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La représentation des actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA

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par Patrice Hubert KAGOU KENNA
Université de DSCHANG-CAMEROUN - DEA 2007
  

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§2 : le silence DEPLORABLE de l'OHADA sur la protection de l'actionnaire PAR LE DROIT CIVIL

L'AUSCGIE n'a consacré aucune disposition à la responsabilité civile du représentant. Ce silence peut se comprendre par le fait qu'il traite du droit des affaires et laisse intact le droit civil de chaque Etat partie. On aurait pu tout de même s'attendre à ce qu'il dégage les grandes lignes de la responsabilité civile tout en laissant le soin aux différentes législations nationales d'en déterminer les conséquences de la mise en oeuvre (A), mais cette responsabilité est fortement diluée par le fait majoritaire (B).

A : LE RECOURS AU DROIT COMMUN

Pour appréhender la responsabilité du représentant, il faudrait s'interroger d'abord sur les obligations qui pèsent sur lui et dont l'irrespect est sanctionné. Ces obligations sont différentes selon que la représentation est contractuelle (1) ou non (2).

 1 : La représentation conventionnelle

Lorsque la représentation est contractuelle, on est en face d'un mandat, et le mandataire doit exercer la mission qui lui a été impartie avec un pouvoir d'initiative plus ou moins étendu en fonction des stipulations contractuelles, et plus généralement, il doit pourvoir au mieux des intérêts du mandant.

Il doit exécuter personnellement la mission qui lui est confiée, c'est-à-dire qu'il ne saurait se faire représenter par un sous-mandataire. En effet, le caractère intuitu personnae qui caractérise le mandat devrait empêcher cette substitution158(*). S'il se substitue un sous mandataire, sa responsabilité est engagée d'abord à l'égard de son mandant, mais aussi à l'égard du sous-mandataire pour les honoraires. En revanche, lorsque le mandant a consenti la substitution, il peut être directement saisi par le sous-mandataire159(*). Au contraire, si l'action n'est plus possible, c'est le mandataire initial qui serait saisi. De plus en plus, cette interdiction de sous mandat s'estompe avec notamment le développement du mandat professionnel. Il est en effet courant et utile qu'un banquier puisse faire certains actes sur place par un correspondant.

Le mandataire engage également sa propre responsabilité lorsqu'il n'exécute pas sa mission selon les instructions reçues. Ainsi, le mandataire aux assemblées générales ne saurait voter sur les résolutions qui ne figurent pas sur sa procuration, notamment lorsque les pouvoirs sont limitativement énumérés. Peu importe que le vote ait été utile, puisque la jurisprudence décide que le mandat serait « exclusif de la gestion d'affaires »160(*). C'est dire qu'un dépassement de pouvoir ne saurait être relayé par la gestion d'affaires. Cette décision est critiquable dans la mesure où le mandataire est généralement chargé de gérer au mieux les intérêts du mandat. Il convient donc de valider un dépassement des pouvoirs fait dans l'intérêt du mandant. Par contre, lorsque des instructions de vote sont fermes, le dépassement n'est pas permis et engage la responsabilité du mandataire. D'ailleurs, «fait un usage abusif d'un pouvoir à lui donné à l'effet de voter sur les seules questions portées à l'ordre du jour, le mandataire qui utilise ce pouvoir pour voter sur la révocation d'un administrateur non visé par cet ordre du jour »161(*).

Le mandataire doit aussi exécuter sa mission avec diligence et loyauté, ce qui suppose qu'il agisse dans l'intérêt de son mandant. Le risque de déloyauté sera fréquent chaque fois que le mandat est donné à un autre actionnaire, car celui-ci peut estimer que ses intérêts sont menacés par le sens du vote donné par le mandat et détourner les pouvoirs à son profit.

Enfin, le mandataire, surtout lorsqu'il est professionnel, est tenu d'une obligation de conseil. En effet, il dispose de compétences qu'il devrait mettre au service de son client, en le conseillant et en l'informant sur l'utilité de l'acte. La jurisprudence a d'ailleurs conféré à cette obligation, un caractère d'ordre public, c'est-à-dire que le mandataire ne saurait se décharger par une clause de non-responsabilité. Cette obligation n'a pas besoin d'être stipulée dans le contrat : c'est ce qu'on a appelé le forçage du contrat par le juge. Toutefois, elle est tempérée lorsqu'il est montré que le mandant est éclairé, car plus celui-ci est compétent, moins il a besoin de conseil.

