Notion et régulation de l'abus de puissance économique( Télécharger le fichier original )par Azeddine LAMNINI Université Sidi Mohammed Ben Abdellah Fès - DESA 2008 |
§1 - DANS LES RAPPORTS ENTRE PARTENAIRES ECONOMIQUES86. Une domination/rente. Dans ses rapports avec ses partenaires économiques, l'entreprise disposant d'un pouvoir économique tente fréquemment à utiliser sa supériorité de fait pour maximiser ses bénéfices, notamment par le développement de plusieurs techniques susceptibles d'inciter ses partenaires à passer des contrats (A) comme il peut exploiter sa domination pour imposer des clauses contractuelles excessivement déséquilibrées en sa faveur. A - Des atteintes à la liberté de décision du partenaire économique 87. Généralités. La libre concurrence suppose que chaque entreprise ait le droit de présenter ses produits et d'en vanter les mérites, en d'autres termes, d'en faire la publicité200(*). En outre, toute entreprise procède au développement des techniques commerciales plus efficientes pour mieux liquider ses produits. Cependant, l'entreprise disposant d'un pouvoir économique tente naturellement à user de ce dernier pour maximiser ses rentes. Cela passe inéluctablement par la conquête des marchés et ainsi, le développement de technique de commercialisation et de marketing capables de gagner la conviction des consommateurs. A cet effet, l'entreprise use de sa puissance économique à deux égards : d'abords, par le développement de nouvelles formes de publicité qui peuvent être agressives et ensuite, par le recours à de nouvelles techniques commerciales de distribution. 88. La fonction de la publicité. Dans une civilisation dite de consommation, l'offre précède généralement la demande, de sorte que c'est l'offreur qui a le plus intérêt à agir sur la transparence du marché pour aller à la rencontre du consommateur201(*). Le plus souvent, la publicité réalisée sur les marchés émane des offreurs. Ces derniers se trouvent en lutte permanente pour augmenter leurs parts du marché. Souvent ceux les plus puissants entre eux recourent à leur pouvoir économique pour développer de nouveaux moyens pour faire connaître (mieux connaître) son offre, dans le but de maximiser ses chances d'obtenir satisfaction, ou une satisfaction meilleure, par le marché202(*). 89. La publicité : de l'information à la persuasion. La publicité a pour fonction première l'information du public sur l'existence d'un produit, son prix, ses caractéristiques. Mais dans sa lutte permanente, l'entreprise économiquement puissante a pu développer de nouvelles formes de publicité. Ainsi, il est tout aussi réaliste d'imaginer que, dans certaines circonstances, elle puisse en résulter des excès203(*). Certes, la publicité est devenue une information particulière qui confine à la désinformation. Qu'elle soit dénotative ou connotative, elle est devenue une arme destinée à inciter le public à contracter L'incitation suppose un geste positif visant à faire conclure un achat. Inciter204(*), se situe entre l'information et le mensonge. Divers moyens sont, dès lors, utilisés par les publicitaires pour aboutir à la persuasion. En effet, ces moyens peuvent rendre la publicité offensive, impolie, drôle ou triste ; elle peut faire appel à l'humour, la peur, l'émotion, ou encore à l'ambiguïté205(*). 90. La publicité exagérée ou l'organisation de l'ignorance du partenaire économique. Ainsi, née de l'information, mais nourrie de l'exagération, parfois établie dans la manipulation et de la persuasion206(*), la publicité, dans son âge mûr, se ressentira vraisemblablement des excès de sa jeunesse207(*). Plus que rendre l'offre publique et faire connaître l'existence et la consistance de l'offre, les entreprises tentent le plus souvent de peser sur la décision des demandeurs pour entraîner leur consentement. Elle privilégie nécessairement les bons aspects du produit ou du service qu'elle tend à faire consommer au point d'altérer la qualité du consentement du destinataire du message publicitaire208(*). De sorte que l'information livrée au marché est orientée dans une direction qui doit conduire le demandeur à traiter avec celui des offreurs qui a été à l'origine de la publicité209(*). Ainsi, la réclame qui cherche à informer est devenue la publicité qui tente de séduire, elle a changé de nature. Son action sur la transparence du marché est devenue pernicieuse. Et les demandeurs sont devenus des victimes des effets d'une lumière polarisée pour euphoriser leur perception de l'offre210(*). 