparaît clairement dans ce tableau que la dette de
court terme ne représente qu'une part relativement faible dans le stock
de la dette des pays de l'Union.
2- Les prêts concessionnels
Un prêt concessionnel, est un prêt dont le taux
d'intérêt est inférieur à celui du marché.
Ainsi, les emprunts accordés aux pays en développement, sont
généralement caractérisés par de bas taux
d'intérêt et de longue échéance, ce qui devraient
permettre d'avoir un service de la dette assez réduit en valeur absolue
Sur recommandation du FMI, notamment dans le cadre des programmes d'ajustement
structurel, les pays pauvres recourent le plus souvent aux financements
officiels (dons, prêts à taux bonifiés). L'accès aux
prêts bancaires privés et aux marchés internationaux des
capitaux demeurant ouvert aux pays dont leur endettement est jugé
soutenable.
Depuis des décennies, les prêts concessionnels
constituent un élément non négligeable de l'aide
internationale aux pays en développement, qui, souvent, pour les plus
pauvres, est accordée à un taux d'intérêt
égal ou inférieur à 1 % sur plus de 30 ans.
Tableau n° 5 : Prêts
concessionnels en % de l'encours total de la dette des pays de l'UEMOA
Pays
|
1970
|
1980
|
1990
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
BENIN
|
70,3
|
39,2
|
78,1
|
77,7
|
80,7
|
80,6
|
84,3
|
84,9
|
86,2
|
90,1
|
BURKINA
|
84,3
|
67,0
|
71,6
|
83,4
|
83,9
|
82,8
|
83,0
|
84,3
|
85,5
|
86,9
|
C. I.
|
32,5
|
5,9
|
17,9
|
28,9
|
33,3
|
33,5
|
34,0
|
33,4
|
38,4
|
40,9
|
GUIN. B
|
-
|
62,0
|
56,7
|
72,2
|
72,3
|
71,6
|
75,4
|
85,1
|
86,8
|
89,5
|
MALI
|
93,0
|
84,4
|
91,1
|
83,6
|
82,8
|
82,7
|
84,1
|
85,1
|
87,7
|
91,9
|
NIGER
|
91,6
|
17,9
|
48,3
|
67,0
|
70,1
|
72,6
|
72,4
|
77,1
|
80,1
|
78,6
|
SENEGAL
|
59,8
|
27,1
|
52,7
|
66,1
|
71,4
|
71,5
|
75,6
|
75,0
|
75,5
|
79,8
|
TOGO
|
78,9
|
28,3
|
55,1
|
71,4
|
71,4
|
68,7
|
70,2
|
70,2
|
68,7
|
70,4
|
Sources : Rapport sur la dette, Etude de la BCEAO, 2003.
A partir de la fin des années 80, les pays
créanciers se sont concertés pour assouplir progressivement les
conditions de remboursement offertes aux pays pauvres en proie à des
difficultés de paiement de leur dette.
La logique de l'allégement de la dette des pays les plus
pauvres, Etude thématique du FMI, septembre 2002.
Bien que cet assouplissement ait été
conditionné à l'application des politiques visant à
stimuler leur croissance, il a abouti à des réaménagements
de dettes qui se succéderont jusqu'à l'actuel programme de
réduction de la dette des pays dits pauvres et très
endettés.
3- Une exclusion de fait des pays pauvres du
marché international des capitaux
A la suite des crises répétées de la
dette et de la difficile négociation d'accord de prêt, les pays
pauvres recourent plus aux financements officiels (dons, prêts à
taux bonifiés d'organisations internationales...) contrairement aux pays
à revenu intermédiaire et les pays industrialisés qui ont
accès aux prêts bancaires privés et, parfois, aux
marchés internationaux de capitaux.
La Banque Mondiale, contrairement au FMI, se finance sur le
marché financier pour ensuite prêter aux pays incapables d'en
obtenir directement par le marché. En effet, pour les pays les plus
pauvres, les recours à l'endettement sur les marchés
internationaux de capitaux a été réduit pendant les
années 1970 du fait de la réticence des banques à
prêter à des pays jugés peu solvables. Ils ne sont donc
plus dans la capacité d'obtenir des fonds privés comme c'est le
cas des autres pays en développement notamment émergents. Ces
réticences des banques se manifestent par la prise en compte du risque
de solvabilité qui pourrait induire des défauts de paiement.