En définitive, la faute du mandataire est présumée lorsqu'il n'exécute pas sa mission et sa faute est appréciée en tenant compte de son aptitude et de celle du mandant, de l'existence ou non d'un salaire. Les clauses limitatives de responsabilité peuvent exonérer le mandataire profane, mais sont sans effets à l'égard d'un professionnel162(*).

A l'égard des tiers, le mandataire est responsable de délits et quasi-délits qu'il commet dans l'exécution de sa mission, dans les mêmes conditions que le représentant non conventionnel.

2 : La représentation non conventionnelle

La représentation légale des incapables et la représentation judiciaire sont visées ici. Le représentant légal du mineur ou du majeur incapable engage sa responsabilité lorsqu'il n'a pas pourvu au mieux des intérêts de l'incapable, surtout quand, par son vote ou par son absence aux assemblées, il a entraîné la perte ou la diminution des droits de l'incapable.

En revanche, le représentant judiciaire dispose le plus souvent de pouvoirs spéciaux pour l'accomplissement de certaines tâches dans l'intérêt des actionnaires représentés et de la société. Ainsi, en cas d'abus de minorité, lorsqu'un mandataire est désigné à l'effet de voter au nom des minoritaires, il doit le faire en considération de l'intérêt social. Pour le reste, sa responsabilité est engagée dans les mêmes conditions que le mandataire qui aurait reçu des instructions sur le sens du vote à exprimer à l'assemblée. Pareillement, le syndic engage sa responsabilité dans la représentation de l'actionnaire en liquidation judiciaire.

Le silence du législateur sur la protection civile de l'actionnaire peut être pallié par le recours au droit commun de représentation. Il convient cependant de souligner que la représentation de l'actionnaire n'est pas pour autant une représentation ordinaire, puisqu'elle est diluée par le fait majoritaire.

B : UNE RESPONSABILITE TEMPEREE PAR LE FAIT MAJORITAIRE

L'assemblée des actionnaires est l'organe délibérant de la société, et ses décisions sont prises à la majorité. D'après l'art. 550 AUSCGIE l'assemblée générale ordinaire statue à la majorité des voix exprimées, tandis que l'assemblée générale extraordinaire ainsi que les assemblées spéciales statuent à la majorité des deux tiers163(*). L'engagement de la responsabilité du représentant est donc rendu difficile par la loi de la majorité (1) et les difficultés de preuve d'un éventuel dépassement des pouvoirs du mandataire (2).

1 : La loi de la majorité

Manifestation de la démocratie qui gouverne les assemblées, la loi de la majorité impose un certain accord sur les décisions à adopter. Ainsi, un actionnaire ou son représentant, à moins d'être majoritaire ne saurait décider de l'adoption ou non d'une résolution. En revanche, toutes les résolutions adoptées s'imposent à tous les actionnaires, même dissidents, incapables ou absents. Dans ces conditions, un actionnaire reprocherait difficilement à son représentant l'adoption d'une résolution en assemblée générale. En effet, si un actionnaire donne des consignes précises à son mandataire à l'effet de voter favorablement une augmentation de capital, et que la majorité décide de s'y opposer, il ne saurait reprocher ce fait au mandataire. De même, le représentant légal du mineur qui participe à une assemblée où les droits du mineur sont menacés et qui ne peut pas influencer la décision par son vote ne saurait être reproché.

Il faut reconnaître que le mandataire n'a pas une obligation de résultat quant au vote ou non de la résolution, il doit s'en tenir aux stipulations contractuelles en votant dans le sens convenu avec son mandant. Mais il va se poser un problème d'intérêt à agir. En effet, si le mandataire n'a pas voté dans le sens indiqué, et que son vote dans l'autre sens n'aurait pas permis de faire adopter ou rejeter la résolution comme le voulait le mandant, ce dernier n'aurait pas d'intérêt à agir, puisqu'en votant même dans le sens indiqué, le mandataire ne pouvait influencer la décision sociale. D'ailleurs, il se posera le problème de preuves.