91. Ainsi, dans la conquête de la clientèle, l'entreprise peut abuser de sa puissance économique notamment informationnelle pour tenter d'organiser l'ignorance de son cocontractant dans le but de le pousser à émettre un consentement qu'il n'aurait pas émis sans ses manipulations. En effet, au lieu de mentir délibérément ce qui le rend directement responsable de l'ignorance de son cocontractant211(*), elle recourt à cette technique plus sournoise, en utilisant les procédés de l'information de masse notamment, par l'organisation de l'ignorance de son partenaire afin de l'induire en erreur, en cachant ou en travestissant les faits212(*). C'st ainsi que, le professeur Pédamon relève en effet que la publicité fait courir aux consommateurs des dangers importants : le danger d'abord d'encourager la consommation, voire la « surconsommation » de produits nocifs pour la santé ou la sécurité des personnes. Le danger ensuite d'abuser de la confiance et de la crédulité de ceux auxquels elle s'adresse en multipliant les promesses qui ne peuvent être tenues, en accumulant les superlatifs, en fournissant des indications inexactes sur la composition des produits ou des services proposés, en exploitant les sentiments de peur, d'ignorance ou d'ambition213(*). Cependant, à côté de la publicité agressive qui agit sur la décision du consommateur, base de son consentement, les entreprises peuvent recourir à d'autres pratiques commerciales ayant pour but la liberté contractuelle du partenaire économique dans sa dimension de contracter ou non. 92. Les pratiques commerciales agressives. A côté des pratiques agressives susceptibles d'influencer la décision du consommateur214(*) et ainsi, supprimer son libre arbitre au stade de la publicité, les professionnels recourent souvent à d'autres pratiques commerciales, notamment lors de la formation du contrat. En effet, le pouvoir économique des professionnels peut se manifester notamment à travers l'utilisation de certains procédés destinés à rendre les achats très attrayants ou, qui portent atteinte au droit du consommateur de recourir au marché pour satisfaire ses besoins. Ainsi, certains procédés sont destinés, soit à inciter le consommateur à passer contrat par l'octroi de réductions de prix ou d'avantages en nature, soit à lui refuser la vente d'un produit ou la prestation d'un service ou on lui imposant un objet du contrat autre que celui dont il a besoin. L'intérêt du consommateur n'est ici, il faut l'observer, pas le seul en cause, ces pratiques portent également atteinte aux autres concurrents et spécialement les petits commerçants, incapables d'utiliser de telles techniques, face aux procédés agressifs de la grande distribution. Ces pratiques commerciales agressives peuvent être regroupées en deux catégories215(*). Tantôt le professionnel fait espérer à ses clients des prix réduits ou des avantages en nature216(*), tantôt il porte atteinte au droit du consommateur de recourir au marché pour satisfaire ses besoins on lui refusant une vente ou on lui imposant l'achat d'un produit autre que celui réellement demandé. 93. Les pratiques de prix réduits et avantages en nature. L'un des principaux critères de décision pour un consommateur est le prix de bien ou de service, dont il doit d'ailleurs être informé. Certes, les prix sont en principe libres et ce conformément à l'article 2 de la loi 06-99217(*) ; seuls quelques produits font l'objet de prix réglementés, pour des raisons qui n'ont d'ailleurs bien souvent rien à voir avec la protection du consommateur. Dès lors, le professionnel peut être tenté d'utiliser abusivement le prix pour attirer les consommateurs. Cette pratique, acceptable tant que les prix annoncés sont exacts, peut néanmoins pousser les consommateurs à des achats inconsidérés. 94. Exemples de pratiques de prix réduit. C'est ainsi le cas de la pratique des prix d'appel. Dans ce cas, le professionnel attire les consommateurs par une publicité annonçant une réduction sur un produit, généralement d'une marque réputée et une fois ces clients sur place, il les incite à acheter d'autres produits ne faisant pas l'objet d'une réduction. Cette méthode est très dangereuse pour le consommateur. En outre, l'entreprise peut procéder à une vente à perte, c'est-à-dire la vente à un prix moins élevé que le prix d'achat effectif du produit218(*). A côté des prix d'appel, les professionnels recourent à d'autres pratiques pas moins dangereuses pour les consommateurs. Ce sont les cas des ventes en liquidation, en solde ou au déballage et des ventes directes. Les premiers, qui sont des ventes, normalement, pratiquées sur un temps très court, et présentées comme pratiquées à des prix attractifs, suscite un engouement considérable chez les consommateurs, qui ont l'espoir de réaliser des économies. En même temps, il est dangereux en ce qu'il peut éveiller chez ces derniers une "fièvre acheteuse" et la tentation chez le professionnel de tromper son client. S'agissant de la seconde pratique, les ventes directes. Ce sont des ventes pratiquées sans intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur. Ce dernier peut donc espérer un prix inférieur à celui qui serait pratiqué si des intermédiaires étaient intervenus. Mais là encore le risque existe que ces espoirs soient déçus. 95. Octroi d'avantages en nature. Le consommateur peut être attiré par la perspective de bénéficier non seulement de prix réduits mais encore de prestations supplémentaires, que le professionnel va lui présenter comme gratuites. Cependant, là encore l'avantage peut se révéler illusoire - la valeur de l'avantage étant incorporée dans le prix du tout - et le conduire à contracter sans réel besoin. C'est ainsi le cas de beaucoup de pratiques, couramment utilisées, notamment dans les grandes surfaces, à l'instar des jeux et loteries publicitaires. C'est un moyen pour le professionnel de promouvoir ses produits et ils sont attrayants pour le consommateur, surtout lorsque les lots décrits sont de grande valeur et peuvent dès lors le conduire à contracter sans réel besoin. 96. L'atteinte au droit du consommateur de recourir au marché pour satisfaire ses besoins : le refus de vente et la vente liée ou subordonnée. Parfois le professionnel en position de force refuse de donner suite à une demande qui vient rencontrer son offre ou la subordonne à une autre opération. Ces pratiques portent, ainsi, atteinte à la liberté du consommateur de recourir au marché pour obtenir la satisfaction d'une demande correspondant à une offre préalable. Il s'agit de ce que le droit du marché désigne par l'expression un peu abrégée de « refus de vente »219(*) et de la vente liée ou subordonnée. Ces comportements se manifestent aussi bien pour la vente que pour la prestation de services. Ils peuvent être opposés au consommateur comme au professionnel. Par ces comportements, l'entreprise entend fait échec à la logique du marché qui doit le conduire à réaliser une opération par lui offerte avec les mêmes conditions, dès qu'elle a été acceptée220(*). 97. Les particularités du contrat de crédit. Toutes ses pratiques trouvent plus d'ampleur dans le secteur du crédit, notamment le crédit à la consommation. En effet, si le consommateur est un individu qui achète en vue de satisfaire ses besoins et ses désirs, celui de crédit est un individu qui veut satisfaire ses besoins et ses désirs mais sans en avoir les moyens immédiats. Le consommateur de crédit va donc vouloir multiplier par deux les risques de pression puisqu'il sera deux fois consommateur : consommateur en général et consommateur de crédit. Ces forces ne sont pas systématiquement les mêmes221(*). Certes, la faiblesse et la vulnérabilité du consommateur du crédit ont poussé les établissements du crédit à recourir à des pratiques publicitaires offensive, impolie, drôle ou triste ; elle peut faire appel à l'humour, la peur, l'émotion, ou encore à l'ambiguïté222(*). Plus que ça, aujourd'hui, les déséquilibres contractuels les plus manifestes sont ceux issus des contrats du crédit à la consommation. 98. Pratiques commerciales agressives et transparence du marché. Les pratiques commerciales agressives peuvent dans beaucoup de cas être un symptôme ou un moyen révélateur d'autres pratiques plus dangereuses223(*). Ils peuvent constituer le symptôme d'une pratique anticoncurrentielle224(*) comme il peut apparaître comme le moyen de certaines pratiques restrictives225(*). Par ailleurs, le fait de lier la vente ou la prestation de deux produits ou services porte t-il atteinte à la transparence du marché lorsqu'un prix unique est annoncé, car alors il n'est pas possible de déterminer le prix de chacun des deux éléments prix séparément pour comparer l'offre considérer avec les offres concurrentes. Mais l'essentiel du comportement interdit réside évidemment dans impossibilité dans laquelle cette pratique place le consommateur de se procurer séparément chacun des produits ou services. A travers ces éclaircissements, nous avons pu mettre en lumière quelques pratiques abusives ayant un impact direct ou indirect sur le consentement du partenaire économique. En outre, l'entreprise économiquement puissante est en mesure de déterminer le contenu du contrat en sa faveur, et ce toujours dans le cadre de l'exploitation abusif de son pouvoir économique. B - Des avantages contractuels excessifs 99. L'exploitation abusive de l'état de dépendance d'un professionnel ou de l'état de faiblesse inhérente au consommateur. Comme on l'a déjà vu, dans une relation inégalitaire, le contractant économiquement puissant dispose d'un pouvoir économique à l'égard de ses partenaires. Il en est ainsi de l'exploitation abusive de la faiblesse inhérente à la qualité du consommateur ou de l'état de dépendance économique dans laquelle se trouve un professionnel226(*). En effet, même éclairé, le consentement n'est pas une condition suffisante à la conclusion d'un contrat équilibré entre professionnel et consommateur. Ce dernier peut mal défendre ses intérêts. Par ailleurs, Le label « professionnel » n'est pas un antidote à l'inégalité et à la justice contractuelle227(*). Et de ce fait, il est des professionnels - sous traitants, franchisés...- qui, pas plus que les consommateurs, n'apprécient exactement la portée des clauses qui leur sont imposées par leurs cocontractants. De plus, le professionnel placé dans une situation de dépendance sait que le contrat qu'il conclut lui est préjudiciable, mais il y consent faute pour lui d'alternative et dans la crainte d'un mal menaçant directement ses intérêts légitimes. Qu'il soit informé ou non, qu'un tiers soit chargé de l'assister, voir de le représenter, ne change rien à sa situation. 100. Déséquilibre contractuel : manifestation de l'abus du pouvoir économique. Ainsi, la supériorité de certains entreprises à l'égard de ses partenaires économique, notamment, le professionnel à l'égard du consommateur ou à l'égard d'un autre professionnel dépendant, peut conduire à la création de relations contractuelles déséquilibrées228(*). Dans l'exercice de son pouvoir économique, l'entreprise peut porter atteinte à l'économie d'un contrat et impose en sa faveur non seulement les stipulations par lesquelles elle définit les prestations des parties, mais aussi les clauses au moyen desquelles elles organisent leurs rapports en fixant leurs droits et leurs obligations accessoires. Elle peut ainsi, lorsque sa situation lui permet de peser sur la rédaction du contrat, en profiter pour y insérer des clauses abusives qui lui sont systématiquement favorables229(*), une clause manifestement déséquilibrée, une clause qui lui permet de s'enrichir aux dépens de son partenaire. Si elle use de cette faculté, c'est qu'elle décide en toute conscience d'abuser de sa puissance économique et ainsi de tirer profit de la faiblesse de son cocontractant230(*) pour le soumettre à la rigueur d'une clause dont il tire seul, un avantage excessif. 101. Le critère de la clause abusive. Pour emporter la qualification de clause abusive, le déséquilibre constaté ne doit pas être anodin, mais revêtir des caractéristiques précises. Il faut, d'une part, qu'il soit significatif. Il est raisonnable d'exiger, comme le fait l'article L. 132-1 du Code français de la consommation, que le déséquilibre créé entre les droits et obligations des contractants soit significatif, pour que la clause qui en est à l'origine puisse être qualifiée d'abusive. Une simple disproportion au détriment du consommateur ne suffit pas à caractériser un abus, car il s'agit moins d'assigner au juge la mission de rechercher l'équilibre dans le contrat - ce qui relève de l'utopie - que de lui donner les moyens juridiques de sanctionner les abus manifestes, intolérables. D'une manière générale, une clause abusive peut se définir comme « la clause contractuelle qui comporte un avantage excessif tiré par un seul contractant »231(*). Par conséquent, parler de « clause abusive », c'est faire un raccourci de langage. Ce n'est pas la clause qui est abusive. La clause est déséquilibrée. Ce qui est abusif, c'est l'exploitation de la position de force à son origine232(*). 102. Quelques pratiques abusives à l'égard du partenaire professionnel. A côté des pratiques déjà citées et qu'ayant pour objet la liberté du consentement du partenaire économique tels que le refus de vente, les ventes liées ou les pratiques discriminatoires, d'autres pratiques foisonnent de comportements abusifs, traduisent l'exploitation abusive par un contractant de la situation de dépendance de son cocontractant. Elles sont notamment manifestes dans le domaine de la distribution233(*). Sans dresser une liste exhaustive de ces pratiques on citera pour mémoire, la pratique de la « corbeille de la mariée »234(*), la technique de la cagnotte235(*), les demandes de participations financières sans contrepartie réelle, le mécanisme de la marge arrière236(*), les facturations des linéaires disproportionnées237(*), les concessions à accorder pour éviter le déréférencement238(*). Ceci est vrai aussi pour les clauses d'exclusivité239(*), pour les clauses pénales par lesquelles la partie forte fixe forfaitairement le montant des dommages et intérêts dus par le débiteur qui exécute son obligation240(*). À côté de la clause pénale, l'usure dans le contrat de prêt d'argent est hypothèse très fréquente qui illustre l'appréhension d'une clause déséquilibrée. Dans toutes ces hypothèses, le contractant, en situation de force, profite de la dépendance de son cocontractant pour obtenir des avantages excessifs, injustifiés. 103. Quelques pratiques abusives à l'égard du consommateur. Le déséquilibre de rapports de forces entre consommateurs et professionnel accentué, notamment, par l'accroissement du nombre des contrats d'adhésion241(*), joint à une présence accrue des abus engendrant des déséquilibres contractuels flagrants. Ainsi, la puissance économique du professionnel lui pousse naturellement à profiter de sa position pour inscrire dans les contrats des clauses qui introduisent à son profit un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations de parties242(*). Cependant, s'il est difficile d'apprécier le caractère déséquilibré d'une clause dans les contrats entre professionnels dans la mesure où les contrats entre professionnels apparaissent, le plus souvent, comme des contrats sur mesure dont les clauses ont été négociées243(*), les clauses abusives sont décelables dans les contrats de consommation en raison de leur standardisation. En effet, il est fréquent que le déséquilibre contractuel procède des stipulations du contrat, ou plus précisément de l'ordonnancement juridique des relations instituées entre les parties. De tels déséquilibres sont peu accessibles aux consommateurs. D'abord parce que souvent, il n'est pas à même de les percevoir par lui-même, et ensuite parce que la concurrence ne les met que rarement en évidence. En outre, il est fréquent que le consommateur ne soit pas en mesure d'y échapper même si les a décelés parce qu'il se trouve dans l'obligation de contacter244(*). 104. Exemples de clauses abusives. Il peut s'agir d'une clause qui a pour objet l'exclusion ou la limitation de la responsabilité légale du professionnel en cas de mort d'un consommateur ou de dommages corporels causés à celui-ci, résultant d'un acte ou d'une omission de ce professionnel ; d'exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel ou d'une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque des obligations contractuelles, de prévoir un engagement ferme du consommateur, alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté; d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé; d'autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire si la même faculté n'est pas reconnue au consommateur, ainsi que de permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non encore réalisées par lui, lorsque c'est le professionnel lui-même qui résilie le contrat ; d'autoriser le professionnel à mettre fin sans un préavis raisonnable à un contrat à durée indéterminée, sauf en cas de motif grave; de proroger automatiquement un contrat à durée déterminée en l'absence d'expression contraire du consommateur ; de constater de manière irréfragable l'adhésion du consommateur à des clauses dont il n'a pas eu, effectivement, l'occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat ; d'autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat ; d'autoriser les professionnels à modifier unilatéralement sans raison valable des caractéristiques du produit à livrer ou du service à fournir ; de prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou d'accorder au vendeur de biens ou au fournisseur de services le droit d'augmenter leurs prix sans que, dans les deux cas, le consommateur n'ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat ; d'accorder au professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou le service fourni est conforme aux stipulations du contrat ou de lui conférer le droit exclusif d'interpréter une quelconque clause du contrat ; de restreindre l'obligation du professionnel de respecter les engagements pris par ses mandataires ou de soumettre ses engagements au respect d'une formalité particulière ; d'obliger le consommateur à exécuter ses obligations lors même que le professionnel n'exécuterait pas les siennes; de prévoir la possibilité de cession du contrat de la part du professionnel, lorsqu'elle est susceptible d'engendrer une diminution des garanties pour le consommateur sans l'accord de celui-ci. Il peut s'agir aussi des clause ayant pour objet de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat. 105. Ainsi, l'abus de puissance économique demeure présent de manière sous-jacente, en ce qu'il est la cause efficiente du déséquilibre contractuel. Ce n'est que parce que le professionnel abuse de sa puissance économique présumée qu'il impose à son partenaire économique un contrat déséquilibré. Le déséquilibre, comme l'avantage excessif manifeste l'abus. Par ailleurs, le détenteur de pouvoir économique abuse de ce dernier, non seulement à l'égard des ses partenaires économique pour multiplier ses rentes, mais il l'utilise également comme une arme contre ses concurrents. Ainsi, il convient de présenter les manifestations de l'exercice abusif du pouvoir économique dans les rapports concurrentiels. * 200 L. Bruneau, Contribution à l'étude des fondements de la protection du contractant, op. cit., n° 409, p. 353. * 201 « De pont de vue économique, c'est la transparence du marché qui est en question. En effet, selon cette approche développée par le professeur Lucas, « la transparence d'un marché facilité, optimise l'offre et la demande. Vue par un juriste, cette rencontre est celle d'une seule offre et d'une seule demande et se réalise, an principe, dans l'intérêt de chacune des deux parties prenantes : offreur et demandeur. Chacune des parties peut être amenée à recourir aux moyens de faire connaître (mieux connaître) son offre ou sa demande, dans le but de maximiser ses chances d'obtenir satisfaction, ou une satisfaction meilleure, par le marché. Quand il estime que la transparence existant sur un marché donnée ne permet pas une diffusion suffisante de l'information, l'opérateur cherchera à agir sur cette transparence. En principe, offreur et demandeurs peuvent chacun de leur côté avoir intérêt à agir sur la transparence du marché. Les procédures d'appels d'offres sont l'exemple d'une action sur la transparence émanant du demandeur. Mais chacun sait bien qu'une telle démarche est beaucoup plus souvent le fait de l'offreur que celui du demandeur ». Lucas de Leyssac et G. Parleani , Droit du marché, op. cit. p. 294 et s * 202 Voir not. : A. Dekkak, La publicité commerciale et la protection du consommateur, Mémoire DESA, Fès, 2007. * 203 C. Carreau, « Publicité fausse ou de nature à induire en erreur - Publicité comparative », Rép. com. Dalloz, 2004, n° 1. * 204 H. Causse, « La lutte contre l'incitation à la surconsommation », L.P.A, 10 avril 2003, n° 72, p. 43.Pour l'auteur, inciter, « c'est accomplir un acte ou un fait destiné à provoquer un achat du consommateur sous-entendant que, sans ledit acte, il n'aurait point consommé ».. * 205 C. El mouden, « La publicité entre promotion et protection du marché », RMDE, n°1, octobre 2007, p. 59. * 206 « La persuasion se présente comme un argument dont le but est de faire vendre. A cet effet, la publicité essai d'influencer les individus inconsciemment afin de modifier leurs habitudes et comportements. Elle a pour but d'éveiller des désirs et mettre en action les mécanismes de comportement qui vont mener à satisfaire des désirs. Dès que ces désirs sont éveillés, le but publicitaire est atteint ». Ibid. * 207 Lucas de Leyssac et G. Parleani , Droit du marché, op. cit, p. 296 et s * 208 Avec Monsieur Lyon-Caen, il est donc possible d'affirmer que « la publicité n'est pas information, ne peut-être information. Elle a pour objet de faire vendre le produit qu'elle représente en le rendant attrayant. Elle ne peut donc en donner qu'une représentation partielle ou partiale ». A. Lyon-Caen, « Rapport de synthèse », in La publicité propagande, op. cit., n°6, p. 12. * 209 Lucas de Leyssac et G. Parleani , Droit du marché, op. cit ,p.295. * 210 Lucas de Leyssac et G. Parleani , Droit du marché, op. cit. p.296. * 211 Ici, l'ignorance est organisée sciemment et peut être commise peu importe la puissance économique de son auteur. C'est le cas lorsque celui-ci ment délibérément. Mentir consiste à avancer une information que l'on dit vraie alors que l'on sait qu'elle est fausse, et ce dans le but de pousser un individu à émettre un consentement qu'il n'aurait pas émis s'il avait connu la vérité. * 212 L. Bruneau, Contribution à l'étude des fondements de la protection du contractant, op. cit, n° 408, p. 353. * 213 M. Pédamon, « Rapport français » in La publicité propagande, op. cit., n°7, p. 107 * 214 L'influence injustifiée, c'est l'utilisation d'une position de force pour faire pression sur le consommateur, sans avoir recours à la force physique, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause soit limitée de manière significative. * 215 En droit communautaire, « une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte, compte tenu de toutes ses caractéristiques et circonstances particulières, elle altère ou est susceptible d'altérer de manière significative, en raison d'un harcèlement, d'une contrainte ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et par conséquent l'entraîne ou est susceptible de l'entraîner à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement » D. Touchent, « La protection des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales », L.P.A, 20aout 2006, n° 153, p. 11. * 216 J. Calais-Auloy et F. Steinmetz, Droit de la consommation, op. cit., n° 125, p. 123 * 217 L'article 2 de la loi 06-99 dispose « Les prix des biens, des produits et des services sont déterminés par le jeu de la libre concurrence... » * 218 La vente à perte est licite dans certaines circonstances particulières telles que la vente pour cause de liquidation liée à une cessation ou un changement d'activité, l'alignement sur un concurrent, vente de produit saisonniers ou périssables, obsolètes, ou lorsque le réapprovisionnement se fait à un prix moins élevé. * 219 Lucas de Leyssac et G. Parleani , Droit du marché, op. cit, p. 211. * 220 « La pratique des prix d'appel serait certainement beaucoup plus répandue s'il était possible de refuser de vendre le produit ayant servi à attirer le consommateur, tel un miroir aux alouettes de la consommation ». Ibid., p. 212. * 221 N. Chardin, Le contrat de consommation de crédit et l'autonomie de la volonté, op. cit., n° 38, p. 34. * 222 C. El Mouden, « La publicité entre promotion et protection du marché », op. cit., p. 59 * 223 Pour plus de détails sur ces pratiques v. Infra. n° 233 et s. * 224 Le lien entre les ententes, les abus de domination d'une part et le refus de vente de l'autre, est particulièrement étroit. Dans ce type d'hypothèse, le refus de vente s'analyse bien en un symptôme de la pratique anticoncurrentielle puisqu'il en est souvent la manifestation la plus évidente ; mais il ne participe en rein de la pratique elle-même qui est définie est constituée autrement. * 225 Le refus de vente peut s'articuler avec trois pratiques restrictives interdites per see. Il s'agit des pratiques discriminatoires, de prix imposé et de la rupture brutale des relations commerciales établies ; V. aussi : G. Virassamy, « Les nouveaux régimes des pratiques restrictives entre professionnels », Rec. D., 1988, p. 133 et s. * 226 « L'état de dépendance économique d'une entreprise, c'est l'absence de liberté du partenaire dépendant dans le choix des stipulations contractuelles, et par suite, l'obligation dans laquelle il se trouve « d'accepter » celles qui lui sont dictées par le partenaire dominant ». M. Behar-Touchais et G. Virassamy, Les contrats de la distribution, Traité des contrats, sous la direction de J. Ghestin, LGDJ 1999, n°129, p. 77. * 227 D. Mazeaud, « L'attraction du droit de la consommation », R.T.D.com., 1998, p. 104. * 228 Pour les professeurs Lucas de Leyssac et G. Parleani : « en principe le jeu du marché est de nature é rétablir ce déséquilibre. Ainsi, par exemple, l'opérateur proposant des prix excessifs pour une prestation donnée sera vite concurrencé par un opérateur se contentant d'une marge moindre. Mais cette vue théorique du marché ne correspond pas toujours à la réalité des marchés. D'abords, il se peut qu'existent des obstacles à l'apparition des concurrents sur un marché donné. Ensuite, en présence de plusieurs offres, il est fréquent que des déséquilibres contractuels portent sur des éléments qui ne sont pas mis en avant dans la concurrence. Ils sont ignorés du consommateur le plus avisé qui ne peut donc exercer son choix. Et puis enfin, il n'est pas rare que la concurrence ne conduise pas à une spirale vertueuse : il se peut que tous les concurrents proposent e même type de relations déséquilibrées ». Lucas de Leyssac et G. Parleani , Droit du marché, op. cit, p. 738 * 229 F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit, civil, Les obligations, op. cit., n° 319, p. 27. * 230 A. Karimi, Les clauses abusives et la théorie de l'abus de droit, Th. LGDJ, t.306, n°38, p. 15, cité par L. Bruneau, Contribution à l'étude des fondements de la protection du contractant, op. cit., n° 528, p. 446. * 231 A. Karimi, Les clauses abusives et la théorie de l'abus de droit, op. cit. n°38, p. 15. Cité par L. Bruneau, Contribution à l'étude des fondements de la protection du contractant, op. cit., n° 490, p. 415 ; Pour le professeur Chazal, la clause abusive peut être définie comme toute clause qui, bien qu'acceptée par les parties contractantes, révèle un déséquilibre significatif entre les droits et obligations réciproques, causé par un abus de puissance économique. J.-Pascal Chazal, «Clauses abusives», Rép. Com. Dalloz, septembre 2002, n° 7.. * 232 L. Bruneau, Contribution à l'étude des fondements de la protection du contractant, op. cit., n° 528, p. 447. * 233 Voir : B. Fages, « L'abus dans les contrats de distribution », in L'abus de droit dans les contrats, JCP 1999, éd. E., Suppl. à la Sem. Jur. N°3, du 21 janvier 1999, p. 11 ; D. Randoux, « Fournisseurs et distributeurs : Dépendance ou partenariat », L.P.A, 06 mars 1996, n° 29, P. 47. * 234 La corbeille de la mariée est une pratique par laquelle une grande enseigne de la distribution prend prétexte d'une augmentation de sa puissance d'achat pour exiger de ses fournisseurs, sans contrepartie réelle, des avantages tarifaires supplémentaires. Voir : P. Arhel, « La pratique de la corbeille de la mariée rattrapée par le juge pénal », LPA 2002, n°79, p. 4. * 235 Cette technique consiste pour la centrale à demander au fournisseur de facturer son produit à un prix supérieur au prix d'achat effectif. Voir CA Amiens, 25 mai 1999, LPA 2000, n°28, p. 16, obs. P. Arhel. * 236 Ce mécanisme qui correspond officiellement aux rémunérations des services de coopération commerciale versées par les fournisseurs aux distributeurs revient à admettre « qu'un fournisseur doive verser à son client - qui achète ses produits et se rémunère normalement sur la marge dégagée par leur revente au client final - des montants, souvent colossaux, de services destinés à accompagner cette revente ». Voir : Ch. Pecnard et E. Voisset, « La coopération commerciale est-elle licite ? », LPA 2001, n°242, p. 13, qui s'interrogent sur la licéité d'un tel mécanisme. * 237 E. Pancrazi, « Moralisation des pratiques commerciales », Lamy Dr. et Pat., 2001, n°99, p. 65. * 238 Sur la question du référencement et du déréférencement, voir : S. Retterer, « Le contrat de référencement : du droit des obligations au droit de la concurrence », JCP éd. E., 1999, n°2, p. 1 ; G. PARLEANI, « Référencement et développement », L.P.A, 06 mars 1996 n° 29, P. 11. * 239 « La clause d'exclusivité est celle par laquelle un contractant s'engage vis-à-vis de son cocontractant, à n'entretenir de relation contractuelle qu'avec lui. Celle-ci est fréquente dans les contrats de distribution telle que la franchise ou la concession. Elles peuvent avoir des conséquences sur la liberté de la concurrence. Ces clauses placent le débiteur de la clause d'exclusivité dans une situation de dépendance économique. La jurisprudence française, qui a admis que le contractant puisse déterminer unilatéralement le prix des produits concernés par cette exclusivité, soumet un tel pouvoir au respect d'un devoir de coopération. En décidant d'un prix qui ne permet pas à son partenaire contractuel de « pratiquer des prix concurrentiels », la partie qui le fixe commet un abus qui est sanctionné par la résiliation du contrat ou par indemnisation ». Pour plus de détail v. not. J. Ghestin, « L'indétermination du prix entre passé et avenir », L.P.A, 06 mars 1996 n° 29, P. 19. * 240 Dans cette hypothèse, un individu s'enrichissait aux dépens de son cocontractant puisque l'appauvrissement lié au dommage était, soit surcompensé, soit sous-compensé. De nombreux auteurs avaient pourtant stigmatisé l'utilisation de la clause pénale « comme procédé de contraintes des plus forts contre les plus faibles », le Professeur Malaurie parlant même de « terrorisme contractuel » à propos de ces clauses. * 241 « Inventé par Saleilles en 1901, le concept du contrat d'adhésion a été l'objet d'une effervescence doctrinale jusqu'à ce que l'attention se focalise davantage sur le contrat de consommation. Il importe de rappeler que, à l'origine, cette création doctrinale était destinée à montrer que ce genre de relations, dans lesquelles « il y a prédominance exclusive d'une seule volonté qui dicte sa loi à une collectivité indéterminée », n'est pas de nature contractuelle mais unilatérale ». J.-Pascal Chazal, «Clauses abusives», Rép. Com. Dalloz, septembre 2002, n° 25. * 242 F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit, civil, Les obligations, op. cit., n° 74, p. 84. * 243 Comme le souligne le professeur Jacques Mestre, « ils sont formés d'un enchevêtrement de droits et d'obligation tel qu'il est dangereux d'isoler une clause de son contexte général, de procéder au dépeçage du contrat. Souvent une clause à priori abusive trouvera son explication et sa justification dans une clause en sens opposé [...] Dès lors, ce n'est pas la présence d'une telle clause qui risque de priver le contrat de sa cohérence interne, mais bien la sanction d'une telle clause qui risque d'avoir ce résultat regrettable ». J. Mestre, Rapport de synthèse, in les clauses abusives entre professionnels, p. 161 et 162. Cité par P. Cramier, « Essai sur la protection du contractant faible (en marge du droit de la concurrence) », LPA, 12 juin 2000 n° 116, P. 4 * 244 Lucas de Leyssac et G. Parleani , Droit du marché, op. cit., p. 91 et s. |
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