L'analyse de la notion de risque-pays a fait l'objet d'une prise
en compte progressive de plusieurs facteurs. Historiquement, sa naissance se
situe dans les années 1950 avec notamment la nationalisation par Nasser
du Canal de Suez en 1956 en Egypte. Au cours des années 1960-70, le
risque-pays s'est identifié au « risque politique » et a
concerné essentiellement les nationalisations intervenues dans
l'industrie pétrolière, au Moyen-Orient ou en Algérie
(expropriation d'Elf, par exemple). Ensuite, les années 80 l'ont
confondu avec le «risque souverain», à savoir la
possibilité que des Etats emprunteurs tels que le Brésil ou
l'Argentine soient en défaut sur le paiement de leur dette externe. Dans
les années 90, il s'est transformé en «crise des pays
émergents» (crise mexicaine de 1994, crise asiatique en 1997, crise
russe en 1998), sans oublier les retombées des conflits armés,
toujours plus nombreux (Koweït, guerres civiles africaines, Kosovo,
etc.).
De nombreux essais de définition ont été
proposés. Pour sa part, Bernard Marois retient celle ci : «Le
risque-pays peut être défini comme le risque de
matérialisation d'un sinistre, résultant du contexte
économique et politique d'un Etat étranger, dans lequel une
entreprise effectue une partie de ses activités» . Le
«sinistre» peut, selon cet auteur, être causé par
l'immobilisation d'actifs, pour une entreprise multinationale (par exemple, la
confiscation de biens détenus à l'étranger) ; une
répudiation de dettes par un Etat souverain, pour une banque ; la perte
d'un marché commercial, pour une entreprise exportatrice ; une atteinte
à la sécurité des personnes (rapt d'un
expatrié).
De ce fait, le risque-pays peut englober deux composantes
principales : une composante «risque politique», résultant
soit d'actes ou de mesures prises par les autorités publiques locales ou
du pays d'origine, soit d'événements internes (émeutes) ou
externes (guerre) ; une composante «risque économique et
financier», qui recouvre aussi bien une dépréciation
monétaire qu'une absence de devises se traduisant, par exemple, par un
défaut de paiement.
De plus en plus, ces deux sources de risque sont
interdépendantes, ainsi que l'ont montré les crises asiatique et
russe.
Compte tenu de la croissance du commerce mondial et des
investissements internationaux, les enjeux liés à
l'appréciation du risque-pays tendent à prendre une place
primordiale dans les préoccupations des banques, des entreprises et des
institutions financières. Cette préoccupation fait l'objet des
évaluations dans les agences de notation (Standard & Poor, Mc
Donough, Credit Risk International, etc.).
Les méthodes d'évaluation diffèrent d'une
agence à une autre aussi bien que les facteurs pris en compte. Le
tableau ci-dessous présente les indicateurs pris en compte par l'agence
Credit Risk International pour la notation du risque de défaut de
paiement appelé aussi risque financier ou risque pays, au moyen des
quatre facteurs suivants : Risque de défaut souverain sur la dette
publique : (1) Poids de la dette publique par rapport au PIB et aux
exportations ; (2) ratio du service de la dette sur les exportations de biens
et services ; (3) structure et soutenabilité de
l'échéancier de la dette dans les deux prochaines années ;
(4) Situation des rééchelonnements en Club de Paris et prise en
compte de l'initiative de réduction du stock de la dette des Pays
pauvres très endettés (PPTE).
Cette notation s'appuie sur une base de données
regroupant, depuis 1981, de plus d'une centaine de critères sur 110 pays
dont les calculs sont basés sur des estimations statistiques de
paramètres.
Les notes sont exprimées de 1 (risque dangereux) à
7 (risque excellent), en passant par 2 (risque très
élevé), 3 (risque élevé), 4 (risque assez
élevé), 5 (risque modéré) et 6 (risque faible).
Marois Bernard., Le risque pays, Que Sais-Je, PUF,
1990.
Tableau n° 6 : Risque financier des
pays de l'UEMOA publié auprès de l'agence Investir en Zone Franc
(IZF) en 2005.
PAYS
|
Quatre facteurs de risque financier
|
Note finale de risques financiers
|
Risque de défaut de la dette publique
|
Équilibres budgétaire et des paiements
|
Risque inconvertibilité et dévaluation
|
Santé du système bancaire
|
Pondération
|
30%
|
30%
|
20%
|
20%
|
(en 7 classes de risque)
|
Benin
|
3.6
|
3.3
|
5.9
|
4.3
|
5 (risque modéré)
|
Burkina Faso
|
2.1
|
2.6
|
5.7
|
4.1
|
4 (risque assez élevé)
|
Côte d'Ivoire
|
1.9
|
2.0
|
5.3
|
3.7
|
2 (risque très élevé)
|
Guinée Bissau
|
1.3
|
1.8
|
5.6
|
2.8
|
2 (risque très élevé)
|
Mali
|
2.9
|
3.0
|
5.7
|
3.2
|
3 (risque élevé)
|
Niger
|
2.7
|
2.9
|
5.6
|
3.3
|
3 (risque élevé)
|
Sénégal
|
3.7
|
3.6
|
5.6
|
3.9
|
5 (risque modéré)
|
Togo
|
2.8
|
3.1
|
5.7
|
2.9
|
3 (risque élevé)
|
Source : CREDIT RISK INTERNATIONAL, 2005
Remarque : Les risques financiers
notés ici le sont par rapport à des données objectives
d'endettement et autres ratios de liquidité/solvabilité. Il
s'agit donc de la capacité à payer. La volonté de l'Etat
débiteur d'honorer sa signature et ses engagements financiers n'est pas
été notée en tant que telle.
Devant la situation explosive de l'endettement des pays pauvres,
dans un premier temps les apparences sont maintenues au travers du report des
échéances. Après que ces rééchelonnements se
sont montrés insatisfaisants, les mesures particulières ont
été progressivement adoptées.
4- Les réaménagements de dette
Les pays pauvres diffèrent, à bien des
égards, des autres pays en développement. Ils diffèrent
par leur structure économique, mais aussi par les financements
extérieurs spécifiques auxquels ils ont seul accès, et par
des modalités particulières de traitement de leurs dettes.
Exclu des marchés internationaux des capitaux, ces pays
n'ont pas à craindre les vastes mouvements de flux et de reflux qui
caractérisent les crises financières classiques.
Dépendants de l'aide au développement, ils reçoivent des
dons ou des prêts à condition très favorable (taux
inférieur à celui du marché, période de grâce
et de maturité relativement longue). Ces flux ne s'inscrivent pas
toujours dans une logique financière, des considérations
humanitaires, politiques, commerciales ou même
géostratégiques s'interpénètrent
étroitement.
Le retournement de la conjoncture à la fin des
années 1970 entrainant une dégradation brutale des recettes
d'exportations et un tarissement des sources extérieures de
financement, précipite l'apparition des difficultés de paiement.
Le remboursement de la dette devient le premier problème à
régler, pour la plupart des pays en difficulté, le retrait des
banques privées rend de plus en plus nécessaire un recours
à l'aide du FMI pour négocier des réaménagements de
dettes. Ces réaménagements prennent le plus souvent la forme d'un
accord multilatéral notamment avec la mise en place d'instances comme le
Club de Paris pour les emprunts bilatéraux et le Club de Londres
négociant le retraitement pour les créanciers privés
essentiellement bancaires, et l'intervention de partenaires financiers, comme
la Banque Mondiale et le FMI dont les créances ne sont pas en principe
négociables en raison de leurs statuts de créancier
privilégié, conféré par l'accord de Bretton
Woods.
La restructuration au sein du Club de Londres est
organisée par un comité bancaire chargé de négocier
avec le pays débiteur et de faire accepter l'accord à l'ensemble
des banques impliquées. Un comité économique est
chargé, quant à lui d'évaluer les besoins de financement
du pays.
Les techniques de gestion de la dette privée se composent
essentiellement pour les pays pauvres du rachat avec décote et des
restructurations financées par des facilités accordées par
les bailleurs de fonds ou les Etats.
En revanche, les techniques de retraitement de la dette
bilatérale au Club de Paris, sont mieux rodées et mieux connues.
Le retraitement de la dette bilatérale, bénéficie ainsi
d'un cadre quasi institutionnel et multilatéral, qui a une longue
expérience en la matière. Le Club s'est réuni pour la
première fois en 1956 pour coordonner l'action financière des
pays créanciers de l'Argentine qui demandait un
rééchelonnement de sa dette. Le club de Paris disposant d'un
secrétariat permanent auprès de la Direction du Trésor
français, ne traite en principe que le principal et non les
intérêts des dettes bilatérales et celles garanties par les
agences officielles. Le réaménagement est régit
principalement par deux principes : le pays débiteur doit
être en situation de « défaut de payement
imminent » et avoir conclu avec le FMI un accord sur le programme
d'ajustement économique qui comporte deux composantes :
- un programme de stabilisation qui doit être
appliqué en premier, a pour objectif d'ajuster les ressources
intérieures au niveau réduit de ressources extérieures. Il
s'agit donc de prendre des mesures qui visent, à court terme, à
rétablir les grands équilibres financiers.
- et un programme d'ajustement structurel qui doit permettre
à long terme de rendre la dette soutenable.
5- Cas particulier des Pays de l'UEMOA
La dette de l'Afrique subsaharienne représente en
valeur absolue seulement 10% de l'endettement de l'ensemble PED. Cependant, le
ratio de la dette sur le PIB est le plus élevé au monde car
fréquemment supérieur à 100%.
Au sein de l'ensemble des pays en développement, un groupe
de pays présente une crise de grande ampleur, bien que de forme
différente et d'enjeux moindre, en terme quantitatif (231 milliards de
dollar US déjà en 2000 selon la Banque Mondiale), pour les
créanciers, ce sont les pays à faible revenu d'Afrique dans
lequel se trouvent les huit pays de la zone UEMOA. La dette de ces pays
dépasse en moyenne 100 % de leur PIB. Leur crise de l'endettement est
encore bien plus profonde que le groupe des pays émergents fortement
endettés. Bien que plus de la moitié de la dette de ces pays ait
été contractée sous forme concessionnelle, elle pose
problème et apparaît comme un fardeau faisant obstacle au
développement.
En effet, depuis l'accession à l'indépendance de
ces pays, les recettes publiques n'ont jamais permis de couvrir
l'intégralité des charges des Etats naissants, ce qui avait par
ailleurs sa justification pour le financement des infrastructures
nécessaires pour leur développement, mais conduira à des
déficits chroniques dont l'ampleur varie en fonction de
l'évolution des cours mondiaux largement volatiles des principales
matières premières exportées (Café, Cacao, Cotton,
Or et Arachide) et de la pluviométrie, l'agriculture, principale
activité, en étant fortement dépendante.
Ainsi, l'appel à l'emprunt extérieur en raison de
l'absence de l'épargne intérieure disponible, du moins non
bancarisée, a été systématique, les autres
instruments de financement du besoin financier public traditionnel étant
hors de porté pour plusieurs raisons :
- L'instrument monétaire :
Le financement monétaire que constitue les avances du
système monétaire est difficilement mobilisable en raison
notamment des accords monétaires liant les pays de la zone Franc
à la France, aux termes desquels, cette dernière garanti le
maintient de la parité entre le Franc CFA et le Franc Français,
un engagement demeurant garanti dans le cadre de la monnaie unique
européenne.
En contrepartie de cette garantie qui met les pays
concernés à l'abris de risque de change du moins directement, le
Trésor français exerce un contrôle plus rigoureux par le
biais d'un mécanisme de dépôt de 65% des réserves de
change de la zone dans un compte d'opération ouvert auprès de la
Banque de France et par les dispositions organisant la composition du conseil
d'administration des Banques centrales des Etats de la zone Franc. Le statut de
la BCEAO exige aux termes de l'article 51, l'unanimité pour ce qui
concerne les décisions importantes. Sachant que le conseil
d'administration est composé de deux administrateurs par pays membre et
deux Français (article 49), l'instrument monétaire est donc
difficilement utilisable en l'absence de consensus.
- L'instrument fiscal :
Les recettes fiscales sont essentiellement douanières, la
fiscalité directe frappe les rares sociétés
déclarées et la rémunération des fonctionnaires et
toute augmentation de taux peut paraître dissuasive. La très forte
propension de l'économie informelle et l'inefficacité de
l'organisation du système fiscal, rend rigide cet instrument pourtant
indispensable.
Au regard de ces facteurs, l'endettement international
apparaissait donc nécessaire et coïncidait avec un environnement
financier favorable aux prêts notamment des taux d'intérêt
relativement bas suite au ralentissement de la croissance dans les pays
industrialisés et l'afflux des pétrodollars dans les banques
occidentales.
Les organisations financières internationales ont acquis
un rôle particulièrement important dans la gestion de la dette
des pays les plus pauvres. Cela tient tout d'abord au fait qu'ils disposent
d'une grande part des créances. Mais aussi surtout à leur pouvoir
(tout au moins pour la Banque Mondiale et le FMI), qui les place dans une
position différente que celle des autres bailleurs officiels. Ces deux
institutions ont en effet réussi à imposer aux autres
créanciers mais aussi aux débiteurs un statut de créancier
prioritaire qui interdit en principe jusqu'à une date récente, de
négocier tout réaménagement de dette avec un
débiteur en difficulté. Ce statut particulier notamment pour le
FMI s'expliquait par son rôle de prêteur en dernier ressort.
|
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