2 : Les difficultés de preuve

Les modalités de vote n'ont pas été réglementées par l'AUSCGIE ni d'ailleurs par aucun texte. Il faut se référer à la pratique pour recenser les modes de scrutin. Quatre divers procédés sont le plus souvent employés :

- le vote à main levée plus fréquent et qui consiste pour ceux qui sont pour ou contre la résolution de lever la main. A la fin, on fait la somme des mains pour ou contre la résolution et la résolution est considérée comme votée lorsque le nombre de mains pour est plus grand. Autrement, la résolution n'est pas adoptée si le nombre de mains contre est plus important.

- le vote par appel nominal qui consiste à lire le non de chaque participant afin qu'il exprime s'il entend voter pour ou contre l'adoption de la résolution.

- le vote par bulletin de vote qui porte le nom de celui qui l'émet.

- le vote au scrutin secret qui est anonyme.

En général, le sens du vote des participants n'est pas mentionné dans le procès verbal qui sanctionne l'assemblée. Seule la majorité avec laquelle la résolution a été votée ou rejetée apparaît sur le procès verbal de l'assemblée.

Dans ces conditions, un actionnaire prouverait difficilement que son mandataire n'a pas voté dans le sens indiqué. C'est peut être la raison qui justifie la quasi absence du contentieux naissant de la représentation des actionnaires dans les sociétés commerciales.

L'étude de l'étendue des pouvoirs du représentant est révélatrice de la place que l'AUSCGIE a entendu laisser à la représentation de l'actionnaire. En effet, bien que le pouvoir de vote soit explicitement consacré, il faut nécessairement recourir au droit commun pour apprécier le pouvoir d'initiative du représentant en fonction des termes de la procuration et en face notamment des incidents de séance. D'autre part, bien que l'AUSCGIE n'ait pas expressément consacré les associations d'actionnaires, il ne saurait être indifférent à ses effets. C'est ainsi que le juge admet que les associations d'actionnaires de droit commun puissent agir en justice en défense des intérêts communs. Mais l'action est paralysée quand il s'agit de défendre l'intérêt collectif de groupes d'actionnaires.

Par ailleurs, l'imprécision de l'AUSCGIE fait planer un doute sur l'aptitude du représentant à exercer les autres pouvoirs de l'actionnaire. On se demande s'il est possible pour les associations d'actionnaire de droit commun d'exercer les pouvoirs reconnus aux actionnaires réunissant un certain pourcentage du capital social. D'autre part, lorsque dans la consécration d'un pouvoir, il n'est pas fait mention de la représentation de l'actionnaire, peut-on donc estimer que l'Acte Uniforme a entendu limiter les pouvoirs qui admettent la représentation ? Dans l'affirmative, l'Acte Uniforme aura entendu restreindre les pouvoirs du représentant, ce qui n'est pas sans effet sur l'exercice des droits politiques de l'actionnaire.

D'ailleurs, à côté d'une protection pénale inachevée, un silence est observé quant à la responsabilité civile. En effet, l'Acte Uniforme n'a consacré qu'un seul article à la répression des infractions relatives aux assemblées générales. Bien que la doctrine pense qu'il s'agit d'une incrimination large qui pourrait englober toutes les infractions de l'assemblée générale, il est permis de douter. Les atteintes au droit de vote, qui est la prérogative politique absolue, ne sont pas sanctionnées, ni même l'abus des voix. Toutefois l'omission de l'abus des voix peut être discutée, au vu notamment de ce qu'il entend réprimer. Enfin, il faut se référer au droit commun pour dégager la responsabilité de chacun. Cependant, la responsabilité du représentant de l'actionnaire est tempérée par le fait majoritaire qui domine les assemblées d'actionnaires. Ainsi, il est difficile de mettre en oeuvre cette responsabilité à cause des difficultés de preuve.

Peut-on dire que l'Acte Uniforme protège efficacement les droits politiques de l'actionnaire représenté ?

* 158 Le mandant peut toutefois autoriser la substitution. Voir MALAURIE (P.), AYNES (L.) : Contrats spéciaux, par YVES PIERRE, 12eme édition, Paris CUJAS, 1998-1999,n°531, P.313.

* 159 La nature de cette action est discutée. Pour certains, il s'agit d'une action directe.

* 160 Cass. civ. 1ere, 03 juin 1987, Bull. civ. III, n°1115.

* 161 Cass. Com. 19 décembre 1983, D 1982, IR. 136, observations BOUSQUET.

* 162 MALAURIE (P.), AYNES (L.) : Op. Cit. , n°567, P. 326.

* 163 Article554 et 557 AUSCGIE respectivement.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon